Texte intégral
C. Roux et M. Biraben.- M. Biraben : B. Hortefeux est donc notre invité, le ministre de l'Intérieur qui était hier avec le président de la République à Aiguillon-sur-Mer, la commune de Vendée très durement touchée par la tempête. Alors que le bilan a passé 51 morts, le chef de l'Etat a commandé un rapport et confié une mission d'inspection, entre autres, à B. Hortefeux, chargé de donner des réponses, sous dix jours, pour comprendre ce qui s'est passé. B. Hortefeux, bonjour.
Bonjour.
C. Roux : Bonjour. M. Biraben : Soyez le bienvenu.
Merci.
C. Roux : N. Sarkozy a parlé de drame inacceptable et incompréhensible. La question qu'on a envie de vous poser ce matin, c'est est-ce qu'on aurait pu l'éviter ce drame ?
D'abord, ce matin, c'est encore le temps du recueillement à l'égard des familles de disparus, il y a, vous venez de le rappeler, au moins 51 personnes décédées dans ce cataclysme, et sans doute malheureusement encore quelques autres, puisqu'il y a huit personnes qui sont portées disparues. Donc c'est d'abord le temps du recueillement. Ensuite, c'est le temps de la solidarité. Qu'est-ce que ça veut dire, "le temps de la solidarité" ? C'est d'abord ce que fait l'Etat, et le président de la République a annoncé hier une aide de 3 millions d'euros. J'avais annoncé pour ma part 1 million d'euros, mais le président de la République a considéré à juste titre que, compte tenu de l'ampleur, de ce drame, une véritable catastrophe nationale, il portait cette enveloppe à 3 millions d'euros. C'est-à-dire que ce ne sont pas des mots, ce sont des réalités. Vous savez, j'ai été à ses côtés, et aux côtés de N. Sarkozy, j'ai rencontré des familles et des personnes qui n'avaient plus rien. On ne peut peut-être l'imaginer, mais concrètement, j'ai vu des personnes, qui n'avaient pas de chaussures, qui n'avaient pas de tenue, des choses comme ça. Donc il faut aider toutes ces familles. Donc il y a le temps...
C. Roux : Justement parce que le bilan est lourd, justement parce qu'il y a énormément d'émotion, le Président, à juste titre, a utilisé ce mot, ces mots, « bilan inacceptable et incompréhensible ». Est-ce que malgré tout, une fois passé le temps de l'émotion - et on y restera longtemps, je pense dans l'émotion -, est-ce qu'on peut être dans le temps des questions et des réponses ?
Il viendra naturellement le temps des questions et des réponses. Le président de la République a évoqué, effectivement, un drame incompréhensible, il faut qu'on fasse la lumière là-dessus. Alors on sait que sur un plan, je dirais climatique, il y a eu la conjonction de plusieurs facteurs qui était, pour l'essentiel, imprévisible. Météo France a remarquablement fait son travail. Les uns et les autres, dans tous les médias, étaient alertés dès vendredi...
C. Roux : C'est ça qui est difficile à comprendre, si je peux vous couper, tout simplement parce que tout le monde était au courant de l'arrivée de cette tempête, alors on s'est posé la question de se dire, est-ce que le plan d'alerte fonctionne comme vous le souhaiteriez qu'il fonctionne ou est-ce qu'il faut l'ajuster ?
En tout cas, il y avait, comme vous le savez, près de 70 départements concernés, Météo France a été extrêmement clair, extrêmement précis, extrêmement efficace en annonçant qu'il allait y avoir cette tempête, ça c'était parfaitement prévu, et puis il y a des phénomènes qui n'étaient pas totalement prévisibles. Et la conjonction de ces phénomènes était, elle, imprévisible. C'est-à-dire effectivement, une grande marée, c'est-à-dire la tempête...
M. Biraben : On le savait...
Mais pas à ce niveau-là. Il y avait ce qu'on appelle une dépression, et puis il y a un élément malheureusement, tout simple, c'est que c'était la nuit. Et cela explique que des personnes aient été malheureusement concernées vers 2, 3 heures du matin, et prises dans leur sommeil, dans des maisons qui étaient souvent des maisons à un étage et donc qui ont été malheureusement noyées dans cette configuration.
C. Roux : Et justement, on a entendu des personnes interrogées par différents médias sur place dire ; est-ce qu'il n'aurait pas fallu demander l'évacuation des populations qui habitaient, et qui donc dormaient à ce moment-là dans les zones inondables ? Est-ce que ça a été évoqué ?
