Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, sur les moyens de renforcer la participation des salariés dans leur entreprise, Paris le 1er juin 2010.

Prononcé le 1er juin 2010

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Circonstance : Remise du rapport de Mme Salima Benhamou, sur le thème "Améliorer la gouvernance d'entreprise et la participation des salariés" à Paris le 1er juin 2010

Texte intégral

Monsieur le Directeur général,
Monsieur le Directeur, (DRH de la société Eiffage)
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Directeur général, de votre accueil.
Avant toute chose je voudrais rendre hommage à l'auteur de ce rapport, Salima BENHAMOU, qui a mené ses recherches dans le cadre des travaux du Centre d'analyse stratégique, que dirige Vincent CHRIQUI, et du Département Travail Emploi, que dirige Hugues de BALATHIER.
Ce travail s'inscrit dans le droit fil des efforts menés par le Gouvernement en vue de moderniser notre économie. Il se veut aussi une contribution à ce qui pourrait être une nouvelle manière d'envisager le capitalisme.
Le monde de l'entreprise est souvent dépeint à juste titre comme un univers exigeant.
La mondialisation et l'exigence de compétitivité qui en résulte, imposent la recherche d'une performance soutenue.
A tous les niveaux de la hiérarchie, qu'il s'agisse des cadres, des employés ou des ouvriers, des efforts importants sont demandés, pour honorer les commandes certes, mais aussi pour innover, conquérir de nouveaux marchés, damer le pion à des concurrents de plus en plus nombreux.
Tous cela me direz-vous n'est rien que de très normal. Nous sommes dans une économie de marché de plus en plus ouverte sur le monde.
D'aucuns n'hésitent pas à parler de guerre économique qui suppose une armée en ordre de bataille, prête à livrer un combat souvent rude.
Est-ce à dire que cette recherche de performance implique un contrôle centralisé entre les mains de quelques hauts dirigeants, et donc une faible participation des salariés à la marche de leur entreprise ?
Le mode de gouvernance largement développé de nos jours fait la part belle aux administrateurs indépendants, sans liens directs avec l'entreprise.
Et rares sont les Conseils d'administration qui offrent une place à un ou plusieurs représentants des salariés.
Ce modèle de gouvernance trouve en théorie sa justification : les salariés sont rétribués en échange de leur travail.
Mais ne risquant pas leur capital, ils ne sont pas censés prendre part au pilotage de leur entreprise.
En échange, cependant, beaucoup de salariés bénéficient d'une participation aux résultats de l'entreprise. La France peut se targuer d'être pionnière en la matière puisque dès 1959, le général de Gaulle a souhaité mettre en place un premier dispositif de redistribution des profits.
Dans ce mode d'organisation l'argent, qu'il s'agisse du salaire et des primes, est censé être au fond le meilleur aiguillon pour motiver les salariés.
Est-ce pourtant si simple ? Suffit-il d'espérer accroître son revenu pour accepter de consentir à plus d'efforts ?
L'un des grands intérêts de ce rapport est, je crois, de cerner les moyens de rendre une entreprise plus performante en partant d'abord de ses forces vives, c'est-à-dire ses salariés.
La rémunération a bien sûr sa place mais un salaire bonifié suffit-il à nous impliquer pleinement dans notre tâche si par ailleurs l'information circule mal au sein de l'entreprise ? Si le pouvoir décisionnel est perçu comme lointain, et ne tenant pas compte des contraintes du terrain ?
En somme, si les salariés ne sentent pas écoutés et si jugent leurs intérêts différents de ceux des actionnaires et des dirigeants, voire opposés ?
Le mythe de l'autogestion a fait long feu. Une entreprise ne saurait se passer d'un management, d'une hiérarchie capable de faire tourner les équipes, d'assigner des objectifs et plus encore de concevoir une stratégie globale pour son avenir.
Mais nous pressentons cependant les limités du modèle actuel de gouvernance dont la légitimité n'a pas attendu la crise pour être écornée.
La plupart des salariés attendent bien autre chose de leur travail que le simple moyen de gagner leur vie.
Le travail est un gage d'existence sociale mais aussi un moyen de se sentir reconnu. Il nourrie un sentiment d'attachement d'autant plus grand qu'il s'appuie par ailleurs sur un vrai sentiment d'appartenance à l'entreprise et sur une adhésion à ses valeurs.
Le malaise que l'on observe aujourd'hui parmi les salariés, qu'il s'agisse de stress, de surmenage ou de sentiment d'isolement trouve sans doute une partie de son explication dans la forte pression qu'impose la mondialisation.
Mais il tient sans doute aussi aux excès d'un mode organisationnel dans lequel les salariés ont trop souvent le sentiment de n'être qu'un rouage de la machine.
Je suis heureuse que ce rapport nous apporte aujourd'hui des pistes de réflexion très prometteuse sur les moyens de renforcer la participation des salariés dans leur entreprise.
Les solutions envisagées ne découlent pas d'une conception idéologique des choses.
Elles sont le fruit des comparaisons menées entre les entreprises ayant adopté des moyens de renforcer la participation des salariés, et les autres.
Nous découvrons ainsi que le développement combiné des différents modes de participation n'est pas le moyen pour une entreprise de s'acheter une vitrine sociale. C'est son intérêt même, sur un strict plan économique et financier !
Comme le montre ce rapport, les performances des entreprises ayant à la fois intégré des salariés dans leur Conseil d'administration, développé les formes de participation financière, et accru les moyens de coopération et d'information parmi les salariés, ces entreprises sont souvent plus prospères que les autres. Voilà qui tort le cou à bon nombres d'idées reçues que l'on trouve dans toutes les familles politiques !
« Il n'est de richesses que d'hommes » aimait à dire Jean Bodin voilà déjà 500 ans.
A sa manière, ce rapport vient aujourd'hui nous montrer que cet aphorisme n'a pas perdu de sa valeur.
Je redonne maintenant la parole à Vincent Chriqui qui va vous exposer plus en détails son contenu et ses propositions.
Nous aurons le plaisir également d'entendre le témoignage d'un praticien des ressources humaines, dans une entreprise qui a fait de l'actionnariat salarié un axe central de sa politique de ressources humaines.
Je vous remercie.Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 2 juin 2010