Conférence de presse de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur l’intervention militaire de l’OTAN en Serbie et au Kosovo, à Washington le 23 avril 1999.

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Circonstance : Commémoration du 50ème anniversaire de l'Alliance Atlantique (OTAN) à Washington le 23 avril 1999-sommet de l'OTAN du 23 au 25 avril 1999-conférence de presse à Washington le 23 à l'issue d'un conseil de défense sur le Kosovo

Texte intégral

LE PRESIDENT Je salue le personnel de lambassade, en particulier, et de façon plus générale les journalistes français, américains ou éventuellement étrangers.
Nous avons eu ce matin une réunion vraiment intéressante, dans la mesure où cétait un vrai Conseil de défense sur laffaire du Kosovo. Et cest là où lon voit la divergence des choses. Une chose est, évidemment, découter les rumeurs voire les informations données par les uns ou les autres, par les entourages des Chefs dEtat et de Gouvernement, par les Chefs dEtat et de Gouvernement eux-mêmes, discutant à droite ou à gauche. Et une autre chose est de voir des gens rassemblés autour dune table en situation de responsabilité et devant exprimer exactement, précisément, sous contrôle, leur point de vue sur une opération difficile comme celle qui implique lusage des armes.
Ce matin, nous avons donc eu ce Conseil qui a été vraiment intéressant, et qui nous a permis de faire le point. Je vais vous dire les conclusions que pour ma part jen ai tirées, après vous avoir dit ce que jai personnellement exprimé. Nous reparlerons dailleurs plus en détail des choses, ce soir, au dîner de travail, sur le même sujet.
Par ailleurs, je vous ai fait attendre parce quaprès la cérémonie de commémoration, jai eu un tête-à-tête avec le Président Clinton qui, en vérité, était prévu à une autre heure et qui a été, à sa demande, déplacé, ce qui ma fait prendre un peu de retard.
Dimanche matin, il y aura la dernière phase pour ce qui concerne les problèmes du Kosovo, avec le sommet entre lAlliance et les sept pays qui entourent la République de Yougoslavie, la RFY. Une réunion, qui vous le savez je pense, se tient à linitiative de notre pays, à linitiative de la France qui souhaitait faire le point sur la sécurité et les problèmes auxquels étaient confrontés les pays qui sont directement impliqués dans cette affaire.
Alors, comme je vous lai dit, je voudrais dabord vous faire part de ce que jai dit, et ensuite rapidement des conclusions que jai tirées de cette réunion.
Au nom de la France, jai fait trois réflexions. La première concerne les plans stratégiques et politiques. Jai dit que nous avions une stratégie qui consiste à casser lappareil de répression des autorités serbes, que cette stratégie, à lévidence, et cest ce qui ressortait nettement du rapport du Président du Comité militaire et du Général Clark, cette stratégie porte ses premiers résultats, et que, par conséquent, il faut sy tenir. Lexpérience néanmoins, montre quil faut aller plus fort, ce qui veut dire quil faut augmenter le nombre des frappes, diversifier les objectifs visés de façon à réduire les capacités de commandement et de communications des autorités serbes. Voilà donc ce que jai indiqué comme étant le sentiment de la France.
Jai ajouté deux remarques. Une dordre politique : nous devons être extrêmement attentifs à notre relation avec la Russie, dont lintervention est de toute façon nécessaire et importante. Et dautre part, nous devons être très attentifs à la situation fragile du Monténégro, qui reste dans lincertitude de son devenir et qui doit être traité avec beaucoup de respect, compte tenu du régime qui reste aujourdhui le sien et qui exige que lon fasse très attention avant dexercer des frappes sur des objectifs serbes au Monténégro.
