Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, sur les leçons des municipales, les limites de l'action gouvernementale et le projet d'"alternance législative" et d'une "démocratie de proximité" de l'UDF, Paris le 28 avril 2001.

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Circonstance : Réunion du Conseil national de l'UDF à Paris le 28 avril 2001

Texte intégral

Mers chers amis, j'ai tout d'abord l'impression que vous êtes très motivés. Je ne vais pas revenir sur la grande moisson des victoires municipales de l'UDF. Je voudrais pourtant souligner la victoire du Groupe UDF à l'Assemblée Nationale. Je voudrais également vous dire combien votre sympathie, votre solidarité, votre amitié, m'ont touché tout au long de cette campagne municipale. Je vous en remercie de tout cur.
1. Les leçons des élections municipales
De ces victoires, qui sont une formidable défaite de la gauche plurielle, je voudrais tirer quelques conclusions. Tout d'abord, je voudrais prendre la suite des propos des orateurs précédents. L'expérience de Lionel Jospin à Toulouse a des conséquences nationales pour le gouvernement. Qu'avons-nous vu à Toulouse ? Nous avons vu une gauche plurielle relativement classique, sèche, en perte de vitesse. Nous avons également assisté à la montée d'une gauche interactive, extrême.
De notre côté, alors que pendant des années, il était tentant de s'allier à l'extrême droite, nous avons toujours refusé de le faire. Pourtant, cette année, Monsieur Jospin n'a pas hésité à s'allier à l'extrême Gauche, dans l'espoir de remporter la mairie de Toulouse. Au premier tour, la gauche plurielle s'est plutôt montrée modérée à Toulouse. Après les premiers résultats, les deux listes de gauche ont fusionné. Le cumul des voix atteignait alors 52, voire 53 % des scrutins.
A la vue de ce qui s'est passé à Toulouse, nous pouvons affirmer que dès l'instant où l'extrême gauche et la gauche plurielle fusionneront, le centre gauche de la vie politique française préférera se rallier à nos couleurs. Nous devons nous préparer à cela, car tel sera le scénario en 2002, la victoire se jouera au centre gauche et au centre droit de la vie politique française.
Les résultats des municipales imposent un second constat. Il semble en effet que les Français ont brutalement pris conscience qu'une formidable occasion venait d'être manquée par notre pays. Le gouvernement n'a pas profité de la croissance retrouvée pour réformer. Je crois que le moment est venu de demander des comptes à ce gouvernement immobile dans la croissance et qui se délite dans l'expectative. Je crois que le moment est venu de demander des comptes à ce gouvernement qui a cru pouvoir ignorer les vraies urgences durant quatre ans.
2. Les limites de l'action gouvernementale
Qu'en est-il aujourd'hui de la sécurité de proximité, de la justice de proximité, des retraites, de la réforme de l'Etat, de la décentralisation, de l'éducation, de l'environnement ? Aucun de ces domaines, quoi qu'on en dise, n'a véritablement fait l'objet d'une action gouvernementale. Il suffit pour s'en convaincre de regarder la semaine qui vient de s'écouler. Comment ne pas réagir devant ces licenciements qui frappent les salariés de Danone, de Marks Spenser, de Moulinex ? Nous n'avons pourtant entendu ou vu, ni de la part du Gouvernement, ni de la part de la majorité, un seul mot ou un seul geste de compassion.
Comment ne pas voir dans les mesures annoncées par Elisabeth Guigou la marque d'une hypocrisie de la part du gouvernement, qui présente comme une avancée sociale ce qui a déjà été mis en place dans les grandes entreprises et qui impose aux PME et aux PMI des carcans inacceptables. Je le dis, les sanctions, les réglementations à l'excès, les boycotts, n'ont jamais rien produit d'autres que des effets pervers comme les friches industrielles ou les délocalisations.
