Interview de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, à France-inter et à La chaîne info le 26 janvier 2001, sur la manifestation pour le maintien de la retraite à 60 ans et sur les négociations entre patronat et syndicats sur la durée de cotisation et le financement de la retraite.

Prononcé le

Média : France Inter - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

INTERVIEW A FRANCE INTER :
S. Paoli - Y a-t-il encore ce matin un préalable du Medef sur la retraite à 60 ans ? Quel espace la rue a-t-elle laissé au champ d'un compromis ? Il y a eu hier entre 200 et 400 000 manifestants en France pour le maintien de la retraite à 60 ans. Mais le Medef est-il prêt à un compromis ou va-t-il laisser à l'Etat la responsabilité de la gestion du dossier ? Les syndicats demandent la réouverture des négociations. Ce matin, que dites-vous ? Préalable ou pas préalable ?
- "D'abord, comme les 60 millions de Français qui n'étaient pas dans la rue, j'ai beaucoup regardé la télévision. J'ai été frappé par le caractère imposant des cortèges, et surtout été frappé par le sérieux, le calme et la dignité de ceux qui défilaient pour la question de la retraite, qui manifestent une véritable et profonde inquiétude dans notre pays, devant un problème qui n'est pas réglé, qui est difficile..."
Vous n'imaginiez pas cela avant ?
- "Nous avons toujours dit que les syndicats, à un moment ou un autre, souhaiteraient en effet un peu réarmer leur bras en montrant qu'ils avaient derrière eux des troupes. Et qui le nierait ? C'est bien évident. Mais ce que nous avons dit, c'est que ces défilés ne modifieraient pas l'existence du problème sur lequel il faut présenter des solutions. Alors, quel est le message, en quelque sorte, de ces manifestations ? Si le message est : nous ne voulons rien faire, il faut garder la retraite à 60 ans parce que c'est le principe, et que personne ne propose de solution autre que celle que nous avons avancée et qui est contestée, alors nous sommes vraiment dans l'inquiétude. D'autant plus que, comme vous le savez, partout autour de nous, notamment en Allemagne, on a déjà pris peut-être une décennie d'avance pour régler le problème - la retraite là-bas est déjà à 65 ans et on a mis en place la capitalisation. Si au contraire, le message est de dire : nous avons besoin de solution, alors bien entendu, il faut vite se remettre au travail."
Mais c'est ce que disent les syndicats. B. Thibault, N. Notat... Les uns et les autres vous disent : reprenons la négociation.
- "Nous avions un mandat pour négocier jusqu'à la fin de l'année, et nous avons proposé une solution. Vous savez, le dialogue social, c'est tout de même nous qui l'avons relancé. La refondation sociale, c'est quelques 90 réunions avec les syndicats l'année dernière. On ne peut pas nous reprocher de ne pas être partisans du dialogue. Nous sommes au contraire ceux qui avons relancé le dialogue social en France avec la refondation sociale..."
Et avec agressivité, disait N. Notat. Parce que le préalable, elle l'a perçu elle comme une agression...
- "Nous sommes là dans le subjectif, et le subjectif, je ne le commente pas. Chacun interprète les choses à sa manière ; on ne fait pas beaucoup avancer les choses en étant dans le subjectif. Mais objectivement, nous avons proposé quelque chose qui est d'ailleurs bien connu, qui est mis en place dans l'Europe entière : c'est-à-dire de très progressivement allonger la durée de cotisation pour garantir la retraite complémentaire par répartition. Nous attendons des syndicats qu'ils nous proposent quelque chose d'autre que de reporter la discussion à deux ou trois ans. Cela fait, comme vous le savez, dix ans que chacun, rapport après rapport, manoeuvre après manoeuvre, évite de se placer devant le problème qui inquiète les Français - à preuve les défilés d'hier. Donc, il faut des solutions. Nous en proposons une. Si cette solution qui est négociable - dans ses principes non, mais dans ses modalités oui..."
Juste pour bien vous comprendre : est-ce que ce matin vous dites qu'il n'y aura plus de blocage sur la question du financement de la retraite à 60 ans ? Les cotisations seront-elles versées ou pas ?
