Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à RTL le 1er mars 2010, sur les causes et les conséquences de la tempête Xinthia en Charente-Maritime et en Vendée.

Prononcé le 1er mars 2010

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

M. Tronchot.-  Bonjour, D. Bussereau. Vingt-quatre heures après le passage de  cette tempête, quels sont, ce matin, les sentiments, les images qui  s'imposent à vous ? 
 
D'abord, le bilan s'est alourdi pendant la nuit, puisque l'on a retrouvé  deux personnes supplémentaires décédées dans leur maison à Aytré, ce  qui porte pour l'instant en Charente-Maritime, le bilan à huit morts,  deux disparus. Et puis des paysages, naturellement, de désolation, des  maisons fichues, des installations pour les conchyliculteurs également  complètement cassées, des campings, des centres de thalassothérapie,  enfin quelque chose qui est désastreux sur le plan économique mais,  bien sûr, notre première préoccupation c'est le bilan humain. 
 
Comment s'explique ce nombre impressionnant de victimes,  notamment en Vendée et en Charente-Maritime ? 
 
Ecoutez c'est une conjonction extraordinaire. Moi, j'avais vécu déjà, et  ça m'avait profondément marqué, la tempête du 27 décembre 1999 : on  avait eu des vents à 200, 220, 230 à l'heure. Là, c'est complètement  différent : les vents étaient à 140. Il y a même eu des pointes à 160 dans  les îles, c'était déjà violent, mais il y a eu en plus un coefficient de  marée très élevé. Tout ça venait du golfe de Gascogne, donc était  poussé par un vent de sud et c'est complètement rentré, c'est-à-dire que  la mer a submergé la terre. Elle passait par dessus les digues. Donc, j'ai  hier survolé avec le préfet de la Charente-Maritime, tous ces territoires.  On a un changement de paysage où la mer est rentrée. On a même des  endroits où les fleuves - la Sèvre niortaise ou la Charente - où la mer et  la terre ne font plus qu'un. 
 
Et c'est la fatalité ou pas totalement ? On entend déjà les  controverses sur des digues trop peu efficaces, trop vieilles, sur des  évacuations auxquelles on aurait pu procéder par sécurité. 
 
Très honnêtement, le préfet de la Charente-Maritime qui est l'ancien  directeur de la Sécurité civile avait fait tout ce qu'il fallait : les gens  étaient prévenus. On sait que l'île de Ré, dans certains cas, se coupe en  plusieurs morceaux, donc les moyens médicaux avaient été acheminés  dans les zones qui pouvaient être coupées par la montée des eaux. Non,  c'est un phénomène que l'on n'a jamais vu depuis plusieurs siècles.  Enfin, il faudra bien sûr regarder de plus près les livres d'histoire.  Maintenant, il va falloir reconstruire tout cela. Je vais réunir le Conseil  général de la Charente-Maritime cette semaine pour que nous votions  d'urgence tous les crédits pour consolider, refaire les digues, les routes,  tout ce qui a été détruit, aider les professions en difficulté - je pense à la  profession ostréicole ou à certaines professions touristiques. 
 
Des mesures, Dominique Bussereau, ont été prises pour les  prochains jours, car les coefficients de marée restent très élevés. 
 
Oui, vous avez raison de le souligner, ça continue de monter. Donc, dès  hier, naturellement les ouvrages abîmés ont été confortés. Il y a des  engins de travaux publics, toutes les entreprises de travaux publics du  département ont été mises à contribution. Et on va continuer  aujourd'hui. Quand le Président de la République sera là tout à l'heure,  on va naturellement lui montrer un des espaces les plus dévastés, qui est  un espace situé à Châtelaillon, à la limite des communes de Châtelaillon  et d'Yves, et puis réunir l'ensemble des secours. Le Premier ministre,  hier, a réuni les ministres concernés ; l'arrêté de catastrophe naturelle  va venir. On a beaucoup de renforts de gendarmes. 
 
Vous le confirmez, l'arrêté va bien arriver ? 
 
Oui, bien sûr. Alors c'est très important, si vous voulez. Alors je le dis  d'ailleurs, il faut en effet que tous ceux qui ont souffert et qui nous  écoutent prennent des photos, préviennent leur assureur et l'arrêté de  catastrophe naturelle permettra un remboursement total plus des  exonérations sur les impôts locaux. 
 
Outre le bilan humain qui est très lourd, à combien estimez-vous le  bilan matériel ? 
 
