Texte intégral
Monsieur le Président de la FNPL, cher Henri BRICHART
Il m'est bien difficile de prendre la parole après vous, mais je vais quand même essayer de le faire.
Messieurs le Président de la FNSEA, cher Jean-Michel LEMETAYER,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui dans la ville de Lille et de retrouver un certain nombre de paysans du Nord que j'ai eu l'occasion de rencontrer lors de mes déplacements dans ce département.
Je suis heureux de vous retrouver, parce que j'ai, depuis longtemps, des choses à vous dire. Et cela arrive rarement, j'attendais cette rencontre avec la Fédération nationale des producteurs de lait avec impatience. Comme Henri BRICHART l'a rappelé tout à l'heure avec beaucoup de gentillesse, c'est mon anniversaire aujourd'hui. C'est toujours un moment de bonheur personnel, mais ce n'est pas pour autant, et je rejoins les mots un peu graves qu'Henri BRICHART a employés tout à l'heure, ce n'est pas pour autant un jour de fête pour l'agriculture française et encore moins pour la filière laitière, sans doute l'une des filières qui a le plus souffert de la crise de l'année 2009. Et pour vous faire une confidence, je ne suis plus le même homme politique après la crise laitière que vient de connaître le monde du lait en France.
Vos revenus ont baissé de plus de 50 % en un an. Ils sont redescendus au niveau de 1990. Je ne commente pas, je donne des chiffres. Je ne connais aucune autre profession, aucun métier, qui aurait réagi avec autant de dignité face à une telle crise. Votre détresse, je la mesure tous les jours. Je suis élu de l'Eure, je suis élu de Haute-Normandie, je la rencontre dans tous les départements et dans toutes les régions françaises. Cette détresse mine des familles entières de producteurs de lait. Elle inquiète profondément les femmes des agriculteurs pour lesquelles j'ai une pensée particulière. Elle a conduit certains éleveurs à des actes désespérés. Cette situation ne peut plus durer. Cette situation ne doit plus durer. Ma responsabilité, ma préoccupation quotidienne depuis mon arrivée comme ministre de l'agriculture, est d'y apporter des réponses concrètes.
Je suis venu vous dire aujourd'hui à Lille que je me bats à vos côtés, que je me bats pour vous. Pour chacun d'entre vous, sans considération d'affiliation syndicale ou de considération partisane. Je suis depuis le début à l'écoute de tous. Et je me félicite de ce que vient d'annoncer Henri BRICHART, de l'ouverture de discussions à l'ensemble des autres organisations syndicales sur le sujet de la crise laitière et des moyens d'en sortir. Je me bats pour obtenir avec vous une chose simple : la juste rémunération de votre travail.
Ce que je vous dis, ce ne sont pas des mots, ce sont des actes que nous continuerons à poser les uns après les autres au cours de l'année 2010 :
- Quand il a fallu faire le tour des pays européens pour que la Commission intervienne sur les marchés du lait pour faire remonter les prix, j'ai fait le tour des pays européens et nous avons obtenu gain de cause.
- Quand il a fallu débloquer une aide dite d'urgence, j'ose à peine employer ce mot, car il a fallu 4 mois pour la débloquer, nous avons fait le nécessaire pour que les 300 millions d'euros soient sur la table.
- Et quand il a fallu réclamer la mise en place d'un Groupe à Haut Niveau sur les marchés du lait, parce que c'était une nécessité absolue, sur la régulation des marchés laitiers, je me suis battu jusqu'à ce que le Groupe à Haut Niveau se réunisse et donne des résultats concrets.
Mais vous l'avez très bien dit, cher Henri BRICHART, je ne suis pas ici pour faire le bilan des 10 derniers mois. Je suis ici pour tracer des perspectives pour la filière laitière française dans laquelle je crois. Je suis ici pour vous présenter, parce que vous me préférez en homme d'action plutôt qu'en homme politique, les choix d'un homme d'action.
La première chose que nous avons à faire ensemble, producteurs, industriels, coopératives, c'est de faire un diagnostic commun sur les mois qui viennent de s'écouler.
C'est de tirer les leçons de la crise.
Rien ne serait pire en effet que de prendre pour argent comptant la légère remontée des prix du lait depuis le début de l'année 2010. Rien ne serait pire que de considérer, comme j'ai cru l'entendre en écoutant les intervenants précédents, que la volatilité des prix était un hasard de l'histoire et qu'elle ne se renouvellerait pas à l'avenir. Je crois malheureusement le contraire.
Je préfèrerai de ce point de vue toujours le discours de la vérité au discours de la complaisance. Et je sais, et c'était aussi une raison de l'impatience que j'avais à vous rencontrer, que je retrouverai toujours la FNPL, vous-même Henri BRICHART, sur ce chemin de la vérité. Je tiens à saluer le courage et l'esprit de responsabilité dont vous avez toutes et tous fait preuve dans cette crise.
La vérité, c'est que volatilité des prix s'est accrue ces dernières années : en un an, le prix du lait payé au producteur est passé de plus de 400 euros la tonne début 2008 à moins de 250 euros en 2009. La volatilité des prix ne va pas disparaître du jour au lendemain, elle est désormais une réalité pour le monde agricole. Ma responsabilité n'est pas de vous dire qu'elle va s'évanouir par miracle, ma responsabilité est de vous donner les instruments économiques à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne pour y faire face.
De ce point de vue, je tiens à vous dire un mot de l'accord du 3 juin 2009, qui a été l'objet de tant de critiques. Cet accord du 3 juin 2009, qu'on le veuille ou non, a été une protection pour tous les producteurs de lait français. Où en serions-nous si producteurs, industriels et coopératives n'avaient pas signé cet accord ? Où en serions-nous si le 30 mars dernier, les industriels, les coopératives, les producteurs, n'avaient pas réussi à trouver ensemble un accord pour le 2e trimestre 2010 ? Je ne dis pas que cet accord est une formule magique. Je dis simplement qu'il vous offre une visibilité qui n'existe dans aucun autre pays européen et que je préfère la situation sur le prix en France aujourd'hui à celle de l'Allemagne, des Pays-Bas, du Danemark ou d'autres pays européens.
La vérité, c'est que les producteurs de lait français doivent faire face à la concurrence des autres pays européens. Je le dis avec beaucoup de gravité : nous ne pouvons pas continuer, dans la filière du lait comme dans toutes les filières agricoles, à perdre des parts de marché face à l'Allemagne. Ce n'est ni l'intérêt des industriels, ni l'intérêt des coopératives, et encore à long terme l'intérêt des producteurs. Les importations de lait liquide en provenance d'Allemagne ont augmenté de plus 70 % en un an. C'est vos parts de marché que vous perdez, c'est vos revenus qui risquent de fondre comme neige au soleil, si nous ne gagnons pas cette bataille de la compétitivité. Je le dis en tant que ministre proche de l'Allemagne, en tant qu'ami de ce pays, nous devons gagner la bataille de la compétitivité face à ce grand pays agricole.
La vérité, c'est que l'agriculture française intervient désormais sur un marché mondial : une variation de la production de lait en Nouvelle-Zélande, 2% de la production mondiale comme l'a rappelé Henri BRICHART tout à l'heure, a des conséquences directes sur les prix du lait en France : 3% de variation à 10 000 km de la France, cela veut dire 100 euros de plus ou de moins sur la tonne de lait pour les producteurs de lait sur notre territoire. De nouveaux acteurs spéculent sur les marchés du beurre ou de la poudre de lait, comme ils spéculent sur les marchés financiers. Il est temps que les Etats, au plus haut niveau, se saisissent du sujet pour réguler les marchés agricoles, comme nous avons commencé à réguler les marchés financiers.
