Texte intégral
P. Lapousterle - On a vu le PC imposer un délai au Gouvernement Jospin pour obtenir un meilleur texte sur la loi sur les licenciements. Pensez-vous qu'il s'agit d'un tournant politique important ou bien d'une péripétie politique ?
- "On ne le sait pas encore, cela va dépendre. Si ces 15 jours de délais sont une simagrée de plus, c'est-à-dire si le PC vote finalement le texte du Gouvernement 15 jours plus tard, on dira que c'est de la comédie politique, il ne se sera rien passé. Si au contraire le PC reste ferme sur la ligne qu'il a définie jusqu'à présent, c'est-à-dire ne pas accepter ce texte parce qu'il le jugeait insuffisant, alors le bras-de-fer continue et on pourra dire qu'on est à un tournant politique important. De toute façon, on voit bien ce qui se passe : l'élection présidentielle, puisque maintenant c'est elle qui est devant nous, provoque à gauche une véritable explosion politique. De ce point de vue, ceux de l'opposition qui ont voté pour le changement de calendrier n'ont pas lieu de s'en plaindre - et les autres non plus - car ils voient qu'à gauche, chacun est en train de se différencier : les Verts, les communistes. Ce qui est clair, c'est que la gauche est en train d'exploser. C'est le signe qu'au bout de cinq ans, la gauche n'est pas plurielle mais profondément et de plus en plus profondément divisée."
Donc, quand vous avez voté l'inversion du calendrier, vous aviez en ligne de mire l'affaiblissement de la gauche ?
- "Je l'ai fait parce que je pensais que c'était l'intérêt général de notre pays, que c'était mieux de voter d'abord pour le Président et ensuite pour le Parlement. On nous a opposé que c'était mauvais dans la tactique politique mais la tactique nous sert pour l'instant."
Est-ce que cela nuit au crédit de L. Jospin ce qui se passe en ce moment à gauche ou bien est-ce qu'au contraire, on le créditera d'avoir résisté aux communistes ?
- "Je ne crois pas que cela serve la gauche. La gauche est partagée dans le domaine social, car au fond, depuis cinq ans, elle n'a pas d'idées, et elle n'en a toujours pas. Elle réagit au gré des circonstances. Il y a eu l'affaire Danone, Marks Spencer, ces licenciements d'adaptation à l'économie. Il vaut mieux avoir quelques idées quand on veut faire de la politique et visiblement à gauche, dans le domaine social ils n'en ont pas."
Pourquoi ne votez-vous pas ce texte à droite alors que vous passez votre temps à dire qu'il faut réduire la fracture sociale ?
- "Nous ne voterons pas ce texte car c'est un très mauvais texte du point de vue de la pédagogie que les dirigeants politiques français doivent savoir faire à l'égard de l'opinion publique. Soit ce texte ne comprend aucune disposition - uniquement des dispositions de pure forme - et alors on se moque du monde, du coup je pense un peu comme les communistes qu'on se fout de la gueule des gens ; soit il contient des choses, et alors ce sont des dispositions qui visent simplement à accroître la pesanteur des mécanismes administratifs qui pèsent sur notre économie et qui, loin de soutenir l'emploi, font exactement l'inverse, découragent les investisseurs."
Quelle est votre avis sur la loi qui sera présentée par le groupe socialiste au nom du groupe, qui sera discutée à l'Assemblée nationale dans moins de deux semaines, qui touche le statut du Président de la République, tendant à faire que dans ses fonctions comme avant ses fonctions, il soit un citoyen ordinaire pour ce qui concerne les crimes et délits ? Est-ce légitime ?
-"C'est un débat légitime car c'est un débat de fond : quel doit être le statut du Président de la République. Je crois que c'est normal qu'on débatte de ce statut puisque le sujet est venu sur la table et que chaque force politique exprime son point de vue. Ce qui ne l'est pas, c'est de transformer cela en une manoeuvre politicienne. Je n'ai pas du tout envie, dans le débat des présidentielles, d'utiliser cette manoeuvre contre qui que ce soit.