Il y a des personnes qui se sont d'ailleurs déplacées, qui ne sont pas restées, ce qui explique d'ailleurs qu'il y ait encore des recherches qui soient effectuées, parce qu'il y a des maisons qui étaient inoccupées, parce qu'il y a des personnes qui soit n'étaient pas là, soit s'étaient déplacées. Mais encore une fois, il faut procéder par étape. Aujourd'hui, c'est le temps du recueillement et de la solidarité. C'est-à-dire comment aider les personnes qui sont aujourd'hui touchées ? C'est vers elles qu'on doit se tourner aujourd'hui. Alors c'est le rôle de l'Etat ce que je viens d'indiquer, ce qu'a annoncé le président de la République très concrètement ; c'est aussi le rôle des collectivités locales. Et puis aussi, il y a un gigantesque mouvement de solidarité de nos compatriotes qui viennent apporter, qui des vêtements, qui des moyens et ainsi de suite. Donc c'est le temps de la solidarité.
C. Roux : Alors P. de Villiers, qui était également aux côtés du Président et donc à vos côtés, hier, lui, va un petit peu plus vite pour le coup, puisqu'il dit que l'Etat impose des normes qui ne sont pas assez sévères, partout où la terre est au niveau de la mer, il est plus prudent de construire plus loin. Est-ce qu'il a raison ?
Non. Il y a donc un deuxième temps, c'est d'examiner comment on peut éviter qu'un tel drame, avec cette conjonction incroyable de circonstances, puisse se reproduire. Il y a plusieurs éléments, vous l'avez d'ailleurs largement commenté, il y a d'un côté les digues, et on s'aperçoit qu'il y a des digues, effectivement qui ont été rompues. Mais surtout, il y a des digues dans lesquelles les flots étaient tellement importants, il y avait des pointes jusqu'à 8 mètres, ces digues ont été surmontées et donc ont été, en fait, insuffisantes, compte tenu de l'ampleur de ce cataclysme. Et puis, il y a la question aussi des constructions et des constructions en zone inondable. Alors de la part...
C. Roux : Est-ce que là, la responsabilité de l'Etat est engagée, des préfets par exemple, sur les zones inondables, et la construction ?
Non. Précisément, la responsabilité des préfets est très claire, et il y a ce que l'on appelle des plans de prévention des risques d'inondation, et ils ont alerté les communes. Dans notre pays, aujourd'hui, comme vous le savez, c'est aux collectivités locales, et en l'occurrence aux municipalités, d'accorder les permis de construire. Quitte aux préfets, s'ils sont en désaccord, à les attaquer, ce qui d'ailleurs s'est produit dans un certain nombre de cas. Donc, après vient, donc le deuxième temps, savoir comment on peut éviter qu'un drame aussi important se reproduise. C'est certainement - il faut avoir des éléments de comparaison - c'est certainement des drames les plus durs que nous ayons collectivement à vivre. La dernière fois, que c'était plus important, c'était au moment des tempêtes, des deux tempêtes de 1999, où il y avait eu 92 morts.
C. Roux : Vous avez hérité d'une mission pas évidente, parce qu'en dix jours, vous devez répondre justement à toutes les questions qu'on se pose ce matin, puisque vous avez hérité d'une mission d'inspection, qu'est-ce que vous allez inspecter en dix jours ?
C'est un ensemble. C'est une mission que nous a confiée le président de la République à J.-L. Borloo, le ministre d'Etat, ministre de l'Equipement et à moi, c'est-à-dire faire en réalité, toute la lumière. Comprendre ce qui s'est passé et c'est-à-dire aussi...
C. Roux : Par exemple, sur les responsabilités ?
Comprendre ce qui s'est passé, à la fois, encore une fois, sur un plan climatique, il y a besoin encore d'éléments et d'ailleurs ça progresse. Là, maintenant, on commence à avoir des éléments techniques qui soulignent tout le caractère imprévisible du cumul de ce cataclysme. Et puis, deuxième élément, quelles sont les mesures à prendre ? J.-L. Borloo va évoquer et se consacrer à un plan digue, parce qu'il faut, effectivement, faire un état des lieux, même si, encore une fois, ce n'est pas la seule réponse. Il y a des digues qui ont cédé, mais il y a des digues qui étaient solides, mais qui ont été surmontées. Donc il y a ça à définir, et puis voir comment on peut améliorer notamment en matière de construction. Mais vous savez c'est très...
