Interview de M. Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à RMC le 22 juin 2010, sur sa politique menée contre l'évasion fiscale, l'affaire Bettencourt, ainsi que sur la réforme des retraites.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
 
 
J.-J. Bourdin.- Notre invité, ce matin, E. Woerth. E. Woerth, bonjour.
 
Bonjour.
 
E. Woerth, deux sujets évidemment dans l'actualité : l'affaire Bettencourt et les retraites. On va commencer avec l'affaire Bettencourt. Je vais vous poser des questions extrêmement précises. Première question : pourquoi F. Woerth, votre épouse, quitte-t-elle la société Clymène, chargée entre autres de gérer la fortune de L. Bettencourt ?
 
Elle va partir parce que la situation est évidemment intenable, et puis elle va partir. Cela fait déjà pas mal de temps qu'elle pensait en partir, donc elle va partir.
 
Elle essaie de partir depuis un moment ?
 
Elle va partir. Elle s'entend relativement mal avec son patron, donc elle va partir, bien sûr.
 
Le patron, P. de Maistre.
 
Mais c'est son choix, c'est sa décision.
 
C'est son choix ?
 
Je ne veux pas rentrer dans les détails de relations professionnelles, c'est son choix, elle va partir.
 
Enfin, dans les enregistrements entendus, P. De Maistre...
 
... il voulait la licencier, donc...
 
Il voulait la licencier...
 
Elle a sûrement plein de raisons, donc elle va partir et puis elle choisira...enfin, c'est à elle de le dire, c'est son contrat de travail, c'est sa décision à elle, c'est sa vie professionnelle. «
 
Elle n'est plus utile », dit P. de Maistre.
 
Mais elle n'a jamais été utile à ce que vous avez dans la tête en disant cela.
 
Je pose la question, E. Woerth !
 
La seule utilité qu'a mon épouse dans cette structure de gestion, c'est d'avoir correctement géré les dividendes qui arrivent de la société L'Oréal. C'est un holding, il faut bien comprendre ce que c'est. J'entends un peu tout et n'importe quoi. C'est un holding, ça veut dire que cette société a des titres de participation dans une grande société française qui s'appelle L'Oréal. Il y a un flux de dividendes qui arrive chaque année, qui représente le fait que Madame Bettencourt en est propriétaire, et Florence gère ces flux de dividendes en toute transparence et en toute légalité. Pour le reste, ce dont on parle, c'est-à-dire des comptes, etc., elle n'en a absolument jamais eu la moindre idée, ni la moindre connaissance, parce que c'est ailleurs, ce n'est pas dans ce type de holding.
 
Part-elle parce qu'il y a des soupçons de fraude fiscale ?
 
Mais elle ne peut pas rester, c'est à elle de le dire, mais elle ne peut pas rester évidemment dans cette structure, et d'ailleurs elle n'y restera pas. C'est son choix.
 
Y a-t-il à vos yeux des soupçons de fraude fiscale ?
 
Mais, moi, j'entends et je lis, je ne sais pas plus que vous.
 
Vous avez entendu les enregistrements, vous avez lu, E. Woerth ?
 
J'entends les enregistrements, et j'ai vu qu'il y avait un communiqué, hier, disant qu'il y aurait une régularisation. Donc, a priori, il y avait bien à un moment donné des comptes à l'extérieur de la France. Mon épouse n'a absolument rien, mais rien à se reprocher. Moi, évidemment, non plus ! Donc, la question n'est pas là. La question elle est dans la famille elle-même, Bettencourt. Ce n'était pas le métier de F. Woerth de s'occuper des fonds de la famille de Madame Bettencourt à titre privé. Elle s'occupe des dividendes de L'Oréal. Et d'ailleurs, s'il y a des comptes en banque à un moment donné, moi j'ai suffisamment fait pour faire en sorte de lutter- on a eu ce type de conversation, Monsieur Bourdin - pour lutter contre l'évasion fiscale.
 
Oui, bien sûr !
 
Je me suis suffisamment battu là-dessus pour ne pas être soupçonné un instant de quoi que ce soit.
 
