Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Chefs de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Amis,
Je ne peux pas parler de la Somalie sans émotion. Il y a eu, depuis plus de vingt ans, trop de retards coupables, trop d'espoirs déchirés, trop d'occasions perdues, trop d'incompréhension. Nous voici réunis pour débattre, enfin, de la reconstruction. Je veux remercier le Premier ministre turc d'avoir eu l'initiative de cette réunion et le Représentant spécial du Secrétaire général, mon ami Ahmedou Ould Abdallah, de l'avoir organisée. Vous prolongez une histoire que, depuis plus de vingt ans, quelques uns n'ont jamais renoncé à écrire : une histoire de dignité, de volonté, de refus obstiné du statu quo. Je ne doute pas que cette histoire finira par l'emporter sur l'autre - celle des haines héréditaires, du ricanement cynique des médias, et de l'indifférence des foules.
Mesdames et Messieurs, Mes Chers Amis : la bonne volonté est essentielle, mais elle ne suffit pas. Il faut aussi que l'on arrive à temps. Vous avez sans doute déjà vu, comme moi, le geste amer de ceux qui n'ont plus la force de dire : "vous arrivez trop tard". C'était le geste des enfants somaliens, en août 1992, pendant la grande famine. Je ne l'ai pas oublié.
Il y a en Somalie aujourd'hui, à nouveau, un espoir. Cet espoir est précieux et fragile, comme était fragile et précieuse la vie de ces enfants. Cette fois, nous n'avons pas le droit d'arriver trop tard. Comment sauver l'espoir ? En mettant toutes nos forces du même côté, derrière le GFT (gouvernement transitoire somalien), pour la reconstruction. Il ne suffit pas d'efforts isolés et de promesses prudentes ; il faut un effet de masse, pour franchir le seuil et forcer le destin. C'est un pari sur l'avenir. Cela dépend de nous. Je suis convaincu que nous pouvons y arriver, si nous acceptons de nous remettre en cause et d'assumer notre part de responsabilité. Chacun a son rôle à jouer : le GFT, les Nations unies, les Etats voisins, la communauté internationale.
Je voudrais m'adresser tout d'abord au président Sharif. Monsieur le Président, j'en suis convaincu depuis notre première rencontre, en février 2009 à Djibouti : pour la Somalie, vous êtes une chance, telle que la Somalie n'en avait pas connu depuis 20 ans. Mais votre tâche est ardue, nous le savons bien, et je veux vous redire tout mon soutien, et le soutien de la France - y compris et surtout dans la crise politique actuelle. Il vous faut encore, et vous vous y employez, élargir la base politique du consensus qui fera basculer la Somalie du côté de la paix. Je souhaite que vous y parveniez au plus vite, dans le cadre de l'accord de Djibouti.
Faut-il nommer au gouvernement tous ceux qui le demandent ? Non, je ne le crois pas. Il y a des actes de barbarie qui rendent illégitime. Il faut rassembler, il faut créer un consensus, mais il ne faut pas ajouter l'anarchie au chaos. Le Shabab a commis des horreurs qu'on ne peut oublier. Quand on fait exploser une bombe pour tuer des professeurs de médecine et leurs élèves, comme cela a été fait le 3 décembre dernier ; quand on détruit l'élite de la Somalie de demain, et avec elle l'espoir de tout un peuple, est-ce qu'on est légitime à gouverner ?
Ce serait une faute morale doublée d'une erreur politique. On ne construit pas le consensus sur la dissimulation de l'ignoble. La base politique de votre réconciliation, c'est l'accord de Djibouti. Il n'y a pas d'alternative.
A travers vous, Monsieur le Président, je voudrais m'adresser au peuple somalien dans son entier. Ne vous trompez pas d'ennemi ! L'ennemi, c'est la division. Votre unité est le chemin de votre avenir. L'avenir ne peut se faire chacun de son côté. L'unité de la Somalie doit rester notre priorité.
J'encourage le GFT à renforcer le dialogue avec le Puntland et le Somaliland, et à mieux prendre en compte les particularités de ces régions. J'encourage aussi les régions à dialoguer plus étroitement avec le GFT. Votre avenir passe par là. Je suis convaincu que tout le monde y trouvera son compte, et d'abord ceux qui méritent tous nos efforts : la population civile. Regardez ce que l'on fait dans le cadre de la mission de formation européenne : l'intégration de soldats de toutes les régions somaliennes est la preuve éclatante des bénéfices d'un dialogue de qualité entre le GFT et les différentes autorités régionales.