C. Roux : Oui, alors justement, on voit bien la mission, pour le coup de J.-L. Borloo, j'appréhende moins la vôtre, sur cette mission d'inspection...
C'est la même !
C. Roux : Vous, précisément sur quel levier vous allez vous appuyer, sur les préfets, comment vous allez faire ?
C'est une mission conjointe, en s'appuyant naturellement sur les services préfectoraux, pour examiner les situations individuellement. Mais vous savez, ici, comme ça, dans un studio, c'est très simple, il suffit de dire, "on ne construit pas ainsi de suite..." Vous le savez très bien, vous avez des particuliers... On leur dit "attention, c'est un peu compliqué, si vous êtes là". Et puis, ça ne fait rien, ils ne veulent pas forcément l'entendre. Et puis, vous avez des communes qui légitimement se posent la question de leur développement, et qui parfois, peut-être ont été imprudentes. Je n'ai pas d'exemple en tête, je ne peux pas vous citer une référence, c'est quelque chose au niveau national, ce n'est pas simplement limité à ces départements. En tout état de cause, les mesures, donc, sont prises aujourd'hui, je tiens à les rappeler : premier élément donc, il y a cette aide de 3 millions. Deuxième élément, on a décrété hier, le président de la République, l'état de catastrophe naturelle - ce sera promulgué aujourd'hui. Ça signifie quoi ? Il faut savoir ce que ça veut dire, catastrophe naturelle ; cela veut dire que, aujourd'hui, les quatre départements, dans quatre départements, toutes les communes bénéficieront de cet état de catastrophe naturelle. Simplement, il faut préciser une chose, il y a ces quatre départements qui ont été les plus durement touchés, mais il y a d'autres départements qui, eux aussi, ont été concernés par des dégâts matériels. Pas des dégâts humains, heureusement. Et donc, ces cas-là, les communes peuvent demander aux préfectures, l'état de catastrophe naturelle. Et puis ensuite, il y a la discussion avec les assurances que C. Lagarde a déjà engagée.
C. Roux : Alors est-ce que vous dites ce matin, aux gens qui vous regardent, et qui sont peut-être justement, dans ces départements qui sont touchés, en reprenant encore une fois les mots de N. Sarkozy - ce ne sont pas les miens -"inacceptable et incompréhensible" ? Cela ne se reproduira plus, en tout cas, l'Etat va tout mettre en oeuvre, désormais, nous serons comptables de cela, pour que ce qui doit être fait soit fait ?
Oui, l'Etat, naturellement, fera appliquer dans le cadre de la loi, avec les possibilités naturellement de recours, un certain nombre de précautions. J'insiste sur un dernier point, sur les mesures, puisque vous parlez, vous pensez aux sinistrés, il y a aussi des mesures fiscales qui sont décidées par le ministre du Budget, à la demande du président de la République. Il y a aussi des mesures concernant l'agriculture, puisque vous le savez, les ostréiculteurs ont particulièrement souffert - mais pas qu'eux - à cette occasion, et donc, il y aura un déplacement aussi de B. Le Maire, et du commissaire européen sur place. Vous voyez, pourquoi je vous dis tout ça ? Tout simplement pour vous dire, qu'il y a une mobilisation totale, forte, pour venir à ceux qui sont aujourd'hui, les plus touchés.
C. Roux : Une question, j'allais dire plus personnelle : vous étiez, hier, sur place, est-ce que vous étiez en colère ? Quand vous avez vu ces maisons, qu'on a laissées construire dans des endroits en dessous du niveau de la mer. Est-ce que ça vous a mis en colère ?
En tout cas, cela m'a profondément ému, parce que vous savez c'est... La réalité est d'abord une réalité humaine, et le président de la République a tenu à s'adresser aux familles, d'un certain nombre de disparus et j'ai pu mesurer leur incompréhension et leur détresse totale. Et la première chose que l'on ressent, c'est d'abord une détresse humaine.
C. Roux : Et est-ce que les élus locaux doivent faire preuve de plus de responsabilité dans les accords de permis de construire ? Est-ce que c'est ce que vous vous êtes dit ?
La décentralisation a donné depuis les années 1982 de nombreux pouvoirs aux élus locaux, notamment la délivrance des permis de construire. Je suis sûr que naturellement, les élus locaux se sentent concernés, où qu'ils soient, par cette responsabilité.