Mais pouvait-elle, votre épouse, pouvait-elle soupçonner d'éventuelles évasions fiscales ?
 
Non, non, non, non !
 
Non ?
 
Non, non !
 
Vous n'en avez jamais parlé avec elle ?
 
Non ! Mais jamais !
 
Jamais à aucun moment, E. Woerth ?
 
Mais jamais, Monsieur Bourdin, les yeux dans les yeux...
 
Les yeux dans les yeux !
 
...Avec vous, comme avec un autre, jamais. Je n'ai rien à me reprocher, d'ailleurs, vraiment, et vraiment, et mon épouse n'a rien à se reprocher. Cette affaire est une réalité un procès entre une mère et une fille qui prend une ampleur tout à fait considérable.
 
Parce que c'est la première fortune de France, parce que c'est la première fortune d'Europe, pour une femme.
 
Parce que c'est la première fortune de France, mais parce que c'est aussi la première contribuable française.
 
Oui !
 
D'ailleurs, c'est aussi la propriétaire d'une des plus grandes entreprises françaises. Ce n'est pas quelque chose de mystérieux, c'est la société L'Oréal, c'est des dividendes qui sont gérés, voilà.
 
Mais, l'une des femmes les plus riches du monde qui tente d'échapper au fisc, d'une certaine manière, n'est-ce pas scandaleux ?
 
Mais bien sûr ! Evidemment !
 
C'est scandaleux à vos yeux !
 
Mais bien sûr ! Mais comment voulez-vous que je puisse le présumer ? Personne ne peut le présumer, évidemment, bien sûr. Toute ma vie c'est un combat contre ce type de choses. Nous ne pouvons pas présumer, et mon épouse ne peut pas présumer qu'à un moment donné, mon épouse...
 
...P. de Maistre qui dit dans les enregistrements « tous ces comptes en Suisse... vos comptes en Suisse, il faut absolument les rapatrier et trouver une solution parce que aujourd'hui le fisc nous propose de rapatrier l'argent », enfin bon, etc. Vous avez entendu les enregistrements.
 
Nous ne sommes pas informés, évidemment, de cela. Je ne suis pas informé de cela, ça me semble aller dans le sens, évidemment. Et mon épouse non plus. Ce n'est pas son métier, ce n'est pas dans son périmètre d'action, ce n'est pas le périmètre de la société. Cette société elle gère les dividendes, je vous l'ai déjà dit, mais j'essaie d'expliquer parce que c'est compliqué d'expliquer.
 
Oui, mais il faut expliquer, oui.
 
C'est un holding, elle gère des dividendes. Si quelqu'un a des comptes par ailleurs personnels, elle ne peut pas le savoir, ce n'est pas dans le champ d'investigation de cette société. Ces comptes, s'ils existent, ils ont peut-être été ouverts il y a vingt ans, il y a trente ans, il y a quarante ans. Le mari de Madame Bettencourt a été ministre, il a été ministre du Général de Gaulle, il a été ministre de G. Pompidou, il a été membre de l'Institut. C'est une famille connue, c'est une entreprise connue, c'est L'Oréal, tout ça est très transparent. Et puis, il y a peut-être à un moment donné quelqu'un qui a décidé, mais peut-être son père à elle, je ne sais pas, Florence ne peut pas savoir cela. Elle ne peut pas. Je sais que c'est difficile à comprendre, mais elle ne peut pas savoir ça, elle ne peut pas avoir même un soupçon...
 
... même en participant à la gestion de la fortune de L. Bettencourt.
 
Mais elle ne gère pas la fortune, elle gère les dividendes.
 
Les dividendes, oui, les dividendes.
 
Elle gère un flux financier à un moment donné.
 
Alors, j'ai une autre question, E. Woerth...
 
... ce qu'elle a fait d'ailleurs dans les banques par ailleurs pour d'autres types de clients, et ce qu'elle a fait dans des chambres d'agents de change.
 
