Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les grands axes de la politique en faveur de la parité et de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, à Paris le 1er juillet 2010.

Prononcé le 1er juillet 2010

Intervenant(s) : 

Circonstance : Installation de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, à Paris le 1er juillet 2010

Texte intégral

Madame et Monsieur les ministres, cher Eric Woerth, chère Nadine Morano, Madame la rapporteure, chère Chantal Brunel,
Mesdames et Messieurs,
C'est un plaisir de réunir toutes celles et tous ceux qui ont accepté de mettre leur expertise et leurs convictions au service de l'observatoire de la Parité.
Je remercie chacun d'entre-vous pour le temps et le soin qu'il va dédier à cette ambition à laquelle nous tenons tous.
L'observatoire fête cette année ses 15 ans ; sous l'impulsion de ses quatre rapporteurs successifs - Roselyne Bachelot, Dominique Gillot, Catherine Genisson, et Marie-Jo Zimmermann-, il a déjà beaucoup fait pour la cause de la parité et des femmes.
C'est naturellement dans le domaine de la parité en politique que l'Observatoire s'est d'abord illustré.
La réforme constitutionnelle de 1999 a marqué une étape décisive, en inscrivant pour la première fois dans notre loi fondamentale le principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Cette avancée doit beaucoup au travail mené en amont au sein de l'Observatoire, travail qui a permis de fonder la réforme sur un diagnostic qui était assez largement partagé.
Il est aussi largement derrière la loi de 2007 sur la parité dans les exécutifs locaux.
Mais c'est aussi en matière d'égalité professionnelle que l'Observatoire a pu se distinguer.
Les lois de 2001 et de 2006 lui doivent beaucoup, ainsi qu'à ses rapporteurs.
Il en va de même de la révision constitutionnelle de 2008 qui étend le principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.
En installant ce matin cette nouvelle équipe, j'ai la conviction que le travail déjà engagé va s'amplifier.
Bien sûr, certains peuvent estimer que les choses avancent lentement, trop lentement. Mais je crois que personne ne peut nier que le mouvement de la parité est engagé, et au fond, c'est à vous de pousser pas à pas les lignes.
Je connais bien Chantal Brunel.
Elle a ma confiance, et je sais sa ténacité, sa vivacité, son pragmatisme aussi.
Avec Eric Woerth et Nadine Morano, nous avons souhaité que la composition de l'Observatoire traduise la nature même de sa mission. Pour jouer pleinement son rôle de diagnostic et de proposition, il doit être pluriel. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité réunir de manière équilibrée des parlementaires, des représentants du monde associatif, des partenaires sociaux, des experts et des responsables d'entreprises. Il faut que tous les acteurs de la promotion de l'égalité soient représentés.
Au cours des dernières décennies, la cause des femmes a progressé. Je crois qu'on peut même dire qu'elle a progressé comme jamais auparavant. Mais il reste bien des combats à mener pour que les faits reflètent les avancées qui sont inscrites dans les lois.
Vous connaissez bien les avancées que nous avons réalisées.
Pour fissurer le plafond de verre qui empêche encore les femmes d'accéder à de nombreux postes de responsabilité dans le monde du travail comme en politique, nous avons fait de l'égalité professionnelle un principe de rang constitutionnel.
Pour faire progresser l'égalité salariale, nous avons décidé d'associer les partenaires sociaux en les sollicitant sur la question du temps partiel et sur celle de l'adaptation du cadre légal sur le temps partiel familial.
En la matière justement, nous nous sommes engagés à faciliter la garde des enfants en créant 200 000 places supplémentaires d'ici 2012 : 100 000 chez les assistantes maternelles et 100 000 dans les services d'accueil collectifs. En 2009, nous avons recentré le crédit impôt famille bénéficiant aux entreprises sur la création des crèches.
Sur ce point, c'est vrai que notre pays est en retard. La charte de la parentalité et les initiatives concrètes de l'Observatoire de la parentalité vont nous permettre de progresser encore.
Enfin, s'agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes, nous l'avons élevée au rang de « grande cause nationale pour 2010 » et nous avons engagé une réforme législative de fond.
L'importance du chemin parcouru ne doit pas cacher tout ce qui reste à faire.
Nous allons agir dans les prochains mois. Et pour cela, nous avons besoin de l'Observatoire, en particulier pour identifier les bonnes pratiques et pour réaliser les comparaisons internationales.
La proposition de loi sur l'accès des femmes aux responsabilités dans les conseils d'administration, pour lequel Marie-Jo Zimmermann s'est tant impliquée, sera inscrite à l'ordre du jour du Sénat à l'automne.
Nous allons renforcer les sanctions contre les partis politiques qui ne respectent pas la parité. Je l'avais annoncé et Chantal Brunel a préparé une proposition de loi.
L'Assemblée nationale a déjà adopté un amendement en ce sens, actuellement examiné au Sénat, et je sais que Michèle André sera extrêmement vigilante. Cet amendement introduit une aide financière à la vie publique locale. L'idée c'est de réserver aux formations qui présentent des candidats aux élections des conseillers territoriaux, une partie de l'aide publique attribuée aujourd'hui aux partis lors des élections législatives. Il comporte en outre une incitation à respecter le principe de parité dans les candidatures aux élections territoriales, par un mécanisme de sanctions financières.
Comme je m'y étais engagé en novembre, le Parlement a définitivement adopté mardi la proposition de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes.