Sur le plan humanitaire, jai indiqué que bien sûr la France considérait quil fallait augmenter notre effort, quil fallait apporter tout notre soutien à ceux qui ont vocation et compétence pour aider ceux qui en ont besoin, je pense naturellement au premier chef au H.C.R. et à toutes les organisations humanitaires. Jai dit que, pour moi, les militaires, quil sagisse de ceux de lOTAN ou de ceux des pays présents sur place, militairement parlant, comme la France et dautres, les militaires doivent aider les organisations humanitaires, leur apporter leur soutien pour autant que celui-ci soit demandé et nécessaire, mais quils ne doivent, en aucun cas, se substituer aux organisations humanitaires qui souhaitent que leur indépendance soit respectée, cest capital, et quils ne doivent pas se voir imposer une sorte de tutelle militaire qui serait forcément inadaptée et qui par conséquent risquerait dêtre décourageante.
Jen ai profité, naturellement, pour souligner lampleur de la mobilisation des peuples européens, notamment la France, pour ce qui concerne la solidarité à légard des réfugiés. Et jai évoqué un point particulier, sur lequel je comprends quil y ait des difficultés de mise en uvre, mais qui me paraît néanmoins nécessaire, cest celui des modalités de largage daide au profit des personnes déplacés qui se trouvent au Kosovo, qui en ont sans aucun doute besoin, et sur lesquels nous navons malheureusement que peu dinformations, ce qui rend ces opérations daide extrêmement difficiles. Les militaires soulignaient même à la fois les risques et la difficulté de ce type dopération. Jai indiqué que, quelle que soit cette difficulté, la France souhaitait que ces opérations soient menées à bien.
Enfin, jai évoqué rapidement la période transitoire, cest-à-dire ce qui se passerait après la paix revenue. Nous devons rester sur le principe dun Kosovo autonome, il faudra naturellement une force de maintien de la paix au Kosovo, donc nous devons y penser, et nous devons être ouverts sur la nature de cette force. Il faudra une administration provisoire de la province, pour permettre le retour des réfugiés, garantir leur sécurité, assurer le redémarrage économique, imposer des règles ou permettre la mise en uvre de règles démocratiques de vie. Il appartenait à lUnion européenne de prendre en charge naturellement cette mission, en liaison, cela va de soi, avec les organisations compétentes, quil sagisse de lOSCE, pour tout ce qui touche à la mise en uvre du processus démocratique, des élections, etc ou quil sagisse du HCR pour ce qui concerne laide aux réfugiés. Et à plus long terme, jai apporté mon appui à la proposition allemande de conférence balkanique et de pacte de développement et de stabilité pour cette région.
Voilà pour ce qui concerne la position de la France. Et maintenant, un mot, pour terminer, et pour répondre à vos questions.
Sur les conclusions que je tire de cette séance de travail, où les 19 Chefs dEtat et de Gouvernement, avec le Secrétaire Général et les personnalités compétentes, étaient réunis. La première chose qui ma frappé, cest labsence totale de divergences de vues. Cest lunité et la détermination totale, unanime pour soutenir la stratégie actuelle de frappes aériennes, laccord général pour constater quelle porte ses résultats et quil faut lintensifier. Accord général, tout le monde la souligné. Un accord général aussi, pour couper la Serbie de ses approvisionnements en armes et en pétrole, un accord pour améliorer laide aux réfugiés, et un accord en particulier pour que les mesures nécessaires soient engagées, malgré les réticences compréhensibles des militaires, pour que soit largués des biens, de la nourriture, des médicaments, des moyens de vie au profit des populations déplacées, encore présentes au Kosovo. Un accord sur le fait quil faut, parallèlement aux frappes, rechercher une solution politique dans le strict respect des exigences exprimées par le Secrétaire Général des Nations Unies, les fameuse cinq exigences, qui ont été, là encore, approuvées à lunanimité. Un soutien aux efforts de la Russie. Certes, nous avons parfaitement conscience de la difficulté de cet effort, mais une volonté clairement exprimée de soutenir la Russie dans les efforts quelle peut faire dans la recherche dune solution.
