Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur le développement de la coopération audiovisuelle entre les pays de la Méditerranée, Paris le 10 avril 2010.

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Circonstance : 17ème conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (COPEAM° à Paris le 10 avril 2010

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A voir réunie ici, au CNC, la grande famille du FONDS SUD CINÉMA pour rendre hommage aux hommes et aux femmes qui, ensemble, l'ont construit, l'ont fait vivre et prospérer, je dois dire qu'une certaine émotion me gagne.
Comment en serait-il autrement quand l'ancien président de la Commission du FONDS SUD que je suis retrouve ici le souvenir vivace des longues après-midi passées, en votre compagnie, dans l'échange, le débat, la communion d'esprit autour d'une passion qui nous rassemble ?
Quand je m'apprête à partager avec vous, dans quelques minutes, la découverte du nouvel opus de Raja AMARI, une grande artiste soutenue par le FONDS SUD avec une sûreté d'intuition confirmée depuis par les plus grands festivals internationaux ?
Quand tant de visages et de choses autour de moi évoquent cette terre tunisienne que j'ai aimée et aime encore, au point de la faire presque mienne... ?
Comment ne pas ressentir une grande émotion, surtout, quand notre amie Dora nous fait, depuis quelques semaines, l'honneur d'exercer la présidence du FONDS SUD, en lui apportant ainsi son immense talent de productrice et son engagement constant, depuis des années, au service des cinématographies du Sud, notamment dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage, avec le succès que chacun connaît ?
Pourtant, je ne veux pas, bien sûr, me contenter de ce sentiment bien naturel d'émotion. Le message que j'entends porter devant vous dépasse, et de très loin, ma propre personne comme celle de chacun d'entre nous.
C'est un message collectif, fondé sur la réalité d'un projet commun.
Cette réalité, elle est belle à dire : 26 ans d'existence et d'action ont fait du FONDS SUD CINÉMA un succès - un vrai grand succès.
Par le nombre de films aidés, d'abord : plus de 400, portés par 300 cinéastes issus de plus de 70 pays.
Un succès, également, par l'ampleur des financements publics qui y ont été consacrés - avec un total supérieur à 50 millions d'euros, représentant en moyenne 15 % du coût total de chaque oeuvre.
Un succès, surtout, par la qualité des films soutenus, qui ont fait du FONDS SUD un sésame précieux pour les producteurs et les distributeurs étrangers - un label en quelque sorte, un gage de qualité, une reconnaissance artistique autant qu'un appui financier.
Je ne prendrai qu'un seul exemple : celui du 20e anniversaire du FONDS, en 2004. Qui décroche, cette année-là, l'Ours d'argent, à Berlin, ainsi que celui du meilleur acteur et le Grand Prix du Jury ? Le Fils d'Elias, de Daniel BURMAN, aidé par le FONDS SUD. Qui se fait remarquer en compétition officielle, à Cannes, pour son second long métrage, La Niña Santa ? Lucrecia MARTEL, aidée dès ses débuts par le FONDS SUD. Qui séduit enfin la Mostra de Venise dans la section " Horizons " ? Pablo TRAPERO, pour le Voyage en famille : aidé par le FONDS SUD.
Je n'ai qu'un seul regret, peut-être : c'est que nous n'ayons pas toujours réussi à faire connaître ce succès à sa juste mesure. Il est, pour autant, loin d'être passé inaperçu : d'autres pays, comme les Pays-Bas, la Suède ou encore l'Allemagne, se sont très tôt intéressés au FONDS SUD, l'ont imité, avec beaucoup d'ambition et de brio. La Commission européenne réfléchit, aujourd'hui même, à la façon d'adosser à nos fonds sa propre action de soutien à la production cinématographique, dans les pays partenaires de l'Union, à travers le dispositif MEDIA MUNDUS, et je forme le voeu que celui-ci soit très vite opérationnel, car il est très attendu et fait naître de grands espoirs.
Tout compte fait, il n'y a guère que d'une chose que nos partenaires se plaignent de concert, s'agissant du FONDS SUD : c'est que l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée n'ait que très peu augmenté, depuis la création du FONDS il y a 26 ans. Il faut donc accomplir un effort en ce sens, et je vous annonce que je m'y emploierai pour 2011.
A cet égard, je suis donc particulièrement heureux de pouvoir saluer, ce soir, l'engagement récemment pris par le Ministère des Affaires étrangères et européennes de poursuivre, cette année, l'implication qui a toujours été la sienne dans le financement et la gestion du FONDS SUD, puisque ce fonds est le fruit d'une coopération exemplaire entre les deux ministères.
