Texte intégral
Clôture du 6e forum de la Fondation Wyeth
Discours de Luc Chatel
Prendre la parole devant une assemblée majoritairement composée de lycéens n'est pas si fréquent pour un ministre de l'Éducation nationale. C'est paradoxal, je le reconnais, mais c'est une réalité.
Et si j'ai tenu à clôturer ce 6e forum de la Fondation Wyeth pour la santé des enfants et des adolescents, c'est d'abord pour vous rencontrer. Vous qui, depuis plusieurs mois, avez participé dans vos lycées, avec vos professeurs, à la préparation de ce forum national. Mais si j'ai tenu à m'exprimer devant vous aujourd'hui, c'est aussi en raison du thème que vous avez choisi d'inscrire au coeur de vos réflexions pour les trois prochaines années : "Filles-garçons : savoir vivre ensemble". Il s'agit en effet d'une question fondamentale à mes yeux, fondamentale pour notre système éducatif, fondamentale pour notre société et je tenais à en parler avec celles et ceux qui la vivent au quotidien dans nos établissements scolaires.
Je sais que les échanges que vous avez eus depuis ce matin avec les scientifiques et les experts présents à ce forum ont été fructueux. J'ai aussi examiné avec beaucoup d'intérêt le sondage qui vient d'être réalisé sur la question du vivre ensemble et qui a nourri votre réflexion.
J'en retiens surtout que 81 % des adolescents considèrent que les gens qui ne ressemblent pas aux autres sont régulièrement discriminés. J'y vois la preuve que la question des discriminations est une préoccupation majeure de votre génération.
La jeunesse est consciente, elle est prête à agir pour faire reculer les discriminations. C'est pour moi un motif d'espérance, un encouragement à agir.
Mais je constate aussi que plus d'un tiers des adolescents estiment que les garçons et les filles n'ont pas les mêmes chances de réussite. Ce sentiment est étayé par les chiffres
Alors que les filles sont presque à parité avec les garçons en terminale S, seulement 27 % des diplômes d'ingénieur sont délivrés à des femmes.
Si les filles réussissent mieux que les garçons à l'école et jusqu'au baccalauréat (58 % des bacheliers généraux), elles sont beaucoup moins nombreuses à s'engager dans les filières sélectives de l'enseignement supérieur. Ainsi, 12 % des bacheliers choisissent une classe préparatoire aux grandes écoles contre seulement 6,6 % des bachelières.
C'est un fait, certains préjugés ont la vie dure. Les phénomènes d'autocensure n'ont pas disparu dans notre pays, dans notre jeunesse. Les stéréotypes sont toujours présents dans l'Éducation nationale.
Je prendrai deux cas extrêmes :
* Les filières de formations "structures métalliques" ou "moteurs et mécanique auto" n'accueillent jamais plus de 2 % de filles
* À l'inverse, les filières "coiffure et esthétique" n'accueillent que 5 % de garçons.
Ces stéréotypes sont d'autant plus problématiques qu'ils peuvent conduire à des discriminations douloureuses :
* À résultats scolaires égaux, une jeune fille qui veut s'engager dans la filière littéraire sera encouragée à le faire. Un garçon qui a les mêmes aspirations se verra trop souvent découragé et poussé vers des filières plus scientifiques.
* Une jeune fille qui suit une formation professionnelle conduisant à des métiers perçus comme masculins aura davantage de difficultés à s'intégrer, voire à décrocher un stage.
C'est pour moi inacceptable et c'est la raison pour laquelle j'attends beaucoup de la mission interministérielle confiée au recteur Marie-Jeanne Philippe sur l'égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif. Marie-Jeanne Philippe, que je salue, a participé à vos travaux cet après-midi.
Vous savez donc que sa réflexion s'articule autour de trois champs principaux : l'orientation scolaire et la diversification professionnelle ; le respect entre les sexes et la lutte contre les violences ; la formation et la sensibilisation des acteurs du système éducatif. Elle me remettra ses préconisations au mois de mai pour que nous puissions agir dès la prochaine rentrée.
