Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur l'architecture et la place de l'architecture au sein de la Direction générale des patrimoines, Paris le 11 février 2010.

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Circonstance : Remise du prix Architecture 2009 du Moniteur à Paris le 11 février 2010

Texte intégral


Je suis ravi d'être ce soir parmi vous pour remettre trois distinctions parmi les plus prestigieuses de l'architecture : l'Equerre d'argent, le Prix spécial du MONITEUR et celui de la Première Oeuvre.
J'ai eu déjà plusieurs occasions de le dire, ou de l'écrire, l'architecture est pour moi indissociable de la culture. Elle est le ciment visible d'un humanisme traduit en volumes et en lumière. Elle est au coeur de l'élan vital de mon ministère, elle en est l'une des manifestations sensibles les plus structurées, pour ne pas dire les plus structurantes. C'est donc avec fierté et un sentiment intense de ma responsabilité que j'assume, à la tête du ministère de la Culture et de la Communication, la tutelle de l'architecture et des architectes.
C'est pourquoi, si vous me le permettez, je souhaiterais profiter de ma présence ici à l'occasion de cette belle cérémonie, pour vous redire mon attachement à l'architecture et aux architectes et pour revenir un instant sur les critiques et les inquiétudes que j'ai entendues çà et là, au sujet notamment de la place occupée par l'architecture au sein de la nouvelle Direction générale des Patrimoines qui vient d'être mise en place. Croyez bien que je suis sensible aux appréhensions qui ont pu se manifester et que j'apprécie la vigilance des professionnels que vous êtes. C'est pourquoi il me tient à coeur de vous rassurer tout à fait sur mes intentions.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire aux enseignants - et à l'ensemble des personnels - de l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Nantes et de Clermont-Ferrand, que j'ai rencontrés il y a un peu moins de deux semaines : depuis mon arrivée rue de Valois, j'ai accordé une attention scrupuleuse au positionnement de l'architecture dans la réforme de notre administration. Je considère que l'architecture et les architectes ont un rôle central à jouer dans la construction de notre « vivre ensemble » et dans la genèse des métropoles du XXIe siècle. J'en suis intimement convaincu, un projet urbain à grand échelle sera un grand projet culturel ou ne sera pas. C'est la raison pour laquelle je veux notamment faire de l'Atelier international du Grand Paris, que le Président de la République installera prochainement au Palais de Tokyo, le lieu de l'échange et de la confrontation des idées, un lieu ouvert à toutes les énergies et à tous les talents.
La priorité accordée par le Président de la République à l'architecture dans son action publique et l'importance centrale attribuée par le Gouvernement à l'enseignement supérieur viennent conforter la place de cette discipline au coeur des politiques publiques. L'enseignement de l'architecture représente d'ailleurs la part essentielle, en nombre d'étudiants et d'enseignants notamment, dans l'enseignement supérieur rattaché au ministère de la Culture et de la Communication.
Je réfute l'idée que l'architecture disparaîtrait au sein de la Direction générale des Patrimoines et qu'elle aurait perdu toute visibilité, et partant toute légitimité, au ministère. Et pour commencer, j'ai souhaité que le directeur, adjoint au directeur général des patrimoines, soit chargé de l'architecture, ce qui manifeste la place éminente et pérenne réservée à cette discipline. En un mot, ce n'est pas parce que nous avons changé l'architecture des directions, qu'il n'y a plus de direction de l'architecture !
L'architecture étant par définition une activité de synthèse, le débat sur sa place institutionnelle se pose partout en Europe. Dans 13 pays de l'Union européenne, l'architecture est rattachée au ministère chargé de la Culture, mais dans les 14 autres, elle est rattachée aux ministères chargés de l'Aménagement du territoire, de l'Equipement, de l'Intérieur, et même parfois au ministère chargé des Finances !
On pourrait gloser à l'infini sur les mérites respectifs de tel rattachement ou de tel autre. Pour ma part, comme je vous l'ai dit, je n'ai aucune doute sur l'appartenance de l'architecture à la culture.
Prenons l'exemple de l'enseignement. Depuis que l'architecture est revenue à la Culture, en 1996, un investissement considérable a été consacré aux vingt écoles et à leurs 20 000 étudiants. Nous avons engagé un programme de rénovation, d'extension et de création d'écoles tellement ambitieux qu'il nous a permis, en à peine 10 ans, de moderniser 60 % de notre parc.
