Texte intégral
Madame la Présidente du Conseil national de la vie associative,
Monsieur le Président du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire,
Mesdames, Messieurs,
Si l'on admet communément que l'exercice de la vie associative concerne l'entraide et la solidarité, vous me permettrez certainement, avant d'entrer plus précisément dans le sujet qui nous réunit aujourd'hui, de vous faire part en toute modestie, - car je sais qu'il est impossible de se mettre à la place des habitants de la Somme et de l'Oise tragiquement touchés par ces inondations inédites -, précisément de la solidarité d'un membre du Gouvernement.
Je souhaite rendre hommage à toutes les initiatives de soutien qui ont été spontanément mises en uvre et je sais combien le réseau associatif que vous représentez s'est mobilisé face à une situation dramatique pour de nombreux habitants de ces départements.
Je tiens particulièrement à souligner l'action exemplaire de France Bleue Picardie qui a su s'adapter très vite à l'urgence et jouer un rôle déterminant dans la mise en relation des personnes isolées et la coordination des initiatives solidaires. Cette fonction des médias de proximité est pour moi fondamentale.
En marge de l'objet même de ce colloque, je veux vous annoncer que le ministère de la culture et de la communication met en place actuellement, en étroite collaboration avec le conseil régional de l'ordre des architectes et les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, une action à l'attention des particuliers et des collectivités affectés par les inondations dans les départements de la Somme et de l'Oise. Cette action sera coordonnée par la cellule interministérielle de crise dirigée par Jean-Yves Moraccini et se déroulera en deux temps :
- une réponse aux particuliers et aux collectivités dont les maisons ou les équipements ont été endommagés, sous forme de conseils, d'assistance technique et de diagnostic,
- une participation à la réflexion sur les suites à envisager en matière de reconstruction.
Les architectes pourront ainsi jouer leur rôle primordial de conseil et de médiation sociale, notamment dans le champ de l'habitat individuel, et apporter leur contribution à une situation d'urgence.
J'en viens à notre sujet.
Il y a seulement un an, une rencontre nationale avait lieu à Amiens coorganisée par la fédération Léo Lagrange et la direction régionale des affaires culturelles de Picardie : c'était l'une des huit rencontres nationales en région destinées à définir des axes de collaboration sur des objectifs communs, étape importante de la mise en uvre de la Charte d'objectifs que le ministère de la culture a signée avec huit fédérations d'éducation populaire.
La relation entre les mouvements d'éducation populaire et l'Etat était déjà le thème principal de cette rencontre : partenariat ou prestation de services ? Le ministère de la culture avait répondu clairement et avec une forte volonté à cette question : c'est bien entendu un partenariat que nous souhaitons instaurer avec les fédérations d'éducation populaire.
D'ores et déjà, de nombreuses collaborations existent sur les territoires entre associations d'éducation populaire et institutions culturelles, autant d'actions qui répondent au souci de favoriser une réelle participation des citoyens à la vie artistique et culturelle de leur pays. Les conventions triennales que nous signerons prochainement avec chacune des fédérations signataires de la Charte d'objectifs devraient permettre de les développer.
C'est donc avec un très grand plaisir que je constate la poursuite de ce dialogue à Amiens et que la liberté d'association est à nouveau discutée dans une perspective de développement. Votre colloque en témoigne : l'anniversaire de la loi 1901 met en lumière un grand moment de l'action législative et l'importance attachée à une liberté fondamentale dont la reconnaissance fut lente et contestée.
Tout au long du XIXème siècle, la liberté d'association a connu une histoire mouvementée et donné lieu à un riche débat d'idées, nourri de préoccupations sociales nouvelles (formation des syndicats, apparition du mouvement mutualiste...). Il faudra attendre près de trente ans après l'instauration de la Troisième République pour que ces débats aboutissent à l'adoption de la loi du 1er juillet 1901, grâce à la ténacité de Pierre Waldeck-Rousseau.
L'histoire du XXème siècle a quant à elle souligné la fragilité de cette conquête ; chaque guerre, chaque affrontement politique, chaque crise fournissait autant d'occasions de la remettre en cause, parfois subrepticement.
Qu'en est-il cent ans après ?
Les résultats du sondage du CSA, présenté lors de la manifestation de lancement du centenaire, sur " les Français et l'image des associations " sont éloquents : 95% des Français ont une bonne opinion des associations. Quant aux valeurs qu'elles incarnent, ce sont la citoyenneté, la proximité, la convivialité, le dynamisme, la démocratie qui sont les plus citées. C'est une preuve, s'il en était besoin, qu'aujourd'hui, la liberté d'association, solidement garantie, favorise l'expression de la vitalité du corps social.
Cette année de célébration doit aussi nous permettre de réfléchir à l'avenir, de lever un certain nombre d'ambiguïtés sur l'utilisation des associations et leurs relations avec les collectivités publiques, en un mot d'approfondir le débat sur les libertés associatives. En effet, un autre des résultats du sondage CSA doit nous alerter : 44% des Français seulement estiment qu'elles sont assez transparentes. Il nous faudrait certainement repréciser aujourd'hui ces belles notions d'adhésion, de bénévolat, d'utilité sociale, de non lucrativité, de gestion désintéressée, certainement aussi moderniser un certain nombre de pratiques, de règles fiscales ou comptables, de modalités de contrôle de la gestion associative.
Mais ce qui me semble primordial du point de vue des collectivités publiques -et cette question est au cur de votre colloque- c'est d'être constamment attentif à ne pas réduire la vie associative à un système de sous-traitance, ou de concession d'un certain nombre de fonctions collectives. La complémentarité entre l'action de l'Etat et celle des associations doit se clarifier et se renforcer.
