Texte intégral
(...)
Q - Crise économique grave des Etats en Europe, Grèce, Portugal, Espagne. Ces mauvaises finances publiques entraînent des spéculations négatives. Est-t-on en train d'amorcer une crise dans la crise ?
R - Le président de la République, à Davos la semaine dernière, a prononcé un discours très important. Nous disons depuis longtemps que la crise financière n'est pas derrière nous, il faut faire attention, elle ne sera derrière nous que dès lors que les instruments de régulation seront mis en place, non seulement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis et en Asie.
Q - Et là, les marchés se rebellent contre les Etats.
R - Les marchés continuent à spéculer. Après avoir spéculé contre les banques, et ensuite s'être tournés vers les Etats pour recapitaliser les banques, on se retourne maintenant sur les spéculations contre les Etats. Il y a donc plusieurs problèmes, il y a l'attitude des marchés, il y a la régulation nécessaire de tous les acteurs de marché - hedge funds, agences de notation - et puis il y a le comportement des Etats eux-mêmes, déficits excessifs ou pas. Je note que M. Trichet, hier, a dit : "Dans la zone euro, la moyenne du déficit en 2010, c'est 6 %". Regardez ce qui se passe aux Etats-Unis ou au Japon, c'est plus de 10 %.
Q - Ce n'est pas un peu un "docteur Coué" ce Monsieur Trichet, parce que 6 % c'est le double de ce que l'on devait faire.
R - Non, c'est un message... Oui, mais alors pourquoi est-ce le double ? Parce qu'il a bien fallu prendre de l'argent pour re-prêter aux banques, sinon tout le monde tombait en faillite, si vous voulez. Donc, là, les Etats sont endettés aujourd'hui, mais regardez, pourquoi est-ce que nous sommes à 8 au lieu de 3 ? Parce que cet argent, c'était l'argent pour recapitaliser les banques qui allaient s'écrouler, et pour relancer l'économie pour éviter une hémorragie de l'emploi. On est donc dans un système qui est extrêmement pervers, c'est le système des marchés et des agences de notation. Après avoir fait chuter Lehman Brothers, forcé les Etats à recapitaliser, les mêmes institutions financières se tournent aujourd'hui vers les Etats en disant : "vous êtes très endettés".
Q - Faut-il interdire aux agences de notation de noter les Etats ?
R - Il faut certainement les réguler, c'est ce que dit d'ailleurs le président de la République dans son discours de Davos. Cela fait partie de l'effort de régulation internationale, c'est comme le secret bancaire, c'est comme Bale II, et le renforcement des fonds propres des institutions financières, il y a un certain nombre de mesures indispensables à prendre, si on veut éviter une nouvelle catastrophe financière.
Q - Elles seront prises, jeudi, au Conseil européen du 11 février ?
R - Les chefs d'Etats, Mme Merkel et M. Sarkozy en ont parlé hier et sont complètement en phase. Mais les Européens ne sont pas seuls à décider, il faut amener les Américains et les Asiatiques à faire la même chose. S'agissant ensuite des dérapages de dettes dans la zone euro, et ils sont réels, il y a, vous l'avez vu, l'idée d'un gouvernement économique qui pour la première fois est poussé ensemble par la France et l'Allemagne. Dès la semaine prochaine il y aura une réunion très importante, la première du Conseil, avec les 27. L'idée c'est effectivement de vérifier que tout le monde utilise les mêmes statistiques et utilise les mêmes efforts dans les politiques d'assainissement des finances publiques.
Q - Avec une Banque centrale qui doit obéir au gouvernement économique ?
R - Non, pas obéir, mais elle fixe le cap. La Banque centrale fait son travail, et elle le fait bien. Ce qu'il faut, c'est que les gouvernements soient bien en phase et qu'à l'intérieur de la même zone économique, les 27, chacun utilise bien les mêmes statistiques. Vous avez vu que la Grèce a pris tout un paquet de mesures qu'elle est venue soumettre à Bruxelles et qui, je crois, a rencontré un accueil très favorable des autres Européens.
Q - Conseil des ministres franco-allemand hier, avec 80 mesures de coopération annoncées. On a l'impression de beaucoup de voeux pieux, quand même, d'une grand-messe...
