Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur la couverture numérique haut débit sur le territoire, à l'Assemblée nationale le 16 juin 2010.

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Circonstance : Ouverture des 4èmes Assises du très haut débit, à l'Assemblée nationale le 16 juin 2010.

Texte intégral

Madame la députée,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de m'adresser à vous en ouverture de ces 4èmes Assises du très haut débit à l'initiative de la société Aromates et de la société IDATE. Je les félicite de cette initiative à un moment particulier, puisque le Premier ministre a publié il y a deux jours le programme très haut débit du Gouvernement et le régulateur vient de mettre en consultation publique son projet de cadre réglementaire pour le déploiement de la fibre hors zones très denses.
Je voudrais remercier Laure de La Raudière de nous accueillir à l'Assemblée Nationale, Laure de La Raudière a été rapporteure à l'Assemblée Nationale de la proposition de loi du Sénateur Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique et je voudrais saluer sa compétence et son engagement dans ce domaine.
Cette loi est très importante car elle fixe trois principes pour l'aménagement numérique du territoire :
- celui de l'anticipation de l'action publique pour assurer l'équité territoriale. C'est un changement de méthode dans ce domaine.
- celui de la concomitance des déploiements de réseaux dans les territoires urbains et sur le reste du territoire. C'est ce que nous allons faire avec le programme très haut débit.
- enfin, celui de l'intervention financière de l'Etat pour assurer la péréquation géographique nationale.
L'outil de cette intervention de l'Etat, c'est le Fonds d'aménagement numérique du territoire créé par la loi Pintat. Le Gouvernement a soutenu la mise en place de ce fonds car il était indispensable de donner de la visibilité aux Français et aux collectivités territoriales sur l'engagement de l'Etat à déployer les infrastructures numériques du futur sur tout le territoire.
Les Assises des territoires ruraux ont confirmé très clairement la priorité accordée dans les territoires ruraux à la question de l'accès aux services numériques. L'accès numérique n'est il pas plus critique dans l'espace rural, qui représentent dans certaines régions plus de 90% du territoire, que dans un centre ville où tous les services accessibles en ligne le sont aussi physiquement ?
J'ai donc fait de la couverture numérique une priorité de mon action dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire que j'ai mise en oeuvre à la demande du président de la République et du Premier ministre et en lien avec la secrétaire d'Etat à l'économie numérique.
- Tout d'abord j'ai demandé à la DATAR d'approfondir les études antérieures sur le très haut débit, de chiffrer l'ensemble des paramètres de coûts sur la base d'un échantillon représentatif de la diversité de notre territoire national, c'est-à-dire de créer un référentiel
- Deuxièmement j'ai mis à la signature du Premier ministre une circulaire aux préfets de région sur l'aménagement numérique du territoire, avec deux priorités : la première est d'organiser avec les collectivités territoriales et les opérateurs, une réflexion stratégique et opérationnelle sur la couverture numérique de chaque région ; la seconde est de renforcer le soutien des services de l'Etat aux collectivités territoriales et notamment à leur démarche de schémas directeurs.
- Troisièmement, j'ai proposé au Premier ministre et au Président de la République qu'une partie du grand emprunt soit consacrée au déploiement de la fibre optique dans les territoires considérés comme non rentables et que ces moyens financiers permettent d'amorcer le Fonds d'aménagement numérique du territoire créé par la loi Pintat.
- Enfin, j'ai proposé au chef de l'Etat de fixer un objectif de déploiement du très haut débit pour tous les Français, afin que l'Etat soit porteur d'une vision simple, claire et mobilisatrice comme l'ont demandé les Français au cours des Assises des territoires ruraux.
Aujourd'hui, le cap est fixé, les décisions politiques ont été prises, notamment à l'occasion du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire présidé par le Premier ministre le 11 mai dernier.
Le temps de l'action est venu, et le Premier ministre vient d'en donner le coup d'envoi en publiant il y 2 jours le programme très haut débit du Gouvernement. Ce programme s'appuiera pour les 3 ou 4 prochaines années sur le programme d'investissement d'avenir confié au Commissaire général à l'investissement René Ricol, c'est-à-dire sur les 2 milliards d'euros du grand emprunt que le Président de la République a décidé d'allouer au très haut débit. Je laisserai ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet en présenter les modalités en clôture de vos travaux et je m'attacherai à souligner quelques points qui me semblent importants au regard de l'aménagement numérique du territoire.