Je me félicite par ailleurs de voir les initiatives du GFT, du Puntland et du Somaliland pour oeuvrer de concert dans la lutte contre la piraterie. Nous reconnaissons ces efforts, que nous soutenons par nos actions en mer. Chaque Etat doit, en effet, prendre sa part de l'effort dans la lutte contre la piraterie et la stabilisation de la Somalie, que ce soit par la mise à disposition de moyens militaires, par une assistance technique ou financière, ou en assumant le jugement et la détention des pirates arrêtés. Sur ce dernier point, il est essentiel que les efforts des pays de la région, que je salue, se poursuivent et qu'au-delà, une solution multilatérale soit mise en place, qui combine l'assistance internationale et l'appui à la reconstruction des capacités judiciaires et pénitentiaires de la Somalie.
Parmi les Somaliens, je ne veux pas oublier ceux qui vivent hors de la Somalie. Même si vous êtes loin, votre rôle est immense. Votre patrie n'a pas cessé de battre dans vos coeurs. Unissez vos efforts ! Vous êtes nombreux à envoyer de l'argent dans votre pays. Cela vous donne une responsabilité, qui n'est pas seulement morale ou familiale. C'est une responsabilité politique. Je propose que l'on mette à l'étude la création d'un fonds international de la diaspora. Ce fonds pourrait être placé sous l'autorité des Nations unies, et financer des projets concrets, par exemple dans le domaine de la santé et de l'éducation.
On ne peut pas vous demander d'unir vos forces malgré vos différences si, en face, nous ne sommes pas capables, nous aussi, de le faire. J'ai essayé de promouvoir ce rassemblement au niveau européen, inlassablement, depuis 2007. C'est ainsi que nous avons monté l'opération Alcyon, puis l'opération Atalante, pour lutter contre la piraterie. Mais l'Europe ne peut pas tout. Elle a besoin de relais.
Je le dis devant le Secrétaire général des Nations unies et en tant que membre permanent du Conseil de sécurité : nous ne pouvons tolérer des actions contradictoires de nos propres agences internationales dans un moment aussi crucial. Le Conseil de sécurité soutient le GFT. Il a demandé aux Nations Unies de le suivre sur cette voie. Cet engagement ne concerne pas seulement le bureau politique mais l'ensemble des organes, y compris les agences à vocation humanitaire. La France demande que tous les organes des Nations unies pour la Somalie soient placés sous la direction du Représentant spécial, qui aura ainsi - enfin - les moyens d'assurer la cohérence et l'efficacité. C'est crucial pour l'avenir de la Somalie. C'est vital pour la crédibilité des Nations unies.
Il faudra que cette direction unifiée puisse s'installer bientôt, même réduite, même de manière progressive, à Mogadiscio. C'est indispensable. On ne peut pas régler les problèmes de loin. Il faut être sur place. Bien sûr, c'est difficile, et il y a des risques. Et croyez-vous qu'il n'y a pas de risques pour les populations civiles qui subissent la guerre depuis 20 ans ? Notre courage ne doit pas être inférieur à ceux qui meurent des risques que nous ne savons plus prendre.
Je ne fais pas d'angélisme. Le risque existe. Le GFT devra disposer, à moyen terme, d'une force de sécurité crédible, capable de protéger efficacement la population. Qu'est-il advenu de la responsabilité de protéger dont le concept a été reconnu par l'Assemblée générale des Nations unies ?
Poussée par la France, l'Union européenne s'est engagée à former 2.000 soldats somaliens, en plus d'Atalante, en partenariat avec les Etats-Unis, les Nations unies, l'AMISOM et l'Ouganda. En attendant que l'armée soit en place, comment assurer la sécurité ?
