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Je suis très heureux de pouvoir inaugurer, pour la première fois depuis que j'ai la chance d'être Ministre de la Culture et de la Communication, le Marché international des programmes de télévision (MIPTV), ici à Cannes, dans la capitale mondiale de l'image.
C'est, pour la France, un grand honneur, mais aussi une grande responsabilité, d'accueillir le plus grand marché mondial de programmes du monde, où vont s'échanger, cinq jours durant, programmes, idées, innovations, et où vous allez pouvoir, entre professionnels, débattre du devenir des contenus audiovisuels et numériques, et réfléchir aux moyens de développer vos activités et de bâtir l'offre de programmes à venir.
Car le MIP n'est pas un simple « marché » où les professionnels viendraient « faire leur shopping », mais c'est véritablement un grand forum, une agora de l'image où les échanges se multiplient. En même temps, ce terme de « marché » vient rappeler à ceux qui voudraient l'oublier, qu'en dépit de leur caractère singulier et même « exceptionnel », les biens culturels, en particulier les oeuvres audiovisuelles, sont à la fois des oeuvres de l'esprit et des biens marchands, issus d'une filière dont le poids économique et industriel est bien loin d'être négligeable. C'est ce qui fait leur caractère paradoxal.
11 500 professionnels, près de 4 000 entreprises implantées dans pas moins de 105 pays, et presque autant d'acheteurs, 4 milliards d'euros de droits négociés : nous sommes tous conscients de l'enjeu considérable que représentent ces échanges.
Au fil des années, le MIP a su s'adapter à toutes les évolutions, à celles des technologies, à celles de contenus, à celles des formats, à celles des plateformes sur lesquelles les contenus circulent. Il est un laboratoire où s'imagine la télévision de demain.
Cette édition intervient dans un contexte bien particulier, qui est à la fois celui de la révolution numérique, et bien sûr, à plus court terme, celui de la crise économique, qui a touché de plein fouet la télévision, et en particulier la télévision française.
Cela tient en grande part à l'évolution du marché publicitaire. Celui-ci a traversé l'an dernier une crise profonde, notamment dans ce secteur, où les recettes publicitaires ont chuté, en France, de 11 % entre 2008 et 2009. Cette crise du marché publicitaire perturbe l'équilibre de la création télévisuelle, qui repose essentiellement sur une bonne santé économique des chaînes.
C'est pourquoi la sécurisation des ressources du groupe France Télévisions joue ici un rôle essentiel pour l'ensemble du secteur de la production audiovisuelle patrimoniale : l'avenant au Contrat d'Objectifs et de Moyens, en cours de signature, détaille des niveaux d'investissements dans la création, en valeur absolue et en pourcentage des recettes. Ils passeront ainsi de 375 millions d'euros en 2009 à 420 millions en 2012, à l'extinction du signal analogique, lorsque la TNT couvrira l'ensemble du territoire national.
Mais la crise a eu également un fort impact sur la production, notamment de fiction française, qui a subi l'an dernier un très net recul en volume. Cette crise économique nous met évidemment en demeure d'explorer les moyens d'une relance de la fiction, et sur ce point, vous me permettrez de concentrer mon propos sur les contenus audiovisuels développés en France, non par chauvinisme, mais à la fois parce que leur inscription dans le paysage me semble essentielle à la diversité culturelle, et parce que la fiction française accuse à certains égards un certain retard, en matière de formats notamment.
Dans ce domaine comme dans d'autres, les ressources financières ne suffisent pas : il nous faut aussi recourir à toutes les ressources de l'imagination et de l'innovation, pour renouveler les contenus.
J'ai partagé ce constat avec les professionnels, réunis en septembre dernier à La Rochelle, au Festival de la Fiction TV.
Et pour envisager des solutions, j'ai, en novembre, confié au Club GALILEE une mission sur la fiction française, dont les conclusions viennent de m'être remises, dans les délais très resserrés que je lui avais fixés. Après plusieurs mois de travail intense et de rencontres avec l'ensemble des professionnels, Philippe CHAZAL et Olivier ZEGNA RATA ont proposé, dans ce rapport très complet, deux grandes séries d'orientations que je souhaite notamment explorer et approfondir.
La première concerne le rôle crucial des auteurs pour l'avenir de la fiction française, la nécessité de favoriser l'écriture et le développement de projets, mais aussi de mettre en place un système de formation continue.