Est-ce que le nom de L. Bettencourt apparaît sur la liste des Français possesseurs de comptes en Suisse, fameuse liste dont on a parlé ensemble il y a quelques mois, E. Woerth ?
 
Cette liste, moi j'ai été à la tête du combat contre l'évasion fiscale.
 
Mais je sais, c'est pour ça que je vous pose la question.
 
Donc, franchement, c'est un combat que j'ai mené avec énormément de sincérité et beaucoup de... j'ai pris énormément de coups, on m'a beaucoup attaqué sur cette liste en me disant : « vous l'avez volée », etc.
 
Elle n'a pas été volée d'ailleurs cette liste.
 
J'ai eu des discussions absolument...
 
Elle n'a jamais été volée !
 
Et je remarque d'ailleurs qu'on parle...
 
... vous n'avez jamais rien payé pour l'avoir, l'obtenir, cette liste.
 
Nous n'avons jamais rien payé non plus. C'est une liste qui a permis, au fond, de commencer à rapatrier d'ailleurs un milliard d'euros de fiscalité en France, et à rapatrier quatre ou cinq milliards d'euros d'avoirs en France. Donc, moi, je suis fier de cette action sur quatre mois, et F. Baroin poursuit cette action. Le nom de L. Bettencourt, je n'ai pas à dire ce qu'il y a sur cette liste, mais cette liste elle a été vue par la Commission...
 
... est-ce que le nom y figure ?
 
...je ne rentre pas là-dedans parce que je ne peux pas...
 
...mais vous savez ou pas ? Vous l'avez lue, vous l'avez eu en main cette liste.
 
Vous poserez la question à la Commission des finances, vous poserez la question au président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale.
 
Oui, qui l'a eue en main.
 
Posez la question au rapporteur général de la Commission des finances.
 
Monsieur Carrez, oui.
 
Posez la question à l'ancien président de la Commission des Finances, Monsieur Migaud, qui est maintenant président de la Chambre des Comptes, de la Cour Des Comptes, pardon. Ils pourront éventuellement vous répondre. Je n'ai pas à dévoiler tel ou tel point. Mais il n'y a aucune tentative de couverture de je ne sais qui, de je ne sais quoi. On fait beaucoup d'amalgames, il y a comme ça une sorte d'ère de la calomnie qui se fait.
 
Mais, ce n'est pas de la calomnie !
 
Non mais, d'amalgames. Il n'y a pas d'amalgame comme cela.
 
On découvre tout à coup que la femme la plus riche de France cache de l'argent en Suisse ou ailleurs, à Singapour ou ailleurs, E. Woerth.
 
Mais, malheureusement, il y a beaucoup de gens qui cachent. Vous savez, J.-J. Bourdin, il y a beaucoup de gens qui cachent de l'argent en Suisse ou ailleurs dans d'autres paradis fiscaux. C'est bien le sens du combat que j'ai mené pendant tous ces derniers mois. Et c'est bien ce qu'on disait, quand on disait il y a beaucoup d'avoirs à l'étranger, ces avoirs parfois, et j'ai bien regardé d'ailleurs, ces avoirs parfois ils datent d'il y a vingt ans, trente ans, quarante ans, c'est des affaires de famille, c'est tout cela. Tout cela est très secret. C'est bien cela qu'on a essayé de briser au travers de notre combat.
 
Enfin, ce n'est pas rien en Suisse, c'est 80 millions d'euros, apparemment, d'après ce que dit P. de Maistre.
 
Mais, c'est Madame Bettencourt comme bien d'autres ! Comme bien d'autres ! Il y a beaucoup de Français qui ont des avoirs et la politique de l'Etat aujourd'hui est de faire en sorte qu'on puisse les rapatrier. Et je suis à l'origine de cette politique-là. Ma femme et moi n'avons absolument rien. Chacun est dans son univers professionnel, elle dans son univers professionnel, et moi dans mon univers professionnel public, nous n'avons rien à nous reprocher.
 
Bien, F. Woerth va quitter cette société avant le 1er juillet, si j'ai bien compris.
 
Elle quittera cette société, bien sûr.
 