Bordeaux, Nantes, Montpellier, Lyon, Saint-Etienne - dont je reparlerai tout à l'heure -, Grenoble, Rennes, Lille, mais aussi, plus proches de nous, Versailles, Marne-la-Vallée, Paris-Val de Seine, Paris-Belleville ont déjà bénéficié de travaux importants. Les investissements s'élèvent à pas moins 231 millions d'euros engagés entre 2001 et 2009.
La poursuite de ces opérations est un enjeu fondamental pour le renouvellement de la profession d'architecte et pour sa diversification. Ils correspondent à une exigence d'aménagement du territoire dans le domaine de l'enseignement supérieur. Je poursuivrai cet effort jusqu'au bout.
Je ne m'attarderai pas sur les dispositifs d'accompagnement et de veille que nous mettons en place, afin d'être chaque jour à vos côtés dans la défense des intérêts de la profession. Je pense, en particulier, à la Directive Service qui requiert toute notre attention et toute notre énergie.
Je ne m'attarderai pas davantage sur l'ensemble des actions de promotion de l'architecture que nous conduisons : les Albums des jeunes architectes et des paysagistes dont j'aurai le plaisir de révéler le palmarès le 10 mars prochain ; le Grand Prix national de l'architecture dont je proclamerai le lauréat à la fin de cette année ; les Rendez-vous du Grand Paris qui ont rythmé l'année 2009 par une série de conférences extrêmement stimulantes à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine, au Centre Georges Pompidou et en région ; enfin, les Biennales internationales d'architecture de Sao Paulo, et de Venise pour laquelle le Président de la République a désigné Dominique PERRAULT comme commissaire du Pavillon français, sans oublier l'exposition universelle de Shanghai, dont le pavillon français sera construit par Jacques FERRIER.
Je voudrais maintenant revenir à ce qui nous réunit ici ce soir, et rendre hommage à nos lauréats. Je suis, pour commencer, particulièrement heureux que les oeuvres primées par le jury cette année constituent en majorité des équipements à vocation culturelle : le choix du Conservatoire de musique, de danse et d'art dramatique de Clichy-la-Garenne, de la Cité du Design de Saint-Etienne et - d'une autre manière évidemment - du Boulodrome de Meaux, renvoient bien à ce lien profond et indissociable qui existe entre l'architecture et la culture.
Cher Bernard DESMOULINS, chacun peut constater in situ la qualité exceptionnelle de votre travail. Vous avez su vous jouer des contraintes techniques que recelait, su j'ose dire, ce « casse-tête clichois », avec un brio qui force l'admiration des connaisseurs. Vous avez su créer un lieu à la fois ouvert sur son environnement, inséré dans le tissus urbain, et parfaitement autonome, clos sur lui-même tout en permettant une excellente circulation dans les espaces intérieurs.
Cette réussite d'un nouveau Conservatoire est d'autant plus importante à mes yeux que l'initiation aux arts, les enseignements artistiques et culturels, font partie de mes priorités à la tête du ministère de la Culture : votre travail contribue à ce nouveau souffle que j'entends leur donner. Nous avons déjà engagé une réflexion collective et encouragé un projet de loi sur le rôle des collectivités territoriales dans ce domaine. En attendant qu'elle soit adoptée, il est essentiel que des lieux innovants et parfaitement adaptés soient dédiés à la pratique artistique et viennent favoriser sa transmission dans les domaines de la musique, du théâtre et de la danse.
Je me réjouis tout particulièrement que ce nouveau médiateur de proximité voie précisément le jour dans une commune de banlieue, ici à Clichy-la-Garenne, dans l'un de ces territoires trop longtemps séparés de Paris, relégués à la périphérie, parfois considérés comme plus éloignés de la capitale que les régions mêmes. Leur intégration à ce Grand Paris que nous sommes en train de construire contribue à une nouvelle architecture de notre vivre-ensemble, plus citoyenne, plus ouverte à la diversité et au partage.
C'est là, je crois, le sens de cette Équerre d'argent, qui ne vient pas seulement récompenser la perfection architecturale et la prouesse technique, mais aussi un accomplissement citoyen, une recherche d'harmonie sociale.
Cher Bernard DESMOULINS, j'ai le grand plaisir de vous remettre cette « Équerre d'argent 2009 », qui vous a été décernée par le jury du Moniteur et vous consacre comme un grand nom de l'architecture.
