Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres, Cher Jean-Louis Borloo,
Monsieur le Prince Mostaphar Zaher, directeur général de l'Agence afghane de protection de l'environnement,
Madame l'Ambassadeur Louise Hands,
Monsieur le Président de la Commission des forêts d'Afrique centrale, Emmanuel Bizot
Monsieur le Secrétaire exécutif de la COMIFAC, Raymond Mbitikon,
Madame la Directrice, Chère Laurence,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
"Ecoute bûcheron, arrête un peu le bras ; Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ; Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?"
Comment ne pas penser à ces vers de Ronsard "Contre les bûcherons de la forêt de Gastine", en ayant le plaisir de vous accueillir au Quai d'Orsay pour ce dîner, à la veille de l'ouverture de la Conférence internationale sur les grands bassins forestiers que la France a eu à coeur d'organiser ?
Il s'agit, ce soir, d'un moment de convivialité, avant de nous retrouver demain, au Centre de conférences de mon ministère, à la Convention, pour travailler et réfléchir ensemble à l'avenir de nos forêts.
Le président de la République aura l'occasion de vous dire l'importance que la France attache à la préservation des forêts, qui constitue l'un des défis majeurs sur lesquels nous sommes convenus d'avancer à Copenhague. Il vous fera part de sa vision et de ses attentes dans la perspective des prochains rendez-vous, à Oslo et Cancún.
Je ne veux donc pas déflorer le sujet, mais souhaitais vous livrer quelques réflexions et convictions que je porte avec mon ministère.
* Les forêts, une priorité française de longue date
L'attachement de la France aux forêts est ancien. Vous êtes ici dans un pays, dont plus d'un quart du territoire est boisé ; un pays dans lequel la superficie des forêts a doublé entre le 18ème et le 20ème siècle, pour bien des raisons, mais dont la principale, somme toute, est la volonté politique.
Nous sommes ici à quelques mètres de l'Assemblée nationale, où voici maintenant près de 185 ans, un autre ministre d'Etat - et je salue ici mon ami Jean-Louis Borloo -, le ministre d'Etat Martignac, prononçait, à l'occasion de l'adoption du code forestier français, un discours, dont les mots résonneront à vos oreilles avec une étonnante actualité :
"La conservation des forêts est l'un des premiers intérêts des sociétés et, par conséquent, l'un des premiers devoirs des gouvernements. Tous les besoins de la vie se lient à cette conservation (...). L'existence même des forêts est un bienfait inappréciable pour les pays qui les possèdent, soit qu'elles protègent et alimentent les sources et les rivières, soit qu'elles soutiennent et raffermissent le sol des montagnes, soit qu'elles exercent sur l'atmosphère une heureuse et salutaire influence".
La lutte contre la déforestation, un point d'appui pour avancer dans la lutte contre le changement climatique
Tout était déjà dit - jusqu'au rôle des forêts dans la lutte contre le changement climatique !, qui, vous le savez, est une priorité majeure pour l'action extérieure de la France.
Notre réunion, demain, est une première étape du processus post-Copenhague, qui nous conduira bientôt à Oslo. Et je voudrais saluer ici le rôle de la Norvège en matière de conservation des forêts. Grâce à la Norvège et à vos pays respectifs, la cause des forêts a beaucoup avancé ces derniers mois. Il nous faut aller plus loin.
Notre objectif commun : améliorer notre coordination, mobiliser la communauté internationale et traduire cette mobilisation en projets et moyens financiers. Le défi du changement climatique ne pourra être relevé sans que soit mis en place un mécanisme financier favorisant une gestion durable des forêts. Quels que soient les contrôles et les réglementations en vigueur, tant qu'un arbre vivant aura moins de valeur qu'un arbre abattu la déforestation continuera.
* L'urgence
Il y a donc urgence à agir. Les forêts représentent près de 4 milliards d'hectares dans le monde, soit près d'un tiers des surfaces émergées. Mais 13 millions d'hectares disparaissent chaque année, l'équivalent de la surface de la Grèce ; déforestation à laquelle il faut ajouter les ravages des incendies, des chocs climatiques, des insectes et des maladies attaquant les essences.
