Texte intégral
Bonjour.
Ministre des Affaires sociales, du Travail, ministre au coeur de la polémique, je ne vais pas vous faire... vous connaissez le tableau par coeur. Vous avez entendu la gauche, hier, se déchaîner contre vous, le Premier ministre vous défendre. La gauche vous soupçonne d'avoir eu connaissance d'une fraude fiscale qui est maintenant avérée, puisque L. Bettencourt l'a reconnue - c'est la plus grosse fortune de France - et d'avoir, d'une certaine manière, protégé ses auteurs. Ça, c'est le soupçon. Madame Bettencourt employait par ailleurs votre femme à son service. Elle dit ce matin, votre épouse Florence, dans Le Parisien, qu'elle aurait « démissionné de toute manière ». Donc, elle confirme sa démission. Ça veut dire que ce n'est pas vous qui lui avez demandé ?
Non, je ne lui ai rien demandé ! Ma femme, elle mène sa carrière, je l'ai déjà expliqué, depuis toujours, donc elle a choisi, c'est son contrat de travail. Elle est salariée d'une structure qui est une structure de gestion des dividendes de L'Oréal, donc c'est très précis, ce n'est pas la fortune dans son ensemble de Madame Bettencourt. Donc, elle a... voilà, elle a fait son choix, et je le respecte parfaitement.
Elle a fait son choix parce qu'elle vous a vu dans la tourmente ?
Je ne sais pas, il faut... elle a déjà répondu à cela.
Attendez ! En plus c'est vous qui l'annoncez directement depuis le ministère !
Oui, mais elle allait en partir puisque dans ces fameuses bandes, son patron indique qu'il veut la licencier, donc voilà. Elle a des conflits internes avec son patron, donc elle allait en partir.
Ce qui me frappe, E. Woerth, c'est que vous n'ayez pas vu venir le coup, très franchement.
Mais parce que nul ne peut présumer...
...après, on va rentrer dans le fond du dossier.
Nul ne peut présumer que quelqu'un fraude, nul ne peut présumer cela. Pourquoi voulez-vous qu'on présume cela ? Ce n'est pas des personnes inconnues ; Monsieur Bettencourt était ministre du Général de Gaulle, Madame Bettencourt a hérité de son père, qui a créé la société L'Oréal, la société L'Oréal emploie des dizaines de milliers de gens, fait de la publicité partout, est une société extrêmement reconnue, donc c'est très clair.
Elle ne fait pas partie des gens dont vous considériez qu'il y avait un soupçon légitime de...
...non, bien sûr que non ! Heureusement !
Non !
Enfin, vous vous rendez compte !
... (Elle) n'était pas sur la liste des 3 000, par exemple ?
Enfin, je ne veux pas... ça, c'est le secret fiscal, donc je me suis suffisamment avancé...
... vous ne me dites pas qu'ils n'étaient pas sur la liste des 3 000.
Je ne peux pas parler de cette liste en disant untel y est, untel n'y est pas. Il y a un secret fiscal, je le répète, mais plus de 1 000 contrôles fiscaux ont été lancés à ma demande sur cette liste. Je suis l'ennemi public n° 1 pendant plusieurs années en Suisse.
J'ai compris ! Est-ce que dans ces trois ans, E. Woerth, vous avez lancé un contrôle fiscal à l'encontre de la famille Bettencourt ou de l'entreprise Bettencourt d'une manière générale ?
Le ministre du Budget, F. Baroin, moi, les ministres qui ont précédé, J.-F. Copé, etc., nous ne lançons pas de contrôles fiscaux.
Alors, est-ce qu'il y a eu un contrôle fiscal contre Madame Bettencourt ?
Je ne sais pas.
Vous ne savez pas ?
Franchement, je ne sais pas. Mais attendez, il y en a 50 000 par an des contrôles fiscaux.
Mais c'est Madame Bettencourt, première fortune de France.
Mais attendez...
... ce n'est pas anodin !
Comment fonctionne l'administration fiscale ? Il y a une direction du contrôle fiscal qui décide des contrôles fiscaux, qui mène ces contrôles fiscaux jusqu'au bout, c'est comme ça que ça marche. Ce n'est pas une République où le ministre dit : « Tiens, tu vas aller contrôler Machin, ou là il ne faut pas contrôler ». Ca ne marche pas comme ça du tout.
Donc, vous ne savez pas si Madame Bettencourt a été contrôlée pendant vos années de ministre du Budget et des Comptes publics ?
Mais, Madame Bettencourt est contrôlée comme toutes les fortunes tous les ans, elle est contrôlée absolument tous les ans.
