Interview de M. Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique à LCI le 21 juin 2010, sur l'affaire Bettencourt, la réforme des retraites et la pénibilité.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
 
C. Barbier.- Vous aimez le foot. R. Bachelot réunit ce matin le président de la Fédération française, J.-P. Escalettes, le capitaine des Bleus, P. Evra, et le sélectionneur R. Domenech. Souhaitez-vous la démission du président de la Fédération, il faut en passer par là ?
 
Non, on n'en est pas là, ils jouent quoi ? Mardi...
 
Demain. Voilà, il faut gagner, il faut bien gagner, et puis il faut essayer de mettre toutes ces rancoeurs, toute cette pantomime. Et il faudra faire un bilan...
 
Et après, au retour ?
 
Il va falloir faire un bilan et évidemment mettre à plat, en tout cas ce qu'on pensait d'une équipe de France comme ça ; tout le monde pense la même chose, tout ça est pitoyable. Mais pour l'instant, il y a un match à faire, il faut le gagner. On ne sait jamais, on a une chance, il faut la jouer jusqu'au bout.
 
Dans l'affaire Bettencourt, A. Montebourg vous met en cause ainsi que votre épouse. Elle, vous l'avez annoncé, elle va porter plainte. En ferez-vous autant, puisque le député PS vous accuse à demi-mot d'une forme de trafic d'influence ?
 
Oui, j'ai vu qu'il m'accusait d'horreurs absolues, je suis très choqué au fond par la manière dont c'est fait. Mon épouse a travaillé dans la société de gestion des dividendes de l'Oréal, une société française bien connue, elle aurait pu travailler dans une banque ou ailleurs, elle a un parcours professionnel extraordinairement clair, voilà. Et des gens comme ça se permettent de salir. Probablement, pour faire monter une sorte de mayonnaise politique, tout ça est scandaleux, tout cela est choquant, tout cela est insultant pour moi !
 
Et sur votre rôle à vous, ministre du Budget à l'époque de l'influence ?
 
Mon rôle à moi, il n'y a aucune confusion, aucune confusion d'aucune sorte entre ce que fait mon épouse et ce que je faisais comme ministre du Budget. J'entends dire que j'aurais couvert je ne sais quelle fraude fiscale. Est-ce que j'ai une tête à couvrir la fraude fiscale ! J'ai été le premier ministre du Budget à autant agir contre la fraude fiscale.
 
Est-ce que vous aviez connaissance du dossier fiscal de Mme Bettencourt ?
 
Bien sûr que non, évidemment que non ! C'est l'administration fiscale qui a connaissance des dossiers fiscaux, je ne suis jamais intervenu à un titre ou à un autre, de près ou de loin, dans les affaires fiscales de Mme Bettencourt. D'ailleurs, je me serais bien interdit totalement, compte tenu de la position de ma femme, Florence, qui, elle, était salariée, et qui gérait comme elle a toujours fait, gérait des fonds précis issus des dividendes de la société l'Oréal, rien d'autre, rien de plus !
 
Et est-ce que vous saviez que l'Elysée suivait d'aussi près le conflit interne à la famille Bettencourt ?
 
Non, je ne connais pas le conflit, c'est un conflit entre une mère et une fille qui défraye la chronique depuis maintenant quelques années, avec... Je n'ai rien à voir, ni ma femme, dans ce conflit. Ce procès fait beaucoup de "buzz" comme on dit, de bruit, de vent. Je regrette que mon nom y soit associé dans le cas d'écoutes sauvages. Nous sommes absolument clairs et transparents dans cette affaire. Je vois que certains, pas tous d'ailleurs, je vois des personnes qui réagissent d'une façon élégante, qui nous connaissent, en fait, simplement ma femme et moi. On est honnêtes, on est transparents. Et puis d'autres qui essaient d'en faire une affaire politique...
 
E. Joly par exemple demande votre démission, mais pour contradiction d'intérêts.
 
Oui, enfin... Et plus grave que ça d'ailleurs, elle reprend les mêmes propos que ceux de M. Montebourg, donc c'est scandaleux aussi.
 
Vous ne démissionnerez pas ?
 
Mais pourquoi voulez-vous que je démissionne ! Non, ça ne m'a jamais effleuré.
 
Avez-vous facilité la cession d'un terrain détenu par l'Hôtel des monnaies, donc Bercy, à l'Institut pour construire un auditorium baptisé "André Bettencourt" ?
 
Non, non, j'ai fait en sorte comme ministre du Budget et donc comme responsable de la politique immobilière de l'Etat de faire en sorte que cette vieille histoire qui date de la Révolution française puisse être réglée. Je connais bien l'Institut de France, je suis maire de Chantilly, et l'Institut est propriétaire de l'ensemble du domaine de Chantilly. Il y avait une décision précédente, qui datait d'il y a trois ou quatre ans, qui n'avait jamais été mise en oeuvre par l'Etat, je l'ai fait appliquer, ça a fait l'objet d'une loi d'ailleurs. Vous parlez d'un sujet secret ! Ca a fait l'objet d'une loi et l'Institut est redevenu propriétaire d'une parcelle de terrain qui était sa parcelle de terrain depuis bien longtemps.
 
Et pour conclure, est-ce que votre épouse, elle, va démissionner de la société Clymène ?
 