R - Non, attendez, il y a zéro voeu pieux, il n'y a que du concret et que du travail extrêmement sérieux. Chacune de ces mesures a été travaillée des deux côtés. Je peux vous en parler puisque cela fait 5 mois que l'on y travaille, mon collègue et moi, l'équipe du président et l'équipe de la chancelière, cela a été mouliné en interministériel, toutes les mesures qui sont là sont des mesures très concrètes. On va avoir par exemple un système de mobilité électrique pilote, qui sera pour toute l'Europe, qui va préfigurer le transport de véhicules électriques à travers toute l'Europe, entre Strasbourg et Stuttgart, cela c'est du concret. On va construire le premier satellite, et on est très en avance sur tous les autres, Américains, Japonais et autres, sur la mesure du méthane, qui est l'un des principaux gaz à effet de serre. On met en commun nos instituts de recherche...
Q - Mais on n'est pas capable de refinancer l'A400M, il manque 11 milliards, alors on nous dit "cela va être solutionné", mais comment ? Qui va payer ?
R - Mais non, ne dites pas cela. La solution va venir dans les jours qui viennent, nous sommes en phase finale...
Q - Qui paie ?
R - Une partie le constructeur, une partie les Etats. Il y a un coût sur cet appareil, qui est fort regrettable, et d'ailleurs nous devons en tirer les leçons sur la façon de mieux organiser notre coopération sur les grands projets industriels. Pourquoi cela coûte plus cher ? Parce que vous répartissez les sites de production, vous répartissez l'emploi, ainsi tout monde est gagnant. A la fin, c'est vrai que cela coûte plus cher.
Q - On relance l'axe franco-allemand, parce que l'on est très déçu de M. Van Rompuy, de Mme Ashton, cette Europe-là n'existe pas, ne pèse pas ?
R - Non, non, non, on n'est pas déçu ! Regardez ce qui se passe, j'ai été nommé fin juin. Depuis le mois de juin, il y a eu les élections européennes, cela fait neuf mois que le système européen se met en place. On a eu les élections européennes, l'élection de José Manuel Barroso, le référendum irlandais, rappelez-vous, la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne, la nomination de M. Van Rompuy et de Mme Ashton, la Commission elle-même n'est investie que la semaine prochaine. Il s'est passé neuf mois, pendant ces neufs mois, le monde entier ne s'est pas arrêté.
Q - Et on est en retard.
R - On a vu l'attitude très dure des Américains et des Chinois à Copenhague. Oui, il y a un problème de leadership en Europe, il y a un besoin de leadership, et la volonté d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, c'est de l'assumer ensemble.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 février 2010
Q - Crise économique grave des Etats en Europe, Grèce, Portugal, Espagne. Ces mauvaises finances publiques entraînent des spéculations négatives. Est-t-on en train d'amorcer une crise dans la crise ?
R - Le président de la République, à Davos la semaine dernière, a prononcé un discours très important. Nous disons depuis longtemps que la crise financière n'est pas derrière nous, il faut faire attention, elle ne sera derrière nous que dès lors que les instruments de régulation seront mis en place, non seulement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis et en Asie.
Q - Et là, les marchés se rebellent contre les Etats.
R - Les marchés continuent à spéculer. Après avoir spéculé contre les banques, et ensuite s'être tournés vers les Etats pour recapitaliser les banques, on se retourne maintenant sur les spéculations contre les Etats. Il y a donc plusieurs problèmes, il y a l'attitude des marchés, il y a la régulation nécessaire de tous les acteurs de marché - hedge funds, agences de notation - et puis il y a le comportement des Etats eux-mêmes, déficits excessifs ou pas. Je note que M. Trichet, hier, a dit : "Dans la zone euro, la moyenne du déficit en 2010, c'est 6 %". Regardez ce qui se passe aux Etats-Unis ou au Japon, c'est plus de 10 %.
Q - Ce n'est pas un peu un "docteur Coué" ce Monsieur Trichet, parce que 6 % c'est le double de ce que l'on devait faire.
R - Non, c'est un message... Oui, mais alors pourquoi est-ce le double ? Parce qu'il a bien fallu prendre de l'argent pour re-prêter aux banques, sinon tout le monde tombait en faillite, si vous voulez. Donc, là, les Etats sont endettés aujourd'hui, mais regardez, pourquoi est-ce que nous sommes à 8 au lieu de 3 ? Parce que cet argent, c'était l'argent pour recapitaliser les banques qui allaient s'écrouler, et pour relancer l'économie pour éviter une hémorragie de l'emploi. On est donc dans un système qui est extrêmement pervers, c'est le système des marchés et des agences de notation. Après avoir fait chuter Lehman Brothers, forcé les Etats à recapitaliser, les mêmes institutions financières se tournent aujourd'hui vers les Etats en disant : "vous êtes très endettés".
Q - Faut-il interdire aux agences de notation de noter les Etats ?
