Interview de M. François Hollande, Premier secrétaire du PS, à France 2 le 28 février 2001, sur les mesures d'aide aux éleveurs en difficulté et sur la campagne pour les élections municipales.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral


F. David J. Glavany doit annoncer aujourd'hui des mesures d'aides aux éleveurs en difficulté puisque Bruxelles n'a pas mis la main au porte-monnaie. On parle d'une fourchette qui irait de 500 millions à 1 milliard de francs, voire 1,2 milliards. Cela vous semble-t-il suffisant pour aider les éleveurs en difficulté ?
- "L'Europe affronte sans doute la plus grave crise agricole de son histoire. Il aurait donc été normal et légitime que ce soit au niveau européen que des aides puissent être dégagées et apportées à des éleveurs qui ont souffert et souffrent encore de cette grave épidémie et de ses conséquences. Cela n'a pas été possible malgré la négociation, malgré la pression de J. Glavany. Il faut donc des aides et des soutiens nationaux. On en a eu l'autorisation, mais cela revient sur le budget de l'Etat alors que c'est vraiment le budget européen qui a la charge de l'agriculture. Il faudra dégager des moyens, mais à quelle hauteur ? Il faut surtout pouvoir compenser les pertes des éleveurs bovins qui n'ont pas pu vendre leurs bêtes jeunes comme ils le faisaient jusqu'à présent. Ils ont été obligés de les détruire. Avant de fixer un chiffre, essayons de savoir comment on peut compenser. C'est peut-être 1 milliard, je n'en connais pas le montant aujourd'hui. Ce qui compte, c'est de verser rapidement des aides aux éleveurs, uniquement les plus touchés, tous ceux qui ont une perte de revenus, que cela se fasse par un mécanisme ciblé, simple et juste."
Cela va coûter de l'argent ! Quand on parle de cette fourchette de 500 millions à 1 milliard, voire 1,2 milliard, le président de la FNSEA parle de 3 milliards. Il y a quand même une grosse différence, c'est du simple au double !
- "On dirait 3 milliards au président de la FNSEA, il dirait : "c'est 6 milliards." Il est peut-être dans son rôle, mais je ne sais pas si c'est vraiment le rôle d'une organisation agricole de demander toujours plus. Ce qui compte, c'est de savoir si on compense ou pas les pertes des éleveurs. Dans ma propre région, il y aujourd'hui des éleveurs qui ne peuvent pas vendre leurs animaux. Il faut donc absolument leur donner un soutien qui ne sera pas simplement ponctuel, mais tant que la crise va durer. Plutôt que de raisonner en termes d'enveloppe, il faut savoir qui doit toucher une aide, comment elle doit être versée - rapidement, à mon avis -, qui a souffert d'une perte de revenus et faire un mécanisme juste. Parce qu'on a trop connu ces vingt dernières années des aides versées à tous, très largement, notamment à ceux qui se portent très bien et qui n'ont pas nécessairement souffert de la crise. Il y a des productions qui, par compensation, ont eu des ventes importantes. Ceux-là n'ont pas besoin d'être aidés, c'est ceux qui ont souffert qui en ont besoin, c'est cela la justice."
Mais il faudra quand même mettre la main au portefeuille.
- "Oui, bien sûr, de façon solidaire via l'Etat."
Comment ? Ce sera un impôt vache folle ? On va piocher dans la cagnotte ? Comment le budget de l'Etat va-t-il pouvoir financer cela ?
- "Le pire service qu'on pourrait rendre aux agriculteurs qui ont été touchés serait de dire "on va payer un impôt." Donc pas d'impôt vache folle. Il faudra trouver des économies ailleurs. Le budget de l'Etat, c'est 1 500 milliards, on peut trouver, par des redéploiements, les montants nécessaires pour les agriculteurs en difficulté. C'est comme cela qu'il faut raisonner. Mais en même temps, il faut savoir que l'argent est celui de tous les contribuables. Donc, cela doit se faire de manière ciblée, juste et solidaire."
Nous sommes à une semaine et demi du premier tour, quel est votre sentiment à propos de cette campagne ? Elle s'est déroulée dans une ambiance correcte ? La gauche et la droite ont fait du bon travail ?
- "C'est d'abord une campagne municipale, ce qui veut dire que les enjeux sont communaux ou départementaux, parce que n'oublions pas qu'il y aussi des élections cantonales. Il faut donc leur garder ce caractère local, mais c'est une élection politique. Ce qui est frappant, c'est que nous, la gauche plurielle, assumons le travail du Gouvernement depuis trois ans et demi et c'est vrai que les Français jugent ce travail pas forcément négativement - c'est le moins qu'on puisse dire -, quelquefois positivement, quelquefois avec des critiques. Ils jugent globalement ce travail, et nous, nous l'assumons. Et ce qui est frappant dans cette campagne, c'est que la droite ne s'assume pas comme telle. Avez-vous vu des leaders de droite mener campagne ?"
Ils sont sur le terrain...
- "Je ne les vois pas..."
On voit M. Madelin, M. Séguin...
- "On voit M. Séguin à Paris, et encore pas dans tous les arrondissements. Mais je n'ai pas le sentiment que beaucoup de candidats de villes importantes de notre pays demandent à ce que M. Séguin vienne les soutenir dans la campagne. Comme il commente plutôt sa propre défaite à Paris, il n'a pas forcément l'envie d'aller commenter celle de ses amis en province. De la même manière, M. Balladur est pris dans le 15ème arrondissement ; M. Bayrou attend sans doute la sanction qui va frapper une partie de la droite. Bref, on a le sentiment que la droite fuit cette campagne ou attend une sanction pour rebondir. Nous, à gauche, nous assumons ce que nous avons fait, nous faisons campagne, nous disons aux Français qu'il est vrai que ce sont des intérêts locaux qui vont être en cause et en même temps, on a l'honneur de défendre nos propres idées."
Quels sont les objectifs en termes de gains pour le PS ?
- Je ne veux plus raisonner comme cela, même en tant que premier secrétaire du PS, et venir dire le 11 et le 18 mars dire : "voilà ce qu'on a gagné, voilà ce qu'on a perdu" - je préférerais qu'on ait plus de gains que de pertes... - parce que les villes n'appartiennent pas à un parti politique. C'est fini. Ce qu'on a connu à Paris pendant 20 ans, les gens n'en veulent plus. Les Français vont sans doute se déterminer en fonction de leur choix politique mais aussi en fonction des équipes et des projets qui leur seront proposés. Ce n'est pas un parti qui va gagner le 11 et le 18 mars, et tant mieux."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 février 2001)