C'est inestimable pour l'instant, si vous voulez. C'est des dizaines et  des dizaines de millions d'euros, et beaucoup plus que ça. J'ai vu hier à  Fouras et aux Boucholeurs à côté de Châtelaillon des maisons dans  lesquelles l'eau est rentrée. Il n'y a plus rien dedans, tout est dévasté.  Les maisons ont été soufflées comme par un tremblement de terre,  comme par une énorme déflagration. Autour du port de La Rochelle,  toutes les entreprises qui travaillent sur la filière navale, d'accastillage,  etc., qui sont complètement... Il y a eu 1,50 mètre d'eau. Les propres  locaux du Conseil général de la Charente-Maritime, la maison de la  Charente-Maritime ont plus de soixante voitures qui sont détruites dans  le parking qui est encore plein d'eau. Et tous les parkings également  souterrains du secteur doivent comporter des dizaines et des dizaines de  voitures qui sont inutilisables, sans compter toutes les informatiques  inutilisables, les matériels électriques, etc. Donc ça va représenter des  sommes considérables. 
 
Qu'est-ce que vous attendez de la part du Président de la  République ? Vous serez avec lui, tout à l'heure pour survoler les  territoires ? 
 
Oui, bien sûr. il va atterrir d'abord à La Rochelle, puis ensuite aller en  Vendée. Là on est tout proche de la zone qui a été la plus touchée en  Vendée. Tout cela est dans le même secteur géographique, puis revenir  en Charente-Maritime. D'abord sa venue est pour nous importante.  C'est le symbole même de la solidarité nationale. C'est la compassion  du Président de la République et à travers elle de tous nos compatriotes.  Et puis c'est bien sûr des moyens supplémentaires, si c'est nécessaire,  pour les opérations de sauvetage et de déblayement. Et c'est, bien sûr,  des aides financières. Mais je suis persuadé que la solidarité nationale  jouera à plein. 
 
Votre collègue de Vendée, P. de Villiers, a lancé un appel à la  solidarité nationale sous forme de dons en vêtements, de dons  financiers. Qu'est-ce que vous en pensez, vous ? 
 
Ecoutez, je pense que dans le cas de la Vendée qui est encore plus  durement atteinte en particulier dans sa chair puisque là, le nombre de  victimes est trois à quatre fois plus important, il a tout à fait raison. De  toute façon on va gérer tout cela dans la solidarité. Vous savez, hier  j'étais dans un centre d'hébergement avec le député maire de  Châtelaillon, J.-L. Léonard. C'était extraordinaire, il y avait des gens  qui arrivaient en plein milieu d'après-midi, dans une école et qui  disaient "voilà, je mets ma maison à disposition, je peux héberger, je  peux même héberger des familles avec des animaux". Il y a toujours  dans ces moments-là une extraordinaire solidarité qui se met en oeuvre  et qui réconforte ceux qui ont tout perdu. 
 
L'Union européenne peut également être d'un quelconque  secours ? 
 
Oui, P. Lellouche m'a appelé hier soir. Le secrétaire d'Etat aux Affaires  européennes va entamer dès aujourd'hui, des démarches auprès de la  communauté européenne pour que nous puissions bénéficier d'aides de  l'Union, également. 
 
Monsieur Bussereau, madame Lagarde a demandé, hier, aux  compagnies d'assurance une mobilisation exemplaire. C'est assez  inhabituel comme demande, comme si ça n'allait pas de soi ? 
 
Si vous voulez, je me souviens très bien en 1999 : quand tout est cassé,  on a du mal à avoir quelqu'un au téléphone, on a du mal à voir un  expert. Donc ça nécessite en effet, comme la zone touchée n'est pas  immense - c'est le sud de la Vendée et le nord et une partie du littoral  de la Charente-Maritime - cela nécessite en effet de renforcer leurs  équipes, d'avoir suffisamment d'experts et que les choses aillent très  vite. Quand quelqu'un a tout perdu, qu'il n'a plus qu'une couverture sur  le dos, on ne peut pas lui dire "il faut attendre le passage de l'expert" : il  faut tout de suite le réconforter et lui donner du concret. 
 
On est solidaire, on oublie les clivages politiques dans ce genre de  cas, vous avez suspendu votre campagne régionale, Monsieur  Bussereau. 
 
Oui, en effet ce n'est pas le moment de courir les meetings. Elle se  poursuit, bien sûr, dans les autres départements de Poitou-Charentes. Je  dois dire que madame Royal m'a appelé hier de manière très  sympathique pour me faire part de sa solidarité et de sa disponibilité à  nous soutenir. La campagne se poursuit mais, en ce qui me concerne, je  l'interromps pendant quelques jours. Je vais d'ailleurs demander tout à  l'heure au Président de la République l'autorisation de ne pas aller au  Conseil des ministres, mercredi, et de rester dans le département pour,  avec le préfet et les services de l'Etat, mettre en oeuvre tout ce qui doit  être mis en oeuvre. 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 mars 2010