R - Il faut certainement les réguler, c'est ce que dit d'ailleurs le président de la République dans son discours de Davos. Cela fait partie de l'effort de régulation internationale, c'est comme le secret bancaire, c'est comme Bale II, et le renforcement des fonds propres des institutions financières, il y a un certain nombre de mesures indispensables à prendre, si on veut éviter une nouvelle catastrophe financière.
Q - Elles seront prises, jeudi, au Conseil européen du 11 février ?
R - Les chefs d'Etats, Mme Merkel et M. Sarkozy en ont parlé hier et sont complètement en phase. Mais les Européens ne sont pas seuls à décider, il faut amener les Américains et les Asiatiques à faire la même chose. S'agissant ensuite des dérapages de dettes dans la zone euro, et ils sont réels, il y a, vous l'avez vu, l'idée d'un gouvernement économique qui pour la première fois est poussé ensemble par la France et l'Allemagne. Dès la semaine prochaine il y aura une réunion très importante, la première du Conseil, avec les 27. L'idée c'est effectivement de vérifier que tout le monde utilise les mêmes statistiques et utilise les mêmes efforts dans les politiques d'assainissement des finances publiques.
Q - Avec une Banque centrale qui doit obéir au gouvernement économique ?
R - Non, pas obéir, mais elle fixe le cap. La Banque centrale fait son travail, et elle le fait bien. Ce qu'il faut, c'est que les gouvernements soient bien en phase et qu'à l'intérieur de la même zone économique, les 27, chacun utilise bien les mêmes statistiques. Vous avez vu que la Grèce a pris tout un paquet de mesures qu'elle est venue soumettre à Bruxelles et qui, je crois, a rencontré un accueil très favorable des autres Européens.
Q - Conseil des ministres franco-allemand hier, avec 80 mesures de coopération annoncées. On a l'impression de beaucoup de voeux pieux, quand même, d'une grand-messe...
R - Non, attendez, il y a zéro voeu pieux, il n'y a que du concret et que du travail extrêmement sérieux. Chacune de ces mesures a été travaillée des deux côtés. Je peux vous en parler puisque cela fait 5 mois que l'on y travaille, mon collègue et moi, l'équipe du président et l'équipe de la chancelière, cela a été mouliné en interministériel, toutes les mesures qui sont là sont des mesures très concrètes. On va avoir par exemple un système de mobilité électrique pilote, qui sera pour toute l'Europe, qui va préfigurer le transport de véhicules électriques à travers toute l'Europe, entre Strasbourg et Stuttgart, cela c'est du concret. On va construire le premier satellite, et on est très en avance sur tous les autres, Américains, Japonais et autres, sur la mesure du méthane, qui est l'un des principaux gaz à effet de serre. On met en commun nos instituts de recherche...
Q - Mais on n'est pas capable de refinancer l'A400M, il manque 11 milliards, alors on nous dit "cela va être solutionné", mais comment ? Qui va payer ?
R - Mais non, ne dites pas cela. La solution va venir dans les jours qui viennent, nous sommes en phase finale...
Q - Qui paie ?
R - Une partie le constructeur, une partie les Etats. Il y a un coût sur cet appareil, qui est fort regrettable, et d'ailleurs nous devons en tirer les leçons sur la façon de mieux organiser notre coopération sur les grands projets industriels. Pourquoi cela coûte plus cher ? Parce que vous répartissez les sites de production, vous répartissez l'emploi, ainsi tout monde est gagnant. A la fin, c'est vrai que cela coûte plus cher.
Q - On relance l'axe franco-allemand, parce que l'on est très déçu de M. Van Rompuy, de Mme Ashton, cette Europe-là n'existe pas, ne pèse pas ?
R - Non, non, non, on n'est pas déçu ! Regardez ce qui se passe, j'ai été nommé fin juin. Depuis le mois de juin, il y a eu les élections européennes, cela fait neuf mois que le système européen se met en place. On a eu les élections européennes, l'élection de José Manuel Barroso, le référendum irlandais, rappelez-vous, la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne, la nomination de M. Van Rompuy et de Mme Ashton, la Commission elle-même n'est investie que la semaine prochaine. Il s'est passé neuf mois, pendant ces neufs mois, le monde entier ne s'est pas arrêté.
Q - Et on est en retard.
R - On a vu l'attitude très dure des Américains et des Chinois à Copenhague. Oui, il y a un problème de leadership en Europe, il y a un besoin de leadership, et la volonté d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, c'est de l'assumer ensemble.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 février 2010