Ce qui ma frappé, cest un accord général et je me suis dit, est-ce quon aurait pu concevoir un accord de cette nature avec 19 pays, dans dautres temps ? Non. A lévidence, cela cest quelque chose de nouveau. Je veux dire face à lhistoire, telle que nous la connaissons depuis un siècle ou plus. Et si on sinterroge pour savoir, mais pourquoi est-ce quon arrive à une solution de cette nature, pourquoi, tout dun coup, tout le monde se met daccord -avec ses pensées, ses arrière-pensées-, je crois que cest, simplement, une grande victoire des droits de lhomme. Les droits de lhomme, cest une idée qui petit à petit sest développée et sest imposée et cest une des victoires du XXème siècle qui a connu par ailleurs bien des échecs, bien des drames. Et, cest une notion qui aujourdhui simpose, et soppose victorieusement aux forces centrifuges traditionnelles, normales, dans la vie des nations et dans les relations quelles ont entre elles. Cest une vraie victoire des droits de lhomme. Le Premier ministre du Luxembourg a entamé son propos en disant : " je sais maintenant ce que cest quune guerre juste ", et je me suis dit quau fond il navait pas tout à fait tort, et même pas du tout.
Voilà, je vous ai très rapidement indiqué ce qui sest passé ce matin, je suis prêt à répondre à vos questions.
QUESTION M. le Président, que répondez-vous à ces nombreux militaires et ces nombreux spécialistes qui considèrent quon ne gagne pas une guerre sans envoyer des troupes au sol ?
LE PRESIDENT Alors, sil sagit des spécialistes et des militaires à la retraite, enfin du cadre de réserve, je ne leur réponds rien, tout simplement parce que nous ne parlons pas le même langage, et quils se réfèrent à des expériences passées pour certains, pour les militaires, ou à des idées quils ont forgées, je pense aux intellectuels et cest un terrain de réflexions inadapté à la situation que nous connaissons actuellement. Parce que je ne vois pas beaucoup ni dexperts ni de militaires qui sont dans laction, qui sont en charge, qui sont responsables et qui défendent ces thèses. Ce que je peux vous dire, en tous les cas, cest que cette question na pas été évoquée pour une raison très simple, cest que nous avons une stratégie, et je vous lai dis, personne nenvisage de la changer, les choses étant ce quelles sont, et par conséquent, ce problème nest pas dactualité.
QUESTION Premièrement, êtes-vous satisfait de la formulation qui a été adoptée dans la déclaration finale concernant lembargo sur le pétrole pour la Yougoslavie, parce quil y a eu quelques discussions à ce sujet, qui ne nous ont pas échappé ? Deuxièmement, êtes-vous totalement daccord avec, par exemple, le type de cibles qui ont été visées ces derniers jours, à Belgrade, notamment la télévision, la villa du Président Milosevic ?
LE PRESIDENT Alors, sagissant de la première question, je pense quau-delà de lembargo, vous faites allusion aux discussions qui ont eu lieu sur lopportunité dagir, dagir à légard des bateaux qui seraient susceptibles de transporter soit du pétrole, soit des armes ou à légard de la flotte serbe qui se trouve à Bar et à Kotor, parce que pour ce qui concerne lembargo lui-même nous sommes tous daccord, naturellement. Je vous rappelle que lUnion européenne, pour sa part, a pris une position unanime consistant à sinterdire toute exportation de pétrole vers la Serbie, directement ou indirectement, et à exiger de tous les pays qui ont des accords avec elle quils fassent de même. Donc sur lembargo, il ny a naturellement pas de divergence de vues. Pour le reste, on peut avoir effectivement des divergences de vues. On peut sinterroger, en particulier, sur les conséquences que pourraient avoir des opérations militaires, je nentrerai pas naturellement dans le détail, des destructions de navires, de