Dans ce contexte nouveau, et vous voyez que je n'épargne rien de ce qu'est la vérité aujourd'hui du monde agricole et en particulier des marchés laitiers, deux solutions sont à écarter et là aussi je préfère les indiquer avec le plus de transparence possible : la solution du laisser-faire et la solution du retour à une économie administrée.
Je commence par le retour à une économie administrée dont certains semblent parfois rêver, je peux les comprendre. Je veux leur dire que ce n'est pas la voie de sortie pour l'économie de la filière laitière en France.
Nous ne voulons pas - et nous ne pourrons pas - revenir à une économie laitière administrée avec des quotas de production fixés pays par pays. Nous ne le voulons pas d'abord car ce n'est pas efficace face à la crise. Nous avons eu la crise avec les quotas, donc les quotas, jusqu'à preuve du contraire, ne sont pas une protection face à la crise.
Nous ne le pouvons pas, car nous sommes dans une économie européenne, et que fondamentalement les quotas ne sont pas justes pour beaucoup de pays européens. Vous ne pouvez pas demander à un Etat de produire du lait en fonction d'un quota historique datant de 1984. Aucune filière économique n'est soumise à ce genre de règles. Pourquoi en irait-il autrement pour la filière laitière ?
Souvenons-nous aussi des leçons de l'expérience. Et je le dis pour ceux qui réclament parfois avec le plus de force le retour aux quotas. Souvent ce sont les mêmes qui en 1999 les avaient défendus. Je leur reconnais le mérite de la constance. Mais ils oublient que la France avait été battue sèchement en 1999 et qu'elle a dû su plier à la règle de la majorité, et accepter la suppression des quotas. Là aussi je suis ici pour vous tenir un discours de vérité. Mieux vaut défendre de nouveaux instruments, plus efficaces et plus protecteurs, que de défendre des instruments anciens qui ne vous ont pas protégés. Il serait plus facile pour moi dans cette salle de vous dire que je vais défendre bec et ongles les quotas pour vous protéger, mais ils ne vous protègeront pas et je sais à l'avance que je n'aurais jamais de majorité qualifiée au sein de l'Union européenne. Je suis ici pour vous inventer des solutions d'avenir et pas pour revenir aux solutions inefficaces du passé.
Mais soyons clair également sur ma position et sur la position du gouvernement français : je suis tout autant, avec autant de fermeté, opposé à la libéralisation totale des marchés agricoles. La libéralisation des marchés agricoles n'est pas seulement une erreur économique, c'est une faute contre l'esprit européen. Car l'esprit européen, c'est la solidarité. L'esprit européen, c'est un projet politique qui n'est pas fondé simplement sur les prix agricoles, mais aussi sur la sécurité sanitaire pour laquelle vous payez et sur la sécurité l'environnementale pour laquelle vous vous dépensez depuis des années. L'esprit européen, ce sont des garanties collectives offertes aux producteurs pour les protéger contre la volatilité excessive des prix. Je me bats depuis près d'un an pour une nouvelle régulation des marchés agricoles à l'échelle européenne. Je poursuivrai ce combat parce qu'il est juste. Je poursuivrai ce combat parce qu'il donne des résultats. Lorsque j'ai entamé la bataille pour la régulation des marchés agricoles au début du mois d'août 2009, j'étais le seul à défendre cette idée. La France était la seule à réclamer des instruments de régulation qui puissent protéger les producteurs face à une volatilité des prix excessive. Nous avons commencé notre combat sous les sarcasmes et dans la dérision. Nous avons commencé notre combat avec le scepticisme le plus total des 26 autres Etats européens. Un an plus tard, ce ne sont pas des mots, ce sont des faits. Un an plus tard, Dacian CIOLOS, Commissaire européen à l'agriculture, s'apprête à déposer un projet de texte européen sur la régulation du marché des produits laitiers qui reprend point par point les idées françaises. Je vous dis : beaucoup de chemin a été parcouru en 9 mois, il en reste tout autant à parcourir, mais nous sommes sur la bonne voie et, avec votre soutien, nous arriverons à mettre en place cette régulation européenne des marchés agricoles.
Sur la base de ces principes, où allons-nous ? Que voulons-nous pour la filière laitière de demain ?
Je voudrais vous parler d'abord de deux objectifs politiques qui sont au coeur des choix que nous avons faits depuis plusieurs mois et que nous continuerons à faire.
Mon 1er objectif est clair : je souhaite maintenir une production laitière sur l'ensemble du territoire.
Il y a de profondes différences régionales, vous les connaissez. Henri BRICHART, vous les avez rappelées tout à l'heure.
J'entends des gens qui me disent : pour que la France soit compétitive, il faudrait absolument que toutes les exploitations produisent un million de litres de lait par an. Mais je connais des exploitations en Savoie qui produisent 100 000 litres de lait et qui sont rentables car elles ont un débouché, une valorisation, qui leur permet d'avoir leur lait payé à plus de 400 euros la tonne grâce à des fromages AOC.
J'entends d'autres personnes qui me disent qu'il faut absolument qu'une vache soit nourrie avec des céréales plutôt qu'avec de l'herbe parce qu'une vache nourrie avec des céréales va produire 8000 ou 9000 litres de lait par an, tandis qu'une vache nourrie avec de l'herbe va n'en produire que 6000 litres. Je rappelle là-aussi à ces très fins connaisseurs de l'économie laitière que le maïs ne se produit pas partout, que la production de maïs peut avoir un coût économique et environnemental. L'équilibre doit être trouvé localement. Evitons l'esprit de système quand nous analysons l'économie laitière.
Chaque territoire a ses atouts et ses difficultés propres. Ma responsabilité est de construire avec vous une réponse adaptée à chaque région pour maintenir une économie laitière performante sur tout le territoire. Une fois encore, pas d'esprit de système, mais des solutions adaptées à la réalité des bassins de production et adaptées à la réalité de la production laitière de chaque région : le Nord n'est pas l'Est, l'Est n'est pas le Sud-Ouest, le Sud-Ouest n'est pas la Bretagne. Il faut prendre en considération les différences entre chacune de ces régions.
Comment pouvons-nous y arriver ?
Cela passe d'abord par une compensation des handicaps naturels. Les exploitations laitières de montagne ont bénéficié du Bilan de santé de la PAC et de la revalorisation de l'ICHN. Je vous confirme que les contrats de PHAE arrivant à échéance en 2010 et 2011 sont tous en cours de renouvellement. Il n'y aura pas un contrat qui ne sera pas renouvelé. Je vous confirme que je proposerai à la Commission de nouveaux critères de délimitation des Zones défavorisées simples. Les premiers critères qui m'ont été proposés par la Commission conduisaient à supprimer une part beaucoup trop élevée des zones défavorisées simples. Cette solution ne me convient pas, nous ferons une contre-proposition à la Commission. Je continuerai de soutenir l'élevage dans ces zones plus difficiles, tout simplement parce que sur ces territoires c'est souvent la seule production possible. Et c'est la condition du maintien d'une activité agricole dans toutes nos régions.
La deuxième façon d'y arriver c'est une meilleure gestion de l'offre de lait dans certaines régions. Je sais que le sujet est sensible, nous en avons souvent discuté avec Jean-Michel LEMETAYER et Henri BRICHART. Il faut redistribuer les 2% de hausse de quotas dont nous disposons et en faire bénéficier en priorité les jeunes agriculteurs et les récents investisseurs. Je vois parfaitement les oppositions à ce choix. Mais nous ne pouvons pas affaiblir les exploitations qui ont fait des efforts pour se développer. Nous ne pouvons pas les priver de ces quotas, alors que cela nous ferait encore perdre des parts de marché au bénéfice de nos voisins et amis allemands. Ce choix est difficile. Mais c'est un choix responsable et nécessaire.
