Texte intégral
ELISABETH MARTICHOUX
Nous sommes en ligne avec Christine LAGARDE, la ministre de l'Economie. Bonjour madame.
CHRISTINE LAGARDE
Bonjour madame.
ELISABETH MARTICHOUX
Merci d'être en direct, on sait que vous n'avez pas beaucoup dormi sans doute la nuit dernière...
CHRISTINE LAGARDE
Exact.
ELISABETH MARTICHOUX
Mais il fallait impérativement trouver un accord à Bruxelles avant l'ouverture des marchés ce matin ; si je puis dire, le jeu en valait la chandelle, ça valait le coup de veiller, parce que les marchés, vous le constatez, applaudissent ce matin.
CHRISTINE LAGARDE
Oui, je suis évidemment satisfaite de voir le résultat, ce qui me réjouis surtout c'est le collectif qu'on a réalisé, dans la nuit, ça n'a pas été sans mal. Le président de la République a été déterminant lorsqu'il a, avec la chancelière allemande, trouvé un accord sur les sommes, et puis ensuite il a fallu mettre en musique.
JEROME GODEFROY
Alors les marchés sont effectivement très positifs aujourd'hui, est-ce que vous pensez que l'effet peut être durable ?
CHRISTINE LAGARDE
C'est ce qu'on a démontré cette nuit, c'est que tous les Européens pouvaient ensemble, liguer leurs forces, mettre 500 milliards d'euros de garanties sur la table pour dire sur un message très ferme : nous défendrons notre monnaie et nous ne la laisserons pas attaquée par les uns ou par les autres.
ELISABETH MARTICHOUX
Alors on va faire un peu de pédagogie sur ce plan exceptionnel, vous dites 500 milliards des Européens, il y a 440 milliards qui consistent en prêts bilatéraux, c'est-à-dire que chaque pays...
CHRISTINE LAGARDE
Non non, non. Alors je vous le détaille. C'est un paquet total de 500 milliards. D'abord, 60 milliards d'euros qui sont des fonds communautaires qui vont être affectés au soutien des pays fragiles. 60 milliards c'est bien, mais ce n'est pas tout à fait assez probablement, surtout si on veut donner un message très forte aux marchés et à ceux qui s'amusent à jouer à la baisse et à la hausse. Donc on rajoute 440 milliards sous forme de garanties...
ELISABETH MARTICHOUX
Donc des garanties pour d'éventuels prêts.
CHRISTINE LAGARDE
Ce ne sont pas des prêts bilatéraux, voilà, ce sont des garanties qui sont fournies par tous les pays membre de la zone euro, les bonnes signatures, comme l'Allemagne, comme la France mais aussi les moins bonnes signatures.
ELISABETH MARTICHOUX
Mais la France contribue à combien ? Dans cette enveloppe de 440, la France s'engage sur combien de milliards ?
CHRISTINE LAGARDE
C'est à peu près 20% parce que c'est l'équivalent de notre cote part dans le capitale de la BCE, parce qu'on considère qu'il faut que toute le monde participe à concurrence de sa place dans l'économie européenne. Donc nous c'est aux alentours de 20% et je le répète, c'est une garantie, c'est-à-dire que ce n'est pas un prêt, c'est une garantie qui sera fournie par l'Etat, sous réserve évidemment de l'approbation du Parlement, puisque le Parlement est maître en matière de garanties. On fournit cette garantie à un fonds de stabilisation européenne et ce fond de stabilisation européenne dûment muni de la garantie des Etats, pourra aller emprunter sur le marché pour acheter de la dette d'Etat au sein de la zone euro, qui serait fragilisée.
JEROME GODEFROY
Alors madame LAGARDE, ce plan de sauvetage donc il est bouclé et on voit les effets, qu'est-ce qui a été difficile hier à Bruxelles, presque douze heures de discussion, qu'est-ce qui coinçait finalement ?