Et on n'a rien vu ! Mais, votre femme d'ailleurs dit ce matin : « c'est une organisation extraordinairement opaque et cloisonnée ».
Non mais, qu'on revienne sur le contrôle.
C'est-à-dire qu'il y a des machines de guerre à évasion fiscale, en gros.
Qu'on revienne sur le contrôle fiscal. Le contrôle fiscal, c'est une administration performante. Moi, je n'ai jamais donné, c'est au fond ça la question, je n'ai jamais donné une instruction, je n'ai jamais bougé une oreille ou un petit doigt concernant Madame Bettencourt ou la société dont elle est propriétaire, c'est-à-dire L'Oréal, ou toute autre société proche de Madame Bettencourt ou de L'Oréal. Il n'y a jamais eu...
...en tout cas, Monsieur Maistre ne s'en est pas plaint auprès de vous ou auprès de votre épouse.
Il n'y a jamais eu une intervention de ma part dans le dossier fiscal lié à Madame Bettencourt.
Voilà, ça c'est dit !
Et d'ailleurs, ce n'était pas possible puisque à ce moment-là il y aurait eu évidemment conflit d'intérêt. Il n'y a pas conflit d'intérêts parce qu'il n'y a jamais eu d'intervention de cette nature. Je vous demande juste de le croire, voilà.
Vous entendez ce qui se dit en ce moment, ceux qui entendent...
... et d'ailleurs, c'est facile à vérifier, il suffit de le demander à l'administration fiscale.
Mais on va ouvrir les dossiers fiscaux pour permettre de le vérifier ?
Hier, le Premier ministre... vous pensez que le Premier ministre il dit ça sans avoir vérifié un peu ? Le Premier ministre a indiqué qu'il n'y a jamais eu d'intervention de ma part. Mais évidemment qu'il n'y a jamais eu intervention de ma part. J'ai une déontologie, enfin je suis quelqu'un d'intègre.
Vous entendez quand même cette petite idée : le ministre du fisc, sa femme travaille pour un milliardaire et il ne se pose pas la question de savoir si ça pose un problème.
C'est des rapprochements ignobles, voilà. Je ne peux pas admettre ce type de rapprochement. Ma femme est une professionnelle, elle travaille dans ce domaine-là depuis vingt-cinq ans, elle n'a pas changé de métier, elle le faisait pour des banques, elle le faisait pour des banques, elle a travaillé dans des banques tout à fait prestigieuses, voilà. Elle le fait dans le cadre d'une structure précise de gestion de flux financiers clairs et nets. Ce n'est pas des flux financiers qui arrivent de n'importe où, dans n'importe quelles conditions, dont on ne sait pas...Ce n'est pas ça du tout, donc voilà.
Quand on vous dit qu'on retrouve 80 millions d'euros en Suisse.
Mais, ça, c'est des affaires personnelles de Madame Bettencourt.
J'entends, d'accord.
Ca n'a rien à voir avec la gestion dans laquelle...
...mais vous ne vous êtes jamais dit, vous : « Il faut que je sois prudent parce que dans le contexte actuel, ça peut sauter à la figure » ? Ca ne vous est pas venu à l'esprit ?
Mais non, je n'ai aucune raison de présumer qu'un compte... que le premier contribuable de France... je n'ai aucune raison de présumer cela. J'ai suffisamment informé, menacé, les contribuables français disposant de comptes à l'étranger, on a suffisamment dit que tout cela, qu'il y avait beaucoup de sommes d'argent qui étaient placées à l'étranger, en Suisse ou par ailleurs, on l'a suffisamment dit. On a récupéré un milliard d'euros en quatre mois de fiscalité, et on a récupéré quatre à cinq milliards d'avoirs étrangers. Qu'il y en ait beaucoup, là ou ailleurs, c'est certain qu'il faut continuer cette politique. Je l'ai lancée, je l'assume.
J'ai une dernière question sur ce dossier-là. F. Fillon, hier, a fait allusion à « l'honneur d'un homme jeté aux chiens », c'est une phrase célèbre de F. Mitterrand après la mort de P. Bérégovoy. C'était une menace vis-à-vis de la gauche, en leur disant « attention », parce qu'on sait, il a été écrit dans un livre, par exemple, que P. Bérégovoy avait négocié avec les Bettencourt des rabais ? On va se jeter des affaires fiscales à la figure ?
