Déclaration de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille et à la solidarité, sur l'emploi des personnes handicapées, l'accessibilité des handicapés et les obligations d'emploi des entreprises, Paris le 19 janvier 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du Conseil national consultatif des personnes handicapées à Paris le 19 janvier 2010

Texte intégral


En ce début d'année, je souhaitais tout d'abord vous adresser tous mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année. Qu'elle voit se concrétiser de nombreuses avancées pour l'amélioration de la situation des personnes handicapées et qu'elle soit une année de concertation avec vous tous. C'est aujourd'hui la seconde fois que j'ai le plaisir de m'adresser à vous et je voudrais que vous y voyez le signe de l'importance que revêt à mes yeux le Conseil national consultatif des personnes handicapées et, plus largement, ce qu'il représente : la concertation entre les pouvoirs publics et l'ensemble des partenaires oeuvrant pour les personnes handicapées.
J'ai entendu, en ce début d'année où nous fêterons le 5ème anniversaire de la loi du 11 février 2005, les inquiétudes de certains d'entre vous, quant à la remise en cause de certains principes de ce texte fondateur.
Ce sont essentiellement les 3 dossiers suivants qui vous ont fait réagir :
- la remise en cause du plan personnalisé de compensation
- l'application de dérogation aux normes d'accessibilité
- la mesure de souplesse accordée aux entreprises pour s'acquitter de la surmajoration pour non respect de l'obligation d'emploi
J'ai rencontré dans un premier temps les porte-paroles du Comité d'entente mais j'ai souhaité venir ici vous voir et échanger avec vous tous, autour de ces sujets qui ont suscité de vives réactions. Et je veux vous rassurer sur les intentions du gouvernement. .
1. Nous nous sommes vus il y a 4 mois ; mon propos n'est pas de faire un bilan mais permettez moi de souligner néanmoins les avancées que nous avons pu concrétiser ensemble depuis le 2 septembre dernier :
- S'agissant de la nouvelle gouvernance : vous avez donné un avis favorable aux textes portant création du comité interministériel du handicap et de l'Observatoire de l'accessibilité. Je reviendrai sur ces deux points.
- L'emploi des personnes handicapées : j'ai signé, avec les patrons du CAC 40, une charte d'engagement pour 2010. Cette charte a pour ambition de mobiliser les entreprises notamment les plus grandes qui doivent servir de locomotive et qui se sont engagées à diffuser largement leurs bonnes pratiques.
- J'ai lancé le premier schéma handicap rare : avec un budget de plus de 35 millions d'euros d'ici 2013, il se décline en 17 mesures qui permettront d'améliorer la connaissance des diverses formes de handicap rare et d'accompagner celles et ceux qui en sont porteurs.
- La commission chargée de délivrer le label Handi-vacances, présidée par Madame Annette MASSON, Présidente de l'Association Tourismes et Handicap, a été installée le 1er décembre dernier.
- La mise en place des appels d'urgence pour les déficients auditifs a avancé à grands pas : vous avez donné un avis favorable sur les arrêtés. Le Comité de pilotage s'est d'ores et déjà réuni le 14 janvier dernier. Un cahier des charges devra être finalisé d'ici cet été. La mise en place des centres relais est également en bonne voie. Jérémie BOROY peut en témoigner.
- La loi autorisant la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées (n° 2009-1791 du 31 décembre 2009), a été publiée le 3 janvier. Le processus de ratification touche à son terme, il a été d'autant plus rapide que notre droit est largement conforme voire même plus protecteur que la convention internationale.
- J'ai signé avec la Documentation française une Charte dans laquelle elle s'engage à rendre ses sites internet intégralement accessibles aux personnes déficientes visuels,. Monsieur CHAZAL, je vous avais promis une visite, elle est prévue le mercredi 10 février prochain.
- La loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2010 nous permet de poursuivre le plan de créations de places voulu par le Président de la République (5500 places, grâce à un effort exceptionnel en temps de crise de plus de 360 millions d'euros)
2. Je voudrais revenir maintenant aux évènements qui ont provoqué de vives réactions : vous le savez, je ne pratique pas la langue de bois, je veux devant vous évoquer chacun de ces sujets et assumer ce qui doit être assumé et vous donner l'assurance de ma présence à vos côtés dans les combats que je soutiens pour les personnes handicapées.
Et je rappelle également que nous devons, vous et nous, tenir compte des contraintes qui s'imposent à nous et que si vous êtes dans votre rôle quand vous revendiquez, je suis dans le mien quand je propose des mesures inspirées par le réalisme. Nous sommes aujourd'hui dans une phase de mise en oeuvre de la loi et de ses textes d'application. Et les enjeux ne sont pas moindres !. En effet, la mise en oeuvre de la loi fait apparaître des difficultés concrètes auxquelles nous devons trouver des solutions. J'en prends pour exemple les appels d'urgence pour lequel l'application de textes, qui ont demandé beaucoup de temps de concertation et de négociation, nécessitera aussi beaucoup d'énergie pour résoudre toutes les difficultés pratiques. Mais soyons très clairs, je me porterai toujours garante des principes forts de la loi du 11 février 2005 ainsi que de ses orientations.
- Concernant le plan personnalisé de compensation qui est réformé dans le cadre de la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures,
* Les principes de la loi du 11 février 2005 sont intangibles : celle-ci consacre la place de la personne, associée à toutes les étapes du traitement de sa demande. Il faut réaffirmer la place de la personne handicapée dans l'élaboration de son projet de vie, de son plan personnalisé de compensation. Et ne remettre en cause ce principe sous aucun prétexte.
