Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, dans "20 minutes" le 26 février 2010, sur l'importance de la question de l'alimentation pour sortir l'agriculture de la crise traversée.

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Q - L'agriculture traverse à la fois une crise économique et une crise de confiance. Comment rétablir celle-ci ?
R - Je pense qu'on y arrivera à travers la question de l'alimentation. Le Salon de l'agriculture n'est pas que celui des agriculteurs, c'est celui de la société française tout entière. C'est la même chose pour la Politique agricole commune. C'est une politique pour les agriculteurs, mais c'est aussi une politique pour chaque citoyen européen. Dans le cadre de la PAC, il y a des choix décisifs à faire pour l'avenir. Il faut savoir si l'on veut s'engager dans une compétition fondée exclusivement sur les prix avec les autres grands pays agricoles. Ou si au contraire, nous estimons que l'agriculture doit aussi respecter un certain nombre de normes. Moi, je fais clairement le choix d'une agriculture européenne qui a son identité propre, qui obéit à des règles environnementales, respecte des contraintes sanitaires strictes et participe à l'aménagement du territoire. Une fois que vous avez dit cela, il faut assumer le coût que cela représente.
Q - Faut-il avantager financièrement l'agriculture durable ?
R - Les agriculteurs savent que leur seul avenir est l'agriculture durable, et ils font d'ores et déjà beaucoup d'efforts. Mais il faut aussi que la production soit rémunératrice pour le producteur. Si je suis très favorable au développement de l'agriculture biologique, sachons qu'elle ne suffira pas pour nourrir le monde. Il faut aussi, à côté, une agriculture durable, respectueuse de l'environnement, mais qui ne sera pas pour autant une agriculture biologique.
Q - Les labels "agriculture raisonnée" qui existent n'ont pas rencontré le succès escompté...
R - Sur l'agriculture biologique, on a mis plusieurs années avant que ce soit un label vraiment reconnu, avec des conditions qui soient les mêmes pour tous et sans multiplication de labels concurrents qui auraient créé un doute sur l'authenticité du label de l'agriculture biologique. Cela prend du temps.
Q - Comment défendre l'agriculture française et européenne alors que de nombreuses filières ne sont pas concurrentielles ?
R - Je pense qu'il faut tenir compte des contraintes que l'on fait peser sur nos agriculteurs. Le président de la République l'a proposé, il ne me paraîtrait pas illogique qu'il y ait une taxe carbone aux frontières qui tienne compte du fait que certains produits agricoles que nous importons n'obéissent pas aux règles de respect de l'environnement que nous imposons à nos producteurs. Ce n'est pas du protectionnisme, mais simplement une question d'équité.
Q - Et comment inciter le consommateur à les acheter ?
R - Valoriser les produits locaux, c'est mieux étiqueter, mieux informer le consommateur, qu'il sache d'où vient le produit, comment il a été traité, quelles normes environnementales et sanitaires ont été respectées. Par exemple sur l'étal des poissonniers, il est aujourd'hui impossible de savoir si un poisson a été congelé ou pas. Ce sont des choses que nous devons changer.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2010