Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en matière de santé, Genève le 17 mai 2010.

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Circonstance : 63ème Assemblée mondiale de la santé à Genève le 17 mai 2010

Texte intégral

M. le Président,
Mme la Directrice Générale,
Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Le Sommet de septembre à New York constituera une étape essentielle dans le suivi des progrès réalisés vers les objectifs du millénaire pour le développement, et pour mobiliser les énergies de tous vers l'échéance de 2015.
Le temps presse et une nouvelle impulsion politique est nécessaire. Il s'agit aussi d'encourager les Etats à "sanctuariser" les budgets dédiés à la santé des plus fragiles. Un développement économique et social pérenne suppose un renforcement des systèmes de santé sur le long terme.
Si trois Objectifs sur huit concernent des problématiques de santé, la réussite de chaque objectif reste étroitement liée à celle des autres. La réduction de la pauvreté,l'autonomisation des femmes, l'éducation, l'accès à l'eau potable, constituent des objectifs communs. L'ensemble des politiques menées doivent être engagées de front.
Le bilan de la réalisation d'un objectif est tout particulièrement préoccupant : il s'agit de l'OMD 5 - l'amélioration de la santé maternelle. En matière de santé, comme en matière d'éducation ou d'emploi, ce sont encore les femmes qui paient le plus lourd tribut.
L'atteinte de cet OMD ne doit donc pas être envisagée sous un angle uniquement sanitaire mais implique une approche plus large touchant à la condition des femmes, à leur éducation, à la lutte contre les discriminations qu'elles subissent, à la lutte contre les mariages précoces et donc contre les grossesses précoces.
Parmi les nombreuses décisions qui seront prise lors de cette 63ème assemblée mondiale, le Code de pratique de recrutement international des personnels de santé me tient particulièrement à coeur.
Alors qu'il manquerait environ 4,2 millions de professionnels de santé dans le monde, la préservation des ressources humaines en santé et leur répartition équitable sont capitales. La France réaffirme son soutien à ce projet essentiel pour le renforcement des systèmes de santé et donc pour la pérennisation des OMD.
Madame la directrice générale, Mesdames, Messieurs,
Je souhaite à ce stade de mon intervention revenir sur l'épisode de la crise de grippe A H1N1 qui a placé l'OMS sous les feux de l'actualité.
Je veux exprimer, au nom de la France, notre solidarité avec l'OMS, prise à partie de façon injuste.
Le véritable enjeu d'un nécessaire retour d'expérience devrait être de savoir si nous avons pris collectivement les bonnes décisions, au bon moment, avec les éléments dont nous disposions au printemps et au début de l'été 2009. Il devrait s'agir également de savoir comment nous réagirions - à l'avenir - face à une alerte sanitaire majeure, à l'aune de l'expérience de l'année dernière.
A lumière de cette interrogation, je souhaite revenir sur 3 éléments clefs de la crise que nous venons de traverser :
. Le premier point est la remise en cause de l'évaluation de la sévérité de la menace réalisée par l'OMS.
En début d'alerte, au moment où nous avons du prendre la plupart des décisions importantes, notre connaissance de la sévérité était imparfaite. Mais la prochaine fois aussi nous aurons besoin de temps pour bien identifier la sévérité réelle d'un virus. Nous ne pourrons nous contenter de parier ou d'espérer qu'il se comportera comme le virus de 2009 !
Il est crucial que la crise que nous venons de traverser ne nous induise pas en erreur pour une prochaine crise plus grave, lorsque celle-ci arrivera.
. Le second point porte sur la perception du risque par nos concitoyens.
C'est l'élément le plus perturbant. En effet, nous avons assisté à une véritable inversion des valeurs où le risque a été totalement nié et où les réponses de protection furent-elles identifiées comme menaçantes.
Des gens jeunes, sans aucun facteur de risque, sont décédés ou ont passé de longues semaines en service de réanimation alors même qu'un vaccin était disponible et aurait pu les protéger. Ce risque n'a pas été perçu à sa juste mesure.
Par contraste, le vaccin, qui était la réponse au danger véritable, s'est mué dans la perception collective en une source de risque.
Aujourd'hui encore, cette confusion persiste alors que les vaccins et les adjuvants ont très largement fait la preuve de leur sécurité et de leur efficacité.
. Le troisième élément est l'attitude de remise en cause systématique de l'expertise à laquelle nous avons assisté.
C'est le cas au niveau de l'OMS où le manque de transparence dans l'identité des experts et leurs possibles liens avec l'industrie pharmaceutique sont mis en avant. C'est le cas également en France, mais pour des raisons différentes. Les liens d'intérêt en France sont transparents mais la différence entre liens d'intérêt et conflits d'intérêt est mal comprise.
Le mode de gestion des liens d'intérêt, n'est pas suffisamment clair pour les citoyens et les médias.
Les effets de cette campagne de dénigrement sont potentiellement dévastateurs : désaffection de certains experts, réserve lorsqu'il faudra rendre des avis difficiles lors des alertes à venir.
Mesdames, Messieurs,
Ces polémiques anti-vaccinales ne doivent pas nous démobiliser. Car ce sont bien les politiques de prévention, dont les vaccins sont le coeur, qui nous permettront d'atteindre avec vous, chère Margaret Chan, les objectifs du millénaire en santé.Source http://www.delegfrance-onu-geneve.org, le 26 mai 2010