Avant le 1er juillet ?
 
C'est à elle de donner la date, c'est son contrat de travail, c'est sa vie professionnelle, moi je n'en suis pas le porte-parole.
 
Est-ce qu'elle a porté plainte contre A. Montebourg ?
 
Elle a porté plainte contre A. Montebourg.
 
C'est fait ?
 
Je ne sais pas, ça s'est fait hier ou aujourd'hui, enfin ça se fait, bien sûr, comme elle portera plainte contre E. Joly.
 
Oui, contre E. Joly aussi ?
 
Bien sûr, parce que c'est des propos inacceptables. C'est des propos inacceptables. C'est vraiment des professionnels de la calomnie. C'est des propos inacceptables de dire que... voilà, enfin je ne vais pas rependre ces propos d'ailleurs parce que ça leur donnerait beaucoup de publicité, mais c'est inacceptable. C'est inacceptable de tomber, de salir les gens comme ça, de faire tous les rapprochements. On entend tout et n'importe quoi. Je suis...enfin, je suis profondément honnête et mon épouse aussi.
 
Mais n'est-ce pas la vie politique, non, E. Woerth ?
 
Non, je ne crois pas, non, non !
 
Non ?
 
J'ai une autre option de la vie politique, non, je ne crois pas, non. Ah non, il y a plein de gens bien dans la vie politique, heureusement, et puis il y a des gens moins bien, comme dans toutes les professions.
 
Lorsque P. de Maistre, le gestionnaire de la fortune de L. Bettencourt, parle de chèques à l'attention de V. Pécresse, 7 500 euros maximum, ça c'est pour la campagne de V. Pécresse, et de chèques à l'attention d'E. Woerth et de N. Sarkozy...
 
Je pense que c'est un résumé, c'est des chèques à des partis politiques...
 
... vous avez touché un chèque, je ne sais ?
 
... c'est des chèques à la vie politique.
 
Vous, en tant que trésorier de l'UMP.
 
C'est des chèques à la vie politique, c'est de chèques à des partis politiques. Le parti politique, il peut encaisser, heureusement, les gens sont citoyens, ils ont le droit...
 
...mais, vous êtes « moins utile », maintenant !
 
Les gens ont le droit de verser des aides financières, selon la loi, aux partis politiques. Le plafond est de 7 500 euros, ces 7 500 euros ils sont déclarés, ils sont par chèques, ils sont contrôlés par la Commission nationale des comptes de campagne. Madame Bettencourt est engagée dans la vie politique depuis longtemps, j'ai indiqué que son mari d'ailleurs était ministre, il a été député. Donc, elle aide celles qu'elle a bien envie d'aider dans les gens de la vie politique, comme aux partis...
 
Mais elle ne vous connaît pas Madame Bettencourt ?
 
Non !
 
Mais elle dit, « mais E. Woerth, qui est E. Woerth ? ».
 
Mais non, elle ne me connaît pas, et je ne la connais pas, et d'ailleurs elle ne connaît quasiment pas ma femme non plus, pour tout vous dire.
 
D'ailleurs, vous n'êtes « plus utile », dit P. de Maistre.
 
Mais je n'ai eu... enfin, c'est insultant !
 
Oui, c'est cela ou je ne comprends pas très bien.
 
C'est insultant !
 
De sa part ! Pourquoi est-ce que vous ne portez plainte contre lui ?
 
Mais parce que... enfin, écoutez...
 
Pourquoi ?
 
C'est insultant, et ça c'est insupportable pour moi. J'ai une vision, haute vision de ce que je fais.
 
Mais alors, il vous insulte, là, P. de Maistre lorsqu'il insinue...
 
Je ne rentre pas là-dedans. C'est insultant qu'on puisse penser cela. Je voudrais savoir si pendant trois ans au ministère du Budget, à un moment donné, à un moment donné, on a pu faciliter quoi que ce soit dans le domaine fiscal pour Madame Bettencourt ? La réponse est non. Demandez à l'administration fiscale, demandez à Monsieur Baroin qui est aujourd'hui ministre du Budget, il n'y a pas eu un dossier, il n'y a pas eu une virgule concernant Madame Bettencourt, évidemment.
 