Je veux m'adresser aux pays africains, et à tous les pays voisins de la Somalie, qui pourraient soutenir l'effort de l'Union africaine : l'avenir de la sécurité en Somalie ne passe pas par une énième opération de maintien de la paix des Nations unies. Elle passe par une appropriation régionale. L'AMISOM doit être renforcée. Elle n'a pas atteint son plafond de 8.000 hommes. Les soldats aujourd'hui sur le terrain, ougandais et burundais, font preuve d'un courage exceptionnel que je veux saluer, parfois au péril de leur vie. La France a été à leurs côtés. D'autres doivent les rejoindre.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis : le processus de consolidation politique est en cours. Il ne pourra aboutir que si nous acceptons de changer notre regard. La confiance nourrit le succès. La timidité engendre l'échec.
Nous avions pris l'habitude de regarder la Somalie comme un Etat failli. La Somalie n'est plus un Etat failli. Il y a un Etat, même s'il est encore fragile. C'est maintenant que le GFT a besoin d'aide. Les conditions sont réunies pour créer l'équilibre et faire renaître l'espoir. Ne laissons pas passer cette chance. Il faut faire sauter les verrous de notre hésitation timide, lente et désastreuse.
Les promesses qui ont été faites à Bruxelles en avril 2009 ont-elles été tenues ? Pas toujours, et ce n'est pas acceptable. La France, pour sa part, avait promis de former 500 soldats somaliens à Djibouti. Nous l'avons fait.
Nous devons aller de l'avant et offrir au GFT davantage de soutien direct. Je salue l'engagement renouvelé de la Banque africaine de développement, qui reprend ses activités en faveur de la Somalie après deux décennies de suspension. Je voudrais vous donner quelques exemples de domaines dans lesquels la France, pour sa part, entend proposer des projets moteurs.
Premier exemple : la formation des cadres intermédiaires. Ce sont eux qui donneront à l'Etat son ossature et sa pérennité. Nous oeuvrons à l'ouverture rapide d'un centre régional de formation des gardes côte à Djibouti. Ce centre accueillera non seulement les Somaliens mais aussi des stagiaires de toute la région. C'est en tissant des liens entre les régions et les peuples, du Yémen au Kenya, que la Corne de l'Afrique connaîtra la prospérité et la stabilité à long terme.
Deuxième exemple : l'activité maritime. La Somalie dispose de plus de 3 000 km de côtes mais dans l'état actuel des choses, légalement, ses eaux se limitent à 12 miles nautiques au large. Ce n'est pas acceptable. La Somalie doit redevenir maîtresse de ses côtes et de ses eaux.
La France se propose d'offrir ses services, juridiques, techniques et diplomatiques au GFT pour l'aider à affirmer sa souveraineté sur ses frontières maritimes et à déclarer sa zone économique exclusive. C'est alors que pourra être mis en place un système de droits de pêche performant et transparent qui permettra au GFT d'améliorer ses rentrées fiscales.
La France est aussi très attentive aux critiques tant des ONG que des Somaliens eux-mêmes quant au pillage des eaux somaliennes. La France propose ainsi de fournir une étude précise de l'impact de la pêche illégale et des déversements de déchets toxiques. S'ils existent véritablement, la lumière doit être faite sur ces pillages et ces destructions. Nos chercheurs pourront s'y employer, je m'y engage.
Troisième exemple : l'investissement des entreprises. Le développement n'est pas seulement l'affaire de nos gouvernements ; nous devons encourager nos entreprises à investir en Afrique. Je suis fier de vous annoncer que la Somalie sera prochainement reliée à la fibre optique, permettant l'arrivée de l'Internet à grande vitesse pour tout le pays. A la demande du GFT, c'est une entreprise française qui a posé le câble, grâce au soutien de la marine nationale qui accompagnait le câblier au large des côtes somaliennes.
Ces initiatives, à elles seules, ne suffisent pas. Elles n'ont un sens que si l'on atteint un seuil critique, qui rendra la paix désirable pour tous. Avec la consolidation du processus politique, avec le regroupement des moyens de l'ONU, avec le renforcement de l'AMISOM, nous pouvons rompre l'équilibre de l'attente et de l'indécision, et faire pencher définitivement la balance du côté de l'apaisement, de la réconciliation et de l'avenir.