Le troisième axe qui nous permettra de tenir cet objectif sur tout le territoire, c'est le développement du travail en commun. L'association, cela ne veut pas dire des exploitations de taille démesurée qui poseraient des problèmes pour l'environnement et qui ne correspondent pas au modèle agricole français. L'association, cela veut dire un amortissement plus rapide de vos investissements et la possibilité d'avoir une organisation du travail adaptée aux modes de vie actuels, la possibilité d'avoir tout simplement, pour beaucoup d'entre vous, une vie personnelle.
Mon 2e objectif politique, au-delà de la présence sur tout le territoire de l'activité laitière, est bien de gagner la bataille de la compétitivité. Là aussi permettez-moi de dire un mot un peu détaillé sur le sujet. Gagner en compétitivité ne veut pas forcément dire s'engager dans une course démesurée à l'agrandissement des exploitations. Gagner en compétitivité, c'est aussi réduire les charges et améliorer la valorisation de vos produits et leur commercialisation.
Lorsque, dans le cadre des Etats généraux du sanitaire, nous envisageons effectivement d'avoir des éleveurs qui puissent davantage prendre à leur charge un certain nombre de tâches sanitaires, nous améliorons votre compétitivité. Lorsque nous insistons sur la prévention des maladies, nous gagnons en compétitivité. Lorsque je défends une nouvelle méthode pour évaluer les règles environnementales appliquées à l'agriculture, et que je la défends avec succès, puisqu'elle a été reprise par le Président de la République, je fais en sorte que vous puissiez gagner en compétitivité. Avec du bon sens, marché unique européen cela veut dire, pour les règles environnementales, règles uniques européennes. Marché unique européen, normes environnementales uniques ; il n'y aucune raison que vous soyez soumis à des règles plus strictes. Ce que je vous dis est le bon sens, mais contrairement à ce que disent certains publicitaires, le bon sens n'est pas toujours près de chez vous. Comme responsable politique, je suis bien placé pour le savoir.
Lorsque nous proposons dans le cadre de la LMA de classer la méthanisation comme activité agricole, nous vous permettrons de gagner en compétitivité. Les premières évaluations que nous avons faites montrent que le classement de la méthanisation en activité agricole, avec les avantages fiscaux qui vont avec, peut représenter pour une exploitation laitière moyenne un gain de 25 000 euros par an. Ce n'est pas négligeable.
Nous n'avons aucune raison d'être moins performants que l'Allemagne. Nous allons réaliser une étude comparative détaillée entre la France et en Allemagne. Nous regarderons point par point quelle est la réalité des écarts de compétitivité entre les deux pays. Là aussi je ne veux pas me satisfaire des opinions toutes faites qui me disent qu'il y a 15 ou 20% d'écart de prix entre les deux pays. Je souhaite connaître les raisons exactes, précises, détaillées, documentées des écarts de compétitivité entre les deux pays.
Il faudra associer les transformateurs à ces réflexions et à ces choix. Arrêtons de considérer systématiquement que le défaut de compétitivité de la filière laitière en France par rapport à l'Allemagne, ce sont forcément les producteurs qui en sont les responsables. Je dis ça devant Olivier PICOT et Gérard BUDIN qui sont les deux seuls à ne pas applaudir dans la salle. Ne les sifflez pas, ils savent très bien défendre vos intérêts contrairement à ce qu'on pourrait croire. Je dis simplement : vous vous en sortirez collectivement. Ce n'est en disant « nos producteurs sont nuls, ils ne sont pas aussi bons que les Allemands » qu'on sortira la filière laitière des difficultés dans lesquelles elle est actuellement. Ce n'est pas non plus en disant que les industriels sont d'ignobles capitalistes, à qui il faut prendre l'argent injustement gagné, que nous sortirons la filière de la situation où elle se trouve. C'est en étant capable de faire preuve d'équité, en redonnant davantage de pouvoir aux producteurs, en étant capable de faire en sorte que chacun y trouve son intérêt, que la filière laitière sortira de la situation où elle est et retrouvera le niveau d'excellence qui doit être nécessairement le sien.
Je parlais des industriels, un dernier mot sur ce point pour évoquer le projet de fusion entre Entremont et Sodiaal. Je souhaite que ce projet, dans lequel j'ai investi beaucoup d'énergie, aboutisse dans les meilleures conditions possibles et le plus rapidement possible. C'est l'intérêt des producteurs. Et je voudrais rendre hommage ici à Pascal NIZAN qui fait un travail remarquable. C'est l'intérêt des entreprises. Et c'est l'intérêt des salariés. Et je voudrais dire ici avec un peu de gravité à tous les acteurs concernés : il faut prendre son temps pour construire un projet industriel solide, il faut prendre tout son temps, mais pas davantage et sûrement pas l'éternité. Et comme le disait Woody Allen : « l'éternité, c'est long, surtout à la fin ».
Enfin, je mesure parfaitement que ces efforts de compétitivité auront un coût. Ce n'est pas pour autant qu'il faut dévier de cette ligne là qui est la seule responsable et valorisante pour la filière, la seule qui permettra de retrouver le niveau de revenu auquel vous êtes en droit de prétendre. Vous me demandez un plan, cher Henri BRICHART. Je suis prêt à mettre en place un plan de développement de la filière laitière avec l'interprofession. Je vous demande de me faire des propositions avant le 15 mai prochain. Vous ne pouvez pas me dire que la situation est grave et me demander de vous laisser jusqu'au 15 décembre prochain pour avoir un plan de développement de la filière. Ce n'est pas responsable. Vous avez besoin de solutions immédiates, pas de solutions pour après-demain ou après après-demain. N'attendez le prochain ministre pour avoir des solutions, ça risque d'être long. Je souhaite que ce plan soit un plan de développement de l'ensemble de la filière laitière française, et qu'il soit disponible courant septembre 2010.
Ce plan devra notamment favoriser les synergies entre les opérateurs de la filière à l'amont comme à l'aval.
Ce plan devra permettre d'adapter la gestion des quotas à des stratégies définies, comme vous le souhaitez, par bassin laitier.
Ce plan devra enfin pouvoir s'articuler avec le Grand Emprunt voulu par le Président de la République, de façon à ce que nous puissions aussi bénéficier de cette manne financière, et avec les pôles de compétitivité.
Je vous propose de nous retrouver pour en discuter tous ensemble afin de préciser les lignes de ce plan de développement de la filière laitière.
Nous devons ensuite mettre en place de nouveaux instruments économiques de long terme pour soutenir la filière. C'est l'objet de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Dans cette loi, il y a un dispositif essentiel, ce sont les contrats écrits. Ces contrats écrits sont entourés de garanties. Ils sont entourés de garanties et ils correspondent à une vision politique très claire de ce que doit être l'équilibre entre producteurs et aval de la filière.
La première garantie, la plus importante pour vous, c'est le prix. Si on ne garantit pas de prix, si on ne fixe pas d'indicateurs de tendance de prix, le producteur est évidemment en position de faiblesse, puisqu'il est seul face aux industriels. Est-ce qu'il est possible aujourd'hui que l'interprofession fixe des indicateurs de tendance de prix ? La réponse est non. Est-ce qu'il est possible et souhaitable de changer le droit de la concurrence européen pour que l'interprofession puisse fixer ces indicateurs de tendance de prix et permettre aux producteurs d'être plus forts face aux industriels ? La réponse est oui. Je me battrai auprès du Commissaire européen Joaquim ALMUNIA, que j'ai déjà rencontré, pour que nous obtenions les modifications nécessaires du droit de la concurrence européen qui permettront aux interprofessions de déterminer des indicateurs de prix, de permettre donc aux producteurs d'être dans une situation plus équitable face aux industriels dans les négociations commerciales.