Alors, j'ai une dernière question sur le sujet : enquête fiscale ou pas ? Est-ce qu'on peut, on doit ouvrir une enquête fiscale autour des biens de Madame Bettencourt ?
 
Mais c'est au fisc de le...
 
... mais qu'en pensez-vous ?
 
C'est au fisc de le faire, je n'ai pas à donner d'instruction au fisc.
 
Bon !
 
C'est au fisc de le faire. Mais croyez-moi, le fisc...
 
... c'est au ministre du Budget d'aujourd'hui de décider.
 
Mais bien sûr ! Mais c'est pas le ministre du Budget qui décide des contrôles fiscaux, Monsieur Bourdin, je l'ai déjà expliqué à votre antenne, on est dans une République moderne, le ministre du Budget il dit pas il faut aller contrôler untel. L'administration fiscale est une grande fille, avec de grandes oreilles, elle sait très bien ce qu'elle doit faire.
 
Merci E. Woerth pour cette première partie.
 
[Deuxième partie, à 8h48]
 
E. Woerth est notre invité, ce matin. Nous allons parler des retraites, de la réforme des retraites. Vous portez cette réforme des retraites, il y a un point sur lequel il y a discussion et N. Sarkozy lui-même dit : on peut modifier le texte de la réforme. Il s'agit de la pénibilité. Alors sur quel point... Je rappelle ce que dit la réforme : on pourra partir à 60 ans, avec une incapacité d'au moins 20 % ayant donné droit à une rente pour maladie professionnelle ou accident du travail. Vous pouvez revenir sur ce point précis ?
 
C'est exactement cela, si vous avez 20 % d'incapacité, donc ça veut dire qu'un médecin, les médecins de la Sécurité sociale ont constaté que vous aviez un problème physique lié à votre travail, alors vous pouvez partir à la retraite à 60 ans. Vous conservez la retraite à 60 ans, et vous pouvez partir aussi à taux plein, même si vous n'avez pas tous vos trimestres. Donc c'est une nouveauté sociale, très importante, je le redis parce que j'entends de temps en temps l'opposition dire : mais ce n'est rien du tout, c'est très important. C'est une nouveauté, ça n'existe pas dans d'autres pays, c'est d'ailleurs tout à fait justice que de faire cela, nous a-t-il semblé. Le président de la République m'a dit qu'il souhaitait que je continue à travailler sur ces dispositifs de pénibilité pour savoir si on pouvait aller un peu plus loin, si on pouvait...
 
Mais comment peut-on aller un peu plus loin ?
 
La question elle est... au fond, c'est très compliqué, il ne faut pas faire d'usine à gaz, aucun pays d'ailleurs n'est rentré là-dedans. Donc la France doit rentrer dans cela avec beaucoup de précautions, nous le faisons concrètement dans le texte. Si on veut aller plus loin, il faut réfléchir à deux choses : la première c'est pour le futur ; est-ce qu'on peut dire que monsieur Bourdin ou monsieur Woerth, ils ont été exposés à des facteurs de pénibilité importants durant leur travail, il y a 10 ans, ou il y a 15 ans ? Est-ce qu'on peut tracer cela ? Et est-ce qu'on peut faire un lien entre l'exposition à ces facteurs, par exemple vous avez porter des charges très lourdes pendant 10 ans et est-ce que ça a un lien, vous êtes en plein forme, mais est-ce qu'à un moment on sait que ça déclenchera presque automatiquement à un moment donné, une maladie ou une infection physique ? Ca ce n'est pas la réponse des partenaires sociaux et de n'est pas la réponse du Gouvernement. C'est la réponse des médecins. Donc si vous nous voulons aller plus loin à un moment donné, il faut réfléchir autour de cette idée-là : est-ce qu'on peut tracer les carrières des gens ? Donc ça veut dire réformer la médecine du travail, tracer, ça veut dire, bien enregistrer la pénibilité, enregistrer l'exposition à des facteurs de risques, et après de faire un lien avec la retraite.
 
