Déclaration de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, sur la création d'un service civique volontaire et la citoyenneté, Paris le 25 février 2010.

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Il y a quatre mois, nous évoquions ici, avec l'adoption en première lecture de la proposition de loi d'Yvon Collin sur le service civique, un « petit miracle républicain ». En République comme ailleurs, les « petits miracles » ne sont de vrais miracles que s'ils sont officiellement reconnus, homologués, validés. On appelle cela authentifier un miracle. Dans la République, cela s'appelle une deuxième lecture, ou une adoption définitive. Nous avions des doutes il y a quatre mois. Il fallait que l'Assemblée Nationale accepte d'inscrire une proposition d'origine sénatoriale, alors que nombreux étaient ceux qui auraient aimé être à l'origine de la création du service civique. Il fallait que l'Assemblée travaille dans le même esprit que le Sénat, respectueuse de son travail, de ses choix et de ses principes, tout en apportant sa propre touche. Il fallait que la recherche du plus large consensus obtenue au Sénat, le soit également à l'Assemblée, y compris dans une période politique où l'on est parfois tenté par ce qui divise plutôt que par ce qui rassemble. Il fallait que le Sénat accepte à son tour les modifications apportées par l'Assemblée Nationale. Il fallait que le Gouvernement réponde aux légitimes questions des parlementaires. Il fallait enfin que le Gouvernement parvienne, à inscrire en deuxième lecture cette proposition de loi dans l'ordre du jour prioritaire et ce alors même que les places sont très chères. Rien de tout cela n'était gagné d'avance. Tout cela a été obtenu.
Nous y voilà. L'ouverture d'esprit, la volonté, l'opiniâtreté, l'engagement, le sens le plus élevé de l'intérêt général dans les deux assemblées et sur l'ensemble des bancs ont rendu possible ce à quoi nous nous étions engagés. Aujourd'hui, loin de moi l'idée de qualifier la Haute Assemblée de « cour des miracles », mais force est de constater que nous voyons se réaliser, se concrétiser ce petit miracle républicain. Un petit miracle appelé à grandir.
Mais pour qu'un miracle ne se transforme pas en mirage, il faut qu'il s'accompagne d'engagement et de moyens. En quatre mois, nous avons fait des progrès considérables, nous avons engrangé des assurances, nous avons de quoi bâtir solidement ce service civique, qui doit être plus durable que l'airain, plus solide que les tentatives précédentes.
Lors de l'examen en première lecture, vous vous étiez collectivement interrogés sur les moyens qui seraient mis pour soutenir le service civique. Les mauvais résultats du service volontaire liés en grande partie au manque de financements qui avaient été prévus, laissaient nombre d'entre vous sceptiques quant à la volonté de soutenir le service civique pour pouvoir en faire une vraie étape dans le parcours citoyen de nos jeunes. Le projet de loi de finances pour 2010, en consacrant 40 millions d'euros pour le service civique dès cette année a été une première assurance. Mais, il fallait un engagement dans la durée, un engagement de montée en charge. C'est chose faite puisque le 16 février dernier, le conseil des ministres, sous la présidence de Nicolas Sarkozy a adopté une communication que je lui ai présentée et qui affirme l'engagement de l'Etat, dans sa forme la plus solennelle, d'atteindre 10% d'une classe d'âge soit 75 000 volontaires en 2014, à partir des 10 000 possibilités offertes en 2010. C'est bien en cinq ans que nous atteindrons cet objectif.
Cet objectif est assorti de moyens. Cet engagement du conseil des ministres correspond à un engagement du gouvernement, à l'issue d'une procédure d'arbitrage, de faire augmenter régulièrement les crédits consacrés au service civique, pour atteindre un peu plus de 500 Millions d'euros en 2014. Je pense que chacun ici peut mesurer l'importance de cet engagement, par les temps difficiles qui courent.
« Un avenir à tout jeune » avait dit la mission d'information du Sénat. « Reconnaître la valeur de la jeunesse » avait écrit la commission du livre vert que j'ai présidée. « Agir pour la jeunesse » avait affirmé le Président de la République. Les paroles ont été prononcées, les écrits ont été publiés, les actes suivent, l'engagement est là.
Oui, nous brisons la malédiction des faux engagements précédents, nous entérinons des engagements réels. Nous les gravons dans le marbre. Et par la même occasion nous répondons aux préoccupations que vous aviez exprimées sur ces bancs lorsque certains d'entre vous avaient souhaité que l'on instaure un service civique obligatoire : je vous ai déjà répondu sur ce point et sur la nécessité de promouvoir l'engagement. Les moyens que le gouvernement va mettre en place vous garantissent que le service civique ne s'adressera pas uniquement à quelques uns mais qu'il a une véritable vocation à s'élargir et à monter en puissance.
