Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur le développement du mécénat culturel, Paris le 9 juin 2010.

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Circonstance : Signature du deuxième protocole national pour le développement du mécénat culturel avec le Conseil supérieur du notariat à Paris le 9 juin 2010

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil Supérieur du Notariat,
Madame la Directrice générale,
Monsieur le Chef de la Mission du mécénat,
Mesdames et Messieurs les Notaires,
Chers amis,
« Notaire : intervient au dernier acte ». Cette maxime lapidaire de Tristan BERNARD, digne du Dictionnaire des idées reçues, me semble aujourd'hui plus pertinente que jamais. À la fois parce que, comme le suggère le plaisant dramaturge, il s'agit ici, en effet, d'une sorte de contrat de mariage pour lequel le notaire, dans les comédies, est appelé au dernier acte - à ceci près que le notaire est aujourd'hui en même temps le marié ! Mais aussi parce que cette rencontre est bien le troisième et dernière acte d'un processus de reconduction des contrats, ou protocoles, qui a commencé en février avec vos collègues experts-comptables, puis s'est poursuivi en avril avec les chambres de commerce et d'industrie, pour s'achever donc, deux mois plus tard, par la signature d'aujourd'hui : la pièce en trois actes est ainsi complète.
C'est donc un réel plaisir pour moi d'accueillir, ici au ministère, les plus hauts représentants d'une profession dont les liens avec la culture, la création et le patrimoine sont aussi anciens que multiples et, comme en témoigne éloquemment votre présence, solides et tournés vers l'avenir.
L'essor du mécénat, qui nous réunit, est à mes yeux une cause essentielle.
L'ampleur de ce phénomène est d'ailleurs relativement récente. Car dans ce domaine, vous le savez, la France a, jusqu'à ces dernières années, accusé un évident retard par rapport à d'autres pays, notamment anglo-saxons. Et pour que cette situation évolue, il fallait une véritable impulsion, que l'État a été long à donner, mais c'est désormais chose faite. Depuis la loi du 1er août 2003, relative au mécénat, aux associations et aux fondations, et dont l'élaboration a pleinement mobilisé le ministère de la Culture et de la Communication, nous bénéficions d'un remarquable dispositif d'incitation au mécénat des entreprises et des particuliers, comme à la création de fondations. Enrichi d'année en année par des mesures nouvelles, il est réputé comme l'un des plus aboutis au monde.
Pour développer encore le mécénat, l'État ne pouvait cependant pas se contenter de lui fabriquer un cadre juridique et fiscal avantageux. Il fallait aussi faire connaître cette législation, et surtout favoriser l'émergence, dans la société civile, d'un véritable désir de contribuer au soutien des causes d'intérêt général que sont, à côté de la solidarité, de la recherche, de l'éducation et de la sauvegarde de l'environnement, la culture et le patrimoine.
Car plus que d'autres, le domaine culturel semblait ne relever que de la seule responsabilité de l'État - être une « affaire d'Etat », en quelque sorte, ou du moins « de l'Etat ». Et celui-ci avait besoin de nouer de véritables relations avec les acteurs économiques, non seulement pour trouver de nouveaux financeurs, mais pour affirmer la culture comme un secteur économique à part entière, créateur de richesses et d'emplois à travers le tourisme, le développement des pratiques et des industries culturelles, et être ainsi reconnu comme un enjeu essentiel de l'attractivité des territoires.
Par le rôle que vous jouez dans la vie juridique, économique et sociale de notre pays, auprès de chacun des Français, en particulier dans les moments décisifs de leur existence, vous avez été, Mesdames et Messieurs les notaires, parmi nos tout premiers partenaires pour favoriser l'émergence, en France, d'une véritable culture de l'initiative privée. Grâce à la signature, en 2005, d'un premier protocole national pour le développement du mécénat culturel, vous avez désigné, chambre par chambre, département par département, des correspondants qui sont rapidement devenus de précieux interlocuteurs pour les porteurs de projets de mécénat. Conseillers particulièrement écoutés des personnes, des familles, des entreprises et des collectivités locales, les quelque 9 000 notaires de France forment un réseau unique pour améliorer l'information de nos concitoyens dans ce domaine, mais aussi pour faire remonter leurs interrogations et leurs attentes, et nous aider à y répondre.
Durant ces cinq années, toutes sortes d'initiatives ont été prises par vos chambres pour favoriser l'essor du mécénat culturel, en dialogue permanent avec mes services : des conventions régionales relayant le protocole national ont été signées, des documents d'information très largement diffusés dans vos études, et des manifestations locales organisées en région, à Rennes, à Tours, en Avignon, à Montpellier et à Lorient, entre autres. Certaines chambres ont elles-mêmes pris l'initiative de mener des opérations culturelles. Et les correspondants des Chambres de notaires ont été régulièrement associés aux rencontres organisées en région par les DRAC, la Mission du mécénat et les autres partenaires institutionnels du ministère, pour faire se rencontrer responsables économiques, mécènes individuels et porteurs de projets culturels, et mettre en valeur les partenariats réussis. Je pense, par exemple, au projet de création de la Fondation d'entreprises « Mécènes Catalogne », qui va bientôt voir le jour, et qui rassemble la DRAC Languedoc-Roussillon, les Chambres départementales des notaires et des experts-comptables des Pyrénées-Orientales ainsi que la Chambre de commerce et d'industrie de Perpignan. Je pense aussi à la création de « Pôles mécénat » en Picardie, en Bretagne, et en Pays de la Loire, qui ont déjà montré ce qu'ils peuvent apporter au développement du mécénat culturel, au plus près des problématiques spécifiques à ces territoires.