Deuxième filtre assurantiel, c'est le renforcement de l'organisation des producteurs. C'est une nécessité absolue. Je ne vais pas y revenir plus longtemps, vous le souhaitez, je le souhaite. Nous allons le faire ensemble, car c'est l'intérêt de la filière dans son ensemble.
Enfin, troisième garantie dont nous avons entourée ces contrats, vous avez souhaité une commission de médiation. Nous avons donc prévu, dans le projet de loi, une commission de médiation pour veiller à l'exécution de ces contrats et elle pourrait être, comme vous le demandez, présidée par un haut fonctionnaire. C'est la première fois que les producteurs privés me demandent qu'un haut fonctionnaire fasse quelque chose pour eux. Mais après tout, puisque vous le souhaitez, nous y sommes prêts. Ce sera une garantie de la présence de l'Etat dans la surveillance de ces contrats.
Pour pouvoir négocier de manière transparente, il nous faudra aussi davantage de données fiables sur les marges de chacun des acteurs de la filière L'observatoire des prix et des marges sera donc renforcé. Il permettra là aussi de mettre davantage d'équité entre tous les acteurs de la filière. Il étudiera également vos coûts de production.
Tous ces instruments économiques sont indispensables. Mais je ne veux pas créer d'illusion, ils sont indispensables sous réserve que nous obtenions une régulation européenne des marchés agricoles. Que les choses soient bien claires entre nous, la LMAP n'est pas pour solde de tout compte, c'est bien pour cela que je vous propose de mettre sur pied un plan de développement de la filière laitière. La LMAP doit s'accompagner aussi de la poursuite de la bataille sur la régulation européenne des marchés agricoles. Ce n'est pas fromage ou dessert, c'est les deux, l'un avec l'autre. Ce sont de nouveaux instruments économiques nationaux prévus dans la loi pour gagner en compétitivité, pour gagner en organisation, pour gagner en équité dans la filière, qui vous permettront d'être les meilleurs dans une économie agricole européenne régulée. Mais nous avons besoin impérativement de cette régulation européenne des marchés agricoles.
L'Europe, et je dis des choses simples et de bons sens mais il n'est toujours facile de se faire entendre. On doit pouvoir agir quand les cours s'effondrent. Une intervention plus réactive, un stockage plus efficace, une clause de sauvegarde en cas de crise, un contrôle des marchés contre la spéculation. Ce sont les pistes que nous défendons depuis des mois et qui doivent aboutir. Je ne suis pas prêt à revivre ce que j'ai vécu le jour d'un conseil informel sous présidence suédoise en pleine crise du lait. Au moment où vous souffriez le plus, au moment où les prix du lait étaient les plus bas, au moment où les manifestations sur le terrain étaient les plus violentes, je me suis rendu à un conseil européen informel dans une bourgade très sympathique de la Suède où tous les sujets étaient à l'ordre du jour du conseil des ministres de l'agriculture sauf le sujet du lait. Et lorsque j'ai levé le doigt pour dire « Monsieur le Président, peut-être pourrions-nous parler des difficultés du secteur laitier car les producteurs souffrent partout en Europe ? » La réponse a été : « Monsieur le Ministre, le problème du lait n'est pas à l'agenda. » Je ne suis pas prêt à revivre ce genre de situation. Il faut que l'Europe intervienne. Il faut que l'Europe intervienne vite. Il faut que l'Europe intervienne de manière flexible. Il faut que l'Europe intervienne avec des moyens financiers suffisants pour faire remonter les cours quand les prix sont trop bas. Une Europe utile, c'est une Europe qui protège. C'est une Europe qui défend d'abord les intérêts de ses citoyens.
L'Europe doit donc donner aux filières les moyens de s'organiser, aux producteurs les moyens de se rassembler. L'Europe doit donner aux filières des indicateurs de marché. L'Europe doit donner aux filières des indicateurs de volume, si nous ne voulons pas commettre à nouveau les erreurs du passé. L'Europe doit permettre à l'ensemble des producteurs, à l'ensemble des industriels, de bâtir une relation commerciale équitable, tout en les protégeant contre la volatilité excessive des prix.
Quel est le calendrier possible pour ces modifications et pour ce choix de la régulation européenne ? J'ai vu tout à l'heure qu'il y avait de grands débats sur les dates auxquelles l'Europe et la Commission vont remettre leurs propositions.
Dacian CIOLOS vient de lancer un débat sur l'avenir de la PAC comme je l'ai fait en France l'été dernier. Je salue cette initiative de Dacian CIOLOS. J'irai au Parlement européen à la fin du mois d'avril et je poursuivrai mon travail de conviction auprès de chacun de nos partenaires européens, en allant les voir un par un, y compris les Etats les plus réticents à l'idée de régulation. Rien ne sert de stigmatiser les Britanniques, mieux vaut aller voir les Britanniques. Rien ne sert de dire que les Pays-Bas ont tort, mieux vaut discuter avec les Pays-Bas et tenter de les convaincre. Nous présenterons ensuite une contribution commune avec l'Allemagne avant le mois de juillet de cette année. Vous savez tous ici qu'un accord entre la France et l'Allemagne est la condition sine qua non pour nous puissions essayer d'emporter nos positions et convaincre nos autres partenaires. Nous aurons ensuite une proposition, avant la fin de l'année 2010, de texte législatif européen du Commissaire sur la régulation des marchés. Mais nous n'aurons pas, je le dis très clairement, de proposition financière de la Commission sur le budget de la PAC avant le début de l'année 2011. Sachons donc traiter les choses une à une et faire valoir et défendre nos idées auprès de nos partenaires avant d'avoir des propositions budgétaires.
Voilà la nouvelle donne que je vous propose pour la filière laitière française :
- Le maintien d'une production dans toutes les régions de France ;
- Le renforcement de la compétitivité de la filière, car il n'est pas question de continuer à perdre des parts de marché, de continuer à perdre des débouchés les uns après les autres, parce que nous n'aurions pas tous ensemble, toute la filière, fait les efforts de compétitivité nécessaires ;
- Une protection contre la volatilité des prix, qui restera la réalité du monde agricole, grâce à une régulation européenne des marchés laitiers et des marchés agricoles sur laquelle je ne suis pas disposé à céder d'un pouce.
Le calendrier est clair :
- La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui reprendra les différents éléments sur les contrats, sur l'observatoire que je vous ai présentés, sera examinée, à la demande du Président de la République, en urgence à partir du 18 mai. Cela signifie qu'il n'y aura qu'une seule lecture au Sénat, qu'une seule lecture à l'Assemblée nationale. Le texte pourra être adopté fin juillet, alors qu'en procédure ordinaire, il aurait été adopté uniquement à la fin de l'année 2010.
- Le lancement des travaux pour le plan de développement de la filière laitière : j'attends vos propositions dans les meilleurs délais possibles. Nous mettrons en place ce plan, avec les financements publics nécessaires, dans le courant du mois de septembre prochain.
- La mise en place de la régulation européenne des marchés des produits laitiers avec le projet de règlement communautaire qui sera proposé par le Commissaire européen Dacian CIOLOS d'ici la fin de l'année.
Vous le voyez : mon ambition n'est pas de mettre des rustines à un système qui serait défaillant. Mon ambition, au contraire, est bien de bâtir une nouvelle économie laitière dans l'intérêt des producteurs et de l'ensemble de la nation française.