C. Roux : Pour le moins...
Non, mais je ne parle pas simplement des élus des quatre départements les plus touchés. Je dis, de manière générale, naturellement, ça rappelle une vérité simple, c'est qu'être maire, être élu local, c'est un exercice difficile.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 mars 2010
Bonjour.
C. Roux : Bonjour. M. Biraben : Soyez le bienvenu.
Merci.
C. Roux : N. Sarkozy a parlé de drame inacceptable et incompréhensible. La question qu'on a envie de vous poser ce matin, c'est est-ce qu'on aurait pu l'éviter ce drame ?
D'abord, ce matin, c'est encore le temps du recueillement à l'égard des familles de disparus, il y a, vous venez de le rappeler, au moins 51 personnes décédées dans ce cataclysme, et sans doute malheureusement encore quelques autres, puisqu'il y a huit personnes qui sont portées disparues. Donc c'est d'abord le temps du recueillement. Ensuite, c'est le temps de la solidarité. Qu'est-ce que ça veut dire, "le temps de la solidarité" ? C'est d'abord ce que fait l'Etat, et le président de la République a annoncé hier une aide de 3 millions d'euros. J'avais annoncé pour ma part 1 million d'euros, mais le président de la République a considéré à juste titre que, compte tenu de l'ampleur, de ce drame, une véritable catastrophe nationale, il portait cette enveloppe à 3 millions d'euros. C'est-à-dire que ce ne sont pas des mots, ce sont des réalités. Vous savez, j'ai été à ses côtés, et aux côtés de N. Sarkozy, j'ai rencontré des familles et des personnes qui n'avaient plus rien. On ne peut peut-être l'imaginer, mais concrètement, j'ai vu des personnes, qui n'avaient pas de chaussures, qui n'avaient pas de tenue, des choses comme ça. Donc il faut aider toutes ces familles. Donc il y a le temps...
C. Roux : Justement parce que le bilan est lourd, justement parce qu'il y a énormément d'émotion, le Président, à juste titre, a utilisé ce mot, ces mots, « bilan inacceptable et incompréhensible ». Est-ce que malgré tout, une fois passé le temps de l'émotion - et on y restera longtemps, je pense dans l'émotion -, est-ce qu'on peut être dans le temps des questions et des réponses ?
Il viendra naturellement le temps des questions et des réponses. Le président de la République a évoqué, effectivement, un drame incompréhensible, il faut qu'on fasse la lumière là-dessus. Alors on sait que sur un plan, je dirais climatique, il y a eu la conjonction de plusieurs facteurs qui était, pour l'essentiel, imprévisible. Météo France a remarquablement fait son travail. Les uns et les autres, dans tous les médias, étaient alertés dès vendredi...
C. Roux : C'est ça qui est difficile à comprendre, si je peux vous couper, tout simplement parce que tout le monde était au courant de l'arrivée de cette tempête, alors on s'est posé la question de se dire, est-ce que le plan d'alerte fonctionne comme vous le souhaiteriez qu'il fonctionne ou est-ce qu'il faut l'ajuster ?
En tout cas, il y avait, comme vous le savez, près de 70 départements concernés, Météo France a été extrêmement clair, extrêmement précis, extrêmement efficace en annonçant qu'il allait y avoir cette tempête, ça c'était parfaitement prévu, et puis il y a des phénomènes qui n'étaient pas totalement prévisibles. Et la conjonction de ces phénomènes était, elle, imprévisible. C'est-à-dire effectivement, une grande marée, c'est-à-dire la tempête...
M. Biraben : On le savait...
Mais pas à ce niveau-là. Il y avait ce qu'on appelle une dépression, et puis il y a un élément malheureusement, tout simple, c'est que c'était la nuit. Et cela explique que des personnes aient été malheureusement concernées vers 2, 3 heures du matin, et prises dans leur sommeil, dans des maisons qui étaient souvent des maisons à un étage et donc qui ont été malheureusement noyées dans cette configuration.
C. Roux : Et justement, on a entendu des personnes interrogées par différents médias sur place dire ; est-ce qu'il n'aurait pas fallu demander l'évacuation des populations qui habitaient, et qui donc dormaient à ce moment-là dans les zones inondables ? Est-ce que ça a été évoqué ?