Mesdames et Messieurs, Mes Chers Amis : lorsque je dis ces mots, je ne pense pas à l'avenir des Somaliens seulement. En laissant la Somalie s'enfoncer dans le silence et le chaos, la communauté internationale a renoncé à quelque chose d'elle-même. Il est temps de nous retrouver. Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2010
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Chefs de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Amis,
Je ne peux pas parler de la Somalie sans émotion. Il y a eu, depuis plus de vingt ans, trop de retards coupables, trop d'espoirs déchirés, trop d'occasions perdues, trop d'incompréhension. Nous voici réunis pour débattre, enfin, de la reconstruction. Je veux remercier le Premier ministre turc d'avoir eu l'initiative de cette réunion et le Représentant spécial du Secrétaire général, mon ami Ahmedou Ould Abdallah, de l'avoir organisée. Vous prolongez une histoire que, depuis plus de vingt ans, quelques uns n'ont jamais renoncé à écrire : une histoire de dignité, de volonté, de refus obstiné du statu quo. Je ne doute pas que cette histoire finira par l'emporter sur l'autre - celle des haines héréditaires, du ricanement cynique des médias, et de l'indifférence des foules.
Mesdames et Messieurs, Mes Chers Amis : la bonne volonté est essentielle, mais elle ne suffit pas. Il faut aussi que l'on arrive à temps. Vous avez sans doute déjà vu, comme moi, le geste amer de ceux qui n'ont plus la force de dire : "vous arrivez trop tard". C'était le geste des enfants somaliens, en août 1992, pendant la grande famine. Je ne l'ai pas oublié.
Il y a en Somalie aujourd'hui, à nouveau, un espoir. Cet espoir est précieux et fragile, comme était fragile et précieuse la vie de ces enfants. Cette fois, nous n'avons pas le droit d'arriver trop tard. Comment sauver l'espoir ? En mettant toutes nos forces du même côté, derrière le GFT (gouvernement transitoire somalien), pour la reconstruction. Il ne suffit pas d'efforts isolés et de promesses prudentes ; il faut un effet de masse, pour franchir le seuil et forcer le destin. C'est un pari sur l'avenir. Cela dépend de nous. Je suis convaincu que nous pouvons y arriver, si nous acceptons de nous remettre en cause et d'assumer notre part de responsabilité. Chacun a son rôle à jouer : le GFT, les Nations unies, les Etats voisins, la communauté internationale.
Je voudrais m'adresser tout d'abord au président Sharif. Monsieur le Président, j'en suis convaincu depuis notre première rencontre, en février 2009 à Djibouti : pour la Somalie, vous êtes une chance, telle que la Somalie n'en avait pas connu depuis 20 ans. Mais votre tâche est ardue, nous le savons bien, et je veux vous redire tout mon soutien, et le soutien de la France - y compris et surtout dans la crise politique actuelle. Il vous faut encore, et vous vous y employez, élargir la base politique du consensus qui fera basculer la Somalie du côté de la paix. Je souhaite que vous y parveniez au plus vite, dans le cadre de l'accord de Djibouti.
Faut-il nommer au gouvernement tous ceux qui le demandent ? Non, je ne le crois pas. Il y a des actes de barbarie qui rendent illégitime. Il faut rassembler, il faut créer un consensus, mais il ne faut pas ajouter l'anarchie au chaos. Le Shabab a commis des horreurs qu'on ne peut oublier. Quand on fait exploser une bombe pour tuer des professeurs de médecine et leurs élèves, comme cela a été fait le 3 décembre dernier ; quand on détruit l'élite de la Somalie de demain, et avec elle l'espoir de tout un peuple, est-ce qu'on est légitime à gouverner ?
Ce serait une faute morale doublée d'une erreur politique. On ne construit pas le consensus sur la dissimulation de l'ignoble. La base politique de votre réconciliation, c'est l'accord de Djibouti. Il n'y a pas d'alternative.
A travers vous, Monsieur le Président, je voudrais m'adresser au peuple somalien dans son entier. Ne vous trompez pas d'ennemi ! L'ennemi, c'est la division. Votre unité est le chemin de votre avenir. L'avenir ne peut se faire chacun de son côté. L'unité de la Somalie doit rester notre priorité.
J'encourage le GFT à renforcer le dialogue avec le Puntland et le Somaliland, et à mieux prendre en compte les particularités de ces régions. J'encourage aussi les régions à dialoguer plus étroitement avec le GFT. Votre avenir passe par là. Je suis convaincu que tout le monde y trouvera son compte, et d'abord ceux qui méritent tous nos efforts : la population civile. Regardez ce que l'on fait dans le cadre de la mission de formation européenne : l'intégration de soldats de toutes les régions somaliennes est la preuve éclatante des bénéfices d'un dialogue de qualité entre le GFT et les différentes autorités régionales.