Je vous remercie.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 21 avril 2010
Il m'est bien difficile de prendre la parole après vous, mais je vais quand même essayer de le faire.
Messieurs le Président de la FNSEA, cher Jean-Michel LEMETAYER,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui dans la ville de Lille et de retrouver un certain nombre de paysans du Nord que j'ai eu l'occasion de rencontrer lors de mes déplacements dans ce département.
Je suis heureux de vous retrouver, parce que j'ai, depuis longtemps, des choses à vous dire. Et cela arrive rarement, j'attendais cette rencontre avec la Fédération nationale des producteurs de lait avec impatience. Comme Henri BRICHART l'a rappelé tout à l'heure avec beaucoup de gentillesse, c'est mon anniversaire aujourd'hui. C'est toujours un moment de bonheur personnel, mais ce n'est pas pour autant, et je rejoins les mots un peu graves qu'Henri BRICHART a employés tout à l'heure, ce n'est pas pour autant un jour de fête pour l'agriculture française et encore moins pour la filière laitière, sans doute l'une des filières qui a le plus souffert de la crise de l'année 2009. Et pour vous faire une confidence, je ne suis plus le même homme politique après la crise laitière que vient de connaître le monde du lait en France.
Vos revenus ont baissé de plus de 50 % en un an. Ils sont redescendus au niveau de 1990. Je ne commente pas, je donne des chiffres. Je ne connais aucune autre profession, aucun métier, qui aurait réagi avec autant de dignité face à une telle crise. Votre détresse, je la mesure tous les jours. Je suis élu de l'Eure, je suis élu de Haute-Normandie, je la rencontre dans tous les départements et dans toutes les régions françaises. Cette détresse mine des familles entières de producteurs de lait. Elle inquiète profondément les femmes des agriculteurs pour lesquelles j'ai une pensée particulière. Elle a conduit certains éleveurs à des actes désespérés. Cette situation ne peut plus durer. Cette situation ne doit plus durer. Ma responsabilité, ma préoccupation quotidienne depuis mon arrivée comme ministre de l'agriculture, est d'y apporter des réponses concrètes.
Je suis venu vous dire aujourd'hui à Lille que je me bats à vos côtés, que je me bats pour vous. Pour chacun d'entre vous, sans considération d'affiliation syndicale ou de considération partisane. Je suis depuis le début à l'écoute de tous. Et je me félicite de ce que vient d'annoncer Henri BRICHART, de l'ouverture de discussions à l'ensemble des autres organisations syndicales sur le sujet de la crise laitière et des moyens d'en sortir. Je me bats pour obtenir avec vous une chose simple : la juste rémunération de votre travail.
Ce que je vous dis, ce ne sont pas des mots, ce sont des actes que nous continuerons à poser les uns après les autres au cours de l'année 2010 :
- Quand il a fallu faire le tour des pays européens pour que la Commission intervienne sur les marchés du lait pour faire remonter les prix, j'ai fait le tour des pays européens et nous avons obtenu gain de cause.
- Quand il a fallu débloquer une aide dite d'urgence, j'ose à peine employer ce mot, car il a fallu 4 mois pour la débloquer, nous avons fait le nécessaire pour que les 300 millions d'euros soient sur la table.
- Et quand il a fallu réclamer la mise en place d'un Groupe à Haut Niveau sur les marchés du lait, parce que c'était une nécessité absolue, sur la régulation des marchés laitiers, je me suis battu jusqu'à ce que le Groupe à Haut Niveau se réunisse et donne des résultats concrets.
Mais vous l'avez très bien dit, cher Henri BRICHART, je ne suis pas ici pour faire le bilan des 10 derniers mois. Je suis ici pour tracer des perspectives pour la filière laitière française dans laquelle je crois. Je suis ici pour vous présenter, parce que vous me préférez en homme d'action plutôt qu'en homme politique, les choix d'un homme d'action.
La première chose que nous avons à faire ensemble, producteurs, industriels, coopératives, c'est de faire un diagnostic commun sur les mois qui viennent de s'écouler.
C'est de tirer les leçons de la crise.
Rien ne serait pire en effet que de prendre pour argent comptant la légère remontée des prix du lait depuis le début de l'année 2010. Rien ne serait pire que de considérer, comme j'ai cru l'entendre en écoutant les intervenants précédents, que la volatilité des prix était un hasard de l'histoire et qu'elle ne se renouvellerait pas à l'avenir. Je crois malheureusement le contraire.
Je préfèrerai de ce point de vue toujours le discours de la vérité au discours de la complaisance. Et je sais, et c'était aussi une raison de l'impatience que j'avais à vous rencontrer, que je retrouverai toujours la FNPL, vous-même Henri BRICHART, sur ce chemin de la vérité. Je tiens à saluer le courage et l'esprit de responsabilité dont vous avez toutes et tous fait preuve dans cette crise.
La vérité, c'est que volatilité des prix s'est accrue ces dernières années : en un an, le prix du lait payé au producteur est passé de plus de 400 euros la tonne début 2008 à moins de 250 euros en 2009. La volatilité des prix ne va pas disparaître du jour au lendemain, elle est désormais une réalité pour le monde agricole. Ma responsabilité n'est pas de vous dire qu'elle va s'évanouir par miracle, ma responsabilité est de vous donner les instruments économiques à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne pour y faire face.
De ce point de vue, je tiens à vous dire un mot de l'accord du 3 juin 2009, qui a été l'objet de tant de critiques. Cet accord du 3 juin 2009, qu'on le veuille ou non, a été une protection pour tous les producteurs de lait français. Où en serions-nous si producteurs, industriels et coopératives n'avaient pas signé cet accord ? Où en serions-nous si le 30 mars dernier, les industriels, les coopératives, les producteurs, n'avaient pas réussi à trouver ensemble un accord pour le 2e trimestre 2010 ? Je ne dis pas que cet accord est une formule magique. Je dis simplement qu'il vous offre une visibilité qui n'existe dans aucun autre pays européen et que je préfère la situation sur le prix en France aujourd'hui à celle de l'Allemagne, des Pays-Bas, du Danemark ou d'autres pays européens.
La vérité, c'est que les producteurs de lait français doivent faire face à la concurrence des autres pays européens. Je le dis avec beaucoup de gravité : nous ne pouvons pas continuer, dans la filière du lait comme dans toutes les filières agricoles, à perdre des parts de marché face à l'Allemagne. Ce n'est ni l'intérêt des industriels, ni l'intérêt des coopératives, et encore à long terme l'intérêt des producteurs. Les importations de lait liquide en provenance d'Allemagne ont augmenté de plus 70 % en un an. C'est vos parts de marché que vous perdez, c'est vos revenus qui risquent de fondre comme neige au soleil, si nous ne gagnons pas cette bataille de la compétitivité. Je le dis en tant que ministre proche de l'Allemagne, en tant qu'ami de ce pays, nous devons gagner la bataille de la compétitivité face à ce grand pays agricole.
La vérité, c'est que l'agriculture française intervient désormais sur un marché mondial : une variation de la production de lait en Nouvelle-Zélande, 2% de la production mondiale comme l'a rappelé Henri BRICHART tout à l'heure, a des conséquences directes sur les prix du lait en France : 3% de variation à 10 000 km de la France, cela veut dire 100 euros de plus ou de moins sur la tonne de lait pour les producteurs de lait sur notre territoire. De nouveaux acteurs spéculent sur les marchés du beurre ou de la poudre de lait, comme ils spéculent sur les marchés financiers. Il est temps que les Etats, au plus haut niveau, se saisissent du sujet pour réguler les marchés agricoles, comme nous avons commencé à réguler les marchés financiers.