Chère Giulia ANDI, cher Finn GEIPEL [prononcer Gaillepèl'], j'ai déjà eu l'occasion de vous exprimer - lors de l'inauguration de la Cité du Design, le 1er octobre dernier à Saint-Etienne - toute ma satisfaction et même mon admiration face à votre réussite véritablement exemplaire.
Exemplaire d'un équilibre entre le respect du patrimoine manufacturier par le travail de rénovation, et l'innovation architecturale qui va jusqu'à ce que j'appellerais un « design architectural », voire un « design urbain » : je pense à cette « Platine » et à cette « Tour observatoire », à la fois très impressionnantes et toujours à échelle humaine.
Votre travail est exemplaire aussi de l'exigence environnementale qui s'impose aujourd'hui à chacun d'entre nous, et pour laquelle les architectes, encouragés par les pouvoirs publics et par les concours justement, possèdent à l'évidence une responsabilité cruciale : une responsabilité que vous avez su assumer pleinement.
La véritable réussite d'un projet architectural se mesure non seulement à son adéquation aux fonctions qui lui sont assignées, mais aussi à la façon dont il peut les informer, leur donner sens, les pousser plus loin encore.
Par la distribution et la circulation des espaces, votre réalisation est, à mon sens, exemplaire d'une volonté d'allier les disciplines, de les faire dialoguer. Elle met la Cité du Design de Saint-Etienne sur la voie de devenir un pôle d'excellence et de rayonnement reconnu tant en France qu'en Europe, et renforce l'attractivité indissociablement culturelle et économique de ce territoire.
Toutes ces qualités de votre travail, maints autres mérites qu'ont su y déceler les yeux experts des membres du jury, vous ont valu, chère Giulia ANDI, cher Finn GEIPEL, ce « Prix spécial du Jury 2009 » que j'ai le très grand plaisir de vous remettre aujourd'hui.
Je me tourne à présent vers les benjamins de ce palmarès 2009, ces jeunes talents qui constituent, plus que d'autres encore, l'avenir de notre architecture.
Chère Pascale DALIX, cher Frédéric CHARTIER,
Je voudrais tout d'abord vous féliciter pour l'engagement social que vous manifestez dans chacune de vos réalisations, remarquables non seulement par leur qualités propres, mais aussi par leur nombre impressionnant : en ce seul début d'année 2010, démarrent la construction de « Foyers d'accueil médicalisé » près d'Amiens, d'un « Foyer de jeunes travailleurs » à la Porte des Lilas, pour lequel vous venez de remporter le concours de la Régie immobilière de la Ville de Paris. Que de récompenses ! Il semble que cette année ne commence pas trop mal...
Ce Boulodrome de Meaux, qui a su retenir l'attention d'un jury pourtant difficile à satisfaire, s'inscrit dans cette même logique d'une « culture sociale » qui me tient particulièrement à coeur. Car il s'agit d'un lieu de convivialité, de rencontre, de dialogue et d'échange : un lieu de vie et de vivre-ensemble, au sein d'un quartier en pleine restructuration, le quartier Pierre COLLINET. Votre intervention est bien plus qu'architecturale, elle est véritablement sociale, et même politique au sens noble.
Je n'ai malheureusement pas encore eu l'occasion de voir de visu votre réalisation, mais je profiterai pour ce faire de l'une de mes prochaines rencontres avec le député-maire de Meaux, Jean-François COPÉ. En attendant, je dois dire que les photographies qui m'en ont été montrées m'ont permis d'admirer sa légèreté presque aérienne, son mouvement et je dirais presque son rythme - ce qui est important pour un boulodrome - mais aussi ses éclairages nocturnes qui, d'après ces images, en modifient l'allure d'une façon subtile et remarquable. Tout cela porte, sans l'ombre d'un doute, la marque d'un style.
Je vous souhaite, à tous deux, la carrière exceptionnelle que laissent présager cette oeuvre et ce prix : je suis convaincu que, comme le dit le poète MALHERBE, « les fruits passeront le promesses des fleurs » - et pourtant quelles fleurs ! Vous entrez, aux côtés des trois autres lauréats, dans le cercle très fermé des grands architectes primés par le Moniteur.
Chère Pascale DALIX, cher Frédéric CHARTIER, j'ai le grand plaisir de vous remettre, comme Ministre en charge de l'Architecture et des architectes, le Prix de la Première OEuvre 2009.
Il me reste à remercier chaleureusement chacun des membres du Jury du Moniteur, et en particulier leur Président, M. Bertrand FABRE, pour leur engagement au service de l'architecture, donc de la Culture dans notre pays.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 12 février 2010