Mais progresser sur le terrain de l'égalité filles-garçons, sur la question du vivre ensemble ne peut se faire sans une réflexion de fond sur l'ensemble des discriminations auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés.
Oui, mesdames et messieurs, oui, chers lycéens, c'est bien à l'ensemble des discriminations que je veux m'attaquer en 2010. Comme ministre de la République, comme responsable politique, je me dois de tout mettre en oeuvre pour que l'École tienne toutes ses promesses. Pour que l'École soit le lieu de l'égalité devant les savoirs. Pour que l'École accueille tous les enfants, sans distinction aucune. Pour qu'elle les ouvre sur les autres et sur le monde. Pour qu'elle transmette à chacun d'entre eux les connaissances qui lui serviront tout au long de sa vie d'adulte. Pour qu'elle offre aux jeunes générations les clés de la responsabilité, de la citoyenneté.
Réaffirmer cet engagement républicain passe par une lutte sans merci contre toutes les formes, je dis bien toutes les formes, de discriminations. Je l'ai dit, le sexisme ne saurait avoir droit de cité dans nos classes, dans nos établissements. Mais le combat ne s'arrête pas là.
En effet, je ne saurais tolérer qu'un enfant se voie refuser l'accès à l'École de la République en raison de son handicap.
Sur le terrain des discriminations liées au handicap, nous avons agi depuis 2007. Notamment pour l'accueil des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire. C'était un engagement majeur du Président de la République au cours de sa campagne et nous avons scolarisé 10 000 enfants handicapés de plus à chaque rentrée depuis 2007. C'est une mesure d'équité, une mesure de justice. Mais à présent, au-delà de l'accueil, il nous faut réussir le pari de l'intégration. En effet, trop souvent encore, les élèves d'une unité pédagogique d'intégration (UPI) n'ont que peu de liens, d'occasions d'échange avec leurs camarades du collège où est implantée la structure. Ce n'est pas acceptable parce que l'accueil des élèves handicapés en milieu ordinaire devrait être un enrichissement considérable pour leurs camarades, pour la communauté éducative tout entière.
Je ne saurais non plus accepter qu'un adolescent soit maltraité, voire harcelé, par ses camarades en raison de ses préférences sexuelles. Nous connaissons tous la douloureuse réalité des chiffres. Selon le dernier baromètre santé de l'INPES la prévalence des pensées suicidaires dans une année est de 12,9 % chez les jeunes homosexuels et bisexuels alors qu'elle n'est que de 6,4 % chez les jeunes hétérosexuels. Soit deux fois plus de pensées suicidaires chez les jeunes homosexuels et bisexuels. Plus dramatique encore, selon une étude de l'INSERM en 2005, les jeunes hommes homosexuels ont 13 fois plus de risques de faire une tentative de suicide que les jeunes hommes hétérosexuels.
Nous connaissons aussi la souffrance de celles et ceux qui s'interrogent sur leur sexualité. Voilà pourquoi j'ai tenu à ce que l'Éducation nationale lance dès le mois de mars une nouvelle campagne d'information sur la ligne Azur dans tous les lycées et les collèges. Il s'agit de faire connaître ce numéro d'écoute à ceux qui se posent des questions sur leurs préférences sexuelles. Il s'agit aussi de leur offrir un espace de partage, de dialogue et d'écoute pour combattre le repli sur soi, l'isolement et la peur du regard des autres. Dans le cadre du plan santé que je prépare, je tiens à intégrer un volet sur le bien-être et l'équilibre psychique des adolescents. Il me paraît dès lors essentiel de mettre en place un accompagnement plus personnalisé pour les jeunes en souffrance, notamment parce qu'ils s'interrogent.
Il m'est aussi insupportable qu'un jeune soit victime de son origine, de son lieu de résidence, de sa couleur de peau, ou de son appartenance réelle ou supposée à telle ou telle religion. Je ne prendrai qu'un exemple : nous savons tous les difficultés que rencontrent les jeunes des quartiers sensibles pour décrocher un stage, qu'il s'agisse du stage de découverte professionnelle en classe de 3e ou des périodes de formation en entreprise pour les lycéens de la voie professionnelle. Et nous savons les réticences de certains employeurs à accorder à un élève d'origine maghrébine ou africaine le stage auquel il aspire et pour lequel il a toutes les compétences.