terminaux pétroliers, des batteries STIX qui peuvent exister là-bas. Sur tout cela, pour toutes sortes de raison, je suis personnellement tout à fait réservé. Et je nai pas manqué de le dire, et je ne suis pas tout à fait le seul, non plus. Ce qui sest traduit par un texte dont vous aurez connaissance ou dont vous avez déjà connaissance, et dont vous observerez quil ne fait en aucun cas allusion à ces opérations puisquil névoque pas dopérations aériennes ou maritimes de cette nature et que, dans lhypothèse ou il y aurait certaines opérations en mer, il est précisé dans le texte quil faudrait apprécier les conséquences que cela pourrait avoir sur le Monténégro. Donc je suis parfaitement satisfait du texte. Je suis dautant plus satisfait quil y a, sur ce texte, la main de la France assez lourdement. Je veux ajouter que la situation du Monténégro, je lai dit tout à lheure, est très fragile, il faut faire très attention. Alors, il va de soi que sil y avait une action de nature à changer la situation au Monténégro, il y aurait certainement un changement dapproche de la part de lOTAN et des pays qui la composent au sujet des frappes concernant le Monténégro. Quant à laccord sur les cibles, oui, je suis tout à fait daccord avec les cibles qui ont été retenues et visées au cours de ces derniers jours. Je vous ai dit tout à lheure que nous étions unanimes à penser quil fallait poursuivre cette stratégie et lamplifier, cest-à-dire agir de plus en plus sur des cibles plus diversifiées, touchant à tout lappareil de commandement et de communications de lactuel régime serbe.
QUESTION Sil faut amplifier cette stratégie de frappes aériennes, est-ce que cela veut dire que la réalité à été sous-estimée par les militaires, qui ont pensé pouvoir aller plus vite, et qui finalement se sont aperçus que ce nétait pas aussi efficace quils lavaient cru.
LE PRESIDENT Non, je ne crois pas que lon puisse dire cela. Dans une situation de guerre, il faut en permanence sadapter, il y a des moments où il faut amplifier laction, parce que le moment est venu de le faire, dautres où il faut au contraire limiter laction parce quil faut le faire. Ce sont des sujets qui relèvent de la compétence des militaires. Je sais que nous avons tous le sentiment que la diplomatie et la chose militaire peuvent faire lobjet de tous les jugements. Tout le monde se croit compétent pour parler de ces choses, et pourtant ce sont de vrais métiers, des choses complexes, et il faut être prudent pour en parler et modeste aussi quand on les évoque.
QUESTION Le texte de la déclaration sur le Kosovo dit, je crois, que les cinq conditions posées par lOTAN ne sont pas négociables. Par ailleurs, elle exprime la possibilité, le souhait quil y ait éventuellement une résolution du Conseil de Sécurité, qui entérine ou qui soutienne ces cinq principes exprimés par le Secrétaire Général ?
LE PRESIDENT Cher Monsieur, je vous coupe, parce que là vous anticipez de 24 heures, car ces sujets seront traités demain dans le cadre plus général du mandat de lONU. Et cest un sujet vous ne lignorez pas- qui pose des problèmes puisquil y a, je dirais, une divergence de vues, une forte divergence de vues entre les Etats-Unis et la France. Alors, aujourdhui, il na été traité que de façon tout à fait marginale et pour ne rien vous cacher, cest lun des deux sujets importants que jai évoqués avec le Président Clinton tout à lheure. Mais la discussion nest pas terminée, elle ne sera terminée que ce soir, alors je préfèrerais répondre à votre question demain je ferai un point de presse demain aussi- ce sera plus sûr.
QUESTION Les frappes devaient durer quelques jours et mettre M. Milosevic à terre en quelques jours. On en est maintenant à la cinquième semaine, votre sentiment, cela peut durer combien de temps ?