CHRISTINE LAGARDE
On a eu malencontreusement la difficulté posée par l'absence du ministre allemand, puisque le malheureux, il s'est posé à Bruxelles, il a été immédiatement hospitalisé, donc Berlin a envoyé le ministre de l'Intérieur, mais évidemment ça a pris trois heures, donc on avait de toute façon décidé qu'il fallait que les Allemands soient à bord, c'était parfaitement indispensable et légitime, donc ça, ça a causé du retard. Deuxièmement, ce n'est pas une chose facile qu'on a construite hier parce que c'est un accord intergouvernemental, il faut que ça s'articule avec la Commission européenne qui est un peu le maître d'oeuvre, mais c'est un accord intergouvernemental. Donc il y a eu pas mal de problèmes juridiques à régler et moi j'étais très attaché, parce que le président me l'avait demandé, parce que c'est un signe de forte cohésion politique, à ce que nous fournissions tous la même chose. C'est-à-dire qu'on fournisse tous notre garantie. Dans un premier temps, certains Etats auraient préféré faire des prêts bilatéraux, d'autres des garanties. Mais ça aurait donné un signal moins puissant sur le plan politique parce qu'on n'était pas tous sur le même instrument. Là on est tous en garantie à bord du fonds de stabilisation européen et on fait bloc pour soutenir les attaques contre l'euro.
ELISABETH MARTICHOUX
Une question qui intéresse évidemment tous nos auditeurs aussi Christine LAGARDE, c'est : qu'est-ce que ça va coûter au budget ces garanties ? Donc 20% de 440 milliards sur lesquels s'engagent la France ; est-ce qu'il y a des conséquences sur le budget français ?
CHRISTINE LAGARDE
Aujourd'hui, zéro conséquence. Pourquoi ? Parce que des garanties ce n'est pas de la dette. La garantie ne devient dette que dès lors qu'elle est appelée...
ELISABETH MARTICHOUX
Et si elle est appelée, on la débloque tout de suite, plus vite que le cas des Grecs par exemple, que dans le cas de la Grèce ?
CHRISTINE LAGARDE
Ah non, enfin la mise en place de la garantie, il faut qu'on la fasse selon les canaux normaux, c'est-à-dire en passant devant le Parlement, que le Parlement approuve le principe de la garantie, mais la garantie ne serait appelée que dans l'hypothèse où le fonds de stabilisation européen ne pourrait pas lui-même honorer ses engagements. Donc c'est hautement improbable cette affaire-là.
ELISABETH MARTICHOUX
En tout cas sur le budget de la France, vous dites, ça ne coûte rien pour l'instant tant qu'on n'a pas débloqué les 20% en cas d'appel à l'aide d'un pays européen en difficulté.
CHRISTINE LAGARDE
En cas de défaut du pays en question, pour rembourser les sommes qui seraient dues au fonds de stabilisation européen.
JEROME GODEFROY
Est-ce que les autres grandes puissances jouent le même jeu, vont dans le même sens, par exemple les Etats-Unis ou les Chinois ?
CHRISTINE LAGARDE
Ecoutez, l'action concertée de cette nuit qui a rassemblée les pays de l'Union européenne, puisqu'il y a eu un communiqué de d'ECOFIN, il y a eu un communiqué du G7 qui rassemble les Etats-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, le Canada. Il y a eu un communiqué du G20 dans le même sens. Il y a eu un communiqué de la Banque Centrale Européenne et il y a eu un communiqué du Fonds Monétaire International qui je vous le rappelle, vient aussi, si nécessaire, en soutien pour la mise en place de programmes spécifiques par pays. Donc il y a une espèce de front consolidé pour la stabilité financière et pour la stabilité de l'euro.
ELISABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Christine LAGARDE d'avoir été en direct avec nous. On retient que vous avez dit votre satisfaction de la réaction des marchés, donc à l'ouverture ce matin après le plan européen.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 12 mai 2010