Le déboisement et la dégradation des forêts sont responsables de 20% des émissions des gaz à effet de serre. C'est plus que la totalité des émissions des transports terrestres, aériens et maritimes. Pour contenir le changement climatique et la perte irrémédiable de la biodiversité - et je n'oublie pas que l'année 2010 est précisément l'année de la biodiversité -, il nous faut inverser la tendance d'ici au plus deux décennies.
Tour doit être fait préserver et entretenir cette réserve de vie. Cela peut se faire au travers du mécanisme qu'on appelle "REDD" (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation forestière dans les pays en développement), sur lequel il a été décidé d'avancer rapidement à Copenhague et qui consiste, sans aucune dépossession de souveraineté, à rémunérer à sa juste valeur les services que rend à l'ensemble de la planète la forêt, quand elle est gérée de façon durable.
* Les enjeux sociaux, économiques et politiques
Permettez-moi, c'est là le tropisme bien naturel d'un ministre des Affaires étrangères, de rappeler que la conservation des forêts n'est pas seulement un enjeu de la lutte contre l'effet de serre et de préservation de la biodiversité, mais aussi un enjeu social, un enjeu de développement économique, et, fondamentalement, un enjeu politique.
- La forêt est un enjeu social. Des populations entières - plus de 500 millions de personnes - souvent les plus démunies, les plus pauvres, et donc les plus dépendantes des ressources naturelles, vivent dans et de la forêt. Un tiers d'entre elles appartiennent à des communautés autochtones. Pour elles, la forêt est tout à la fois un mode de vie, un lieu d'habitat, de cueillette et de chasse, une identité qu'il nous revient de défendre. Car la déforestation menace leur survie.
Elle peut également être source de destabilisation. Certaines estimations évaluent à 200 millions, le nombre de migrants climatiques d'ici à 2050, dont bon nombre seront chassés par la déforestation. Des conflits ne manqueront pas de surgir.
- La forêt est aussi un enjeu de développement économique. Elle fournit du bois, elle génère des emplois, non seulement dans l'industrie du bois, mais aussi en matière médicinale et tinctoriale, en matière de tourisme.
Ces ressources sont menacées par l'exploitation forestière non maîtrisée, le trafic des bois tropicaux au mépris des règles de gestion durable des ressources, le développement de certaines cultures, l'urbanisation. Autant de situations qui sont loin d'être inéluctables, face auxquelles nous, mesdames et messieurs, avons un rôle de régulation essentiel à jouer pour inventer et mettre en oeuvre, très vite, des règles, des modes d'exploitation et de consommation durables.
La plupart des pays industrialisés ont connu d'intenses périodes de déforestation. Il ne faut pas répéter les erreurs du passé ! Il faut innover et tracer la voie d'un développement économique qui préserve l'avenir. Les piliers les plus solides d'un système global de protection de la forêt ce sont les politiques de développement de chacun.
- La forêt est un enjeu politique. Politique parce que les tensions sur les ressources économiques, sans "diplomatie préventive" adéquate, risquent de se résoudre en conflits.
Politique parce que la coordination de notre action nous met face au défi de la gouvernance, de l'articulation entre souveraineté nationale et action collective.
Politique parce que, la conférence de Copenhague l'a bien montré, la lutte contre le changement climatique est indissociable de la réduction des inégalités au niveau mondial, de la lutte contre la pauvreté, de la gestion équitable des ressources naturelles. Politique enfin, parce que c'est aux responsables politiques de concilier la réponse aux nécessités du jour et la préservation de notre planète pour les générations à venir.