LE PRESIDENT Je ne sais pas du tout combien de temps cela peut durer. Je me permets de vous dire que la première fois que je suis intervenu, dans une intervention qui dailleurs est passée un peu inaperçue, que jai faite de Berlin, et cétait le premier ou le deuxième jour, le 24 mars, javais indiqué tout de suite, pour répondre à une question dun de vos confrères qui me demandait si cétait une affaire de jours, je lui avais répondu que cétait une affaire qui, par définition, demanderait beaucoup de temps et de détermination. Je nai pas changé davis, et je nai aucune intention de fixer des délais. Mais cest une affaire qui sera longue et qui demandera beaucoup de détermination. Mais vous savez, je lai dit aussi à plusieurs reprises, cen est trop, cen est trop. Trop de violence, trop de crimes, trop de viols, trop de guerre, trop de souffrances, trop de racisme, trop de déportation, trop de cynisme. Et nous avons donc décidé dagir. On ne pouvait pas imaginer de ne pas le faire. Et on le fera par conséquent avec à la fois cur et bonne conscience. Je vous disais tout à lheure quil y a des guerres justes, et je crois que ce sera ce que nous aura appris, aussi, cette épreuve. Mais cela prendra du temps.
QUESTION Quand vous dîtes que le scénario dune offensive terrestre nest pas dactualité, mais que vous dîtes en même temps quil faut être pragmatique, et quil faut sadapter à toutes les situations, est-ce que cela signifie que ce scénario dune offensive terrestre est exclu ou bien quil faut y rester préparé pour pouvoir, le cas échéant, être efficace ?
LE PRESIDENT La question est assez bien posée, je dirais même subtile, et je ne ferai que répéter ce que jai dit : ce problème nest pas dactualité et, par conséquent, il ny a pas lieu de le débattre. Pour une raison simple, cher Monsieur, cest que, en débattant ce problème, on donne une information capitale aux autorités serbes, alors, pour cela, ne comptez pas sur moi.
QUESTION Monsieur le Président, si vous me le permettez, en suivant la question de mon collègue sur les Nations Unies et limportance davoir une résolution du Conseil de Sécurité avant que Milosevic ne soit daccord de retirer les troupes serbes, cest quelque chose que votre gouvernement pousse depuis un certain temps. Pensez-vous que le libellé dans la déclaration daujourdhui, où il est dit que pourrait suivre le passage de la résolution du Conseil de Sécurité, est-ce que vous êtes satisfait de ce libellé. Et pensez-vous que cela donnerait à Milosevic la couverture politique nécessaire pour être daccord pour retirer ses troupes ?
LE PRESIDENT Je ne ferai pas de commentaire sur cette question.
QUESTION Monsieur le Président, quand vous dîtes quil faut être ouvert sur la nature de la force militaire qui pourrait être déployée au Kosovo, est-ce que vous sous-entendez que les Américains ne sont pas assez ouverts en ne jurant que par les troupes de lOTAN, ou est-ce que, alors, il faut penser à ONU, lOSCE et autre chose ?
LE PRESIDENT Il est prématuré de prendre une position dans cette affaire. Si nous arrivons à une solution politique, il est évident quelle devra sappuyer pour sa mise en uvre sur une présence militaire. Et je le répète, cette présence militaire devra être organisée de façon telle quelle soit la mieux adaptée possible, techniquement, ce qui suppose naturellement un vrai système de commandement et de responsabilité, et politiquement, ce qui suppose que les choses soient établies le plus possible en accord avec le maximum de pays. Je pense en particulier à la Bosnie, où nous trouvons des Russes, des Ukrainiens, etc, qui ne sont pas de lOTAN. Et par conséquent, je crois quil ne faut rejeter aucune formule.
QUESTION Monsieur le Président, à propos de cette force toujours, parce que cest une des questions-clefs pour lavenir, vous avez employé tout à lheure lexpression de force de maintien de la paix. Est-ce que, sil ny a pas daccord politique et quon est obligé daller plus loin, est-ce que vous êtes daccord pour la mise en place dune force dite dimposition de la paix qui serait chargée donc dassurer le retour des réfugiés du Kosovo dans leur région et qui, éventuellement, ferait usage de la force pour assurer leur sécurité ? Est-ce que vous personnellement, est-ce que la France est favorable à une force dimposition de la paix, ou est-ce que vous vous contenteriez dune force de maintien de la paix ?