Je me félicite par ailleurs de voir les initiatives du GFT, du Puntland et du Somaliland pour oeuvrer de concert dans la lutte contre la piraterie. Nous reconnaissons ces efforts, que nous soutenons par nos actions en mer. Chaque Etat doit, en effet, prendre sa part de l'effort dans la lutte contre la piraterie et la stabilisation de la Somalie, que ce soit par la mise à disposition de moyens militaires, par une assistance technique ou financière, ou en assumant le jugement et la détention des pirates arrêtés. Sur ce dernier point, il est essentiel que les efforts des pays de la région, que je salue, se poursuivent et qu'au-delà, une solution multilatérale soit mise en place, qui combine l'assistance internationale et l'appui à la reconstruction des capacités judiciaires et pénitentiaires de la Somalie.
Parmi les Somaliens, je ne veux pas oublier ceux qui vivent hors de la Somalie. Même si vous êtes loin, votre rôle est immense. Votre patrie n'a pas cessé de battre dans vos coeurs. Unissez vos efforts ! Vous êtes nombreux à envoyer de l'argent dans votre pays. Cela vous donne une responsabilité, qui n'est pas seulement morale ou familiale. C'est une responsabilité politique. Je propose que l'on mette à l'étude la création d'un fonds international de la diaspora. Ce fonds pourrait être placé sous l'autorité des Nations unies, et financer des projets concrets, par exemple dans le domaine de la santé et de l'éducation.
On ne peut pas vous demander d'unir vos forces malgré vos différences si, en face, nous ne sommes pas capables, nous aussi, de le faire. J'ai essayé de promouvoir ce rassemblement au niveau européen, inlassablement, depuis 2007. C'est ainsi que nous avons monté l'opération Alcyon, puis l'opération Atalante, pour lutter contre la piraterie. Mais l'Europe ne peut pas tout. Elle a besoin de relais.
Je le dis devant le Secrétaire général des Nations unies et en tant que membre permanent du Conseil de sécurité : nous ne pouvons tolérer des actions contradictoires de nos propres agences internationales dans un moment aussi crucial. Le Conseil de sécurité soutient le GFT. Il a demandé aux Nations Unies de le suivre sur cette voie. Cet engagement ne concerne pas seulement le bureau politique mais l'ensemble des organes, y compris les agences à vocation humanitaire. La France demande que tous les organes des Nations unies pour la Somalie soient placés sous la direction du Représentant spécial, qui aura ainsi - enfin - les moyens d'assurer la cohérence et l'efficacité. C'est crucial pour l'avenir de la Somalie. C'est vital pour la crédibilité des Nations unies.
Il faudra que cette direction unifiée puisse s'installer bientôt, même réduite, même de manière progressive, à Mogadiscio. C'est indispensable. On ne peut pas régler les problèmes de loin. Il faut être sur place. Bien sûr, c'est difficile, et il y a des risques. Et croyez-vous qu'il n'y a pas de risques pour les populations civiles qui subissent la guerre depuis 20 ans ? Notre courage ne doit pas être inférieur à ceux qui meurent des risques que nous ne savons plus prendre.
Je ne fais pas d'angélisme. Le risque existe. Le GFT devra disposer, à moyen terme, d'une force de sécurité crédible, capable de protéger efficacement la population. Qu'est-il advenu de la responsabilité de protéger dont le concept a été reconnu par l'Assemblée générale des Nations unies ?
Poussée par la France, l'Union européenne s'est engagée à former 2.000 soldats somaliens, en plus d'Atalante, en partenariat avec les Etats-Unis, les Nations unies, l'AMISOM et l'Ouganda. En attendant que l'armée soit en place, comment assurer la sécurité ?