Je n'ai pas connaissance de cela, mais tout ce que je sais c'est que je pense que ce que voulait dire le Premier ministre, moi-même j'ai repris cette phrase d'ailleurs dans la conclusion que j'ai faite lorsque j'ai répondu, parce que ça donne le sentiment d'un déferlement... Quand Monsieur Montebourg ou Madame Joly disent des choses absolument épouvantables, invérifiées, fausses, tronquées, met en cause mon épouse comme si je mettais en cause la leur (sic), ou le mari. Enfin, je veux dire, c'est vraiment tout à fait ignoble. Et ce que disait F. Fillon c'était cela, et je lui suis très redevable d'ailleurs de... voilà, j'ai trouvé qu'il avait parlé avec émotion.
Mais on ne sort pas les dossiers.
Mais quels dossiers ?
Je ne sais pas, les dossiers qui sont dans les placards de l'administration fiscale, ce qu'a fait la gauche avant. C'est bon ! On n'aura pas le grand déballage dans cette affaire-là, il suffira du déballage de l'Equipe de France.
Oui, celui-là est déjà important ! Enfin, je ne sais pas. Le contrôle fiscal c'est une administration extraordinairement organisée, et heureusement, en France, et qui n'est pas sous la tutelle politique. Le politique ne décide pas du contrôle fiscal.
1,30 mn, pardon. Il y a une grosse manifestation en vue demain contre votre réforme des retraites. Si c'était pour la sauver, vous démissionneriez ?
Si c'était pour sauver quoi ?
La réforme des retraites.
Non mais, pourquoi voulez-vous que je démissionne tous les jours ? Là, ça fait... déjà, ça fait tous les jours où on dit « il faut qu'il démissionne ». A un moment donné, il faudrait... voilà. Non, je...
... donc, non !
La réforme des retraites est une réforme, enfin, indispensable. D'ailleurs, tout le monde en convient, même ceux qui vont défiler demain. Je pense qu'ils défilent parce qu'ils sont inquiets, ils défilent aussi parce que les syndicats défilent. Moi, je voudrais savoir en face de la réforme que l'on propose, qui est une réforme fondamentalement juste et efficace, il faut l'efficacité sinon les systèmes de retraite ne sont pas garantis, je voudrais savoir ce qu'on met en face. En face, il n'y a pas de proposition alternative. C'est très important, au fond, de dire cela.
Ça veut dire, si je vous suis, que c'est une mobilisation pour du beurre demain ?
Mais ça, il faut le demander aux syndicats.
Non, je vous le demande à vous. Ca peut changer quelque chose à ce que vous avez construit ?
Mais pour moi, toute mobilisation est importante, il y a juste un petit sujet qui est celui qu'il faut bien réformer les retraites. Et quand on parle de retraite, on parle d'âge, évidemment. Et quand on parle d'âge, on parle aussi du fait que l'allongement de votre vie est très important sur toutes ces dernières années, qu'il faut bien en tenir compte.
Qu'il n'y a pas une virgule à retirer dans votre texte.
Mais, il y a à travailler, il y a à négocier, il y a encore à concerter. Le président de la République m'a demandé de travailler jusqu'au mois de septembre, c'est-à-dire jusqu'au début du texte, sur la pénibilité. Est-ce qu'on peut encore améliorer le dispositif que j'ai prévu ?
Ca, vous y êtes prêt.
Oui, je suis prêt à travailler là-dessus de façon encore plus approfondie, et travailler sur les carrières longues, c'est-à-dire tous ceux qui ont commencé à travailler jeunes. Et puis, les polypensionnés, c'est-à-dire les personnes qui ont cotisé à plusieurs caisses, et qui pour des raisons de calcul, au fond, sont parfois un peu lésés dans le calcul de leurs pensions.
Mais sur les 62 ans, on n'y touche pas, d'un mot ?
Bien sûr que non !
C'est non.
62 ans en 2018, c'est juste et c'est raisonnable.
Merci. Ca s'appelle des éléments de langage. Vous n'aimez pas qu'on vous dise ça.
Non ! Ce n'est pas des éléments de langage.
Mais si !
C'est mon langage, c'est ma réforme, c'est mes arguments. Enfin, écoutez...
Très bien, je vous les laisse.
J'espère !
Ce sont vos arguments, je les entends, et on les met évidemment en débat.
Ce n'est pas des éléments de langage, c'est des convictions. Une réforme c'est... enfin, je veux dire, il faut sauver le système par répartition. Je pourrais vous en parler pendant des heures, voilà.
Mais on n'a pas le temps, malheureusement.
J'essaie d'être le plus efficace possible et le plus pédagogue.
Merci d'avoir été notre invité ce matin, E. Woerth. Et bientôt, évidement, de revenir l'expliquer parce qu'il faudra régulièrement, vous en avez conscience, l'expliquer aux Français.
Il faut, il faut expliquer sur les réformes, sur les retraites.
C'était le ministre du Travail, des Affaires sociales, et le ministre des retraités aussi.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 juin 2010