Notre réunion témoigne de notre conviction commune : lutter contre la déforestation est non seulement nécessaire, mais également possible. Je lève mon verre à cette cause et à la force d'entraînement que tous ensemble, nous représentons.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2010
Monsieur le Prince Mostaphar Zaher, directeur général de l'Agence afghane de protection de l'environnement,
Madame l'Ambassadeur Louise Hands,
Monsieur le Président de la Commission des forêts d'Afrique centrale, Emmanuel Bizot
Monsieur le Secrétaire exécutif de la COMIFAC, Raymond Mbitikon,
Madame la Directrice, Chère Laurence,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
"Ecoute bûcheron, arrête un peu le bras ; Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ; Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?"
Comment ne pas penser à ces vers de Ronsard "Contre les bûcherons de la forêt de Gastine", en ayant le plaisir de vous accueillir au Quai d'Orsay pour ce dîner, à la veille de l'ouverture de la Conférence internationale sur les grands bassins forestiers que la France a eu à coeur d'organiser ?
Il s'agit, ce soir, d'un moment de convivialité, avant de nous retrouver demain, au Centre de conférences de mon ministère, à la Convention, pour travailler et réfléchir ensemble à l'avenir de nos forêts.
Le président de la République aura l'occasion de vous dire l'importance que la France attache à la préservation des forêts, qui constitue l'un des défis majeurs sur lesquels nous sommes convenus d'avancer à Copenhague. Il vous fera part de sa vision et de ses attentes dans la perspective des prochains rendez-vous, à Oslo et Cancún.
Je ne veux donc pas déflorer le sujet, mais souhaitais vous livrer quelques réflexions et convictions que je porte avec mon ministère.
* Les forêts, une priorité française de longue date
L'attachement de la France aux forêts est ancien. Vous êtes ici dans un pays, dont plus d'un quart du territoire est boisé ; un pays dans lequel la superficie des forêts a doublé entre le 18ème et le 20ème siècle, pour bien des raisons, mais dont la principale, somme toute, est la volonté politique.
Nous sommes ici à quelques mètres de l'Assemblée nationale, où voici maintenant près de 185 ans, un autre ministre d'Etat - et je salue ici mon ami Jean-Louis Borloo -, le ministre d'Etat Martignac, prononçait, à l'occasion de l'adoption du code forestier français, un discours, dont les mots résonneront à vos oreilles avec une étonnante actualité :
"La conservation des forêts est l'un des premiers intérêts des sociétés et, par conséquent, l'un des premiers devoirs des gouvernements. Tous les besoins de la vie se lient à cette conservation (...). L'existence même des forêts est un bienfait inappréciable pour les pays qui les possèdent, soit qu'elles protègent et alimentent les sources et les rivières, soit qu'elles soutiennent et raffermissent le sol des montagnes, soit qu'elles exercent sur l'atmosphère une heureuse et salutaire influence".
La lutte contre la déforestation, un point d'appui pour avancer dans la lutte contre le changement climatique
Tout était déjà dit - jusqu'au rôle des forêts dans la lutte contre le changement climatique !, qui, vous le savez, est une priorité majeure pour l'action extérieure de la France.
Notre réunion, demain, est une première étape du processus post-Copenhague, qui nous conduira bientôt à Oslo. Et je voudrais saluer ici le rôle de la Norvège en matière de conservation des forêts. Grâce à la Norvège et à vos pays respectifs, la cause des forêts a beaucoup avancé ces derniers mois. Il nous faut aller plus loin.
Notre objectif commun : améliorer notre coordination, mobiliser la communauté internationale et traduire cette mobilisation en projets et moyens financiers. Le défi du changement climatique ne pourra être relevé sans que soit mis en place un mécanisme financier favorisant une gestion durable des forêts. Quels que soient les contrôles et les réglementations en vigueur, tant qu'un arbre vivant aura moins de valeur qu'un arbre abattu la déforestation continuera.
* L'urgence
Il y a donc urgence à agir. Les forêts représentent près de 4 milliards d'hectares dans le monde, soit près d'un tiers des surfaces émergées. Mais 13 millions d'hectares disparaissent chaque année, l'équivalent de la surface de la Grèce ; déforestation à laquelle il faut ajouter les ravages des incendies, des chocs climatiques, des insectes et des maladies attaquant les essences.