- "Il n'y aucun blocage. Il y a le fait que la négociation n'ayant pas abouti, l'accord qui permet de prélever les 2 % de cotisation dite ASF n'existe plus. Nous disons donc qu'il faut faire un accord pour bien entendu remettre l'ASF en route. C'est notre objectif. Mais nous ne pouvons pas, malheureusement, mettre en place un accord s'il n'y a pas la base de l'accord. Si vous voulez, de notre côté, nous appelons les syndicats à nous présenter des solutions autres que celles qu'ils ont avancées jusqu'à présent, c'est-à-dire "non à la votre et reportons le débat." Parce que si c'est cela qui doit se faire - et après tout, ça peut très bien se faire, nous ne sommes pas maîtres des accords, il faut toujours être deux pour pouvoir faire un accord, et même avec les syndicats, un peu plus que cela ! -, si cela n'est pas possible, nous le disons très tranquillement : les entrepreneurs se trouvent dans notre pays associés aux syndicats pour gérer la retraite complémentaire. L'Etat gère déjà la retraite de base. Il gère la retraite des fonctionnaires. Soit dit en passant, d'ailleurs, les fonctionnaires sont par rapport au privé dans de vrais privilèges. Et nous savons très bien que la difficulté des syndicats avec lesquels nous sommes en dialogue est qu'il représente bien entendu des salariés du privé, mais de manière très majoritaire, dans leurs rangs, les fonctionnaires. Et les fonctionnaires leur disent : "arrêtez, n'avancez pas, si vous allez dans le sens d'un assouplissement de la règle des retraites à 60 ans, alors que dirons-nous, nous qui partons pour la plupart à 55 ans, et qui en plus de cela, n'avons que 37,5 ans de cotisation, alors que dans le privé, on est déjà à 40." En fait, nous sommes bloqués. Je vous le dis parce que c'est vrai, non pas par les syndicats que nous avons en face, mais par la partie fonction publique de ces syndicats qui bloque le dialogue."
Il y avait certes des fonctionnaires dans la rue hier, il y avait quand même une immense majorité du privé qui s'exprimait aussi. Donc, la question se pose évidemment dans les deux sens. Où est la porte possible des négociations ? B. Jeanperrin s'interrogeait ce matin sur un moyen possible peut-être d'avancer, qui consisterait à moins poser la question de l'âge de la retraite que celle de la durée des cotisations. Y a-t-il une perspective possible ?
- "Bien sûr. L'âge de la retraite c'est une manière, d'ailleurs c'est comme ça parce que c'est un slogan, je le dis, ça choque, mais c'est un slogan, "60 ans." Ce qui est important, c'est la durée de cotisation."
Enfin ceux qui ont travaillé et qui arrivent à 60 ans, c'est pas un slogan pour eux !
- "Excusez-moi, mais il est choquant qu'il y ait en France, actuellement, des centaines de milliers de Français qui ont déjà cotisé 40 ans, qui ont moins de 60 ans, et qui n'ont pas droit à la retraite ! C'est choquant ! Et bien entendu, nous sommes partisans que ces Français-là puissent partir à la retraite. Mais il faut également que l'on reconnaisse que, au-delà de 60 ans, si on n'a pas 40 ans de cotisation et 41 demain selon nos propositions - parce que si vous voulez 45 ans, c'est la perspective lointaine du quart de siècle ; nous avons peut-être eu tort en effet d'annoncer l'exercice complet - si on veut s'arrêter en route dans l'exercice pourquoi pas ! Nous ne sommes pas dogmatiques. Nous n'avons ni diktat ni ultimatum. C'est une présentation de "manif" que de le dire parce que cela mobilise. Les gens répètent d'ailleurs : "Diktat ! Diktat !." Ils ne savent pas très bien. Diktat de quoi ?"
Il y a en quand même eu de votre part une décision qui a été prise, qui consistait à ne plus payer les cotisations ASF. C'est une réalité ?
- "Pas du tout, ce n'est pas du tout une décision que nous avons prise. C'est la conséquence d'un vide juridique. Il n'y a plus d'accord parce que les syndicats et nous nous ne nous sommes pas mis d'accord. Donc, il n'y a pas de décision, il n'y a pas d'appel des entrepreneurs à ne pas payer les cotisations. Tout cela, c'est de la mobilisation avant une manifestation. Mais ça n'est pas vrai ! Nous n'avons jamais lancé le moindre appel à ne pas payer une cotisation ! Nous avons simplement une situation qui fait que, sans accord, elle ne peut pas être prélevée normalement. Mais enfin cela dit, il y a comme je l'ai dit, une bataille entre le droit et les ordinateurs qui ont des programmes de paye etc. Tout cela est un peu technique et n'a pas énormément d'intérêt."