On prévoit son application après 2002, après l'élection présidentielle.
- "Vous avez bien compris qu'il s'agit en réalité de viser l'actuel Président de la République. Je ne pense pas, je le dis franchement, que ce soit une bonne façon d'ouvrir le grand débat national dont nous avons besoin, et qui n'est pas un débat de petites manoeuvres ou de grandes "saloperies" mais un débat de fond sur l'avenir de notre pays. Je n'ai donc pas du tout envie de voter ce texte. Naturellement, l'UDF donnera ses convictions dans ce débat, dira ce qu'elle pense, mais elle ne votera pas un texte socialiste."
R. Dumas condamné, ce n'est pas rien ?
- "Ce sont des événements qu'on ne peut pas ne pas regarder avec un mélange de stupéfaction - R. Dumas a exercé des grandes fonctions dans la République -, et d'émotion. Voilà des hommes qui ont joué des grands rôles, qui sont des grandes personnalités, qu'on le veuille ou non, qui sont livrées à la vindicte et à la sanction judiciaire ! Pour ce qui me concerne, on ne m'empêchera pas de dire que j'ai de l'estime pour ce qu'a été R. Dumas en tant que ministre des Affaires étrangères ou président du Conseil constitutionnel. Il est jugé, c'est une affaire dont je n'ai pas à parler, qui ne relève pas de moi mais la considération que j'ai pour R. Dumas reste."
Vous avez été l'un des premiers à choisir J. Chirac en 94, on vous l'a reproché à l'époque. Maintenant, votre candidat est-ce Chirac ou Bayrou ?
- "C'est F. Bayrou."
Etes-vous déçu par Chirac ?
- "Non, il n'y a pas de jugement à titre personnel. Je pense que notre pays a besoin de renouvellement, de changement. Je crois que la majorité française est plutôt au centre aujourd'hui et qu'elle cherche un visage nouveau. Je pense que F. Bayrou peut être celui-là."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mai 2001)
- "On ne le sait pas encore, cela va dépendre. Si ces 15 jours de délais sont une simagrée de plus, c'est-à-dire si le PC vote finalement le texte du Gouvernement 15 jours plus tard, on dira que c'est de la comédie politique, il ne se sera rien passé. Si au contraire le PC reste ferme sur la ligne qu'il a définie jusqu'à présent, c'est-à-dire ne pas accepter ce texte parce qu'il le jugeait insuffisant, alors le bras-de-fer continue et on pourra dire qu'on est à un tournant politique important. De toute façon, on voit bien ce qui se passe : l'élection présidentielle, puisque maintenant c'est elle qui est devant nous, provoque à gauche une véritable explosion politique. De ce point de vue, ceux de l'opposition qui ont voté pour le changement de calendrier n'ont pas lieu de s'en plaindre - et les autres non plus - car ils voient qu'à gauche, chacun est en train de se différencier : les Verts, les communistes. Ce qui est clair, c'est que la gauche est en train d'exploser. C'est le signe qu'au bout de cinq ans, la gauche n'est pas plurielle mais profondément et de plus en plus profondément divisée."
Donc, quand vous avez voté l'inversion du calendrier, vous aviez en ligne de mire l'affaiblissement de la gauche ?
- "Je l'ai fait parce que je pensais que c'était l'intérêt général de notre pays, que c'était mieux de voter d'abord pour le Président et ensuite pour le Parlement. On nous a opposé que c'était mauvais dans la tactique politique mais la tactique nous sert pour l'instant."
Est-ce que cela nuit au crédit de L. Jospin ce qui se passe en ce moment à gauche ou bien est-ce qu'au contraire, on le créditera d'avoir résisté aux communistes ?