L'avenir de la fiction française nécessite en effet, je le disais, une plus grande innovation. Il faut non seulement associer davantage les différents médias (télévision classique et internet) et encourager la diversité des formats, des genres et des horaires de programmation, mais aussi développer davantage la recherche et le développement d'écriture de scénarios et de pilotes. Pour cela, plutôt que de modifier encore les décrets qui ont été récemment rénovés, il pourrait être intéressant d'explorer la voie d'accords interprofessionnels, comme cela existe déjà dans les domaines du documentaire et de l'animation.
Pour éviter que tout cela ne reste lettre morte, j'ai décidé de confier à Pierre CHEVALIER une mission qui devra évaluer ce premier volet de propositions du rapport GALILEE, et réfléchir aux moyens de réaliser celles qui s'avèrent faisables et pertinentes en vue de mieux assurer à l'avenir le financement des phases d'écriture te de développement des oeuvres audiovisuelles. Il sera accompagné, dans cette mission, par la productrice Sylvie PIALAT et par le scénariste Franck PHILIPPON.
Concernant la formation continue, je tiens d'ores et déjà à saluer la mise en place prochaine d'un accord entre France Télévisions, les sociétés d'auteur et les producteurs.
La seconde piste explorée par le rapport GALILEE concerne la diversification des modes et des sources de financement de la production de fiction. Le rapport souligne l'importance d'augmenter les ressources pour la création audiovisuelle en général, et de développer une politique industrielle, notamment en étendant les dispositifs d'aide aux PME et aux TPE et en faisant de la création audiovisuelle une filière stratégique dans le cadre du plan de relance.
Pour évaluer ces propositions et envisager leur transcription concrète, j'ai demandé à Laurence FRANCESCHINI, directrice générale des Médias et des Industries culturelles, ainsi qu'à Véronique CAYLA, Présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), de mettre en place un comité de pilotage qui sera en relation avec les services concernés du Ministère du Budget.
Enfin, à une époque d'aussi grande et rapide mutation, il est évidemment indispensable d'envisager les évolutions de la télévision à moyen et long terme, sous l'angle de la prospective. Conformément au souhait de plusieurs syndicats de producteurs audiovisuels, j'ai décidé de mettre en place un groupe de travail qui doit réfléchir aux perspectives du secteur de l'audiovisuel en France, d'ici 2015.
Le paysage audiovisuel se transforme profondément : il est encadré par un nouveau dispositif réglementaire relatif aux obligations de production audiovisuelle et cinématographique. Il est remodelé par l'extinction de la télévision analogique, qui a débuté et sera complète en 2012, et il doit s'adapter au développement et à la généralisation d'Internet, qui modifie à la fois l'économie du secteur et les habitudes de vision et d'accès aux programmes.
Il est nécessaire d'anticiper les changements importants qui seront induits par ces transformations structurelles afin de garantir l'avenir des créateurs et de l'industrie audiovisuelle.
Compte tenu de son expérience et de sa compétence professionnelle dans le domaine de l'audiovisuel, unanimement reconnus par tous ici, je souhaite confier à Dominique RICHARD une mission de coordination d'un groupe chargé de réfléchir à cette question. Ce groupe associera, dans la concertation, l'ensemble des professionnels du secteur. Il aura pour objectif d'explorer toutes les voies susceptibles de contribuer à une véritable modernisation de l'industrie des programmes audiovisuels. Il formulera des scénarios d'évolution possible et, le cas échéant, des propositions concrètes permettant d'améliorer et d'assurer l'avenir de la création audiovisuelle française à l'horizon 2015. Dominique RICHARD disposera, pour mener à bien cette mission, de l'appui de la Direction générale des médias et des industries culturelles et de celui du CNC.
Vous l'aurez compris, ma volonté est d'avancer rapidement pour relancer notre production de fiction, pour lui donner pleinement les moyens de se développer et lui permettre de trouver un nouvel élan. Nous aurons, avant le prochain MIPCOM, à prendre des mesures en ce sens.
Ma volonté est aussi d'anticiper les évolutions à venir de la télévision, et de permettre à notre industrie de programme de s'y préparer, de se transformer, de regarder devant elle et d'innover. Car l'innovation télévisuelle est une part essentielle d'une culture partagée et de qualité, de ce que j'appelle la « culture pour chacun ».
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 13 avril 2010