Mais aussi évidemment la question du rapport de force, et après tout celle-là on peut la prendre en compte dans une négociation. Ce qu'on a pas bien compris, c'est qu'au sein même du Medef apparemment, le message n'était pas clair pour tout le monde. La CGPME, l'UPA n'ont pas du tout appliqué ce que vous disiez. Qu'est-ce que vous tirez comme conséquence de tout ce qui vient de se passer ?
- "Non mais ce que vous dites c'est pas vrai, excusez-moi ! L'UPA et la CGPME ont été à nos côtés, à 100 %, dans toutes les décisions qui ont été prises jusqu'à présent."
Ils se sont exprimés en disant, sur l'ASF, qu'ils étaient, je suis navré, pas d'accord !
- "Je m'excuse mais la CGPME - relisez ce qu'elle a dit - dit : ce serait très bien qu'on puisse reprendre l'ASF à condition d'avoir une déclaration de principe des syndicats sur la prolongation des cotisations. C'est supposer le problème réglé. Je suis entièrement d'accord."
Mais enfin, je veux bien tout, mais c'est quand même au sein même de vos propres troupes des points de vue différents qui s'expriment ? Messieurs Messier et Maillot ont aussi - ce sont des patrons - ont dit : "non, on n'est pas d'accord avec ça" !
- "Deux entrepreneurs qui ne représentent qu'eux-mêmes, ça n'est pas très important."
Pas des petits ...
- "Justement, ce sont les petits qui sont avec nous. Nous en avons 700 000 qui sont représentés au Medef. Et donc entre deux grands entrepreneurs et nous qui sommes mandatés par 700 000 entrepreneurs représentant 165 Medef territoriaux et 85 fédérations et 600 syndicats professionnels, je préfère vous dire qu'il vaut mieux nous écouter que d'écouter un entrepreneur qui fait des élégances. Et puis, je vous le dis, monsieur, il peut exister en effet, dans ce qu'on appelle "Le patronat français" un patronat pluriel, qui a des dialogues sur la manière de faire. Nous sommes très habitués à voir cela en politique. Nous pourrions peut-être en effet avoir le droit également d'avoir parfois un débat sur la technique de négociation. Ce n'est pas interdit."
Sur ce qui vient de se passer, vous faisiez référence aux Allemands. Il y a une méthode de négociation en Allemagne qui est assez différente de la vôtre, vous me l'accorderez. Que peut-il sortir comme positif de ce qui vient de se passer, dans, y compris, ce qui va peut-être reprendre entre vous les syndicats, c'est-à-dire dans la méthode des négociations. Qu'est-ce qui peut changer ?
- "D'abord, il peut changer, si les syndicats sont unis comme ils le sont dans la rue, qu'au lieu d'avoir cinq points de vue différents en face de nous, nous n'en ayons qu'un. Ca, ce serait en effet un très grand progrès car ce n'est pas facile de négocier quand on a en effet des points de vue différents en face de soi. Deuxièmement, je crois que cette manifestation, que fait-elle ? Elle alimente et elle crée, dans notre pays, un débat que chacun veut escamoter. Vous connaissez l'immobilisme flagrant des pouvoirs publics sur cette affaire depuis dix ans. Vous voyez la manière dont on veut repousser à plus tard, dont on crée rapports, commissions etc, qu'on escamote. Notre mission c'est de créer le dialogue social et de créer le débat. Je crois qu'à cet égard, nous rendons service à notre pays en faisant en sorte qu'on débatte sur la retraite à 60 ans, et les solutions pour la préserver ou la faire évoluer. Je crois que nous sommes en réalité, ce faisant, ce qu'on appelle "des entreprises citoyennes.""
Vous recevrez la lettre dans la journée. A quand la reprise des négociations avec les syndicats ?
- "Quand ils voudront."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 26 janvier 2001)
INTERVIEW A LA CHAINE INFO :
NICOLAS BEYTOUT : Entre 350 et 400 000 personnes dans la rue pour demander au patronat d'abandonner ou de modifier ses positions sur les retraites. Ernest-Antoine Seillière, cela fait beaucoup, beaucoup de monde pour protester contre vos positions. Est-ce que vous êtes prêt à en changer désormais ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Si vous voulez, d'abord on a regardé ces cortèges imposants comme tous les dizaines de millions de Français qui étaient devant la télévision, qui pouvaient voir ça et on a été très frappé par le sérieux, le calme, la dignité de ces cortèges qui
NICOLAS BEYTOUT : Et l'inquiétude qui en ressord en quelque sorte.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : C'est ça que cela manifeste. Les Français ont compris qu'il y avait un très gros problème et le MEDEF a joué un rôle pour sortir de l'immobilisme et du silence et la conjuration de silence devant ces problèmes.