Je vais veiller à ce que les nouvelles dispositions soient mises en oeuvre rapidement, et je sais que Nadine Morano sera très attentive à ce que tous les engagements soient tenus. C'est un très grand pas en avant et je veux saluer l'ensemble des parlementaires d'avoir permis d'avancer rapidement sur ce sujet, notamment Danièle Bousquet qui préside la commission spéciale de l'Assemblée et Guy Geoffroy, son rapporteur.
Parallèlement, nous allons pérenniser la mission que nous avions mise en place et déjà prolongée sur l'image des femmes dans les medias. Nous ne pouvons pas accepter que cette image soit, comme elle l'est encore souvent, cantonnée à des stéréotypes, et je veux remercier Michèle Reiser d'exercer cette mission avec l'implication qu'on lui connaît.
Enfin, nous respecterons notre engagement en faveur de l'égalité salariale.
Nous avons une échéance précise, le 31 décembre 2010, et une obligation de résultat. Cela vaut bien sûr pour les fonctions publiques, qui doivent être aussi exemplaires.
En matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, nous devons aussi continuer à favoriser les initiatives concrètes.
J'ajoute -et je sais que Raphaël Hadas-Lebel, président du COR y sera sensible-, que nous avons veillé à ce que la réforme des retraites intègre ces préoccupations.
La réforme crée de nouveaux droits pour les femmes, en garantissant notamment qu'elles ne seront plus pénalisées par les congés de maternité.
Et la réforme préserve les dispositifs permettant aux femmes d'améliorer leur durée d'assurance, pour compenser l'impact de la maternité et de l'éducation des enfants sur leur carrière. Je pense notamment à la majoration de la durée d'assurance.
Mais, nous le savons bien, ce qui, au fond, génèrent les inégalités de retraite, c'est d'abord et avant tout les inégalités de carrière. Voilà pourquoi la lutte pour l'égalité professionnelle et la facilitation des carrières doit être une priorité.
Sur tous ces sujets, j'attends de l'Observatoire qu'il nous éclaire, tant sur les causes de la persistance des inégalités que sur les solutions concrètes à apporter.
Je souhaite que vous puissiez vous investir sur quelques grands axes prioritaires.
Le premier a trait à l'égalité professionnelle et salariale. La loi de 2006 a fixé un objectif et une échéance. Dans cette perspective, conformément à la méthode que nous avons privilégiée depuis 2007 dans le champ des relations sociales, nous avons saisi les partenaires sociaux. En novembre dernier, nous leur avons adressé un document d'orientation qui les invite à explorer plusieurs axes de réforme dans la lignée du rapport de Brigitte Gresy. Ils portent sur, notamment la simplification des règles existantes sur l'amélioration de la place des femmes dans l'entreprise, et sur la question des sanctions des inégalités salariales. Depuis lors, force est de constater que la négociation n'a pas pu véritablement se nouer. J'ai eu l'occasion de le dire, le Gouvernement ne se satisfera pas de cette situation.
Et pour avancer, je demande que l'Observatoire puisse formuler sur ces sujets des préconisations sur la base desquelles Eric Woerth organisera une concertation avec les partenaires sociaux. Et à défaut d'accord, comme c'est normal dans le fonctionnement des relations sociales dans notre pays, à défaut d'accord, il faudra présenter des évolutions législatives d'ici à la fin de l'année.
Le deuxième axe, c'est celui de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle.
Je pense que la présence en votre sein de Jérôme Ballarin, le président de l'Observatoire de la parentalité, témoigne de l'importance de cette problématique. Là encore, il va falloir que nous innovions.
Le dernier axe concerne l'accès aux responsabilités, tant professionnelles que politiques. J'attends de l'Observatoire qu'il contribue à mesurer les difficultés et les progrès réalisés, sachant que les initiatives législatives en cours s'inscrivent dans un calendrier progressif. Mais j'attends aussi qu'il s'attache à formuler des propositions pour continuer à faire reculer le « plafond de verre ».
Sur tous ces sujets, il me paraît utile que vous puissiez identifier, au plus près du terrain, les bonnes pratiques, celles qui sont capables de faire progresser la cause de la parité par des expériences innovantes.
Nous disposons déjà d'outils intéressants.
Je pense au label égalité. Aujourd'hui, seule une quarantaine de structures bénéficie de ce label, alors qu'il existe depuis 2005. C'est donc le signe qu'il y a une vraie marge de progression. L'Observatoire pourrait procéder à une évaluation de ce label et, le cas échéant, nous dire comment il devrait évoluer.
De la même manière, je souhaite que vous puissiez vous livrer, sur l'ensemble de ces problématiques, à un travail approfondi de comparaison internationale, qui reste encore mal renseignée sur bien des aspects.
Là encore, c'est par l'identification et l'adaptation des expériences qui ont donné les meilleurs résultats à l'étranger, que nous serons en mesure de faire évoluer notre système.
Vous aurez également à exercer une fonction de suivi de la mise en oeuvre des mesures prises en faveur de l'égalité. Trop souvent les meilleures intentions sont restées lettre morte. J'en veux pour preuve la multiplicité des lois sur l'égalité professionnelle. Il faut que nous nous engagions dans une culture du résultat, et cela exige une vigilance de tous les instants.
Voici, mesdames et messieurs, quelques axes de travail que je me permets de vous suggérer et qui pourraient constituer la trame d'une « feuille de route » pour les mois à venir. Je vois bien que le programme est chargé.
Mais je pense qu'il ne fait que transcrire le chemin que nous avons encore à parcourir pour que, dans notre pays, l'égalité entre les femmes et les hommes devienne pleinement une réalité.
Source http://www.gouvernement.fr, le 2 juillet 2010