Vous nous aviez également interrogés sur les paramètres financiers qui seraient retenus, et votre rapporteur avait été particulièrement attentif à ce que nous ne proposions pas un service civique « au rabais ». Le soutien financier que l'Etat apportera en faveur du service civique sur le long terme constitue la preuve manifeste de sa mobilisation: l'indemnité servie aux jeunes pendant les six à douze mois de service civique s'élèvera à un montant mensuel compris entre 440euros à 540euros en fonction de la situation sociale du jeune engagé auxquels viendront s'ajouter 100euros/mois versés par la structure d'accueil sous la forme d'une prestation en nature ou en espèce. Au total, c'est donc une indemnité mensuelle pouvant aller jusqu'à un montant de 640euros/ mois qui sera servi au jeune engagé en service civique. L'Etat assurera par ailleurs la couverture intégrale de la protection sociale et de la cotisation retraite du volontaire. Il contribuera à l'accompagnement du volontaire en soutenant les structures associatives à raison de 100euros par mois et assurera l'organisation de formation civique et citoyenne pour 1,5Meuros en 2010.
C'est sur cette base que nous pourrons mettre en oeuvre un service civique dont la seule indemnité ne sera pas l'unique motivation pour le jeune mais qui sera suffisamment protecteur pour ne pas être un obstacle à l'engagement du jeune.
Mais le soutien financier de l'Etat, s'il est important et essentiel dans la réussite du service civique n'en est pas la seule garantie de succès. A cet égard, vous aviez tous très largement insisté sur la nécessité de clarification de la gouvernance. Ces questions tout à fait pertinentes étaient même contenues dans l'objet de la proposition de loi d'Yvon COLLIN : la clarification et la simplification opérées par le texte n'auraient eu que peu d'effet s'il n'y avait eu une véritable gouvernance... C'est ainsi qu'en attribuant à l'INJEP le pilotage du service civique Votre haute assemblée avait souhaité alerter le Gouvernement sur la nécessité de disposer d'un dispositif de gouvernance simple, visible, spécifiquement dédié au service civique.
Nous avons entendu cet appel : l'agence du service civique, constituée sous forme de groupement d'intérêt public sera créée pour assurer le pilotage et l'animation du service civique. Cette agence sera appuyée par un comité stratégique qui associera l'ensemble des partenaires du service civique et dans lequel le Parlement sera représenté par deux députés et deux sénateurs. L'agence se voit confirmer des responsabilités importantes : promotion des missions, mise en relations entre les offres et les demandes, coordination locale, mobilisation des acteurs, définition des missions prioritaires, définition du socle commun de la formation civique, modalité d'accueil des volontaires, respect de la mixité social entre jeunes volontaires en service civique. Je tiens à cet égard à rassurer votre rapporteur qui s'inquiète de la création de cette Agence : l'objectif de l'Agence est de promouvoir le service civique et de faire en sorte qu'il fonctionne pas de construire une « usine à gaz ». Nous serons vigilants quant à son coût pour les finances de l'Etat il ne s'agit pas de créer une structure supplémentaire mais bien de mutualiser les moyens existants pour leur donner d'avantage d'efficacité.
Je veux saluer ici également le travail réalisé par l'Assemblée nationale et tout particulièrement par les deux rapporteures Claude GREFF et Françoise HOSTALIER mais aussi Bernard LESTERLIN pour le groupe socialiste, Jean DIONIS du SEJOUR pour le groupe Nouveau Centre, Marie - Hélène AMIABLE pour le groupe Communiste et verts et Patrick BEAUDOUIN pour le groupe UMP qui ont su, je le disais dans mon propos introductif à la fois respecter les grandes lignes de la proposition de loi et travailler dans un esprit constructif.
Un effort de clarification du texte a été mis en oeuvre : le service civique est désormais constitué de deux formes: l'une que j'appellerai le service civique de droit commun, le service civique au sens strict et l'autre qui, faisant droit à la diversité des formes d'engagement des jeunes ou des moins jeunes - auprès d'associations, en France ou à l'étranger - reconnaît la valeur de l'engagement désintéressé. A ce propos, je crois utile de préciser que le volontariat associatif sort renforcé et consolidé de cet exercice. Les dispositions de la loi de 2006 sont supprimées mais elles sont reprises, dans le texte nouveau : les associations, avec le nouveau « volontariat de service civique, continueront de bénéficier d'un outil - qui reste d'ailleurs largement à développer - leur permettant d'associer des jeunes et des moins jeunes à la réalisation de leurs projets.
Je sais par ailleurs que certains aménagements apportés par l'Assemblée ont pu vous interpeller, comme l'a souligné votre rapporteur. Ces aménagements ont eu tous le même objectif : clarifier le message à destination des jeunes. C'est en effet bien par souci de cohérence et pour ne pas brouiller les pistes que l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions autorisant le cumul d'un service civique avec l'exercice d'une activité professionnelle ou la poursuite d'études.