Aujourd'hui, je suis heureux de pouvoir dire que notre collaboration n'en est qu'à ses débuts. Les Petites, Moyennes et même Très Petites Entreprises (PME, TPE) sont de plus en plus nombreuses à s'engager dans des démarches de mécénat ; les clubs et les fondations d'entreprises se répandent, et, surtout, inscrivent leur engagement dans la durée. Car ils ont compris que le mécénat culturel créait du lien social, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise. La dimension locale est essentielle, car c'est bien souvent parce qu'il est attaché à telle ou telle forme de patrimoine ou d'expression artistique dans son environnement immédiat qu'un particulier vient à la rencontre du mécénat.
Il reste toutefois beaucoup à mettre en oeuvre pour encourager la philanthropie individuelle - déjà en plein essor grâce aux dispositions relatives à l'ISF notamment - à s'exprimer dans des domaines qui lui restent pour le moment moins familiers que l'humanitaire ou la recherche médicale, comme ceux du patrimoine et de la création culturels.
C'est pourquoi nous avons souhaité, d'un commun accord, donner un nouveau cadre à notre collaboration, sous la forme de ce deuxième protocole national que nous allons signer tout à l'heure et qui nous engage réciproquement - et par-devant notaire ! - pour les cinq années à venir. Nous allons favoriser la constitution, au niveau régional ou interrégional, de nouveaux « Pôles mécénat » pour mutualiser, avec les DRAC et les autres organismes concernés, nos moyens d'action et d'information. Nous allons favoriser les initiatives collectives sous la forme de clubs, associations, fondations ou fonds de dotation, pour mener, un peu partout, des initiatives concrètes qui tiennent compte des priorités de tel ou tel territoire en matière de sauvegarde du patrimoine et d'accès à la culture. Vos Chambres départementales, de concert avec les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), définiront des projets précis dans ces domaines, et les mettront en oeuvre sur leurs ressorts territoriaux.
Votre Conseil supérieur animera ce partenariat, en liaison avec la Mission du mécénat de mon ministère désormais rattachée à la nouvelle Direction générale des médias et des industries culturelles - alias DGMIC -, en charge de l'économie culturelle.
La responsabilité de l'État - et des pouvoirs publics en général - n'est pas seulement de contribuer à financer notre vie culturelle, mais aussi d'encourager les initiatives de la société civile. Je souhaite que les énergies et les compétences se conjuguent, et que les points de vue, les idées, les projets se croisent plus souvent entre acteurs publics et privés, à travers des partenariats « sur-mesure ». Promouvoir le mécénat culturel et continuer de faire évoluer la fiscalité demeurent à mes yeux des priorités, afin, notamment, de rendre le mécénat plus accessible aux PME et aux TPE.
Le mécénat - nous en sommes tous convaincus ici - est un levier essentiel de développement de nos territoires, mais aussi de cohésion et de décloisonnement, en favorisant la rencontre des milieux privés et publics, des acteurs de l'économie et de la culture. Bien des entreprises et des fondations, au plan national et territorial, ont acquis, dans les domaines où elles agissent en tant que mécènes, une véritable expertise, et une capacité de diagnostic et d'évaluation remarquable. Je pense en particulier aux actions qui mêlent pratiques culturelles et problématiques sociétales, en faveur notamment des jeunes publics et de l'égalité des chances, contre toutes les formes d'exclusion.
Par là, le mécénat participe pleinement de ce que j'appelle « la culture pour chacun » qui, de la gratuité dans les musées au développement du numérique, constitue la colonne vertébrale de mon action. Car la culture ne doit pas être l'affaire de quelques-uns, toujours les mêmes, mais l'affaire de tous, et de chacun. Et c'est ensemble - pouvoirs publics, élus locaux et responsables de collectivités territoriales et d'institutions culturelles, entrepreneurs et organisations professionnelles, au premier rang desquelles les notaires, les experts-comptables et les chambres de commerce -, c'est ensemble que nous ouvrons des horizons d'avenir, et je sais que nous pouvons compter sur vous. Cet idéal d'une « culture pour chacun », il sera l'un des grands enjeux de notre coopération, et même de ce « mariage » dont, « au dernier acte », nous signons le contrat, en vue de développer « un mécénat culturel de chacun, pour chacun ».
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 10 juin 2010