Il ne s'agit d'ailleurs pas de répondre, par là, aux seules attentes immédiates des professionnels : je suis intimement convaincu que le regard croisé de nos deux ministères contribue à la justesse des choix opérés à long terme par le FONDS. Il est également déterminant, me semble-t-il, dans l'appropriation du dispositif par l'ensemble des acteurs de la création cinématographique, en France comme à l'étranger.
Je m'emploierai aussi, de toutes mes forces, à ce que nos deux ministères et le FONDS SUD lui-même tirent le meilleur parti de la réorganisation qui se dessine, avec la création de la future Agence culturelle extérieure française. Je sais pouvoir compter, dans cette tâche, sur la bonne volonté de mon ami Bernard KOUCHNER, et je m'en réjouis.
Il nous faudra naturellement veiller à d'autres chantiers pour consolider l'édifice du FONDS SUD. Les temps ont changé, en 26 ans ; l'économie du cinéma a changé.
Doit-on garder une liste de pays éligibles qui ne tient que peu de compte, aujourd'hui, du poids acquis par quelques grands pays émergents, comme l'Inde ou la Chine, dans la cinématographie mondiale ?
Doit-on maintenir certains pays au banc du FONDS SUD, pour des considérations historiques ou politiques, sans doute éloignées de la réalité des besoins du secteur cinématographique ?
Doit-on continuer de concentrer l'appui du FONDS SUD sur l'aide à la production et à la postproduction de films, en ne réservant qu'un caractère subsidiaire aux aides à la réécriture de scénarios ?
Ce sont autant de questions qu'il vous appartiendra de trancher. Vous le voyez, ce formidable outil que vous tous avez contribué à faire vivre, mérite encore, et méritera toujours, un travail permanent d'ajustement et d'adaptation aux nouvelles donnes qui sans cesse se font jour.
Je souhaite que Dora et vous tous puissiez contribuer à ce travail, en puisant dans l'expérience et l'expertise inestimables qui vous sont propres.
C'est de cette façon que nous continuerons à servir au mieux les cinématographies les plus fragiles, y compris au sein même des pays éligibles au FONDS SUD. Je pense naturellement aux cinémas des Etats d'Afrique subsaharienne, dont beaucoup, vous le savez, fêtent cette année le cinquantenaire de leur indépendance, et mon ministère s'y associe naturellement. Je reste, en effet, frappé par le décalage qui semble exister entre la présence de talents incroyables dans ces pays et la faiblesse du nombre de projets qui y sont portés et, par suite, effectivement soutenus par le FONDS SUD.
A ma connaissance, ce nombre n'a fait que diminuer depuis 26 ans, même si le mouvement semble s'être atténué sous la présidence de Mahmet-Saleh HAROUN, dont je tiens à saluer l'action.
Il ne s'agit pas, j'en suis convaincu, d'une fatalité, et je ne puis m'y résoudre. C'est pourquoi j'ai souhaité mettre sur pied, dès les prochaines semaines, une mission chargée de dresser un état des lieux du cinéma en Afrique subsaharienne, en association avec le ministère des affaires étrangères.
Elle sera confiée conjointement à MM. Patrick OLIVIER et Benoît PAUMIER, inspecteurs généraux des affaires culturelles, qui bénéficieront du conseil de Dominique WALLON, ancien directeur général du CNC, ancien président de l'IFCIC (Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles) et auteur d'analyses remarquables sur le cinéma africain.
Certains constats sont bien connus : les entreprises de production et les salles de spectacle ont presque totalement disparu de ces pays, faute de trouver un modèle économique viable, en raison du piratage des biens culturels et de la trop faible implication des diffuseurs, notamment des opérateurs de télévision, dans le financement de la production locale.
Chacun sait également que les structures destinées à la formation initiale et continue des professionnels africains doivent être renforcées.
Je souhaite que cette mission se concentre sur des recommandations opérationnelles, susceptibles de fédérer les énergies de tous les bailleurs de fonds, français, européens et mondiaux - et ils sont nombreux - et d'explorer les pistes les plus prometteuses pour développer un autre modèle de consommation du cinéma, capable de toucher un large public, notamment africain, tout en offrant une juste rémunération aux artisans locaux et internationaux de la création cinématographique.
La tâche est belle, ambitieuse, enthousiasmante. Je forme des voeux pour qu'elle connaisse un succès aussi éclatant et aussi méritoire que celui que vous tous, ici présents, avez déjà fait remporter au FONDS SUD.
Puissions-nous nous retrouver, dans 25 ans, pour en célébrer les fruits !
Place, à présent, au cinéma et aux Secrets que va, sinon nous dévoiler, du moins mettre en lumière notre chère Raja AMARI, à laquelle je souhaite le meilleur accueil par le public.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 16 avril 2010