Cette suppression ne doit pas être interprétée comme une interdiction de cumul. Comment pourrait-on en effet imaginer poursuivre un objectif de mixité sociale en interdisant aux jeunes engagés dans un service civique d'exercer une activité rémunérée pour subvenir à leur besoin ? C'est donc à l'appréciation de l'organisme d'accueil et de l'Agence du service civique qu'est laissé le soin d'autoriser ou non ce cumul en fonction des missions exercées et de la situation sociale du jeune. Il ne s'agit pas d'une mesure de restriction mais d'une souplesse qui permet d'adapter le contrat en fonction des situations examinées sur le terrain. Ainsi rien n'empêchera un jeune de faire son service civique dans la journée et de travailler quelques heures le soir ou le week-end ou de suivre des cours le soir. Il doit juste veiller à bien pouvoir assumer ses missions telles que définies dans son contrat d'engagement.
C'est également pour clarifier le dispositif qu'a été retiré la disposition visant à accorder une attestation de service civique aux bénévoles placés dans les mêmes conditions que des jeunes engagés en service civique. Un rendez vous est cependant fixé en 2011, date à laquelle un rapport d'évaluation du service civique doit envisager d'étudier de nouveau la mise en oeuvre de cette mesure.
C'est toujours pour apporter plus de lisibilité et de cohérence au dispositif que la nature de l'organisme susceptible d'accueillir un jeune en service civique a été précisée : désormais une association cultuelle, politique, une congrégation, une fondation d'entreprise ne peuvent être agréées comme organismes d'accueil.
Enfin, je tiens à rassurer M. le rapporteur : c'est bien par pragmatisme que l'Assemblée nationale a accordé la possibilité de déroger à une durée hebdomadaire de 24 heures par semaine sur toute la durée du contrat. Il s'agit ainsi de répondre au mieux aux attentes du terrain pour accorder davantage de souplesse à l'exercice des missions de service civiques qui seront proposées aux jeunes. L'agrément pourra effectivement prévoir l'exercice d'une activité moins intense de service civique si la mission le permet ou si la situation du jeune le justifie.
Le lien intergénérationnel n'a pas été oublié dans les aménagements apportés par l'Assemblée nationale : Un service civique senior a été prévu pour permettre aux jeunes retraités qui sont nombreux à vouloir s'engager au service de la collectivité de ne pas rester à l'écart du nouveau service civique. Ils peuvent y apporter beaucoup, notamment en encadrant les jeunes volontaires. Cet engagement devait faire l'objet d'une reconnaissance et d'une valorisation particulière. C'est désormais prévu dans la proposition de loi.
La réforme du service civique a par ailleurs trouvé à s'articuler avec la réforme de la Journée d'appel de préparation à la défense. Votre assemblée avait été soucieuse d'inscrire dans le programme de cette journée une phase de présentation du service civique. En changeant la dénomination de cette journée en « journée défense et citoyenneté », l'assemblée nationale a placé sous un jour nouveau le service civique au sein de cette journée tout en soulignant le lien indéfectible qui existe entre défense et citoyenneté.
L'introduction dans la proposition de loi d'une obligation de formation des 16/18 ans est également une avancée qui peut s'avérer considérable. Elle est passée inaperçue. Elle est pourtant fondamentale. Par cette loi, nous prolongeons la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans par une nouvelle période entre 16 et 18 ans au cours de laquelle les pouvoirs publics doivent s'organiser pour qu'aucun jeune entre 16 et 18 ans ne soit laissé hors de tout parcours. Oui, pour la première fois, la loi reconnaît une obligation de prendre en charge systématiquement tous les jeunes entre 16 et 18ans en formation ou en emploi. Voilà ce qui est écrit « Le service public de l'orientation tout au long de la vie et tous les organismes qui y participent s'organisent au plan régional et local pour permettre à tout jeune âgé de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi de se réinscrire dans un parcours de formation, d'accompagnement ou d'exercer une activité d'intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active. »
Pour conclure, je souhaite ardemment que le texte que vous allez examiner aujourd'hui fasse l'objet du même miracle républicain qu'en première lecture afin que nous puissions rapidement mettre en oeuvre un projet si ambitieux pour la jeunesse. Elle est attentive à nos actes et nous avons l'opportunité de lui montrer que nous sommes capables de lui offrir l'opportunité de s'engager pour la Nation. Nous avons conçu un outil pour la renaissance de l'engagement et le plein accomplissement de la citoyenneté. Que vive le service civique.
Source http://www.jeunesse-vie-associative.gouv.fr, le 3 mars 2010