Ce programme a un double objectif : il vise à stimuler l'investissement privé pour assurer la couverture la plus homogène possible des zones de marché, et en même temps à soutenir les initiatives des collectivités pour permettre la couverture territoriale la plus large possible.
Il vise aussi à assurer la meilleure articulation possible entre l'action des investisseurs privés et l'action de la puissance publique. C'est le rôle des instances de concertation régionale sur l'aménagement numérique d'organiser cette articulation en amont en facilitant autant que possible la transparence des intentions d'action des uns et des autres.
Un autre point fondamental est l'ouverture simultanée de deux guichets financiers début 2011 sur la base du grand emprunt, l'un dédié aux investisseurs privés, et l'autre aux collectivités territoriales. Ceci va permettre la concomitance des déploiements entre les zones denses et le reste du territoire.
Enfin, un appel à projets pilotes sera lancé dès le mois de juillet avec l'objectif de mettre en oeuvre une série de projets expérimentaux associant collectivités locales et opérateurs sur une période de 6 à 9 mois. Il est important en effet de mettre en pratique sans attendre le projet de cadre réglementaire de l'ARCEP et notamment d'identifier les bonnes pratiques communes aux acteurs publics et privés en matière d'architecture technique et de co-investissement. Le président de l'ARCEP, Jean-Ludovic Silicani, aura sans doute l'occasion d'y revenir.
Ce programme très haut débit est ambitieux, mais il s'attachera aussi à traiter les urgences. Je n'oublie pas en effet que plus de la moitié des foyers disposent encore d'un service haut débit minimum au même prix, voire à un prix plus élevé que les meilleures offres.
Je rappelle que j'ai lancé en octobre dernier avec Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet un appel à projets « haut débit en zones rurales » en m'appuyant sur une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros de FEADER. Beaucoup de projets ont été présentés, ce qui témoigne de l'urgence, et de la très forte mobilisation des collectivités sur l'aménagement numérique. Cela rend aussi le travail de sélection plus difficile. J'annoncerai les résultats de cet appel à projets la semaine prochaine avec mes collègues.
Naturellement cette initiative ne résoudra qu'une partie du problème et c'est la raison pour laquelle le programme très haut débit du Gouvernement va s'appuyer sur la complémentarité entre la fibre et les autres technologies, notamment hertziennes. A cet égard, je serai très attentif au calendrier et aux modalités d'attribution des fréquences du dividende numérique.
Beaucoup d'experts font observer que nous sommes à la veille d'une explosion des échanges internet. Le trafic pourrait être multiplié par cinq d'ici à 2013, en grande partie en raison de la croissance très rapide du trafic vidéo qui pourrait en représenter 90%. Le développement de l'imagerie médicale liée à la médecine de prévention et au diagnostic médical à distance, mais aussi la téléconférence, pourraient aussi accélérer ce phénomène.
Le rôle de l'Etat est d'anticiper cette évolution plutôt que de la subir. Par ailleurs, les réseaux optiques sont stratégiques à de multiples égards, notamment parce qu'ils auront un impact sur notre capacité à occuper une place de premier plan mondial dans l'informatique dite « en nuage », dans les loisirs numériques et dans les milliers de nouvelles applications professionnelles qui concernent la santé, l'éducation, la formation, le commerce, la sécurité, le travail collaboratif....
La question aujourd'hui est de savoir qui doit investir dans les réseaux, notamment pour couvrir les territoires jugés non rentables par les opérateurs.
Ce sujet renvoie à celui de la « neutralité d'internet » et du partage de la valeur, entre opérateurs de réseaux et fournisseurs de contenus et de services. Cette question importante a fait l'objet récemment d'un colloque très intéressant de l'ARCEP et elle mérite d'être à nouveau abordée comme vous allez le faire aujourd'hui.
Dans ce débat autour du financement des réseaux, la puissance publique ne sera pas absente. Je suis heureux que le sénateur Hervé Maurey participe à vos débats dans le cadre de sa mission parlementaire sur les modèles économiques du très haut débit et l'alimentation du fonds d'aménagement numérique du territoire. Ce sujet nécessite en effet une très large concertation.
Enfin, je voudrais rappeler que la Commissaire européenne au numérique Nelly Kroes a rendu publique il y a quelques semaines sa stratégie numérique pour l'Europe. Elle fixe l'objectif du très haut débit pour tous dans 10 ans. Je me réjouis de cette prise de position qui va permettre d'ouvrir les négociations sur le financement communautaire des réseaux de nouvelle génération en France.
Vous voyez ainsi que dorénavant beaucoup de dispositifs et de points de vue convergent pour faire du déploiement de la fibre et de l'accès au très haut débit un des principaux chantiers d'aménagement du territoire pour le XXI° siècle.
Je vous souhaite une très bonne matinée de travail et d'échanges.Source http://www.datar.gouv.fr, le 21 juin 2010