- "Je ne crois pas que cela serve la gauche. La gauche est partagée dans le domaine social, car au fond, depuis cinq ans, elle n'a pas d'idées, et elle n'en a toujours pas. Elle réagit au gré des circonstances. Il y a eu l'affaire Danone, Marks Spencer, ces licenciements d'adaptation à l'économie. Il vaut mieux avoir quelques idées quand on veut faire de la politique et visiblement à gauche, dans le domaine social ils n'en ont pas."
Pourquoi ne votez-vous pas ce texte à droite alors que vous passez votre temps à dire qu'il faut réduire la fracture sociale ?
- "Nous ne voterons pas ce texte car c'est un très mauvais texte du point de vue de la pédagogie que les dirigeants politiques français doivent savoir faire à l'égard de l'opinion publique. Soit ce texte ne comprend aucune disposition - uniquement des dispositions de pure forme - et alors on se moque du monde, du coup je pense un peu comme les communistes qu'on se fout de la gueule des gens ; soit il contient des choses, et alors ce sont des dispositions qui visent simplement à accroître la pesanteur des mécanismes administratifs qui pèsent sur notre économie et qui, loin de soutenir l'emploi, font exactement l'inverse, découragent les investisseurs."
Quelle est votre avis sur la loi qui sera présentée par le groupe socialiste au nom du groupe, qui sera discutée à l'Assemblée nationale dans moins de deux semaines, qui touche le statut du Président de la République, tendant à faire que dans ses fonctions comme avant ses fonctions, il soit un citoyen ordinaire pour ce qui concerne les crimes et délits ? Est-ce légitime ?
-"C'est un débat légitime car c'est un débat de fond : quel doit être le statut du Président de la République. Je crois que c'est normal qu'on débatte de ce statut puisque le sujet est venu sur la table et que chaque force politique exprime son point de vue. Ce qui ne l'est pas, c'est de transformer cela en une manoeuvre politicienne. Je n'ai pas du tout envie, dans le débat des présidentielles, d'utiliser cette manoeuvre contre qui que ce soit.
On prévoit son application après 2002, après l'élection présidentielle.
- "Vous avez bien compris qu'il s'agit en réalité de viser l'actuel Président de la République. Je ne pense pas, je le dis franchement, que ce soit une bonne façon d'ouvrir le grand débat national dont nous avons besoin, et qui n'est pas un débat de petites manoeuvres ou de grandes "saloperies" mais un débat de fond sur l'avenir de notre pays. Je n'ai donc pas du tout envie de voter ce texte. Naturellement, l'UDF donnera ses convictions dans ce débat, dira ce qu'elle pense, mais elle ne votera pas un texte socialiste."
R. Dumas condamné, ce n'est pas rien ?
- "Ce sont des événements qu'on ne peut pas ne pas regarder avec un mélange de stupéfaction - R. Dumas a exercé des grandes fonctions dans la République -, et d'émotion. Voilà des hommes qui ont joué des grands rôles, qui sont des grandes personnalités, qu'on le veuille ou non, qui sont livrées à la vindicte et à la sanction judiciaire ! Pour ce qui me concerne, on ne m'empêchera pas de dire que j'ai de l'estime pour ce qu'a été R. Dumas en tant que ministre des Affaires étrangères ou président du Conseil constitutionnel. Il est jugé, c'est une affaire dont je n'ai pas à parler, qui ne relève pas de moi mais la considération que j'ai pour R. Dumas reste."
Vous avez été l'un des premiers à choisir J. Chirac en 94, on vous l'a reproché à l'époque. Maintenant, votre candidat est-ce Chirac ou Bayrou ?
- "C'est F. Bayrou."
Etes-vous déçu par Chirac ?
- "Non, il n'y a pas de jugement à titre personnel. Je pense que notre pays a besoin de renouvellement, de changement. Je crois que la majorité française est plutôt au centre aujourd'hui et qu'elle cherche un visage nouveau. Je pense que F. Bayrou peut être celui-là."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mai 2001)