Nous ne devons pas rester silencieux devant ces licenciements. Nous devons ouvrir - je pense que cela sera l'un des grands thèmes de la campagne présidentielle - le grand chantier de la refondation sociale. Nous devons entamer une réflexion sur les thèmes de la formation, de l'épargne salariale et de la démocratie d'entreprise. Soyons le parti qui demandera aux entreprises de créer un capital formation, non pas de manière collective, mais de manière individuelle, afin que tous les salariés de l'Entreprise puissent se former, et non pas uniquement les agents de maîtrise ou les cadres. Soyons ceux qui réformeront la vie et le travail dans l'entreprise ? Souvenez-vous ce qui s'est passé il y a quelques jours à Clermont-Ferrand. Pour la première fois, les salariés ont mis en minorité des syndicats, qui, eux-mêmes, ne représentaient que 4 % des salariés. Soyons le parti politique qui redonnera une démocratie sociale à l'entreprise.
Pour terminer, comment ne pas évoquer le problème des retraites, qui paralyse actuellement les transports en commun de toutes les grandes villes de France, alors que dans le même temps, un rapport du Sénat montre que les provisions du fonds de réserve ne sont pas à la hauteur des prévisions. Pourquoi refuse-t-on à notre pays d'associer le système de capitalisation à celui de la répartition ? Pourquoi refuse-t-on à notre pays, pour de simples raisons idéologiques, de créer des fonds éthiques, universels et paritaires ? Pourquoi les entreprises françaises sont-elles les seules à ne pas bénéficier des fonds de capitalisation ? Pourquoi sommes-nous le seul pays de l'Union européenne à ne pas avoir reformé notre système de retraite ? Ces thèmes seront évidemment au cur du débat qui s'ouvrira en 2002. Nous devons par conséquent nous y préparer.
Enfin, comment pouvons-nous ne pas évoquer le grand sujet sociologique qu'est celui de la délinquance des mineurs ? Comment se fait-il que des mineurs puissent être pris sur le fait par la police, pour être aussitôt relâchés par la justice de notre pays ? Comment ne pas répondre à cette attente ? Nous devons augmenter les moyens dévolus aux centres d'éducation renforcée. A Toulouse, par exemple, nous disposons de 15 de ces centres, implantés au cur des quartiers sensibles.
3. Un nouveau projet pour la France
Enfin, nous devons être le parti de la démocratie de proximité. Nous devons être le parti des mairies de quartier, des comités et des maisons de quartier. En définitive, nous ne devons pas être comme les autres.
Faisons en sorte que cette journée soit celle de la différence et du projet. Je suis certain que nous devons définir aujourd'hui le projet d'alternance législative, afin de le présenter aux suffrages des Français en 2002. Ce projet doit être au cur de l'alternance politique. Il n'y aura pas d'alternance politique en France, quel que soit le président de la République élu en 2002, si une majorité parlementaire, qui, incarnant nos valeurs, portant nos propositions et consacrant des candidats communs, n'est pas élue en juin.
Les élections municipales ont permis l'émergence d'une nouvelle génération politique. Je pense par exemple à Fabienne Keller, à Nicolas Perruchot, à vous-mêmes. Nous devons lui faire la place qu'elle mérite. Nous devons tout faire pour que ceux d'entre vous qui ont été élus maire, adjoint ou conseiller en 2001, puissent être élus député en 2002.
La préparation des élections législatives
Comment imaginer une seconde que cette échéance si importante soit renvoyée au lendemain des élections présidentielles ? Faisons en sorte que ces deux campagnes soient histo-compatibles. Ne nous trompons pas, nous devons préparer ces élections législatives dès à présent. Cela suppose d'élaborer un projet audacieux. Ce projet nous devons le préparer avec nos partenaires, car nous gouvernerons avec eux. Nous devons présenter un candidat commun dans toutes les circonscriptions où cela est possible, afin de pouvoir fédérer autour de lui toutes les sensibilités de l'opposition. Si nous avons le devoir d'affirmer nos idées, nous avons également le devoir de gagner. Enfin, nous devons donner à nos idées, ces idées qui partout incarnent l'alternance à la sociale démocratie, la capacité de se diffuser à l'extérieur de l'UDF et d'assurer in fine dans le respect de la diversité, une synthèse politique qui permettra demain, de gouverner la France.
Je vous remercie.
(Source http://www.udf.org, le 22 mai 2001)