NICOLAS BEYTOUT : D'accord mais tous ces gens-là sont inquiets parce qu'ils ont peur que vous bloquiez le régime et que votre position menace leur propre retraite. Alors est-ce que vous allez changer de position ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Notre position, qui pour l'instant est la seule sur la table, parce que les syndicats n'ont jusqu'à présent proposé qu'une seule chose, c'est de reporter le débat à 2003. Notre position, qui est la seule sur la table, ce n'est pas un blocage. Au contraire, c'est une solution.
NICOLAS BEYTOUT : Enfin, c'était un peu tout ou rien quand même. C'était : nos propositions sinon on ne discute pas. Et de toute manière, en attendant, on ne verse pas les cotisations. Donc, il y avait quand même la menace d'une sanction ou d'un risque financier pour chacun ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : D'abord, si vous voulez, on a négocié pendant neuf mois. Nous avons fait 17 séances de négociation. On ne peut pas dire que ce soit ni un diktat, ni un ultimatum. Il y a eu un mandat de négocié jusqu'à la fin de l'année. Si on ne se mettait pas d'accord, l'ASF ne pouvait plus fonctionner et juridiquement tout ceci, si vous voulez, c'est la conséquence d'un échec des négociations où bien entendu chacun renvoie à d'autres la responsabilité. C'est normal. Mais nous n'avons dans tout ceci, j'y insiste, jamais prononcé le moindre ultimatum. Cela fait partie de ces formules que l'on prononce avant les manifestations pour donner un peu d'élan.
NICOLAS BEYTOUT : Donc, si ce n'est pas Seillière, pour vous, c'est quoi ? C'est une crise qui était inévitable ? Un point haut dans une relation un peu tendue ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, c'est un moment, en effet, dans une négociation très difficile sur un sujet majeur pour l'ensemble des salariés français. Et d'ailleurs pour l'ensemble, je dirais, de la population française. Nous avons, nous, un mérite, c'est d'ouvrir le débat et de révéler parce que tout le monde essaye de masquer l'existence d'un problème et de proposer une solution. Je crois qu'il était normal que les syndicats veuillent montrer qu'ils avaient avec eux des troupes et de la force dont nous n'avons jamais douté. C'est donc un moment, en effet, dans une négociation sur lequel il n'y a pas de raison d'être pessimiste.
NICOLAS BEYTOUT : Cela veut dire que vous allez faire de nouvelles propositions et réenclencher ces négociations ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous attendons d'abord de la part des syndicats des propositions. On le sait pour sortir de la difficulté, il n'y a que trois formules. Abattre sur la retraite des Français, personne n'y songe. Mettre plus de cotisations sur les jeunes qui sont déjà à trois mois de salaire brut pour la cotisation des retraites des anciens, personne ne juge aujourd'hui que l'on puisse continuer à le faire et donc il n'y a que sur la prolongation. Regardez aujourd'hui même, d'ailleurs l'Allemagne, après la Suède, après l'Angleterre, après l'Italie, l'Espagne, se met sur la voie et tous les syndicats européens acceptent parfaitement les propositions que nous faisons.
NICOLAS BEYTOUT : Mais est-ce que vous avez, en dehors du fait qu'il faut sur le principe prolonger le temps de travail et reculer l'âge du départ à la retraite, est-ce que vous avez des propositions qui sont un peu plus souples que celles que vous aviez auparavant ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, si nous rediscutons, bien entendu, nous avons, nous, proposé, je dirais, un modèle complet sur un quart de siècle, avec des échéances, avec des
NICOLAS BEYTOUT : Oui mais clea-là a été rejeté, hein ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Bon, il a été rejeté en effet. En tout cas, on n'a jamais voulu considérer qu'on pouvait entrer en négociation à ce propos. Alors, on verra si on veut qu'on modifie ceci ou cela à l'intérieur de ce processus, bien entendu, nous y sommes tout à fait ouverts. La négociation, cela sert à ça.