Dans ce contexte nouveau, et vous voyez que je n'épargne rien de ce qu'est la vérité aujourd'hui du monde agricole et en particulier des marchés laitiers, deux solutions sont à écarter et là aussi je préfère les indiquer avec le plus de transparence possible : la solution du laisser-faire et la solution du retour à une économie administrée.
Je commence par le retour à une économie administrée dont certains semblent parfois rêver, je peux les comprendre. Je veux leur dire que ce n'est pas la voie de sortie pour l'économie de la filière laitière en France.
Nous ne voulons pas - et nous ne pourrons pas - revenir à une économie laitière administrée avec des quotas de production fixés pays par pays. Nous ne le voulons pas d'abord car ce n'est pas efficace face à la crise. Nous avons eu la crise avec les quotas, donc les quotas, jusqu'à preuve du contraire, ne sont pas une protection face à la crise.
Nous ne le pouvons pas, car nous sommes dans une économie européenne, et que fondamentalement les quotas ne sont pas justes pour beaucoup de pays européens. Vous ne pouvez pas demander à un Etat de produire du lait en fonction d'un quota historique datant de 1984. Aucune filière économique n'est soumise à ce genre de règles. Pourquoi en irait-il autrement pour la filière laitière ?
Souvenons-nous aussi des leçons de l'expérience. Et je le dis pour ceux qui réclament parfois avec le plus de force le retour aux quotas. Souvent ce sont les mêmes qui en 1999 les avaient défendus. Je leur reconnais le mérite de la constance. Mais ils oublient que la France avait été battue sèchement en 1999 et qu'elle a dû su plier à la règle de la majorité, et accepter la suppression des quotas. Là aussi je suis ici pour vous tenir un discours de vérité. Mieux vaut défendre de nouveaux instruments, plus efficaces et plus protecteurs, que de défendre des instruments anciens qui ne vous ont pas protégés. Il serait plus facile pour moi dans cette salle de vous dire que je vais défendre bec et ongles les quotas pour vous protéger, mais ils ne vous protègeront pas et je sais à l'avance que je n'aurais jamais de majorité qualifiée au sein de l'Union européenne. Je suis ici pour vous inventer des solutions d'avenir et pas pour revenir aux solutions inefficaces du passé.
Mais soyons clair également sur ma position et sur la position du gouvernement français : je suis tout autant, avec autant de fermeté, opposé à la libéralisation totale des marchés agricoles. La libéralisation des marchés agricoles n'est pas seulement une erreur économique, c'est une faute contre l'esprit européen. Car l'esprit européen, c'est la solidarité. L'esprit européen, c'est un projet politique qui n'est pas fondé simplement sur les prix agricoles, mais aussi sur la sécurité sanitaire pour laquelle vous payez et sur la sécurité l'environnementale pour laquelle vous vous dépensez depuis des années. L'esprit européen, ce sont des garanties collectives offertes aux producteurs pour les protéger contre la volatilité excessive des prix. Je me bats depuis près d'un an pour une nouvelle régulation des marchés agricoles à l'échelle européenne. Je poursuivrai ce combat parce qu'il est juste. Je poursuivrai ce combat parce qu'il donne des résultats. Lorsque j'ai entamé la bataille pour la régulation des marchés agricoles au début du mois d'août 2009, j'étais le seul à défendre cette idée. La France était la seule à réclamer des instruments de régulation qui puissent protéger les producteurs face à une volatilité des prix excessive. Nous avons commencé notre combat sous les sarcasmes et dans la dérision. Nous avons commencé notre combat avec le scepticisme le plus total des 26 autres Etats européens. Un an plus tard, ce ne sont pas des mots, ce sont des faits. Un an plus tard, Dacian CIOLOS, Commissaire européen à l'agriculture, s'apprête à déposer un projet de texte européen sur la régulation du marché des produits laitiers qui reprend point par point les idées françaises. Je vous dis : beaucoup de chemin a été parcouru en 9 mois, il en reste tout autant à parcourir, mais nous sommes sur la bonne voie et, avec votre soutien, nous arriverons à mettre en place cette régulation européenne des marchés agricoles.
Sur la base de ces principes, où allons-nous ? Que voulons-nous pour la filière laitière de demain ?
Je voudrais vous parler d'abord de deux objectifs politiques qui sont au coeur des choix que nous avons faits depuis plusieurs mois et que nous continuerons à faire.
Mon 1er objectif est clair : je souhaite maintenir une production laitière sur l'ensemble du territoire.
Il y a de profondes différences régionales, vous les connaissez. Henri BRICHART, vous les avez rappelées tout à l'heure.
J'entends des gens qui me disent : pour que la France soit compétitive, il faudrait absolument que toutes les exploitations produisent un million de litres de lait par an. Mais je connais des exploitations en Savoie qui produisent 100 000 litres de lait et qui sont rentables car elles ont un débouché, une valorisation, qui leur permet d'avoir leur lait payé à plus de 400 euros la tonne grâce à des fromages AOC.
J'entends d'autres personnes qui me disent qu'il faut absolument qu'une vache soit nourrie avec des céréales plutôt qu'avec de l'herbe parce qu'une vache nourrie avec des céréales va produire 8000 ou 9000 litres de lait par an, tandis qu'une vache nourrie avec de l'herbe va n'en produire que 6000 litres. Je rappelle là-aussi à ces très fins connaisseurs de l'économie laitière que le maïs ne se produit pas partout, que la production de maïs peut avoir un coût économique et environnemental. L'équilibre doit être trouvé localement. Evitons l'esprit de système quand nous analysons l'économie laitière.
Chaque territoire a ses atouts et ses difficultés propres. Ma responsabilité est de construire avec vous une réponse adaptée à chaque région pour maintenir une économie laitière performante sur tout le territoire. Une fois encore, pas d'esprit de système, mais des solutions adaptées à la réalité des bassins de production et adaptées à la réalité de la production laitière de chaque région : le Nord n'est pas l'Est, l'Est n'est pas le Sud-Ouest, le Sud-Ouest n'est pas la Bretagne. Il faut prendre en considération les différences entre chacune de ces régions.
Comment pouvons-nous y arriver ?
Cela passe d'abord par une compensation des handicaps naturels. Les exploitations laitières de montagne ont bénéficié du Bilan de santé de la PAC et de la revalorisation de l'ICHN. Je vous confirme que les contrats de PHAE arrivant à échéance en 2010 et 2011 sont tous en cours de renouvellement. Il n'y aura pas un contrat qui ne sera pas renouvelé. Je vous confirme que je proposerai à la Commission de nouveaux critères de délimitation des Zones défavorisées simples. Les premiers critères qui m'ont été proposés par la Commission conduisaient à supprimer une part beaucoup trop élevée des zones défavorisées simples. Cette solution ne me convient pas, nous ferons une contre-proposition à la Commission. Je continuerai de soutenir l'élevage dans ces zones plus difficiles, tout simplement parce que sur ces territoires c'est souvent la seule production possible. Et c'est la condition du maintien d'une activité agricole dans toutes nos régions.
La deuxième façon d'y arriver c'est une meilleure gestion de l'offre de lait dans certaines régions. Je sais que le sujet est sensible, nous en avons souvent discuté avec Jean-Michel LEMETAYER et Henri BRICHART. Il faut redistribuer les 2% de hausse de quotas dont nous disposons et en faire bénéficier en priorité les jeunes agriculteurs et les récents investisseurs. Je vois parfaitement les oppositions à ce choix. Mais nous ne pouvons pas affaiblir les exploitations qui ont fait des efforts pour se développer. Nous ne pouvons pas les priver de ces quotas, alors que cela nous ferait encore perdre des parts de marché au bénéfice de nos voisins et amis allemands. Ce choix est difficile. Mais c'est un choix responsable et nécessaire.