Il y a des personnes qui se sont d'ailleurs déplacées, qui ne sont pas restées, ce qui explique d'ailleurs qu'il y ait encore des recherches qui soient effectuées, parce qu'il y a des maisons qui étaient inoccupées, parce qu'il y a des personnes qui soit n'étaient pas là, soit s'étaient déplacées. Mais encore une fois, il faut procéder par étape. Aujourd'hui, c'est le temps du recueillement et de la solidarité. C'est-à-dire comment aider les personnes qui sont aujourd'hui touchées ? C'est vers elles qu'on doit se tourner aujourd'hui. Alors c'est le rôle de l'Etat ce que je viens d'indiquer, ce qu'a annoncé le président de la République très concrètement ; c'est aussi le rôle des collectivités locales. Et puis aussi, il y a un gigantesque mouvement de solidarité de nos compatriotes qui viennent apporter, qui des vêtements, qui des moyens et ainsi de suite. Donc c'est le temps de la solidarité.
C. Roux : Alors P. de Villiers, qui était également aux côtés du Président et donc à vos côtés, hier, lui, va un petit peu plus vite pour le coup, puisqu'il dit que l'Etat impose des normes qui ne sont pas assez sévères, partout où la terre est au niveau de la mer, il est plus prudent de construire plus loin. Est-ce qu'il a raison ?
Non. Il y a donc un deuxième temps, c'est d'examiner comment on peut éviter qu'un tel drame, avec cette conjonction incroyable de circonstances, puisse se reproduire. Il y a plusieurs éléments, vous l'avez d'ailleurs largement commenté, il y a d'un côté les digues, et on s'aperçoit qu'il y a des digues, effectivement qui ont été rompues. Mais surtout, il y a des digues dans lesquelles les flots étaient tellement importants, il y avait des pointes jusqu'à 8 mètres, ces digues ont été surmontées et donc ont été, en fait, insuffisantes, compte tenu de l'ampleur de ce cataclysme. Et puis, il y a la question aussi des constructions et des constructions en zone inondable. Alors de la part...
C. Roux : Est-ce que là, la responsabilité de l'Etat est engagée, des préfets par exemple, sur les zones inondables, et la construction ?
Non. Précisément, la responsabilité des préfets est très claire, et il y a ce que l'on appelle des plans de prévention des risques d'inondation, et ils ont alerté les communes. Dans notre pays, aujourd'hui, comme vous le savez, c'est aux collectivités locales, et en l'occurrence aux municipalités, d'accorder les permis de construire. Quitte aux préfets, s'ils sont en désaccord, à les attaquer, ce qui d'ailleurs s'est produit dans un certain nombre de cas. Donc, après vient, donc le deuxième temps, savoir comment on peut éviter qu'un drame aussi important se reproduise. C'est certainement - il faut avoir des éléments de comparaison - c'est certainement des drames les plus durs que nous ayons collectivement à vivre. La dernière fois, que c'était plus important, c'était au moment des tempêtes, des deux tempêtes de 1999, où il y avait eu 92 morts.
C. Roux : Vous avez hérité d'une mission pas évidente, parce qu'en dix jours, vous devez répondre justement à toutes les questions qu'on se pose ce matin, puisque vous avez hérité d'une mission d'inspection, qu'est-ce que vous allez inspecter en dix jours ?
C'est un ensemble. C'est une mission que nous a confiée le président de la République à J.-L. Borloo, le ministre d'Etat, ministre de l'Equipement et à moi, c'est-à-dire faire en réalité, toute la lumière. Comprendre ce qui s'est passé et c'est-à-dire aussi...
C. Roux : Par exemple, sur les responsabilités ?
Comprendre ce qui s'est passé, à la fois, encore une fois, sur un plan climatique, il y a besoin encore d'éléments et d'ailleurs ça progresse. Là, maintenant, on commence à avoir des éléments techniques qui soulignent tout le caractère imprévisible du cumul de ce cataclysme. Et puis, deuxième élément, quelles sont les mesures à prendre ? J.-L. Borloo va évoquer et se consacrer à un plan digue, parce qu'il faut, effectivement, faire un état des lieux, même si, encore une fois, ce n'est pas la seule réponse. Il y a des digues qui ont cédé, mais il y a des digues qui étaient solides, mais qui ont été surmontées. Donc il y a ça à définir, et puis voir comment on peut améliorer notamment en matière de construction. Mais vous savez c'est très...
C. Roux : Oui, alors justement, on voit bien la mission, pour le coup de J.-L. Borloo, j'appréhende moins la vôtre, sur cette mission d'inspection...
C'est la même !