On va prendre un exemple. Par exemple, quelqu'un qui a travaillé 40 ans ou 41, qui va pouvoir toucher sa retraite pleine, après 41 ans de cotisations, on retrace ça carrière, et on s'aperçoit qu'il a été exposé à des risques majeurs durant sa carrière. Mais rien n'a été déclenché, pour l'instant, il n'est pas malade.
 
Il faut à ce moment-là...
 
Il peut partir à 60 ans ?
 
Dans ce cas-là - mais c'est vraiment à l'état de réflexion, je ne sais pas si on pourra le faire, parce que c'est très compliqué - mais dans ce cas-là, si on va plus loin, ça veut dire que si vous avez été exposé à ces risques-là, dans 80 chances sur 100, au fond, ça déclenche à un moment donné une infection physique. Donc à ce moment-là, il n'y a plus une réflexion individuelle, mais vous pouvez vous baser sur des données scientifiques qui peuvent rendre un sujet plus collectif.
 
Donc, il peut y avoir un volet collectif, si je puis dire, dans l'appréciation...
 
Je ne dis pas que ce sera le cas, je dis que dans la réflexion qui doit être la mienne, puisque le président l'a souhaitée, on doit réfléchir autour de ça. La traçabilité d'une carrière, donc on réformera d'ailleurs les médecines du travail, c'est très important...
 
C'est-à-dire comment ?
 
Vous savez, dans les grands services de médecine du travail, aujourd'hui, je suis allé voir, vous savez que monsieur Untel, il a été du mois de mai au mois d'avril, exposé à telle ou telle substance, qu'il a inhalé telle ou telle chose. Mais bon ! Il y a un deuxième sujet, donc ça c'est vraiment un travail qu'on doit mener, qui peut prendre plusieurs années, c'est un travail colossal, qui fait le lien entre un facteur d'exposition au fond, et une maladie professionnelle. Ca, ça n'existe pas. Le deuxième sujet, c'est qu'au fond, ça doit surtout jouer, ça doit jouer sur la retraite, mais ça doit surtout jouer sur les conditions de travail. C'est que la meilleure des pénibilités, c'est celle qu'on évacue, c'est celle qui pendant les conditions de travail, au fond...
 
Améliorer les conditions de travail.
 
Mais oui, c'est majeur. Parce que ce serait une drôle d'idée d'attendre 20 ans ou 30 ans, que vous preniez votre retraite en se disant, il va être malade, ce serait quand même... enfin, je veux dire, c'est inhumain totalement. La vraie question, elle est : changer les conditions de travail, pour que vous arriviez en retraite, évidemment, en pleine forme et que vous ne développiez pas même après votre retraite une infection.
 
Mais je voudrais quand même revenir, je prends l'exemple, de quelqu'un qui a été exposé à des produits cancérigènes toute sa carrière, qui a donc une espérance de vie réduite, pas de trace physique, donc un risque, mais un risque plus important, de tomber malade, 2 ans, 3 ans après la retraite ?
 
Mais personne ne le sait au fond. Aujourd'hui, personne ne le sait, parce que personne ne peut retracer les carrières des gens. Il y a beaucoup de cancers qui n'ont rien à voir, heureusement, enfin heureusement - il y a beaucoup de cancer, tout le monde a malheureusement autour de soi, des personnes qui ont un cancer - qui n'ont pas de lien avec des substances.
 
Mais je pense à quelqu'un qui a été face à l'amiante par exemple ?
 