* le problème est ailleurs : si les équipes pluridisciplinaires ne rédigent pas de PPC c'est qu'elles manquent d'éléments d'évaluation et qu'elles sont encore insuffisamment formées. C'est plutôt sur ce sujet de l'évaluation qu'il faudrait travailler. A cet égard, je lirai avec intérêt le rapport que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie doit me remettre sur l'appropriation du guide d'évaluation des besoins des personnes handicapées.
- Concernant l'accessibilité, je vous rappelle que le Conseil d'Etat a annulé, pour des raisons de forme, le décret autorisant les dérogations dans les constructions neuves, auquel vous aviez donné un avis favorable en décembre 2005. Que nous dit le Conseil d'Etat ? Que ces dérogations ne relèvent pas d'un texte réglementaire mais de la loi. Le Gouvernement a donc décidé d'utiliser pour cela la première occasion qui s'est présentée, ce fut la loi de finance rectificative, mais le Conseil Constitutionnel a considéré que ces dispositions n'avaient pas à figurer dans une loi de finances. Ces textes ont donc été récusés uniquement sur des motifs de forme et non de forme. . En tout état de cause, je crois que nous sommes profondément en accord sur la nécessité d'aménager l'obligation d'accessibilité, précisément pour lui donner plus de force. Nous devrons trouver un cadre adéquat, extrêmement précis et restrictif, par exemple pour les logements de montagne, ce qui permettra de débloquer 20 000 projets immobiliers. Cela, nous le ferons ensemble, par la seule méthode qui vaille, la concertation.
- Enfin, sur la mesure de souplesse que mon collègue Laurent Wauquiez souhaite accorder aux entreprises qui sont à "quota zéro", sachez que je comprends votre réaction mais je vous invite à considérer la question sous l'angle de ce qui nous rassemble : la recherche d'une meilleure situation pour nos concitoyens handicapées qui cherchent du travail.
Sachez tout d'abord que le gouvernement ne remet nullement en cause l'obligation d'emploi. C'est elle qui a sans doute permis que l'emploi des personnes handicapées résiste mieux à la crise.
Mais en même temps, il faut tenir compte du contexte nouveau de la crise économique d'une ampleur inégalée. Qui aurait pu prévoir en 2005, au moment où nous votions cette loi essentielle, que la situation économique de notre pays serait aussi difficile ? Cela oblige à reconsidérer nos politiques, avec réalisme mais sans remettre en cause les engagements de la Nation. Savez- vous qu'en 2009, les procédures de redressement et de liquidation ont augmenté de 11, 4% par rapport à l'an passé ? et savez vous que pour les PME, ce taux a augmenté de 61, 4% !!!
De quoi parle-t-on ? De la surcontribution due par les entreprises qui n'ont conduit depuis 3 ans, aucune action en faveur des personnes handicapées.
Selon les estimations de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH), cette mesure concernerait entre 6 000 et 10 000 entreprises. Or il s'avère que les ¾ de ces entreprises sont des petites et moyennes entreprises. En effet, c'est parmi les PME qu'on trouve le plus d'entreprise à quota zéro : ainsi 45 % des entreprises entre 20 et 49 salariés sont à quota-zéro contre seulement 1,2 % des plus de 500 salariés.
La mesure de souplesse et de sagesse accordée aux PME est une mesure favorable à l'emploi et non contre l'emploi des personnes handicapées. Cette période de 6 mois est un délai de trésorerie, comme il en existe souvent en période difficile. Elle pourra être fort utilement mise à profit pour accompagner les entreprises qui n'ont encore rien fait. Et la situation ne peut être que meilleure passé ces 6 mois :
- soit les entreprises auront conduit des actions prévues par la loi du 11 février 2005, à savoir, employé des travailleurs handicapés, conclu un accord avec les syndicats ou eu recours à la sous-traitance au secteur adapté ; auquel cas, l'entreprise s'acquittera de sa contribution sur la base de 400 fois le SMIC par unité manquante.
- soit elles n'auront rien accompli, et dans ce cas, elles paieront leur contribution sur la base de 1500 fois le SMIC, c'est-à-dire sans aucune réduction, du même montant que ce qu'elles auraient dû au 1er janvier 2010.
3. Pour conclure, je voulais vous dire que votre vigilance est utile au gouvernement, qu'il est normal que le ministre en charge des personnes handicapées vienne vous expliquer les raisons des choix qui ont été faits. Et j'ai la profonde conviction que le Comité interministériel du handicap sera un instrument de nature à préserver la qualité du dialogue entre le gouvernement et la société civile que vous représentez.
J'ai le plaisir de vous annoncer que le Comité interministériel du handicap sera installé par le Premier ministre le mardi 9 février prochain. Et l'Observatoire de l'accessibilité sera, quant à lui, mis en place le 11 février prochain. C'est la concertation interministérielle qui nous permettra d'avancer ensemble.
J'espère vous avoir convaincus par ma présence et par mes paroles que notre action est toute entière tournée vers la défense des personnes handicapées, sans aucune volonté de revenir sur les engagements et les avancées de la loi.
Nous sommes, je suis, à votre disposition pour dialoguer, c'est ce dialogue responsable que j'ai appelé de mes voeux la première fois que je vous ai rencontrés et que je continue à encourager.
Pour conclure, je dirais que l'année 2009 n'a pas été noire, cher Jean Marie Barbier, si vous voulez bien considérer avec moi les avancées qu'elle a permises. Et 2010 ne le sera pas plus : je vous en donne ma parole.
Source http://www.fisaf.asso.fr, le 19 mars 2010