Enfin, je n'oublie pas que le racisme et l'antisémitisme sont les formes les plus abjectes de l'intolérance. En 2008-2009, 4 % des incidents graves dans les lycées et les collèges avaient un caractère raciste, xénophobe ou antisémite. Ce chiffre était certes en baisse d'un point par rapport à l'année précédente. Nous ne saurions pour autant nous en satisfaire. D'autant moins que j'ai la conviction qu'une grande partie des cas de harcèlement discriminatoire échappent aux statistiques, faute d'être dénoncés.
Dès ma nomination au poste de ministre de l'Éducation nationale en juin dernier, j'ai tenu à aller plus loin en demandant à chaque établissement scolaire de mentionner la lutte contre les discriminations dans son règlement intérieur. Et, parce que la discrimination n'est pas un concept abstrait, mais bien une douloureuse réalité, j'ai demandé à ce que les différentes formes de discrimination y soient explicitement nommées.
En fin d'année dernière et pour la première fois, notre ministère a organisé un séminaire national consacré à la lutte contre les discriminations. À cette occasion, plus de 200 cadres éducatifs ont pu échanger avec des partenaires de haut niveau et, en particulier, avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité dont je salue le Président Louis Schweitzer.
Mais, en ce début d'année, il est temps de franchir une nouvelle étape et je veux que la lutte contre les discriminations soit un chantier prioritaire, voire le chantier prioritaire, de l'Éducation nationale en 2010. Parce que je crois que les discriminations sont une forme de violence. Parce qu'être bien dans sa peau est une condition essentielle de la réussite scolaire et de l'épanouissement personnel.
Et c'est bien pour cela que le combat contre les discriminations sera inscrit dans la circulaire de rentrée 2010 qui fixe, chaque année, la feuille de route de nos établissements pour l'année scolaire.
Pour avancer, pour identifier les mesures concrètes qui nous permettront de faire reculer les discriminations, pour permettre au système éducatif d'atteindre l'objectif que je lui fixe, je veux aussi élargir la réflexion. Et, pour cela, je veux travailler avec tous les acteurs engagés dans la lutte contre les discriminations. Avec vous, bien sûr, et je compte beaucoup sur les résultats de ce forum et de vos prochaines rencontres. Je veux aussi travailler avec l'ensemble de la communauté éducative, avec tous nos partenaires. Avec les organisations lycéennes, et notamment la FIDL, avec les organisations syndicales, mais aussi avec le monde associatif qui oeuvre depuis longtemps dans ce domaine. Je pense bien sûr à la Ligue de l'enseignement, à SOS Racisme et à l'UEFJ, qui ont imaginé et déployé ensemble le programme Co-exist. Je pense aussi à la Licra avec qui nous avons signé une convention. Je pense encore à l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) et au collectif éducation contre les "LGBT-phobies" en milieu scolaire.
Pour organiser cette réflexion, que je souhaite ouverte et ambitieuse, j'ai demandé au directeur général de l'enseignement scolaire de finaliser le processus d'auditions engagé au mois de décembre et d'établir un état des lieux des discriminations à l'École. Je souhaite que des groupes de travail, associant l'ensemble de nos partenaires, se mettent rapidement en place et proposent des mesures concrètes pour faire reculer quatre formes de discriminations fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'origine et le handicap.
Dans les semaines qui viennent, je vais aussi rencontrer personnellement les principaux acteurs de la lutte contre les discriminations et j'annoncerai au mois d'avril les mesures concrètes que j'aurai retenues pour qu'elles soient mises en oeuvre dès la prochaine rentrée scolaire dans nos établissements.
Ce que je veux, ce sont des mesures concrètes, ambitieuses pour apporter des réponses adaptées aux interrogations de nos élèves, à leurs souffrances et parfois même aux violences dont ils sont victimes. Il s'agit aussi de faire comprendre à tous les élèves qu'accepter la différence, savoir en parler, c'est la condition du vivre-ensemble à l'école, comme dans la vie.
Je vous remercie.