C'est la condition nécessaire pour que les associations s'inscrivent réellement dans les politiques territoriales. Leur rôle ne réside pas seulement dans la mise en uvre de politiques définies en amont, mais bien dans les concertations nécessaires à la définition de ces politiques.
Les récentes lois sur l'organisation territoriale de notre pays insistent sur la participation des habitants, et l'on sait tous combien, dans le domaine culturel par exemple, cette participation est la clef de la réussite. Parce que vous êtes au plus près des désirs et des pratiques, parce que vous en êtes issus tout simplement, vous êtes en mesure de placer les citoyens au cur des projets culturels et de construire ainsi des réponses de notre temps. C'est ainsi que s'enrichit l'action culturelle et que les écarts creusés par les inégalités sociales et géographiques peuvent se réduire.
Un Secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation ne peut envisager une nouvelle phase de décentralisation culturelle sans avoir pour souci prioritaire le développement de la démocratie participative et délibérative.
Celle-ci possède une vitalité et une créativité extraordinaires que nous sous-évaluons parfois. C'est le constat qui s'impose à moi, à travers mes très nombreux déplacements et ces rencontres avec ce que j'appelle le pays culturel et que j'ai systématisés depuis mon arrivée au gouvernement.
La réflexion sur la décentralisation n'a de sens que si elle s'inscrit dans la perspective plus large d'une refondation démocratique de nos institutions. Elle doit faire sa part aux exigences citoyennes nouvelles en matière d'efficacité de l'action publique, d'association plus complète à la décision et d'une meilleure prise en compte des identités culturelles.
Pour ce qui concerne le ministère de la Culture, il nous faut affirmer fermement que les associations d'éducation populaire sont des acteurs culturels à part entière depuis plus d'un siècle et qu'elles possèdent des savoir-faire qui ne demandent qu'à être partagés. Les militants d'aujourd'hui peuvent être fiers d'être les héritiers d'une longue histoire. Leur responsabilité et leur action doivent être à la mesure de cette fierté.
Il leur faut constamment interroger leurs pratiques et leurs résultats, leurs modes de gestion et d'organisation, l'impact social de leurs prestations, leurs choix de diversification pour ne jamais oublier l'objectif qu'ils se sont fixés : une société plus juste et solidaire dans une République laïque, démocratique et sociale. C'est ainsi que les réalisations d'aujourd'hui pourront s'inscrire demain dans la continuité de leur histoire.
Depuis les premières assises nationales de la vie associative en 1999, le gouvernement travaille dans la confiance et la transparence avec le mouvement associatif afin de donner un cadre clair aux orientations de la politique de l'Etat en faveur des associations. Au moment où l'on célèbre le centenaire de la loi 1901, en cette année 2001 proclamée année internationale des volontaires par l'ONU et grande cause nationale de l'engagement associatif par le Premier ministre, des chantiers importants sont en cours où se rencontrent la mobilisation et la volonté d'aboutir des uns et des autres.
Je n'entrerai pas dans le détail des mesures prises ou en cours d'élaboration. Le représentant de Madame Elisabeth Guigou vous les présentera demain. Toutefois, je voudrais mettre l'accent sur les enjeux qui me paraissent importants.
Le premier concerne la reconnaissance de l'engagement bénévole sous toutes ses formes et la valorisation de l'ensemble des ressources humaines associatives. Le premier ministre a confié une mission sur ce sujet à Marie-Georges Buffet qui a fait de nombreuses propositions : statut des dirigeants, congé de représentation associatif, validation des acquis, volontariat civil de solidarité des jeunes, temps d'utilité civique et sociale ...
Le Fonds national de développement de la vie associative, à dimension interministérielle, a connu un abondement de crédits significatif en 2001 (+8 MF) et une amélioration considérable de sa gestion.
Par ailleurs le dispositif " nouveaux services - nouveaux emplois " a permis l'embauche de plusieurs milliers de jeunes : près de 40.000 emplois créés dans le secteur de la culture. Ce dispositif a permis de répondre tout à la fois à des demandes que le marché ne satisfait pas et au souhait de nombreux jeunes de s'investir dans des domaines du champ social et culturel qui allient l'exercice d'une passion personnelle à l'action collective et solidaire.
Un autre enjeu essentiel est la clarification du secteur des activités économiques d'intérêt collectif (non public, non lucratif) et sa sécurisation au plan juridique, financier et fiscal. Un projet de loi-cadre sur l'économie sociale et solidaire est à l'étude.
Il s'agit enfin d'approfondir les relations partenariales entre les associations et l'Etat à tous les niveaux, de développer une culture et des méthodes qui facilitent la conduite et la reconnaissance des projets associatifs, d'intégrer la politique associative à la réforme de l'Etat.
Ces mouvements, ces réflexions, ces projets témoignent de la vitalité de la loi 1901 et, parallèlement, de l'engagement du Gouvernement dans une véritable politique associative. Je suis convaincu que les Français souhaitent, de plus en plus, participer directement à l'action démocratique : c'est pourquoi il est tellement important d'imaginer des rapports plus étroits, plus féconds, entre les associations et l'Etat et au titre de la décentralisation culturelle dont j'ai la charge, vous comprendrez que j'y sois particulièrement attentif.
Des organismes tels que le FONJEP, le CNVA mais aussi la CPCA y contribuent activement. Je ne doute pas que vos travaux ouvriront la voie à de nouvelles avancées dans ce domaine.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 21 mai 2001)