NICOLAS BEYTOUT : On dit que depuis le blocage tel qu'il a été constaté entre vous et les syndicats, vous avez continué à avoir des contacts avec les syndicats réformistes. C'est vrai ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, bien sûr, nous avons d'abord des relations constantes, personnelles avec les leaders syndicaux. C'est absolument nécessaire que derrière la divergence des points de vue, on maintienne les relations personnelles et un climat de partenariat. Nous sommes dans le paritarisme.
NICOLAS BEYTOUT : Alors, est-ce que vous avez, depuis les manifestations, eu ces mêmes contacts ? Est-ce que vous avez discuté, par exemple, avec Nicole Notat depuis ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non. Nous avons en réalité reçu ce matin même une demande de réouverture des négociations de la part des syndicats à laquelle nous allons d'ailleurs bien entendu donner suite. Que les syndicats viennent discuter quand ils veulent, sans préalable et sans tabou. Leur formule, nous la reprenons complètement à notre compte et nous sommes partisans de reprendre le dialogue. Il semblerait que le débat, maintenant, soit ouvert et que chacun reconnaisse qu'il y a un problème à régler avant. On fait plutôt semblant de dire qu'il n'y en avait pas.
NICOLAS BEYTOUT : Je vous écoute, et quand même je trouve qu'il y a un changement de ton par rapport à ce que vous professiez, ce que vous mettiez en avant il y a quelques jours. Est-ce que c'est la manifestation ou est-ce que c'est simplement parce que vous vouliez passer par un point précis de blocage ou de catharsis avant d'ouvrir vraiment le débat ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Dans une négociation de ce type, il y a des moments successifs. Nous sommes tous des négociateurs, d'ailleurs un peu des acteurs. Donc, il y a des moments où le ton est vif et ensuite nous nous accommodons. Tout cela n'a pas énormément d'intérêt mais c'est
NICOLAS BEYTOUT : Cela n'a pas forcément beaucoup d'intérêt mais cela a peut-être de l'importance parce que l'image du patronat, et la vôtre au travers de cela, a focalisé un certain mécontentement de la part de l'opinion. L'idée de toucher aux retraites est une idée impopulaire et cette impopularité vient sur le patronat. Est-ce que cela n'est pas gênant ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous ne sommes pas à la recherche de popularité. Nous sommes à la recherche d'une solution à des problèmes évidents et que personne ne peut nier. Et donc, nous ne sommes pas des démagogues. C'est vrai, il y a des démagogues dans cette affaire qui font semblant que le problème n'existe pas ou qui font semblent de dire qu'il y a des solutions sans même les prononcer.
NICOLAS BEYTOUT : Est-ce qu'au fond vous ne travaillez pas pour le gouvernement ? C'est très facile de vous laisser déblayer les problèmes difficiles et de passer après pour ramasser
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je pense que nous travaillons pour la France en ouvrant la voie à la solution de problèmes qui devront être traités. Si cela doit faciliter un moment ou un autre au gouvernement de trouver une solution, tant mieux. Mais, si vous voulez, nous avons bien conscience que nous sommes des déclencheurs de débats, des leveurs de tabous et que nous sommes en lutte contre une population et malheureusement ce n'est peut-être pas quelque chose qui plaira beaucoup à ceux qui sont du côté des animaux. Nous sommes contre l'autruche.
NICOLAS BEYTOUT : Oui. Est-ce que vous êtes sûr au fond de vous-même que tous autour de vous, au sein du patronat ou en tout cas ceux qui dirigent le MEDEF, sont pour la conclusion d'un accord et le maintien du patronat dans la gestion des retraites ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je crois que les 700 000 entrepreneurs que nous rassemblons dans notre organisation, et qui nous ont donné un mandat massif d'avancer dans la voie où nous sommes, je pense qu'ils ont conscience que ou bien on arrive à une solution, et nous sommes prêts à la négocier, et à ce moment-là, il faut rester dans le paritarisme, ou bien on nous commende de ne rien faire. A ce moment-là, nous allons inévitablement vers une crise et de la levée de cotisations sur les jeunes. Et ça, nous disons très clairement que nous ne le ferons pas
NICOLAS BEYTOUT : Mais votre sohait à vous et à ceux qui vous entourent, vous pensez que c'est vraiment arriver à conclure un accord avec les syndicats et à rester dans le paritarisme ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, attendez, la Refondation sociale, que nous avons lancée, qui a réanimé le dialogue social, il est fait pour faire des accords paritaires. C'est notre but et donc nous allons vers cet objectif.
NICOLAS BEYTOUT : Ernest-Antoine Seillière, merci.
(Source http://www.medef.fr, le 07 mars 2001).