Texte intégral
Je m'associe bien évidemment aux remerciements de mes collègues pour le travail accompli par le Secrétaire général de la commission des comptes et la direction de la sécurité sociale.
Comme l'a indiqué François Baroin, la situation des comptes des années 2009 et 2010 est le reflet de la crise économique. Jamais nous n'avons atteint de tels niveaux de déficits du régime général (-20,3Mdeuros en 2009 et -26,8Mdeuros en 2010). Les résultats sont, il est vrai, un peu meilleurs que ceux que nous envisagions au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'automne dernier. Cela est dû, pour l'essentiel, aux recettes qui ont moins diminué que prévu : le recul de la masse salariale n'est que de 1,3% alors que, prudemment, nous l'avions anticipé à 2%.
Dans ce contexte de déficits sans précédents, pour les branches dont j'ai la responsabilité en tant que Ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique, il est de mon devoir de garantir la bonne tenue des dépenses et leur efficacité. C'est une condition essentielle pour sauvegarder notre système de protection sociale sur le long terme.
1. Sur les retraites, tout d'abord, les chiffres présentés par le secrétaire général de la Commission des comptes montrent bien la situation d'urgence dans laquelle nous nous trouvons. 9,3 Mdeuros de déficit de la CNAV en 2010 et 4,3 Mdeuros pour le FSV. Pour la CNAV, si nous ne faisons rien les comptes vont se dégrader année après année, sous le poids de la démographie. Je le dis souvent, nous passons inexorablement d'un système par répartition à un système financé par la dette.
C'est inacceptable et c'est la raison pour laquelle le Président de la République a demandé au Gouvernement de préparer une réforme dès cette année. Le projet du gouvernement sera présenté autour à la mi-juin et, d'ici à cette date, les discussions avec les organisations syndicales et les travaux techniques se poursuivent. Je ne pourrai donc pas aujourd'hui répondre à des questions précises sur la réforme puisque les mesures n'ont pas encore été arrêtées.
Je peux simplement rappeler les grandes orientations du Gouvernement, tels qu'elles ont été énoncées dans le « document d'orientation sur la réforme des retraites » que nous avons rendu public le 17 mai dernier.
Tout d'abord, je veux insister sur un point : le projet du Gouvernement sera un projet « global » qui cherchera à garantir la pérennité de notre système de retraite, mais également à le rendre plus juste.
Le premier objectif de la réforme, c'est évidemment de permettre à nos régimes de renouer avec l'équilibre financier. Pour cela, il faut notamment augmenter la durée passée au travail par rapport à la durée passée à la retraite en relevant l'âge légal de départ. L'espérance de vie a augmenté de 15 ans depuis 1950 et va continuer de croître : le simple bon sens exige que nous en tirions les conséquences.
Relever l'âge de départ à la retraite est une mesure juste. En effet, il est juste de demander un effort à tout le monde à condition que l'on ne demande pas le même effort à tout le monde. C'est exactement l'engagement pris par le Gouvernement qui, dès le document d'orientation, a annoncé qu'il continuerait de permettre à ceux qui ont commencé plus tôt que les autres de partir avant les autres et qu'il mettrait en place un dispositif de reconnaissance de la pénibilité. Ce que veut le Gouvernement, c'est répartir équitablement l'effort. L'ouvrier qui a commencé à 15 ans ne fera pas le même effort que le cadre qui a commencé à 22 ans. Le salarié usé par des années de travail éprouvant non plus. En offrant la possibilité à ceux qui ont eu une vie professionnelle plus dure que les autres, soit parce qu'elle a été plus longue, soit parce qu'elle a été physiquement beaucoup plus difficile, le Gouvernement va donc continuer à faire avancer la justice sociale en matière de retraite.
L'augmentation de la durée d'activité, en prenant en compte la diversité des situations, sera donc au coeur de notre réforme. Mais nous avons l'ambition de traiter beaucoup d'autres sujets. Nous nous sommes engagés à favoriser l'emploi des seniors pour accompagner l'allongement de la durée d'activité, par exemple en accordant des exonérations de charges aux entreprises qui embauchent des seniors. Nous préserverons les nombreux mécanismes de solidarité qui permettent de compenser une partie des inégalités liées aux aléas de la vie professionnelle, -le chômage, le temps partiel...-, ou personnelle comme la maladie, la maternité et l'invalidité. A chaque fois que c'est nécessaire, nous prendrons des mesures pour adapter ces mécanismes aux évolutions de la société et du marché du travail. Par ailleurs, nous demanderons un effort supplémentaire aux hauts revenus et aux revenus du capital pour financer ces dispositifs. Enfin, toujours dans un souci d'équité, nous poursuivrons la convergence entre les régimes de retraite du public et du privé.
Voilà ce que je peux vous dire sur les retraites à quelques jours de la présentation de la réforme.
2. Les problématiques sont différentes sur les autres branches, mais là aussi, je tiens à garantir la maîtrise des dépenses sans remettre en cause les fondements de notre modèle social.
Sur la famille, la CNAF était quasiment à l'équilibre en 2008. Elle est de nouveau déficitaire en 2009 (-1,8Mdeuros) et 2010 (-3,8Mdeuros). C'est la diminution brutale des recettes, plus que l'augmentation des dépenses, qui explique cette situation.
Les dépenses en faveur des familles ont joué en 2009 un rôle central de stabilisateur automatique pendant la crise. Ce sont ainsi 2,5 milliards d'euros qui ont été distribués aux ménages modestes en 2009 grâce aux mesures décidées dans le cadre du plan de relance : prime de solidarité active, prime de 150euros aux familles modestes, suppression des deux derniers tiers de l'impôt sur le revenu pour les ménages modestes, bons d'achat de services à la personne....
