Texte intégral
1/ Quel est le but de votre visite en Jordanie ? et quelle est votre perception de la relation bilatérale ?
C'est la troisième fois que je me rends en Jordanie : j'avais déjà eu l'occasion de le faire en 2004 et en 2006, en tant que ministre de la Défense. Je viens cette fois, dans mes nouvelles fonctions de ministre de la Justice, dire l'attachement de la France pour sa coopération avec le Royaume hachémite en matière de Justice. Ma visite s'inscrit dans le partenariat global proposé par le Premier ministre François Fillon à Amman le 21 février dernier, qui a donné à notre relation bilatérale une impulsion nouvelle.
La Justice est un secteur important de notre coopération Le droit jordanien comme le droit français ont une origine commune : le droit continental dont la France a été et reste un des principaux architectes. C'est ce qui explique que dans le domaine juridique, de nombreux universitaires jordaniens continuent de se former en France. L'organisation judiciaire jordanienne s'est également inspirée de celle de l'Egypte qui elle-même a été fortement influencée par le système francais. Grâce en particulier aux relations étroites entretenues entre l'Institut des juges de Jordanie et l'Ecole nationale de la Magistrature en France, les futurs magistrats jordaniens ont l'occasion d'effectuer une partie de leur cursus en France. Des juristes français prêtent également leur expertise technique aux autorités jordaniennes pour la réforme du système judiciaire du royaume, voulue par le Roi Abdallah II, qui en a défini les grandes orientations. Le domaine de la Justice et de la réforme pénitentiaire est d'ailleurs au coeur du programme de coopération entre l'Union européenne et la Jordanie pour les années à venir. Lors de mon entretien avec mon homologue, Ayman Odeh, je lui ferai part de la disponibilité de la France à l'accompagner dans la mise en oeuvre de sa feuille de route.
La solidité, et la crédibilité du système judiciaire sont une des clefs de la confiance des investisseurs étrangers, et apparaissent donc comme déterminantes à l'heure où la Jordanie s'est engagée dans d'importants projets de développement et souhaite renforcer le rôle des partenariats publics-privés.
Sur un autre registre, tout aussi important, je me réjouis des développements positifs récents intervenus au sein de l'Union pour la Méditerranée (UPM), en particulier de la nomination de M. Ahmed MASSADEH, jordanien, comme secrétaire général de l'UPM et, de l'adoption des statuts du secrétariat général. Je salue l'implication de la Jordanie dans l'UPM.
2/ Avant la Jordanie, vous vous êtes rendue au Liban : est-ce que le Liban est toujours l'enfant gâté de la France ? Ou est-ce que les choses ont changé et pourquoi ?
Un enfant gâté est celui qui est toujours favorisé, même lorsqu'il ne le mérite pas : ce qualificatif n'est pas approprié pour le Liban et le peuple libanais, qui ont connu une histoire particulièrement douloureuse au cours des dernières décennies. Bien sûr, les relations franco-libanaises sont particulièrement riches : les engagements financiers pris par notre pays lors de la conférence de Paris III, la forte contribution française à la stabilité du Liban via notre participation à la FINUL, au sud Liban, ou encore la coopération culturelle, notamment autour de la francophonie, l'illustrent.
Mais la France ne regarde pas le Liban comme un enfant : au contraire, elle s'est constamment efforcée d'apporter aux institutions libanaises son soutien en faveur de l'unité, de la stabilité, de la souveraineté et de l'indépendance du Liban, conformément aux résolutions 1559 et 1701 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Dans le cadre de cet engagement politique et de sa solidarité vis à vis du Liban, la France a accueilli en janvier 2007 la conférence de Paris III pour la reconstruction du Liban (7,6 milliards de dollars d'engagements), elle a organisé du 14 au 16 juillet 2007 la rencontre inter-libanaise de La Celle Saint Cloud, puis elle a favorisé et soutenu l'accord de Doha qui a permis une relance des institutions libanaises. Ce qui a changé, c'est justement ça, la capacité du Liban à prendre en main son avenir, de manière indépendante de toute influence extérieure.