Source http://www.education.gouv.fr, le 9 février 2010
Discours de Luc Chatel
Prendre la parole devant une assemblée majoritairement composée de lycéens n'est pas si fréquent pour un ministre de l'Éducation nationale. C'est paradoxal, je le reconnais, mais c'est une réalité.
Et si j'ai tenu à clôturer ce 6e forum de la Fondation Wyeth pour la santé des enfants et des adolescents, c'est d'abord pour vous rencontrer. Vous qui, depuis plusieurs mois, avez participé dans vos lycées, avec vos professeurs, à la préparation de ce forum national. Mais si j'ai tenu à m'exprimer devant vous aujourd'hui, c'est aussi en raison du thème que vous avez choisi d'inscrire au coeur de vos réflexions pour les trois prochaines années : "Filles-garçons : savoir vivre ensemble". Il s'agit en effet d'une question fondamentale à mes yeux, fondamentale pour notre système éducatif, fondamentale pour notre société et je tenais à en parler avec celles et ceux qui la vivent au quotidien dans nos établissements scolaires.
Je sais que les échanges que vous avez eus depuis ce matin avec les scientifiques et les experts présents à ce forum ont été fructueux. J'ai aussi examiné avec beaucoup d'intérêt le sondage qui vient d'être réalisé sur la question du vivre ensemble et qui a nourri votre réflexion.
J'en retiens surtout que 81 % des adolescents considèrent que les gens qui ne ressemblent pas aux autres sont régulièrement discriminés. J'y vois la preuve que la question des discriminations est une préoccupation majeure de votre génération.
La jeunesse est consciente, elle est prête à agir pour faire reculer les discriminations. C'est pour moi un motif d'espérance, un encouragement à agir.
Mais je constate aussi que plus d'un tiers des adolescents estiment que les garçons et les filles n'ont pas les mêmes chances de réussite. Ce sentiment est étayé par les chiffres
Alors que les filles sont presque à parité avec les garçons en terminale S, seulement 27 % des diplômes d'ingénieur sont délivrés à des femmes.
Si les filles réussissent mieux que les garçons à l'école et jusqu'au baccalauréat (58 % des bacheliers généraux), elles sont beaucoup moins nombreuses à s'engager dans les filières sélectives de l'enseignement supérieur. Ainsi, 12 % des bacheliers choisissent une classe préparatoire aux grandes écoles contre seulement 6,6 % des bachelières.
C'est un fait, certains préjugés ont la vie dure. Les phénomènes d'autocensure n'ont pas disparu dans notre pays, dans notre jeunesse. Les stéréotypes sont toujours présents dans l'Éducation nationale.
Je prendrai deux cas extrêmes :
* Les filières de formations "structures métalliques" ou "moteurs et mécanique auto" n'accueillent jamais plus de 2 % de filles
* À l'inverse, les filières "coiffure et esthétique" n'accueillent que 5 % de garçons.
Ces stéréotypes sont d'autant plus problématiques qu'ils peuvent conduire à des discriminations douloureuses :
* À résultats scolaires égaux, une jeune fille qui veut s'engager dans la filière littéraire sera encouragée à le faire. Un garçon qui a les mêmes aspirations se verra trop souvent découragé et poussé vers des filières plus scientifiques.
* Une jeune fille qui suit une formation professionnelle conduisant à des métiers perçus comme masculins aura davantage de difficultés à s'intégrer, voire à décrocher un stage.
C'est pour moi inacceptable et c'est la raison pour laquelle j'attends beaucoup de la mission interministérielle confiée au recteur Marie-Jeanne Philippe sur l'égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif. Marie-Jeanne Philippe, que je salue, a participé à vos travaux cet après-midi.
Vous savez donc que sa réflexion s'articule autour de trois champs principaux : l'orientation scolaire et la diversification professionnelle ; le respect entre les sexes et la lutte contre les violences ; la formation et la sensibilisation des acteurs du système éducatif. Elle me remettra ses préconisations au mois de mai pour que nous puissions agir dès la prochaine rentrée.
Mais progresser sur le terrain de l'égalité filles-garçons, sur la question du vivre ensemble ne peut se faire sans une réflexion de fond sur l'ensemble des discriminations auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés.