Le troisième axe qui nous permettra de tenir cet objectif sur tout le territoire, c'est le développement du travail en commun. L'association, cela ne veut pas dire des exploitations de taille démesurée qui poseraient des problèmes pour l'environnement et qui ne correspondent pas au modèle agricole français. L'association, cela veut dire un amortissement plus rapide de vos investissements et la possibilité d'avoir une organisation du travail adaptée aux modes de vie actuels, la possibilité d'avoir tout simplement, pour beaucoup d'entre vous, une vie personnelle.
Mon 2e objectif politique, au-delà de la présence sur tout le territoire de l'activité laitière, est bien de gagner la bataille de la compétitivité. Là aussi permettez-moi de dire un mot un peu détaillé sur le sujet. Gagner en compétitivité ne veut pas forcément dire s'engager dans une course démesurée à l'agrandissement des exploitations. Gagner en compétitivité, c'est aussi réduire les charges et améliorer la valorisation de vos produits et leur commercialisation.
Lorsque, dans le cadre des Etats généraux du sanitaire, nous envisageons effectivement d'avoir des éleveurs qui puissent davantage prendre à leur charge un certain nombre de tâches sanitaires, nous améliorons votre compétitivité. Lorsque nous insistons sur la prévention des maladies, nous gagnons en compétitivité. Lorsque je défends une nouvelle méthode pour évaluer les règles environnementales appliquées à l'agriculture, et que je la défends avec succès, puisqu'elle a été reprise par le Président de la République, je fais en sorte que vous puissiez gagner en compétitivité. Avec du bon sens, marché unique européen cela veut dire, pour les règles environnementales, règles uniques européennes. Marché unique européen, normes environnementales uniques ; il n'y aucune raison que vous soyez soumis à des règles plus strictes. Ce que je vous dis est le bon sens, mais contrairement à ce que disent certains publicitaires, le bon sens n'est pas toujours près de chez vous. Comme responsable politique, je suis bien placé pour le savoir.
Lorsque nous proposons dans le cadre de la LMA de classer la méthanisation comme activité agricole, nous vous permettrons de gagner en compétitivité. Les premières évaluations que nous avons faites montrent que le classement de la méthanisation en activité agricole, avec les avantages fiscaux qui vont avec, peut représenter pour une exploitation laitière moyenne un gain de 25 000 euros par an. Ce n'est pas négligeable.
Nous n'avons aucune raison d'être moins performants que l'Allemagne. Nous allons réaliser une étude comparative détaillée entre la France et en Allemagne. Nous regarderons point par point quelle est la réalité des écarts de compétitivité entre les deux pays. Là aussi je ne veux pas me satisfaire des opinions toutes faites qui me disent qu'il y a 15 ou 20% d'écart de prix entre les deux pays. Je souhaite connaître les raisons exactes, précises, détaillées, documentées des écarts de compétitivité entre les deux pays.
Il faudra associer les transformateurs à ces réflexions et à ces choix. Arrêtons de considérer systématiquement que le défaut de compétitivité de la filière laitière en France par rapport à l'Allemagne, ce sont forcément les producteurs qui en sont les responsables. Je dis ça devant Olivier PICOT et Gérard BUDIN qui sont les deux seuls à ne pas applaudir dans la salle. Ne les sifflez pas, ils savent très bien défendre vos intérêts contrairement à ce qu'on pourrait croire. Je dis simplement : vous vous en sortirez collectivement. Ce n'est en disant « nos producteurs sont nuls, ils ne sont pas aussi bons que les Allemands » qu'on sortira la filière laitière des difficultés dans lesquelles elle est actuellement. Ce n'est pas non plus en disant que les industriels sont d'ignobles capitalistes, à qui il faut prendre l'argent injustement gagné, que nous sortirons la filière de la situation où elle se trouve. C'est en étant capable de faire preuve d'équité, en redonnant davantage de pouvoir aux producteurs, en étant capable de faire en sorte que chacun y trouve son intérêt, que la filière laitière sortira de la situation où elle est et retrouvera le niveau d'excellence qui doit être nécessairement le sien.
Je parlais des industriels, un dernier mot sur ce point pour évoquer le projet de fusion entre Entremont et Sodiaal. Je souhaite que ce projet, dans lequel j'ai investi beaucoup d'énergie, aboutisse dans les meilleures conditions possibles et le plus rapidement possible. C'est l'intérêt des producteurs. Et je voudrais rendre hommage ici à Pascal NIZAN qui fait un travail remarquable. C'est l'intérêt des entreprises. Et c'est l'intérêt des salariés. Et je voudrais dire ici avec un peu de gravité à tous les acteurs concernés : il faut prendre son temps pour construire un projet industriel solide, il faut prendre tout son temps, mais pas davantage et sûrement pas l'éternité. Et comme le disait Woody Allen : « l'éternité, c'est long, surtout à la fin ».
Enfin, je mesure parfaitement que ces efforts de compétitivité auront un coût. Ce n'est pas pour autant qu'il faut dévier de cette ligne là qui est la seule responsable et valorisante pour la filière, la seule qui permettra de retrouver le niveau de revenu auquel vous êtes en droit de prétendre. Vous me demandez un plan, cher Henri BRICHART. Je suis prêt à mettre en place un plan de développement de la filière laitière avec l'interprofession. Je vous demande de me faire des propositions avant le 15 mai prochain. Vous ne pouvez pas me dire que la situation est grave et me demander de vous laisser jusqu'au 15 décembre prochain pour avoir un plan de développement de la filière. Ce n'est pas responsable. Vous avez besoin de solutions immédiates, pas de solutions pour après-demain ou après après-demain. N'attendez le prochain ministre pour avoir des solutions, ça risque d'être long. Je souhaite que ce plan soit un plan de développement de l'ensemble de la filière laitière française, et qu'il soit disponible courant septembre 2010.
Ce plan devra notamment favoriser les synergies entre les opérateurs de la filière à l'amont comme à l'aval.
Ce plan devra permettre d'adapter la gestion des quotas à des stratégies définies, comme vous le souhaitez, par bassin laitier.
Ce plan devra enfin pouvoir s'articuler avec le Grand Emprunt voulu par le Président de la République, de façon à ce que nous puissions aussi bénéficier de cette manne financière, et avec les pôles de compétitivité.
Je vous propose de nous retrouver pour en discuter tous ensemble afin de préciser les lignes de ce plan de développement de la filière laitière.
Nous devons ensuite mettre en place de nouveaux instruments économiques de long terme pour soutenir la filière. C'est l'objet de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Dans cette loi, il y a un dispositif essentiel, ce sont les contrats écrits. Ces contrats écrits sont entourés de garanties. Ils sont entourés de garanties et ils correspondent à une vision politique très claire de ce que doit être l'équilibre entre producteurs et aval de la filière.
La première garantie, la plus importante pour vous, c'est le prix. Si on ne garantit pas de prix, si on ne fixe pas d'indicateurs de tendance de prix, le producteur est évidemment en position de faiblesse, puisqu'il est seul face aux industriels. Est-ce qu'il est possible aujourd'hui que l'interprofession fixe des indicateurs de tendance de prix ? La réponse est non. Est-ce qu'il est possible et souhaitable de changer le droit de la concurrence européen pour que l'interprofession puisse fixer ces indicateurs de tendance de prix et permettre aux producteurs d'être plus forts face aux industriels ? La réponse est oui. Je me battrai auprès du Commissaire européen Joaquim ALMUNIA, que j'ai déjà rencontré, pour que nous obtenions les modifications nécessaires du droit de la concurrence européen qui permettront aux interprofessions de déterminer des indicateurs de prix, de permettre donc aux producteurs d'être dans une situation plus équitable face aux industriels dans les négociations commerciales.