3/ En tant que femme politique, ancienne ministre de la Défense, comment voyez-vous le conflit israélo palestinien, et l'état d'esprit des Palestiniens qui ont signé Oslo et reconnu le droit d'Israël à l'existence ? Quel rôle peut jouer la France pour assouplir les positions israéliennes ?
Comme le Président Sarkozy a eu l'occasion de le réaffirmer à Shimon Peres lors de sa visite à Paris la semaine dernière, la France souhaite voir reprendre les négociations, il est normal que les Palestiniens aient un Etat indépendant, démocratique et viable. Comme les autorités jordaniennes, nous considérons que c'est une exigence légitime, c'est également la condition de la sécurité d'Israël. Nous sommes déterminés à agir pour une reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens, en soutien des efforts des Etats-Unis.
La France a aidé à l'adoption, par l'Union européenne, d'une déclaration commune qui appelle à la création d'un Etat palestinien et qui reprend la formule que le Président Sarkozy avait utilisée à la Knesset le 23 juin 2008 quand il avait déclaré qu'il n'y aurait pas de paix sans Jérusalem, capitale de deux Etats. Le Quartet a affirmé le mois dernier à Moscou des objectifs similaires.
Notre engagement politique et financier en faveur de l'émergence d'un Etat palestinien est constant. A côté du soutien économique, la consolidation des institutions palestiniennes est un objectif constant pour la France, et dans le domaine de la justice, nous sommes heureux d'y contribuer en coopération avec la Jordanie, grâce à l'accueil de magistrats palestiniens à l'Institut judiciaire d'Amman.
4/ Comment décririez vous l'évolution de la situation politique en France ? Est-ce qu'il y a vraiment un rejet du Président Sarkozy, dont les Français ne veulent pas la réelection ?
Les dernières élections en France, pour les assemblées régionales, ont été une déception pour la majorité, même si nous savions par avance que la bataille serait rude puisqu'il s'agissait de reconquérir les régions perdues en 2004 et que les élections intermédiaires sont toujours difficiles pour le gouvernement en place. Nous nous devons de comprendre le message des Français. Aujourd'hui, l'horizon du gouvernement et celui du Président de la République n'est pas la présidentielle de 2012, mais d'abord la poursuite des réformes auxquelles il s'est engagé en 2007 et pour lesquelles les Français l'ont élu. Nous avons des chantiers importants devant nous, en particulier la réforme de la procédure pénale ou la réforme des retraites qui est cruciale pour continuer à assurer le financement de la solidarité entre générations.
5/ En tant que ministre de la Justice, comment voyez-vous les débats que connaît la France sur la question du Hijab, de l'intégration et de l'immigration ?
Ce sont des débats qui existent en France comme dans beaucoup d'autres pays européens : ils sont le reflet de l'ouverture et de la diversité croissante des sociétés européennes.
J'ai la ferme conviction que loin de remettre en cause le pacte républicain et ses valeurs fondamentales, dont celle de la laïcité, ces débats en montrent la force. La cohésion de notre pays repose sur la tolérance, le respect, l'ouverture aux autres, l'envie de partager un destin commun. Elle se nourrit du respect des confessions, des valeurs et des croyances de tous les Français, dont la religion musulmane, qui est la deuxième de France.
En tant que ministre de la Justice, je considère que l'égalité de tous devant la loi et le refus du communautarisme sont les bases d'une intégration réussie. Elle signifie que les droits mais aussi les devoirs sont les mêmes pour tous. La justice française s'est fortement investie, au cours des dernières années, dans la lutte contre toutes les formes de discrimination. Des pôles anti-discrimination autour de chaque procureur ont été créés pour favoriser la coopération entre magistrats, avocats et policiers et gendarmes. C'est vous dire à quel point la volonté politique est forte pour que la justice dans notre pays joue tout son rôle en faveur d'une meilleure intégration. Source http://www.ambafrance-jo.org, le 27 avril 2010
C'est la troisième fois que je me rends en Jordanie : j'avais déjà eu l'occasion de le faire en 2004 et en 2006, en tant que ministre de la Défense. Je viens cette fois, dans mes nouvelles fonctions de ministre de la Justice, dire l'attachement de la France pour sa coopération avec le Royaume hachémite en matière de Justice. Ma visite s'inscrit dans le partenariat global proposé par le Premier ministre François Fillon à Amman le 21 février dernier, qui a donné à notre relation bilatérale une impulsion nouvelle.