Le déboisement et la dégradation des forêts sont responsables de 20% des émissions des gaz à effet de serre. C'est plus que la totalité des émissions des transports terrestres, aériens et maritimes. Pour contenir le changement climatique et la perte irrémédiable de la biodiversité - et je n'oublie pas que l'année 2010 est précisément l'année de la biodiversité -, il nous faut inverser la tendance d'ici au plus deux décennies.
Tour doit être fait préserver et entretenir cette réserve de vie. Cela peut se faire au travers du mécanisme qu'on appelle "REDD" (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation forestière dans les pays en développement), sur lequel il a été décidé d'avancer rapidement à Copenhague et qui consiste, sans aucune dépossession de souveraineté, à rémunérer à sa juste valeur les services que rend à l'ensemble de la planète la forêt, quand elle est gérée de façon durable.
* Les enjeux sociaux, économiques et politiques
Permettez-moi, c'est là le tropisme bien naturel d'un ministre des Affaires étrangères, de rappeler que la conservation des forêts n'est pas seulement un enjeu de la lutte contre l'effet de serre et de préservation de la biodiversité, mais aussi un enjeu social, un enjeu de développement économique, et, fondamentalement, un enjeu politique.
- La forêt est un enjeu social. Des populations entières - plus de 500 millions de personnes - souvent les plus démunies, les plus pauvres, et donc les plus dépendantes des ressources naturelles, vivent dans et de la forêt. Un tiers d'entre elles appartiennent à des communautés autochtones. Pour elles, la forêt est tout à la fois un mode de vie, un lieu d'habitat, de cueillette et de chasse, une identité qu'il nous revient de défendre. Car la déforestation menace leur survie.
Elle peut également être source de destabilisation. Certaines estimations évaluent à 200 millions, le nombre de migrants climatiques d'ici à 2050, dont bon nombre seront chassés par la déforestation. Des conflits ne manqueront pas de surgir.
- La forêt est aussi un enjeu de développement économique. Elle fournit du bois, elle génère des emplois, non seulement dans l'industrie du bois, mais aussi en matière médicinale et tinctoriale, en matière de tourisme.
Ces ressources sont menacées par l'exploitation forestière non maîtrisée, le trafic des bois tropicaux au mépris des règles de gestion durable des ressources, le développement de certaines cultures, l'urbanisation. Autant de situations qui sont loin d'être inéluctables, face auxquelles nous, mesdames et messieurs, avons un rôle de régulation essentiel à jouer pour inventer et mettre en oeuvre, très vite, des règles, des modes d'exploitation et de consommation durables.
La plupart des pays industrialisés ont connu d'intenses périodes de déforestation. Il ne faut pas répéter les erreurs du passé ! Il faut innover et tracer la voie d'un développement économique qui préserve l'avenir. Les piliers les plus solides d'un système global de protection de la forêt ce sont les politiques de développement de chacun.
- La forêt est un enjeu politique. Politique parce que les tensions sur les ressources économiques, sans "diplomatie préventive" adéquate, risquent de se résoudre en conflits.
Politique parce que la coordination de notre action nous met face au défi de la gouvernance, de l'articulation entre souveraineté nationale et action collective.
Politique parce que, la conférence de Copenhague l'a bien montré, la lutte contre le changement climatique est indissociable de la réduction des inégalités au niveau mondial, de la lutte contre la pauvreté, de la gestion équitable des ressources naturelles. Politique enfin, parce que c'est aux responsables politiques de concilier la réponse aux nécessités du jour et la préservation de notre planète pour les générations à venir.
Notre réunion témoigne de notre conviction commune : lutter contre la déforestation est non seulement nécessaire, mais également possible. Je lève mon verre à cette cause et à la force d'entraînement que tous ensemble, nous représentons.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2010