Ce qui compte, le dispositif amiante est conservé, il est tout à fait particulier, mais dans le domaine par exemple, de l'exposition à des substances, il faut aussi savoir comment vous avez été exposé à des substances. Peut-être que dans vos conditions de travail, vous étiez totalement protégé, peut-être que par ailleurs, dans une autre société, vous ne l'étiez pas. Et donc vous avez un certain nombre de risques de déclencher une infection. La volonté... la retraite, il faut être très, très juste. Il n'y a pas de raison de partir avant les autres, sauf s'il y a de bonnes raisons. Et les bonnes raisons, c'est partir plus tôt, parce qu'on a commencé plus tôt, donc c'est des gens qui ont commencé plus tôt, sont souvent d'ailleurs ceux qui ont un travail pénible, quand vous avez travaillé à 14 ans, 15 ans, 16 ans et maintenant 17 ans ; nous ouvrons cette possibilité à ceux qui ont commencé à 17 ans ou ceux qui ont été clairement exposés à des facteurs de pénibilité qui se traduisent physiquement. Voilà, où nous en sommes, ça c'est 100 000 personnes, sur 700 000, par an, départs à la retraite à partir de 2015. Donc c'est une mesure extrêmement juste. Maintenant, si on peut réfléchir, le Président nous a demandé de réfléchir à tout cela, encore d'ici le mois de septembre. On va évidemment, le faire avec les partenaires sociaux, on va continuer à dialoguer, on va continuer à concerter, pour bien regarder si on peut encore améliorer les choses. Quand j'entends parfois dire : ah ! Oui, mais s'ils peuvent améliorer leur texte et que leur texte est injuste, non ! C'est que ce texte, il est, je pense équilibré, il est raisonnable, il est juste, il est efficace. Et en même temps, s'il doit être amélioré sur des sujets comme ceux-là, qui sont des sujets le moins que l'on puisse dire extrêmement compliqués, alors on doit le faire.
 
Donc là, vous allez améliorer le texte, sur ce sujet de la pénibilité...
 
Nous allons essayer, tenter de le faire, nous verrons en septembre si nous pouvons le faire.
 
Tenter ?
 
Oui.
 
Donc il n'est pas certain que vous l'amélioriez ?
 
Non, le Président nous a demandé de mener une réflexion d'ici septembre, pour regarder si on pouvait améliorer le texte sur ces sujets-là. Mais le texte, il est déjà bon. C'est une amélioration.
 
Je vais vous remettre notre manifeste des retraites, vous savez, je vous en avais parlé, les propositions de Français, auditeurs et internautes de RMC. Il y a eu beaucoup, beaucoup de propositions, je vais en dégager 3, vous allez me répondre : alignement total du régime du public sur celui du privé ?
 
On va aligner, écoutez...
 
Ça, ça commence à être fait.
 
On va aligner les cotisations...
 
Oui, en 10 ans.
 
En 10 ans, vous savez dans le public, on a à peu près le même salaire, on a à peu près la même retraite, mais on ne paie pas sa retraite le même prix. C'est-à-dire qu'on a une cotisation inférieure, nous allons augmenter ces cotisations sur 10 ans, ça fait 0,27 point tous les ans. C'est juste, c'est normal, ce n'était pas explicable, et je crois que les fonctionnaires peuvent le comprendre.
 
Deuxième proposition des auditeurs de RMC : plafonnement général du montant des pensions ?
 
Les pensions, elles sont de toute façon à un moment donné, plafonnées. Ca dépend si on prend... De toute façon, elles sont plafonnées, elles sont plafonnées dans le régime de base et elles sont plafonnées aussi, à X plafond de la Sécurité sociale dans les régimes complémentaires.
 
Créer 1 heure hebdomadaire de travail non rémunérée ?
 
Je ne sais pas, il faut que je réfléchisse, je ne suis pas sûr que ce soit très, très populaire.
 
Un peu le même principe que la journée de solidarité.
 
C'est au fond de consacrer cette heure-là au financement des retraites. Mais c'est une augmentation du prix du travail.
 
C'est une augmentation des cotisations déguisées ?
 
Oui, un peu, oui.
 
Enfin je vous le remettrai...
 
Oui, avec plaisir.
 
Vos services le liront. M. Belliard, la question SMS. Matthieu ?
 