Oui, mesdames et messieurs, oui, chers lycéens, c'est bien à l'ensemble des discriminations que je veux m'attaquer en 2010. Comme ministre de la République, comme responsable politique, je me dois de tout mettre en oeuvre pour que l'École tienne toutes ses promesses. Pour que l'École soit le lieu de l'égalité devant les savoirs. Pour que l'École accueille tous les enfants, sans distinction aucune. Pour qu'elle les ouvre sur les autres et sur le monde. Pour qu'elle transmette à chacun d'entre eux les connaissances qui lui serviront tout au long de sa vie d'adulte. Pour qu'elle offre aux jeunes générations les clés de la responsabilité, de la citoyenneté.
Réaffirmer cet engagement républicain passe par une lutte sans merci contre toutes les formes, je dis bien toutes les formes, de discriminations. Je l'ai dit, le sexisme ne saurait avoir droit de cité dans nos classes, dans nos établissements. Mais le combat ne s'arrête pas là.
En effet, je ne saurais tolérer qu'un enfant se voie refuser l'accès à l'École de la République en raison de son handicap.
Sur le terrain des discriminations liées au handicap, nous avons agi depuis 2007. Notamment pour l'accueil des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire. C'était un engagement majeur du Président de la République au cours de sa campagne et nous avons scolarisé 10 000 enfants handicapés de plus à chaque rentrée depuis 2007. C'est une mesure d'équité, une mesure de justice. Mais à présent, au-delà de l'accueil, il nous faut réussir le pari de l'intégration. En effet, trop souvent encore, les élèves d'une unité pédagogique d'intégration (UPI) n'ont que peu de liens, d'occasions d'échange avec leurs camarades du collège où est implantée la structure. Ce n'est pas acceptable parce que l'accueil des élèves handicapés en milieu ordinaire devrait être un enrichissement considérable pour leurs camarades, pour la communauté éducative tout entière.
Je ne saurais non plus accepter qu'un adolescent soit maltraité, voire harcelé, par ses camarades en raison de ses préférences sexuelles. Nous connaissons tous la douloureuse réalité des chiffres. Selon le dernier baromètre santé de l'INPES la prévalence des pensées suicidaires dans une année est de 12,9 % chez les jeunes homosexuels et bisexuels alors qu'elle n'est que de 6,4 % chez les jeunes hétérosexuels. Soit deux fois plus de pensées suicidaires chez les jeunes homosexuels et bisexuels. Plus dramatique encore, selon une étude de l'INSERM en 2005, les jeunes hommes homosexuels ont 13 fois plus de risques de faire une tentative de suicide que les jeunes hommes hétérosexuels.
Nous connaissons aussi la souffrance de celles et ceux qui s'interrogent sur leur sexualité. Voilà pourquoi j'ai tenu à ce que l'Éducation nationale lance dès le mois de mars une nouvelle campagne d'information sur la ligne Azur dans tous les lycées et les collèges. Il s'agit de faire connaître ce numéro d'écoute à ceux qui se posent des questions sur leurs préférences sexuelles. Il s'agit aussi de leur offrir un espace de partage, de dialogue et d'écoute pour combattre le repli sur soi, l'isolement et la peur du regard des autres. Dans le cadre du plan santé que je prépare, je tiens à intégrer un volet sur le bien-être et l'équilibre psychique des adolescents. Il me paraît dès lors essentiel de mettre en place un accompagnement plus personnalisé pour les jeunes en souffrance, notamment parce qu'ils s'interrogent.
Il m'est aussi insupportable qu'un jeune soit victime de son origine, de son lieu de résidence, de sa couleur de peau, ou de son appartenance réelle ou supposée à telle ou telle religion. Je ne prendrai qu'un exemple : nous savons tous les difficultés que rencontrent les jeunes des quartiers sensibles pour décrocher un stage, qu'il s'agisse du stage de découverte professionnelle en classe de 3e ou des périodes de formation en entreprise pour les lycéens de la voie professionnelle. Et nous savons les réticences de certains employeurs à accorder à un élève d'origine maghrébine ou africaine le stage auquel il aspire et pour lequel il a toutes les compétences.