Deuxième filtre assurantiel, c'est le renforcement de l'organisation des producteurs. C'est une nécessité absolue. Je ne vais pas y revenir plus longtemps, vous le souhaitez, je le souhaite. Nous allons le faire ensemble, car c'est l'intérêt de la filière dans son ensemble.
Enfin, troisième garantie dont nous avons entourée ces contrats, vous avez souhaité une commission de médiation. Nous avons donc prévu, dans le projet de loi, une commission de médiation pour veiller à l'exécution de ces contrats et elle pourrait être, comme vous le demandez, présidée par un haut fonctionnaire. C'est la première fois que les producteurs privés me demandent qu'un haut fonctionnaire fasse quelque chose pour eux. Mais après tout, puisque vous le souhaitez, nous y sommes prêts. Ce sera une garantie de la présence de l'Etat dans la surveillance de ces contrats.
Pour pouvoir négocier de manière transparente, il nous faudra aussi davantage de données fiables sur les marges de chacun des acteurs de la filière L'observatoire des prix et des marges sera donc renforcé. Il permettra là aussi de mettre davantage d'équité entre tous les acteurs de la filière. Il étudiera également vos coûts de production.
Tous ces instruments économiques sont indispensables. Mais je ne veux pas créer d'illusion, ils sont indispensables sous réserve que nous obtenions une régulation européenne des marchés agricoles. Que les choses soient bien claires entre nous, la LMAP n'est pas pour solde de tout compte, c'est bien pour cela que je vous propose de mettre sur pied un plan de développement de la filière laitière. La LMAP doit s'accompagner aussi de la poursuite de la bataille sur la régulation européenne des marchés agricoles. Ce n'est pas fromage ou dessert, c'est les deux, l'un avec l'autre. Ce sont de nouveaux instruments économiques nationaux prévus dans la loi pour gagner en compétitivité, pour gagner en organisation, pour gagner en équité dans la filière, qui vous permettront d'être les meilleurs dans une économie agricole européenne régulée. Mais nous avons besoin impérativement de cette régulation européenne des marchés agricoles.
L'Europe, et je dis des choses simples et de bons sens mais il n'est toujours facile de se faire entendre. On doit pouvoir agir quand les cours s'effondrent. Une intervention plus réactive, un stockage plus efficace, une clause de sauvegarde en cas de crise, un contrôle des marchés contre la spéculation. Ce sont les pistes que nous défendons depuis des mois et qui doivent aboutir. Je ne suis pas prêt à revivre ce que j'ai vécu le jour d'un conseil informel sous présidence suédoise en pleine crise du lait. Au moment où vous souffriez le plus, au moment où les prix du lait étaient les plus bas, au moment où les manifestations sur le terrain étaient les plus violentes, je me suis rendu à un conseil européen informel dans une bourgade très sympathique de la Suède où tous les sujets étaient à l'ordre du jour du conseil des ministres de l'agriculture sauf le sujet du lait. Et lorsque j'ai levé le doigt pour dire « Monsieur le Président, peut-être pourrions-nous parler des difficultés du secteur laitier car les producteurs souffrent partout en Europe ? » La réponse a été : « Monsieur le Ministre, le problème du lait n'est pas à l'agenda. » Je ne suis pas prêt à revivre ce genre de situation. Il faut que l'Europe intervienne. Il faut que l'Europe intervienne vite. Il faut que l'Europe intervienne de manière flexible. Il faut que l'Europe intervienne avec des moyens financiers suffisants pour faire remonter les cours quand les prix sont trop bas. Une Europe utile, c'est une Europe qui protège. C'est une Europe qui défend d'abord les intérêts de ses citoyens.
L'Europe doit donc donner aux filières les moyens de s'organiser, aux producteurs les moyens de se rassembler. L'Europe doit donner aux filières des indicateurs de marché. L'Europe doit donner aux filières des indicateurs de volume, si nous ne voulons pas commettre à nouveau les erreurs du passé. L'Europe doit permettre à l'ensemble des producteurs, à l'ensemble des industriels, de bâtir une relation commerciale équitable, tout en les protégeant contre la volatilité excessive des prix.
Quel est le calendrier possible pour ces modifications et pour ce choix de la régulation européenne ? J'ai vu tout à l'heure qu'il y avait de grands débats sur les dates auxquelles l'Europe et la Commission vont remettre leurs propositions.
Dacian CIOLOS vient de lancer un débat sur l'avenir de la PAC comme je l'ai fait en France l'été dernier. Je salue cette initiative de Dacian CIOLOS. J'irai au Parlement européen à la fin du mois d'avril et je poursuivrai mon travail de conviction auprès de chacun de nos partenaires européens, en allant les voir un par un, y compris les Etats les plus réticents à l'idée de régulation. Rien ne sert de stigmatiser les Britanniques, mieux vaut aller voir les Britanniques. Rien ne sert de dire que les Pays-Bas ont tort, mieux vaut discuter avec les Pays-Bas et tenter de les convaincre. Nous présenterons ensuite une contribution commune avec l'Allemagne avant le mois de juillet de cette année. Vous savez tous ici qu'un accord entre la France et l'Allemagne est la condition sine qua non pour nous puissions essayer d'emporter nos positions et convaincre nos autres partenaires. Nous aurons ensuite une proposition, avant la fin de l'année 2010, de texte législatif européen du Commissaire sur la régulation des marchés. Mais nous n'aurons pas, je le dis très clairement, de proposition financière de la Commission sur le budget de la PAC avant le début de l'année 2011. Sachons donc traiter les choses une à une et faire valoir et défendre nos idées auprès de nos partenaires avant d'avoir des propositions budgétaires.
Voilà la nouvelle donne que je vous propose pour la filière laitière française :
- Le maintien d'une production dans toutes les régions de France ;
- Le renforcement de la compétitivité de la filière, car il n'est pas question de continuer à perdre des parts de marché, de continuer à perdre des débouchés les uns après les autres, parce que nous n'aurions pas tous ensemble, toute la filière, fait les efforts de compétitivité nécessaires ;
- Une protection contre la volatilité des prix, qui restera la réalité du monde agricole, grâce à une régulation européenne des marchés laitiers et des marchés agricoles sur laquelle je ne suis pas disposé à céder d'un pouce.
Le calendrier est clair :
- La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui reprendra les différents éléments sur les contrats, sur l'observatoire que je vous ai présentés, sera examinée, à la demande du Président de la République, en urgence à partir du 18 mai. Cela signifie qu'il n'y aura qu'une seule lecture au Sénat, qu'une seule lecture à l'Assemblée nationale. Le texte pourra être adopté fin juillet, alors qu'en procédure ordinaire, il aurait été adopté uniquement à la fin de l'année 2010.
- Le lancement des travaux pour le plan de développement de la filière laitière : j'attends vos propositions dans les meilleurs délais possibles. Nous mettrons en place ce plan, avec les financements publics nécessaires, dans le courant du mois de septembre prochain.
- La mise en place de la régulation européenne des marchés des produits laitiers avec le projet de règlement communautaire qui sera proposé par le Commissaire européen Dacian CIOLOS d'ici la fin de l'année.
Vous le voyez : mon ambition n'est pas de mettre des rustines à un système qui serait défaillant. Mon ambition, au contraire, est bien de bâtir une nouvelle économie laitière dans l'intérêt des producteurs et de l'ensemble de la nation française.
Je vous remercie.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 21 avril 2010