Conférence de presse de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, notamment sur l'action de l'Union européenne après le tremblement de terre à Haïti et sur les relations euro-ukrainiennes, à Bruxelles le 22 février 2010.

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Circonstance : Conseil affaires générales et conseil affaires étrangères, à Bruxelles (Belgique) le 22 février 2010

Texte intégral

Sur la question des nominations, lors du déjeuner, j'ai dit les choses très clairement. Ce n'est pas sans importance, la nomination du délégué de l'Union à Washington que Mme Ashton, ainsi que d'ailleurs le service juridique du Conseil, explique, si j'ai bien compris, comme étant une nomination sous l'empire des règles existantes.
J'ai dit très clairement que nous souhaitons, à partir de maintenant, l'application de tout le Traité et rien que le Traité, c'est-à-dire l'article 221. Autrement dit, il faut que la Haute représentante nomme les ambassadeurs mais que naturellement les Etats soient consultés.
J'ai rappelé que le service européen pour l'action extérieure est composé de trois piliers, à égalité : Etats, Conseil, Commission. C'est d'ailleurs comme cela que nous allons faire à l'avenir. Il vaut mieux dire ce genre de choses clairement. Cela n'implique aucun jugement négatif, j'insiste là-dessus, sur la personne de M. Almeida qui est au contraire reconnu par tous. Il a beaucoup d'amis à Paris et ce n'est donc pas le sujet. Ce n'est pas la personne qui est en cause, c'est la procédure et comme nous sommes à un stade d'installation des institutions, dans ce genre d'affaire, il vaut mieux être clair.
J'ai été clair de la même façon sur le rôle du CAG en écrivant à M. Moratinos et M. Van Rompuy. D'ailleurs les effets vont se sentir dès ce soir puisque nous dînons avec M. Van Rompuy. C'est devenu une véritable instance politique. Cet après-midi d'ailleurs, au moins deux sujets très importants pour nous vont être abordés.
Le premier concerne la stratégie économique de sortie de crise dans le prolongement de la réunion du 11 février des chefs d'Etat et de gouvernement ; je ferai une communication à ce sujet.
La deuxième communication importante que je ferai, sur la base d'un document qui a été achevé par l'ensemble des participants à Paris, sera sur le MIC - mécanisme d'inclusion carbone. On va développer ce point cet après-midi.
Vous voyez que le CAG est une instance politique. C'est ce que nous avons souhaité dès la réunion informelle de Ségovie au tout début de l'année. Dans cette phase d'installation des institutions, nous sommes extrêmement vigilants, côté français, pour que chacun joue son rôle et rien que son rôle et que l'on ne perde pas de temps dans des batailles bureaucratiques. L'Europe a déjà mis neuf mois, entre les élections européennes et l'investiture de la Commission, pour mettre ce système en place, neuf mois pendant lesquels le monde n'a pas vraiment attendu les Européens. Il est plus que temps maintenant d'agir et de ne pas se complaire dans des arguties bureaucratiques qui n'intéressent que quelques dizaines de personnes à Bruxelles et dont la terre entière n'a que faire. Il faut être clair sur le rôle du CAG et sur la nomination des délégués de l'Union européenne. Pour nous, la question est close.
Sur l'ordre du jour, il y a énormément de choses. Je vais essayer d'aller vite.
Sur Haïti, il y a eu beaucoup de choses de faites. Les deux commissaires compétents étaient là, Mme Ashton aussi. J'ai pu observer, aussi bien avec Mme Georgieva qu'avec M. Piebalgs, que la coordination fonctionne. De ce point de vue, nous sommes assez satisfaits, du côté français, que le travail se fasse bien. On l'a revu après sur l'Ukraine où Stefan Füle était en face de Catherine Ashton. Ils ont produit ensemble un document qui était une feuille de route qui a animé la discussion du déjeuner. Ce sont donc de bonnes nouvelles, il y a un vrai début d'action commune, c'est bien.
Sur Haïti, il a été beaucoup question de la préparation de la conférence de New York. Nous avons vraiment beaucoup insisté du côté français sur les secteurs principaux où on devrait voir coordonner l'aide occidentale. Je les énumère, il y en a 6 : la gouvernance, la sécurité, l'aménagement du territoire, l'urbanisme, la santé, l'éducation. Il s'agit en fait de reconstituer l'Etat haïtien. J'ai évoqué la visite du président de la République la semaine dernière ainsi que les 326 millions d'euros qui avaient été apportés à titre bilatéral à Haïti.