La Justice est un secteur important de notre coopération Le droit jordanien comme le droit français ont une origine commune : le droit continental dont la France a été et reste un des principaux architectes. C'est ce qui explique que dans le domaine juridique, de nombreux universitaires jordaniens continuent de se former en France. L'organisation judiciaire jordanienne s'est également inspirée de celle de l'Egypte qui elle-même a été fortement influencée par le système francais. Grâce en particulier aux relations étroites entretenues entre l'Institut des juges de Jordanie et l'Ecole nationale de la Magistrature en France, les futurs magistrats jordaniens ont l'occasion d'effectuer une partie de leur cursus en France. Des juristes français prêtent également leur expertise technique aux autorités jordaniennes pour la réforme du système judiciaire du royaume, voulue par le Roi Abdallah II, qui en a défini les grandes orientations. Le domaine de la Justice et de la réforme pénitentiaire est d'ailleurs au coeur du programme de coopération entre l'Union européenne et la Jordanie pour les années à venir. Lors de mon entretien avec mon homologue, Ayman Odeh, je lui ferai part de la disponibilité de la France à l'accompagner dans la mise en oeuvre de sa feuille de route.
La solidité, et la crédibilité du système judiciaire sont une des clefs de la confiance des investisseurs étrangers, et apparaissent donc comme déterminantes à l'heure où la Jordanie s'est engagée dans d'importants projets de développement et souhaite renforcer le rôle des partenariats publics-privés.
Sur un autre registre, tout aussi important, je me réjouis des développements positifs récents intervenus au sein de l'Union pour la Méditerranée (UPM), en particulier de la nomination de M. Ahmed MASSADEH, jordanien, comme secrétaire général de l'UPM et, de l'adoption des statuts du secrétariat général. Je salue l'implication de la Jordanie dans l'UPM.
2/ Avant la Jordanie, vous vous êtes rendue au Liban : est-ce que le Liban est toujours l'enfant gâté de la France ? Ou est-ce que les choses ont changé et pourquoi ?
Un enfant gâté est celui qui est toujours favorisé, même lorsqu'il ne le mérite pas : ce qualificatif n'est pas approprié pour le Liban et le peuple libanais, qui ont connu une histoire particulièrement douloureuse au cours des dernières décennies. Bien sûr, les relations franco-libanaises sont particulièrement riches : les engagements financiers pris par notre pays lors de la conférence de Paris III, la forte contribution française à la stabilité du Liban via notre participation à la FINUL, au sud Liban, ou encore la coopération culturelle, notamment autour de la francophonie, l'illustrent.
Mais la France ne regarde pas le Liban comme un enfant : au contraire, elle s'est constamment efforcée d'apporter aux institutions libanaises son soutien en faveur de l'unité, de la stabilité, de la souveraineté et de l'indépendance du Liban, conformément aux résolutions 1559 et 1701 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Dans le cadre de cet engagement politique et de sa solidarité vis à vis du Liban, la France a accueilli en janvier 2007 la conférence de Paris III pour la reconstruction du Liban (7,6 milliards de dollars d'engagements), elle a organisé du 14 au 16 juillet 2007 la rencontre inter-libanaise de La Celle Saint Cloud, puis elle a favorisé et soutenu l'accord de Doha qui a permis une relance des institutions libanaises. Ce qui a changé, c'est justement ça, la capacité du Liban à prendre en main son avenir, de manière indépendante de toute influence extérieure.