Enfin, je n'oublie pas que le racisme et l'antisémitisme sont les formes les plus abjectes de l'intolérance. En 2008-2009, 4 % des incidents graves dans les lycées et les collèges avaient un caractère raciste, xénophobe ou antisémite. Ce chiffre était certes en baisse d'un point par rapport à l'année précédente. Nous ne saurions pour autant nous en satisfaire. D'autant moins que j'ai la conviction qu'une grande partie des cas de harcèlement discriminatoire échappent aux statistiques, faute d'être dénoncés.
Dès ma nomination au poste de ministre de l'Éducation nationale en juin dernier, j'ai tenu à aller plus loin en demandant à chaque établissement scolaire de mentionner la lutte contre les discriminations dans son règlement intérieur. Et, parce que la discrimination n'est pas un concept abstrait, mais bien une douloureuse réalité, j'ai demandé à ce que les différentes formes de discrimination y soient explicitement nommées.
En fin d'année dernière et pour la première fois, notre ministère a organisé un séminaire national consacré à la lutte contre les discriminations. À cette occasion, plus de 200 cadres éducatifs ont pu échanger avec des partenaires de haut niveau et, en particulier, avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité dont je salue le Président Louis Schweitzer.
Mais, en ce début d'année, il est temps de franchir une nouvelle étape et je veux que la lutte contre les discriminations soit un chantier prioritaire, voire le chantier prioritaire, de l'Éducation nationale en 2010. Parce que je crois que les discriminations sont une forme de violence. Parce qu'être bien dans sa peau est une condition essentielle de la réussite scolaire et de l'épanouissement personnel.
Et c'est bien pour cela que le combat contre les discriminations sera inscrit dans la circulaire de rentrée 2010 qui fixe, chaque année, la feuille de route de nos établissements pour l'année scolaire.
Pour avancer, pour identifier les mesures concrètes qui nous permettront de faire reculer les discriminations, pour permettre au système éducatif d'atteindre l'objectif que je lui fixe, je veux aussi élargir la réflexion. Et, pour cela, je veux travailler avec tous les acteurs engagés dans la lutte contre les discriminations. Avec vous, bien sûr, et je compte beaucoup sur les résultats de ce forum et de vos prochaines rencontres. Je veux aussi travailler avec l'ensemble de la communauté éducative, avec tous nos partenaires. Avec les organisations lycéennes, et notamment la FIDL, avec les organisations syndicales, mais aussi avec le monde associatif qui oeuvre depuis longtemps dans ce domaine. Je pense bien sûr à la Ligue de l'enseignement, à SOS Racisme et à l'UEFJ, qui ont imaginé et déployé ensemble le programme Co-exist. Je pense aussi à la Licra avec qui nous avons signé une convention. Je pense encore à l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) et au collectif éducation contre les "LGBT-phobies" en milieu scolaire.
Pour organiser cette réflexion, que je souhaite ouverte et ambitieuse, j'ai demandé au directeur général de l'enseignement scolaire de finaliser le processus d'auditions engagé au mois de décembre et d'établir un état des lieux des discriminations à l'École. Je souhaite que des groupes de travail, associant l'ensemble de nos partenaires, se mettent rapidement en place et proposent des mesures concrètes pour faire reculer quatre formes de discriminations fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'origine et le handicap.
Dans les semaines qui viennent, je vais aussi rencontrer personnellement les principaux acteurs de la lutte contre les discriminations et j'annoncerai au mois d'avril les mesures concrètes que j'aurai retenues pour qu'elles soient mises en oeuvre dès la prochaine rentrée scolaire dans nos établissements.
Ce que je veux, ce sont des mesures concrètes, ambitieuses pour apporter des réponses adaptées aux interrogations de nos élèves, à leurs souffrances et parfois même aux violences dont ils sont victimes. Il s'agit aussi de faire comprendre à tous les élèves qu'accepter la différence, savoir en parler, c'est la condition du vivre-ensemble à l'école, comme dans la vie.
Je vous remercie.
Source http://www.education.gouv.fr, le 9 février 2010