LE PRESIDENT Je vais vous dire, une force dimposition de la paix, telle que vous la définissez, cest une force qui nexiste pas. Alors, je ne suis ni pour ni contre. Je crois que cest une idée très théorique, très théorique. Une force est là soit pour assurer la paix, soit pour se battre face à des ennemis. Elle nest pas là pour faire de la circulation routière. Cela nexiste pas, cest une théorie, je lai entendue, mais je crois que cela est vraiment une théorie.
QUESTION Monsieur le Président, vous dîtes quil y a un accord sur le largage de vivres malgré les difficultés dont tout le monde est conscient, est-ce quil pourrait y avoir une décision effective à ce sujet prochainement ?
LE PRESIDENT Je nai pas dit quil y avait un accord, car le Conseil de lAtlantique Nord na pas encore donné son accord en raison des très sérieuses réserves formulées par les militaires, réserves que, par ailleurs, je peux parfaitement comprendre. Il y a un accord politique pour trouver la solution qui permettra le largage. Et ce que je peux vous dire, cest que la France, qui est à la pointe de ce combat, fera tout pour quil soit gagné. Mais dans létat actuel des choses, ce nest pas encore fait, et nous faisons tout pour accélérer les procédures. Jai eu, ce matin, avant le début de la réunion sur le Kosovo, un entretien avec le Général CLARK, et je lui ai parlé de deux ou trois sujets, et celui-ci était le premier. Nous ferons le maximum.
QUESTION Monsieur le Président, vous avez dit au début de votre intervention que vous étiez daccord avec les cibles qui avaient été choisies, mais nest-il pas vrai que, auparavant, vous étiez contre les décisions de lOTAN daller de lavant et de prendre pour cibles des possessions personnelles de M. MILOSEVIC, sa villa par exemple ?
LE PRESIDENT Madame, je navais dit que jétais contre, mais jaurais pu le dire parce que jaurais pu le penser à un moment donné. Mais, la guerre cest malheureusement un exercice difficile, et on prend des décisions selon lévolution des choses, ce qui me permet de vous dire que, indépendamment de ce que jai pu penser auparavant, mais je nai pas pensé cela naturellement, je suis tout à fait daccord avec les cibles qui ont été visées au cours de ces derniers jours. Et puis, en fonction de lévolution, la semaine prochaine, jaurai peut-être encore une autre idée différente sur les cibles qui doivent être visées.
QUESTION Monsieur le Président, linitiative Tchernomyrdine a été un petit peu critiquée, on la trouve insuffisante. Mais, au début, le Président Clinton avait lair dêtre plutôt encouragé, il avait lair de dire quil fallait pousser un peu plus loin. Est-ce que cest aussi votre avis ?
LE PRESIDENT Dabord, je vous lai déjà dit, je suis très favorable à maintenir la Russie dans le système de réflexion et dans la gestion de cette crise. Dabord parce que la Russie est un grand pays, un grand peuple, même sil connaît aujourdhui des difficultés. Et quensuite on ne règlera pas les problèmes dans cette région sans une participation de la Russie. Dailleurs, ce ne serait pas convenable dessayer de le faire, et ce serait contre-productif. Alors, à partir de là, la Russie na pas de baguette magique. Javais tout à fait approuvé la démarche de M. Primakov quand il était allé à Belgrade, jai approuvé sans réserve celle de M. Tchernomyrdine. Ce qua ramené M. Tchernomyrdine nest pas négatif, cest déjà mieux que ce quavait ramené M. Primakov. Ce qui prouve tout de même quil y a probablement une évolution, mais cest insuffisant. Les conditions posées par les autorités serbes dans cette affaire sont inacceptables, et donc, nous ne pouvons pas les accepter. Mais pour autant, nous encourageons, bien entendu, les Russes à poursuivre dans la voie quils ont empruntée. Et dailleurs je pense que, dès mon retour en France, immédiatement, jappellerai le Président Eltsine et peut-être M. Primakov ou M. Tchernomyrdine pour massurer, pour voir un peu quelles sont leurs impressions, directement.
Voilà, je vous remercie.