Elle va en partir, ça fait longtemps qu'elle souhaite en partir. Elle a des problèmes relationnels avec son patron, donc les choses vont se... elle va en partir. Evidemment, qu'elle va en partir, mais elle n'en part pas parce qu'elle est concernée à un titre ou un autre par ce qui est dit. J'en ai assez des gens qui passent leur temps, qui font profession de salir les gens ! La société française ne peut pas fonctionner comme ça !
 
La réforme des retraites maintenant. S'il y a 1 million de Français dans la rue jeudi, comme l'ambitionnent les syndicats, est-ce que vous retirerez votre projet de réforme pour tout remettre à plat ?
 
Pas du tout, bien sûr que non ! Le projet de réforme c'est l'intérêt général. Quand j'entends dire ici ou là que notre projet est injuste, mais quels sont les contre-projets ? Les contre-projets sont encore plus injustes. Le projet du PS c'est le matraquage fiscal de tous. Le projet du PS, si ce n'est pas le matraquage fiscal, ce serait à ce moment-là la réduction des pensions de retraites des retraités, ce serait absolument... c'est mille fois plus injuste que ce que nous faisons. Ce que nous faisons, c'est arrêter un âge légal qui va jusqu'à 62 ans en 2018 ; en 2018 on est à l'équilibre financier des régimes de retraites, c'est-à-dire, qu'on les a garanties, et en même temps on prend en compte tous ceux qui ont travaillé très tôt, ils continueront à partir à 60 ans ou ceux qui ont vécu des carrières pénibles et dont on peut prouver qu'ils ont des carrières pénibles. Si vous ne pouvez pas le prouver, ce serait terriblement injuste aussi, non ?
 
Vous êtes prêt à rectifier cette notion de pénibilité, vous souhaitez un carnet de santé du travail. Vous allez remettre à plat, c'est ça ?
 
Oui, le président de la République m'a demandé de continuer à travailler jusqu'au mois de septembre, donc je reste très ouvert. Enfin, tous ceux qui souhaitent encore continuer à discuter, on ira jusqu'au bout des discussions là-dessus, si on peut améliorer la retraite pour "pénibilité" entre guillemets, il faut le faire. Mais il ne faut pas rentrer dans une usine à gaz, c'est-à-dire, de considérer que tout métier est à un moment donné pénible, et à ce moment-là, vous donne des droits à la retraite. Parce qu'il y a des gens qui payent votre retraite, et ce sont les actifs, et notamment les jeunes actifs, et vous ne pouvez pas mettre sur leur dos des charges que vous n'avez pas osé mettre sur vous-même. Donc, c'est vraiment un problème de responsabilité. Je le dis à celles et ceux qui le 24 ont décidé d'aller manifester, c'est normal, je n'ai rien... je n'ai pas de problème là-dessus. Mais, faites bien attention, mesurez bien ce qui relève des intérêts catégoriels, des uns et des autres. Et puis de l'autre, l'intérêt général, les intérêts des retraités.
 
Faites un référendum pour cette réforme !
 
Non, non, parce que ce n'est pas une affaire de référendum, c'est une affaire de décision du Gouvernement. Un Gouvernement, ça prend des décisions, même si ces décisions sont difficiles à prendre. Le chef de l'Etat est un homme d'Etat. Il a décidé que nous devions reprendre le système des retraites parce qu'il n'était plus financé, parce que la crise l'avait accéléré ses besoins de financement. Un système qui n'est pas financé est un système qui n'est pas garanti. Ce sont des retraites qui ne sont pas garanties pour les Français. Tous les pays du monde ont changé, ceux de droite ou de droite, leur système de retraite. Pourquoi les Français ne devraient pas l'accepter à partir du moment où on a un système juste et généreux comme nous avons un système juste et généreux pour les femmes, pour ceux qui ont commencé tôt ou pour ceux qui ont souffert de leur travail dans leurs propres conditions physiques ?
 
Ponctionnerez-vous le fonds de réserve des retraites - il y a 34 milliards d'euros à prendre - à 100 % ?
 
Mais ce n'est pas comme cela qu'il faut poser la question, pardonnez-moi, je ne fais pas les questions et les réponses mais le fonds de réserve des retraites est un fonds qui a été créé par le gouvernement socialiste, c'est la seule chose qu'ils aient fait en matière de retraite, pour venir financer les déficits à venir, c'est-à-dire à venir dans 20 ans. Il a été créé une dizaine d'années.
 
Et vous l'utilisez tout de suite ?
 
Ben oui, évidemment qu'il va falloir l'utiliser tout de suite, parce que les déficits ils ont 20 ans d'avance. Donc c'est logique ; on l'utilise pour les retraites, on l'utilise pour un besoin de financement entre 2011 et 2018 ; on l'utilise progressivement. Il a été fait pour cela. Et si nous ne faisons pas cela, nous utilisons de la dette pour financer les retraites entre 2011 et 2018, ce qui ne serait pas de bonne gestion et qui serait mettre sur le dos de nos enfants une dette supplémentaire.
 
Craignez vous que D. de Villepin fasse battre N. Sarkozy en 2012 ?
 
Non, moi je n'ai pas ce type de crainte. Je pense qu'on est dans une logique politique puisqu'il crée un parti politique. Il souhaite réfléchir à l'avenir du pays. Eh bien qu'il réfléchisse et qu'il amène ses propres idées à la majorité présidentielle.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 juin 2010