Je veux m'adresser aux pays africains, et à tous les pays voisins de la Somalie, qui pourraient soutenir l'effort de l'Union africaine : l'avenir de la sécurité en Somalie ne passe pas par une énième opération de maintien de la paix des Nations unies. Elle passe par une appropriation régionale. L'AMISOM doit être renforcée. Elle n'a pas atteint son plafond de 8.000 hommes. Les soldats aujourd'hui sur le terrain, ougandais et burundais, font preuve d'un courage exceptionnel que je veux saluer, parfois au péril de leur vie. La France a été à leurs côtés. D'autres doivent les rejoindre.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis : le processus de consolidation politique est en cours. Il ne pourra aboutir que si nous acceptons de changer notre regard. La confiance nourrit le succès. La timidité engendre l'échec.
Nous avions pris l'habitude de regarder la Somalie comme un Etat failli. La Somalie n'est plus un Etat failli. Il y a un Etat, même s'il est encore fragile. C'est maintenant que le GFT a besoin d'aide. Les conditions sont réunies pour créer l'équilibre et faire renaître l'espoir. Ne laissons pas passer cette chance. Il faut faire sauter les verrous de notre hésitation timide, lente et désastreuse.
Les promesses qui ont été faites à Bruxelles en avril 2009 ont-elles été tenues ? Pas toujours, et ce n'est pas acceptable. La France, pour sa part, avait promis de former 500 soldats somaliens à Djibouti. Nous l'avons fait.
Nous devons aller de l'avant et offrir au GFT davantage de soutien direct. Je salue l'engagement renouvelé de la Banque africaine de développement, qui reprend ses activités en faveur de la Somalie après deux décennies de suspension. Je voudrais vous donner quelques exemples de domaines dans lesquels la France, pour sa part, entend proposer des projets moteurs.
Premier exemple : la formation des cadres intermédiaires. Ce sont eux qui donneront à l'Etat son ossature et sa pérennité. Nous oeuvrons à l'ouverture rapide d'un centre régional de formation des gardes côte à Djibouti. Ce centre accueillera non seulement les Somaliens mais aussi des stagiaires de toute la région. C'est en tissant des liens entre les régions et les peuples, du Yémen au Kenya, que la Corne de l'Afrique connaîtra la prospérité et la stabilité à long terme.
Deuxième exemple : l'activité maritime. La Somalie dispose de plus de 3 000 km de côtes mais dans l'état actuel des choses, légalement, ses eaux se limitent à 12 miles nautiques au large. Ce n'est pas acceptable. La Somalie doit redevenir maîtresse de ses côtes et de ses eaux.
La France se propose d'offrir ses services, juridiques, techniques et diplomatiques au GFT pour l'aider à affirmer sa souveraineté sur ses frontières maritimes et à déclarer sa zone économique exclusive. C'est alors que pourra être mis en place un système de droits de pêche performant et transparent qui permettra au GFT d'améliorer ses rentrées fiscales.
La France est aussi très attentive aux critiques tant des ONG que des Somaliens eux-mêmes quant au pillage des eaux somaliennes. La France propose ainsi de fournir une étude précise de l'impact de la pêche illégale et des déversements de déchets toxiques. S'ils existent véritablement, la lumière doit être faite sur ces pillages et ces destructions. Nos chercheurs pourront s'y employer, je m'y engage.
Troisième exemple : l'investissement des entreprises. Le développement n'est pas seulement l'affaire de nos gouvernements ; nous devons encourager nos entreprises à investir en Afrique. Je suis fier de vous annoncer que la Somalie sera prochainement reliée à la fibre optique, permettant l'arrivée de l'Internet à grande vitesse pour tout le pays. A la demande du GFT, c'est une entreprise française qui a posé le câble, grâce au soutien de la marine nationale qui accompagnait le câblier au large des côtes somaliennes.
Ces initiatives, à elles seules, ne suffisent pas. Elles n'ont un sens que si l'on atteint un seuil critique, qui rendra la paix désirable pour tous. Avec la consolidation du processus politique, avec le regroupement des moyens de l'ONU, avec le renforcement de l'AMISOM, nous pouvons rompre l'équilibre de l'attente et de l'indécision, et faire pencher définitivement la balance du côté de l'apaisement, de la réconciliation et de l'avenir.
Mesdames et Messieurs, Mes Chers Amis : lorsque je dis ces mots, je ne pense pas à l'avenir des Somaliens seulement. En laissant la Somalie s'enfoncer dans le silence et le chaos, la communauté internationale a renoncé à quelque chose d'elle-même. Il est temps de nous retrouver. Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2010