J'ai évoqué aussi les leçons que nous devrions tirer de cette affaire, non seulement en terme de coordination mais aussi en terme de visibilité. En terme de coordination j'ai souhaité que l'on fasse plus fort, il y a trop d'instances. Vous connaissez tous ces sigles : MIC, CMPD, Etat-major de l'Union européenne et CPPC... Tout cela doit mieux fonctionner. C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup insisté pour que, sept ans après, on remette sur le métier l'idée d'une force humanitaire d'urgence que l'Europe pourrait déjà organiser en pré-positionnant des produits, en ayant identifié les contributeurs. Cette idée a d'ailleurs été très bien reçue ce matin autour de la table par un certain nombre de délégations. Cathy Ashton a dit qu'elle était contente de pouvoir s'appuyer sur le rapport de Michel Barnier qui pour elle reste d'actualité. J'espère donc que nous avancerons.
En tout cas, pour le Conseil du mois de mars, ce qui est prévu c'est que le tandem Commission/Haut représentant travaille à la préparation de la conférence de New York et aux priorités sur la reconstruction, que l'on travaille sur la visibilité - Mme Ashton doit se rendre sur place -, et qu'on travaille sur cette force d'intervention humanitaire européenne qui, comme vous le savez, nous paraît particulièrement importante.
Voilà où nous en sommes. Je crois que tout le monde a acté à la fois la générosité des Européens et une coordination qui n'est pas négligeable puisque nous avons quand même sorti plusieurs centaines de millions d'euros. Nous sommes les premiers contributeurs mais, un peu comme pour le tsunami, plusieurs délégations ont dit en même temps que l'on n'avait pas vu beaucoup d'Europe. Comme d'habitude, on paye beaucoup mais on ne nous voit pas assez. Sur ce sujet, j'ai l'impression que la France ne parle pas dans le vide comme je l'ai fait en insistant sur la force humanitaire.
Il a été beaucoup question de l'Iran, en format beaucoup plus confidentiel, je ne vais donc pas rentrer dans les détails. Ce que je peux vous dire, c'est que, du côté français, nous sommes absolument déterminés à avancer rapidement sur la voie de sanctions fortes et que nous travaillons en ce moment au Conseil de sécurité avec nos amis américains. Pourquoi ? Parce que toutes les tentatives de dialogue ont été rejetées depuis cinq années et notamment ces dernières semaines. Cela dit, la voie du dialogue n'est aucunement fermée mais nous pensons, pour qu'elle soit crédible, qu'il faut aussi pouvoir dans l'autre main être capable d'affirmer des sanctions. Cela vaut également d'ailleurs pour les partenaires des Européens et des Américains au Conseil de sécurité. Il ne faut pas aller dans cette affaire à reculons mais de façon assez claire quant aux objectifs recherchés.
Sur la Libye et les visas, la seule chose que je voudrais que vous sachiez c'est que je n'arrive pas à traiter sur le même pied un pays démocratique et un pays qui ne l'est point. Voilà, c'est tout, ma position, qu'on n'aille pas m'expliquer qu'il s'agit d'une affaire qui concerne deux Etats tiers, je ne suis pas d'accord avec cette position, voilà je vous le dis.
Concernant la Biélorussie, rien de particulier. Nous sommes très attentifs naturellement à l'opposition biélorusse et à la situation en matière des droits de l'Homme. D'un autre côté, il faut garder des passerelles ouvertes avec ce pays, c'est dans l'intérêt de tout le monde, dans l'intérêt de l'Europe.
Sur le Niger qui a également été évoqué, Bernard Kouchner s'est exprimé sur le sujet. Là encore, il y a consensus, essentiellement tout ce qui a été fait côté français a été calé en plein accord avec la Haute représentante. L'Union européenne se cale donc, dans ses réactions, avec la CEDEAO et l'Union africaine. Il n'y a pas de problème particulier, nous souhaitons une solution de sortie de crise pacifique. J'ai attiré l'attention de mes collègues sur l'aspect sécuritaire très important de cette région du Sahel en demandant à ce que l'Europe s'y intéresse de façon un peu systématique, ce que Mme Ashton m'a promis de faire. Cela tombe bien puisque j'étais au Maroc juste avant le week-end et nous avons un sommet le 7 mars, c'est aussi quelque chose qui est important.