Pour autant, la situation financière de la branche famille n'en a pas été affectée, et ce pour les deux raisons suivantes :
- d'une part, les mesures exceptionnelles dans le cadre du plan de relance ont été financées par l'Etat,
- d'autre part, la réduction tendancielle de la taille des familles est venue contrebalancer l'effet de la revalorisation substantielle, à hauteur de 3%, des prestations familiales.
Dans ce contexte financier difficile, ma priorité, avec Nadine Morano, est de favoriser l'emploi, et en particulier l'emploi des femmes. Cela passe notamment par un effort accru pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Le Président de la République s'est engagé à offrir à l'ensemble des parents une solution de garde d'enfant. Notre objectif est ambitieux mais nous le tiendrons : il s'agit de créer 200.000 places de garde supplémentaires d'ici 2012.
Pour cela, nous continuons à développer les outils pour diversifier les modes de garde. Notre mot d'ordre, c'est d'adapter l'offre aux besoins des parents, des professionnels et des territoires. Je citerai trois avancées récentes :
- la proposition de loi de Jean Arthuis sur les maisons d'assistants maternels a été adoptée définitivement au Sénat en mai dernier ;
- le décret donnant la possibilité aux assistants maternels de bénéficier d'un prêt à l'amélioration de l'habitat est en cours de signature ;
- les crédits pour les crèches « Espoir banlieues » viennent d'être débloqués grâce au vote du Conseil d'administration de la CNAF au début du mois.
L'année 2009 est la première année de mise en oeuvre de la convention d'objectif et de gestion entre la CNAF et l'Etat.
Les chiffres montrent que nous sommes sur la bonne voie pour remplir notre objectif de 200.000 places de plus d'ici 2012 :
- plus de 21 000 enfants supplémentaires ont été accueillis chez les assistants maternels,
- plus de 13 000 places de crèche ont été créées,
- la meilleure utilisation des places de crèches a permis d'accueillir plus de 32 400 enfants supplémentaires.
3. Sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui devrait en toute logique être structurellement équilibrée, ma priorité est d'améliorer la prévention des risques professionnels et de réduire la pénibilité. C'est un volet important de notre réforme des retraites, car si nous voulons travailler plus longtemps, nous devons travailler mieux.
A ce titre, j'ai présenté, lors du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) du 11 mai 2010 dernier, les grandes lignes du deuxième plan « santé au travail » pour la période 2010-2014. L'objectif est de réduire de 25% les accidents du travail et d'endiguer la progression des maladies professionnelles.
Le développement des politiques de prévention, en particulier par des incitations financières, doit permettre d'atteindre ces objectifs :
- la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a instauré un système de « bonus malus ». Ce dernier permet de créer des incitations financières pour les entreprises qui investissent dans la prévention et d'avoir, au contraire, des mécanismes de majoration des cotisations pour celles qui exposent leurs salariés à des risques exceptionnels.
- la réforme de la tarification des AT-MP était nécessaire compte tenu de la complexité du système. Des règles plus simples et plus lisibles, ce sont aussi des règles plus incitatives : quand le coût d'un accident du travail apparaît clairement et rapidement dans les comptes de l'entreprise, les employeurs sont incités à améliorer leur politique de prévention. Cette réforme a été adoptée à l'unanimité par les partenaires sociaux et je viens de signer le décret permettant sa mise en oeuvre. Elle s'appliquera de façon progressive sur la base des AT/MP de 2010 et fera l'objet d'un premier bilan dès fin 2012.
4. Je terminerai par la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées en laissant le soin à Nora Berra de compléter mes propos.
Une partie importante des financements provient de l'assurance maladie : cela représente un tiers des 45 milliards d'euros de financements publics octroyés à ce secteur.
Dans un contexte où nos comptes sociaux sont en déficit, notre priorité cette année était de mieux ajuster les dépenses à la réalité des besoins.
Ainsi, en vertu de la rationalisation de la procédure budgétaire, les crédits destinés au financement des établissements médico-sociaux pour personnes handicapées comme pour personnes âgées sont désormais octroyés uniquement au moment où les places nouvelles sont effectivement ouvertes, et non au moment de l'engagement juridique de ces créations.
Si nous voulons développer les structures médico-sociales et mieux prendre en charge ces personnes fragiles, nous devons optimiser la budgétisation et rationaliser les modes de tarification. C'est le cas, par exemple, pour le secteur des personnes âgées, des efforts engagés en matière de convergence tarifaire.
Ces évolutions sont nécessaires. Pour respecter un ONDAM à 3% en 2010, 2,9% en 2011 et 2,8% en 2012, tous les secteurs devront en effet faire des efforts. Le secteur médico-social bénéficie d'un taux de progression supérieure à l'ONDAM global, compte tenu des besoins créés par le vieillissement de la population. Nous avons aujourd'hui des priorités qui sont pleinement justifiées : le plan Alzheimer, la médicalisation des places en EHPAD, le développement des structures d'accueil des personnes handicapées. Il faut pouvoir les financer en optimisant la gestion des crédits d'assurance maladie.
Mesdames, Messieurs, le redressement de nos finances sociales est une nécessité pour préserver notre système de protection sociale. Il en va de notre responsabilité collective, même si je suis pleinement conscient que cet engagement est parfois difficile à mettre en oeuvre.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 10 juin 2010