M. Belliard : Bonjour, une question longue de Sophie dans le Pas-de- Calais, qui est très contente que votre femme démissionne. Sans rentrer dans l'affaire Bettencourt en détail, elle vous dit : comme quand un ministre sort avec un journaliste, vous le saviez qu'il y avait un bug éthique entre vos fonctions et les siennes, pourquoi attendre d'être dénoncé pour être vertueux ? Il n'y a aucun bug éthique, je ne permets à personne de dire que je ne suis pas vertueux à un moment donné, et vertueux à un autre moment donné. Je n'accepte pas ce type de leçon. Je le dis très clairement, et comme je le pense. C'est tout à fait compatible, mon épouse fait la même carrière depuis 25 ans, elle a fait les mêmes études que moi, elle a sa vie professionnelle, elle n'est pas dans une structure de voyous, c'est une structure qui gère tout simplement les dividendes d'une grande société française, dans laquelle il y a des milliers de salariés.
 
Pas facile une fraude fiscale, on n'est pas dans les voyous, mais...
 
La fraude fiscale ne concerne en aucun cas, je le réponds, en aucun cas la structure dans laquelle ma femme travaille, en aucun cas.
 
Bien !
 
Voilà ! Les choses sont claires.
 
E. Woerth, question politiquement concrète : Est-ce que vous saviez, lorsque vous étiez ministre du Budget, que vous étiez en train de payer les cigares de monsieur C. Blanc ?
 
Non, je ne le savais évidemment pas, voilà !
 
Est-ce que ça vous choque, franchement, sincèrement ?
 
 Je ne vais pas, écoutez, vous savez, je ne vais pas entrer...
 
Non, mais quand même !
 
Je pense que les hommes et les femmes politiques doivent être exemplaires, je le dis d'ailleurs même avec la première partie de notre émission...
 
Il n'est pas exemplaire...
 
Je pense être exemplaire. Voilà, je pense correctement faire les choses et mon épouse aussi. Mais je n'ai pas à donner de leçon aux autres. Je pense simplement que les dépenses publiques, elles doivent être limitées au strict nécessaire voilà !
 
Oui, est-ce qu'il doit être sanctionné ?
 
Mais il a remboursé !
 
Il a commencé à rembourser.
 
Il a remboursé, les choses se savent et c'est tant mieux. Au fond la transparence, c'est bien. Mais la transparence porte sur la réalité des choses.
 
Est-ce que c'est un comportement condamnable ?
 
Vous n'obtiendrez pas de moi, la moindre condamnation d'untel ou d'untel.
 
Bien, eh bien merci.
 
Merci.
 
Ah ! Dernière chose, tiens ! J'ai lu que la rigueur allait s'imposer, c'est C. Guéant qui le dit dans le Financial Times. Vous avez lu cette interview de C. Guéant ?
 
C. Guéant, il est dit qu'il faut poursuivre le travail qu'on mène sur la réduction des dépenses.
 
Ca veut dire quoi ? Ca veut dire qu'on va baisser le traitement des fonctionnaires, ou qu'on ne va pas augmenter ?
 
Non, on ne baissera pas le traitement des fonctionnaires. Évidemment que non. On a avec G. Tron, on a une négociation salariale qui commence bientôt, c'est une négociation qui vaut sur les trois années prochaines, on va en discuter. La rémunération d'un fonctionnaire, ce n'est pas uniquement le point à l'indice, parce qu'on dit toujours, X %. Ca c'est le point d'indice, il y a une deuxième partie de la rémunération qui est l'évolution du fonctionnaire dans une grille de rémunérations, ça c'est à peu près 2 % par an. Et puis, il y a le retour catégoriel, c'est-à-dire le retour, comme on fait, un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite, qui n'est pas remplacé, on renvoie sur les salaires des fonctionnaires, la moitié de cette économie. On va continuer évidemment aussi, à le faire, parce qu'il faut valoriser le travail des fonctionnaires. Donc il n'y a pas de rigueur, il y a simplement une maîtrise évidemment de la masse salariale, ce qui est logique, et les fonctionnaires sont les premiers à le demander.
 
Merci, E. Woerth, d'être venu nous voir ce matin.
 
Merci.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 juin 2010