3/ En tant que femme politique, ancienne ministre de la Défense, comment voyez-vous le conflit israélo palestinien, et l'état d'esprit des Palestiniens qui ont signé Oslo et reconnu le droit d'Israël à l'existence ? Quel rôle peut jouer la France pour assouplir les positions israéliennes ?
Comme le Président Sarkozy a eu l'occasion de le réaffirmer à Shimon Peres lors de sa visite à Paris la semaine dernière, la France souhaite voir reprendre les négociations, il est normal que les Palestiniens aient un Etat indépendant, démocratique et viable. Comme les autorités jordaniennes, nous considérons que c'est une exigence légitime, c'est également la condition de la sécurité d'Israël. Nous sommes déterminés à agir pour une reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens, en soutien des efforts des Etats-Unis.
La France a aidé à l'adoption, par l'Union européenne, d'une déclaration commune qui appelle à la création d'un Etat palestinien et qui reprend la formule que le Président Sarkozy avait utilisée à la Knesset le 23 juin 2008 quand il avait déclaré qu'il n'y aurait pas de paix sans Jérusalem, capitale de deux Etats. Le Quartet a affirmé le mois dernier à Moscou des objectifs similaires.
Notre engagement politique et financier en faveur de l'émergence d'un Etat palestinien est constant. A côté du soutien économique, la consolidation des institutions palestiniennes est un objectif constant pour la France, et dans le domaine de la justice, nous sommes heureux d'y contribuer en coopération avec la Jordanie, grâce à l'accueil de magistrats palestiniens à l'Institut judiciaire d'Amman.
4/ Comment décririez vous l'évolution de la situation politique en France ? Est-ce qu'il y a vraiment un rejet du Président Sarkozy, dont les Français ne veulent pas la réelection ?
Les dernières élections en France, pour les assemblées régionales, ont été une déception pour la majorité, même si nous savions par avance que la bataille serait rude puisqu'il s'agissait de reconquérir les régions perdues en 2004 et que les élections intermédiaires sont toujours difficiles pour le gouvernement en place. Nous nous devons de comprendre le message des Français. Aujourd'hui, l'horizon du gouvernement et celui du Président de la République n'est pas la présidentielle de 2012, mais d'abord la poursuite des réformes auxquelles il s'est engagé en 2007 et pour lesquelles les Français l'ont élu. Nous avons des chantiers importants devant nous, en particulier la réforme de la procédure pénale ou la réforme des retraites qui est cruciale pour continuer à assurer le financement de la solidarité entre générations.
5/ En tant que ministre de la Justice, comment voyez-vous les débats que connaît la France sur la question du Hijab, de l'intégration et de l'immigration ?
Ce sont des débats qui existent en France comme dans beaucoup d'autres pays européens : ils sont le reflet de l'ouverture et de la diversité croissante des sociétés européennes.
J'ai la ferme conviction que loin de remettre en cause le pacte républicain et ses valeurs fondamentales, dont celle de la laïcité, ces débats en montrent la force. La cohésion de notre pays repose sur la tolérance, le respect, l'ouverture aux autres, l'envie de partager un destin commun. Elle se nourrit du respect des confessions, des valeurs et des croyances de tous les Français, dont la religion musulmane, qui est la deuxième de France.
En tant que ministre de la Justice, je considère que l'égalité de tous devant la loi et le refus du communautarisme sont les bases d'une intégration réussie. Elle signifie que les droits mais aussi les devoirs sont les mêmes pour tous. La justice française s'est fortement investie, au cours des dernières années, dans la lutte contre toutes les formes de discrimination. Des pôles anti-discrimination autour de chaque procureur ont été créés pour favoriser la coopération entre magistrats, avocats et policiers et gendarmes. C'est vous dire à quel point la volonté politique est forte pour que la justice dans notre pays joue tout son rôle en faveur d'une meilleure intégration. Source http://www.ambafrance-jo.org, le 27 avril 2010