Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, en réponse à une question sur la réforme des retraites, à l'Assemblée nationale le 26 mai 2010.

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Circonstance : Question posée par M. Jean-Marc Ayrault, député (président du groupe SRC) de Loire-Atlantique, lors de la séance des questions au Gouvernement, à l'Assemblée nationale le 26 mai 2010

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le président Ayrault,
Depuis à peu près un quart de siècle dans tous les pays européens sans exception, il a été choisi de répondre à l'allongement de la durée de la vie, par l'augmentation de la durée d'activité. Dans tous les pays européens - ou presque tous les pays européens -, cette décision a été le plus souvent prise dans le cadre d'un accord consensuel entre la Gauche et la Droite, voire parfois entre les partenaires sociaux et les gouvernements. Et quand, dans certains cas, cet accord consensuel n'a pas pu être trouvé, aucune majorité n'a jamais remis en cause les décisions qui avaient été prises sur la retraite par les précédents.
Le seul pays où la Gauche refuse de regarder la réalité, c'est la France, et ce n'est pas nouveau. Vous avez bien voulu rappeler la décision qui avait été prise en 1983 par le Parti socialiste, de ramener à 60 ans l'âge légal de la retraite qui était à 65 ans depuis les décisions du général de Gaulle et du Conseil national de la résistance. Puis-je simplement citer sur ce sujet Michel Rocard, lorsqu'il disait : "tous les ministres compétents en économie, Jacques Delors, moi, et quelques-uns, nous étions catastrophés ! Nous savions très bien que cette mesure n'était pas compatible avec l'évolution de la démographie française". Et puis, par la suite, vous avez multiplié les conseils, les critiques, les rapports, vous avez juré que vous abrogeriez toutes les décisions qui ont été prises.
Mais quelle est la vérité ? La vérité, c'est qu'en 1993, c'est le Gouvernement d'Edouard Balladur qui a allongé à 40 annuités la durée de cotisations dans le régime général. Vous vous étiez engagés à l'abroger ; de 1997 à 2002 vous n'avez pas trouvé le temps de le faire. En 2003, lorsque le Gouvernement décide d'harmoniser la durée de cotisations entre le public et le privé, et d'engager l'augmentation progressive de la durée de cotisations, vous avez répété maintes fois ici dans cet Hémicycle : "lorsque nous serons au pouvoir, nous abrogerons cette décision".
Mais voilà que dans le projet que vous nous avez présenté la semaine dernière, vous consacrez l'allongement de la durée de cotisations, et naturellement vous ne parlez plus de revenir sur l'harmonisation du secteur public et du secteur privé.
En 2007, lorsque cette majorité vous propose de voter la réforme des régimes spéciaux, vous votez contre. Mais je note que, dans aucune de vos propositions, vous ne voulez aujourd'hui revenir sur la réforme des régimes spéciaux.
La vérité, mesdames et messieurs les députés, c'est que le Parti socialiste s'est constamment trompé sur cette question des retraites. Mais il n'est pas trop tard. Vous pouvez encore participer activement, concrètement, à la consolidation des régimes de retraites de nos concitoyens. Et en le faisant, je veux vous dire que vous ne vous trahiriez pas Laurent Fabius, ministre de l'Economie, qui déclarait le 20 mars 2002 : "puisque l'espérance de vie augmente de trois mois, cela veut dire que les actifs doivent financer chaque année des retraités qui vivront trois mois de plus. Comment voulez-vous qu'il n'y ait pas un ajustement ! Bien sûr qu'il y aura un ajustement".
En faisant cela, vous seriez fidèles à Dominique Strauss-Kahn, qui déclarait il y a quelques jours, fort opportunément, que "lorsque l'on vivra jusqu'à 100 ans, il n'y a pas de raisons de maintenir la retraite à 60 ans". Mais surtout, en faisant cela, vous seriez fidèles à Martine Aubry, qui déclarait le 17 janvier dernier : "on va aller, on doit aller à 61 ou à 62 ans".
Source http://www.gouvernement.fr, le 27 mai 2010