C. Roux : Vous, précisément sur quel levier vous allez vous appuyer, sur les préfets, comment vous allez faire ?
C'est une mission conjointe, en s'appuyant naturellement sur les services préfectoraux, pour examiner les situations individuellement. Mais vous savez, ici, comme ça, dans un studio, c'est très simple, il suffit de dire, "on ne construit pas ainsi de suite..." Vous le savez très bien, vous avez des particuliers... On leur dit "attention, c'est un peu compliqué, si vous êtes là". Et puis, ça ne fait rien, ils ne veulent pas forcément l'entendre. Et puis, vous avez des communes qui légitimement se posent la question de leur développement, et qui parfois, peut-être ont été imprudentes. Je n'ai pas d'exemple en tête, je ne peux pas vous citer une référence, c'est quelque chose au niveau national, ce n'est pas simplement limité à ces départements. En tout état de cause, les mesures, donc, sont prises aujourd'hui, je tiens à les rappeler : premier élément donc, il y a cette aide de 3 millions. Deuxième élément, on a décrété hier, le président de la République, l'état de catastrophe naturelle - ce sera promulgué aujourd'hui. Ça signifie quoi ? Il faut savoir ce que ça veut dire, catastrophe naturelle ; cela veut dire que, aujourd'hui, les quatre départements, dans quatre départements, toutes les communes bénéficieront de cet état de catastrophe naturelle. Simplement, il faut préciser une chose, il y a ces quatre départements qui ont été les plus durement touchés, mais il y a d'autres départements qui, eux aussi, ont été concernés par des dégâts matériels. Pas des dégâts humains, heureusement. Et donc, ces cas-là, les communes peuvent demander aux préfectures, l'état de catastrophe naturelle. Et puis ensuite, il y a la discussion avec les assurances que C. Lagarde a déjà engagée.
C. Roux : Alors est-ce que vous dites ce matin, aux gens qui vous regardent, et qui sont peut-être justement, dans ces départements qui sont touchés, en reprenant encore une fois les mots de N. Sarkozy - ce ne sont pas les miens -"inacceptable et incompréhensible" ? Cela ne se reproduira plus, en tout cas, l'Etat va tout mettre en oeuvre, désormais, nous serons comptables de cela, pour que ce qui doit être fait soit fait ?
Oui, l'Etat, naturellement, fera appliquer dans le cadre de la loi, avec les possibilités naturellement de recours, un certain nombre de précautions. J'insiste sur un dernier point, sur les mesures, puisque vous parlez, vous pensez aux sinistrés, il y a aussi des mesures fiscales qui sont décidées par le ministre du Budget, à la demande du président de la République. Il y a aussi des mesures concernant l'agriculture, puisque vous le savez, les ostréiculteurs ont particulièrement souffert - mais pas qu'eux - à cette occasion, et donc, il y aura un déplacement aussi de B. Le Maire, et du commissaire européen sur place. Vous voyez, pourquoi je vous dis tout ça ? Tout simplement pour vous dire, qu'il y a une mobilisation totale, forte, pour venir à ceux qui sont aujourd'hui, les plus touchés.
C. Roux : Une question, j'allais dire plus personnelle : vous étiez, hier, sur place, est-ce que vous étiez en colère ? Quand vous avez vu ces maisons, qu'on a laissées construire dans des endroits en dessous du niveau de la mer. Est-ce que ça vous a mis en colère ?
En tout cas, cela m'a profondément ému, parce que vous savez c'est... La réalité est d'abord une réalité humaine, et le président de la République a tenu à s'adresser aux familles, d'un certain nombre de disparus et j'ai pu mesurer leur incompréhension et leur détresse totale. Et la première chose que l'on ressent, c'est d'abord une détresse humaine.
C. Roux : Et est-ce que les élus locaux doivent faire preuve de plus de responsabilité dans les accords de permis de construire ? Est-ce que c'est ce que vous vous êtes dit ?
La décentralisation a donné depuis les années 1982 de nombreux pouvoirs aux élus locaux, notamment la délivrance des permis de construire. Je suis sûr que naturellement, les élus locaux se sentent concernés, où qu'ils soient, par cette responsabilité.
C. Roux : Pour le moins...
Non, mais je ne parle pas simplement des élus des quatre départements les plus touchés. Je dis, de manière générale, naturellement, ça rappelle une vérité simple, c'est qu'être maire, être élu local, c'est un exercice difficile.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 mars 2010