Sur l'affaire du Hamas à Dubaï, vous avez vu la réaction du président de la République et le communiqué qui a été adopté ici ce matin. Pour ma part, j'ai insisté sur le fait que cette affaire était pour le moins inamicale à l'égard de l'Europe et inadmissible, sans compter qu'elle n'aide pas vraiment la négociation de paix.
Je vous ai parlé des nominations. Pour l'Afghanistan, l'ancien ministre lituanien a été sélectionné par Mme Ashton.
Enfin, dernier point important : lors du déjeuner, nous avons eu une très longue discussion sur l'Ukraine, discussion qui était d'ailleurs passionnante. L'originalité de cette discussion, c'est qu'elle a été structurée autour d'un pré-papier. C'est exactement ce que nous souhaitions, c'est-à-dire que la discussion soit cadrée, appuyée sur un papier un peu structuré et bien fait qui était présenté par Stefan Füle et Catherine Ashton présentant une espèce de graduation de ce que nous souhaitons faire avec les Ukrainiens.
La bonne nouvelle, c'est que les élections se sont tenues plus que correctement. Il n'y a pas eu de contestation, en tout cas sur la tenue des élections elles-mêmes. La deuxième bonne nouvelle c'est que M. Ianoukovitch va venir normalement à Bruxelles la semaine prochaine, le 1er mars, avant d'aller à Moscou et que donc, pour lui et pour l'Ukraine, l'Europe reste un enjeu majeur. Mme Ashton se rendra à Kiev jeudi, moi aussi d'ailleurs pour représenter la France à l'investiture de M. Ianoukovitch.
Le point délicat c'est qu'il s'agit de construire des liens aussi étroits que possible entre ce pays et l'Union européenne. S'agissant de la France, cela veut dire qu'il faut être capable de les traiter en matière de visas aussi bien que les Russes et pas moins bien. Cela veut dire qu'il faut avoir le maximum de relations commerciales possible, le système le plus transparent en matière d'énergie et puis il faut les aider dans la mesure où eux-mêmes font un certain nombre de réformes en matière de crédits, de FMI, en échange, à chaque fois, de choses précises qu'il nous appartiendra de mettre en place avec le gouvernement ukrainien. Beaucoup de pays autour de la table ont une grande expérience de ce pays, notamment la Finlande, la Pologne et d'autres encore. Pour ma part, j'ai des relations très anciennes avec l'Ukraine, depuis le début de la "révolution orange". M. Ianoukovitch a déjà été au pouvoir. Voilà, nous attendons donc de travailler avec l'Ukraine et c'est aussi la position de la France.
Je vous ai à peu près tout dit. Cet après-midi, au CAG, je fais donc deux topos que je crois importants pour rappeler la position de la France sur les aspects économiques et sur le climat. Le président de la République a dit qu'il ne lâcherait pas sur ce sujet et il ne lâche pas. On va donc présenter de façon précise, ouvrir la discussion sur le mécanisme d'inclusion carbone avec les rendez-vous que vous savez cette année, c'est-à-dire Bonn et puis Mexico en fin d'année. Voilà j'ai à peu près tout dit.
Q - A propos de la coordination entre les différents commissaires ?
R - Pour l'instant, en tout cas avec Mme Ashton, des exemples que j'ai vus ce matin, elle fonctionne.
Q - Il paraît que M. Piebalgs n'a pas parlé...
R - Si, M. Piebalgs a parlé ce matin. Qui vous a raconté cela ? M. Piebalgs est intervenu plusieurs fois. Mme Georgieva, qui est une dame formidable d'ailleurs, avec qui j'ai beaucoup parlé, est intervenue plusieurs fois. Il y a eu un échange constructif. Si cela continue ainsi, c'est bien, c'est ce que nous souhaitons. Nous souhaitons que Mme Ashton joue le rôle de fabrication de consensus au niveau des Etats et puis que de l'autre côté, elle joue le rôle de coordination au niveau des commissaires. Selon moi, les deux exemples que j'ai vus ce matin, Haïti puis l'Ukraine, sont plutôt positifs. Si ce n'était pas le cas, je vous le dirais.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2010