Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur les nouvelles missions de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), à Paris le 22 octobre 2009.

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Circonstance : Journée de réflexion consacrée à la nouvelle Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), à Paris le 22 octobre 2009

Texte intégral

Monsieur le délégué,
Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de conclure cette journée de réflexion consacrée à la nouvelle DATAR, à l'avenir de nos territoires et à la prospective. Votre intitulé mentionne « Prospective et territoires : une grande tradition de la DATAR à perpétuer » ; je parlerais, pour ma part, plutôt d'une tradition à renouveler.
Penser les territoires en 2040 consiste avant tout, pour nos acteurs publics nationaux à créer les conditions optimales de développement cohérent et harmonieux de ces territoires.
Si la France est aujourd'hui un pays bénéficiant d'un réseau de transports et d'infrastructures de qualité, c'est parce que, il y a plus de quarante ans, existait une politique volontariste, une ambition, que la DATAR a, avec d'autres, portée et incarnée.
C'est dans ce même esprit ouvert, volontariste et ambitieux, que nous devons aujourd'hui réfléchir à la nouvelle DATAR, « délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale », dénomination préférée à celle qui mentionnait en 1963 « l'action régionale », en intégrant les nouvelles données institutionnelles (Europe et décentralisation) et économiques (économie numérique, mondialisation).
Nul d'entre nous ne peut savoir avec précision et décrire ce que seront les territoires en 2040, mais nous devons anticiper et préparer les conditions pour une France plus forte, plus équitable et plus cohérente.
C'est pour cela que je souhaite donner un nouveau souffle à la DATAR.
Dans la lettre de mission qu'il m'a adressée en septembre dernier, le Président de la République m'a demandé de « proposer les voies et les moyens pour renforcer la Délégation interministérielle à l'attractivité et à la compétitivité des territoires (DIACT) et lui redonner une identité forte dans la réflexion et l'action administrative ».
Un projet de décret est actuellement en cours de préparation pour restaurer la dénomination « DATAR » et renforcer ses attributions.
Revenir à la dénomination « DATAR », c'est évidemment s'inscrire dans une grande tradition, celle d'une institution qui, depuis sa création en 1963, est reconnue comme un grand aménageur du territoire
Cette tradition, c'est d'abord un style et une image politique forte, liée au génie de ses pères fondateurs. Celui d'hommes politiques de très grande envergure, le général de Gaulle, Georges Pompidou. Olivier Guichard. Jérôme Monod. Je souhaite que nous leur rendions hommage aujourd'hui.
Mais revenir à la dénomination DATAR, je dirai au label, ce n'est pas se contenter d'incantations. C'est restaurer aussi une méthode et un mode d'intervention dans un contexte qui n'a plus rien à voir avec celui de 1963.
La France est désormais un pays très bien équipé. Certes, il y a encore des challenges à relever et aujourd'hui encore, l'intérêt des grands équipements publics d'infrastructures est évident.
La France a grand besoin de développer ses connexions pour assurer sa croissance interne, améliorer sa compétitivité et son attractivité dans un contexte économique tendu. Ses territoires sont vastes et très diversifiés et leur développement passe par une mise en réseau.
Je pense au développement des lignes ferroviaires à grande vitesse, incontournables pour les métropoles et les zones urbaines très denses, mais aussi à la rénovation des lignes d'aménagement du territoire, « les trains Corail » pour promouvoir l'attractivité des villes moyennes.
Je pense aussi au numérique et au Très Haut Débit, en particulier pour les territoires ruraux. Le déploiement du très haut débit sur tout le territoire national permettra en effet le développement de services à très haute valeur ajoutée pour les entreprises. Il réduira l'écart aujourd'hui irréductible pour l'accès à l'information, aux services au public et aux marchés entre les habitants des métropoles et ceux qui vivent en zone rurale. C'est pour la France, une opportunité très importante de création d'emplois qualifiés, de croissance économique, qui contribuera de façon essentielle,à un aménagement harmonieux du territoire.
C'est pourquoi j'ai pris position dès ma nomination sur l'objectif de déployer le très haut débit pour tous. J'en fais une priorité de la politique d'aménagement du territoire que j'ai proposée au président de la République et au Premier ministre.
Mais la politique d'aménagement du territoires intervient aujourd'hui dans des champs d'actions apparemment moins lourds en termes d'équipements, mais tout aussi essentiels : la répartition des services publics, l'anticipation des mutations économiques, les restructurations de défense, les mesures pour renforcer l'attractivité de la France...
Sur l'ensemble de ces projets, la DATAR a vocation à inspirer et à porter des politiques innovantes, à anticiper les mutations dans le cadre de la mondialisation des échanges, pour préparer les territoires de demain. La DATAR vient d'ailleurs de publier un rapport « une nouvelle ambition pour les territoires qui est de qualité et qui a contribué à arrêter les nouvelles orientations de la politique d'aménagement du territoire.
Face à ces nouveaux défis, c'est avec la même ambition que celle de 1963 que je souhaite renouveler la délégation pour en faire plus que jamais un lieu d'excellence et de rayonnement, qui impulse et inspire les projets, une administration précurseur, une institution en prise directe avec la société et les territoires.
Cette rénovation intervient dans un contexte de grandes réformes : RGPP, Grenelle, réforme des collectivités territoriales. Parmi les administrations qui évoluent et se modernisent, il s'agit pour la DATAR de regagner le terrain perdu et d'occuper toute sa place, d'éclairer l'avenir, de jouer un rôle de poil à gratter et d'aiguillon.
La DATAR doit aujourd'hui répondre à une triple mission :
- d'anticipation
- de cohérence et d'action
- de convergence
1. La DATAR doit d'abord répondre à une mission d'anticipation : c'est une mission de moyen et de long termes
C'est le sens de la démarche de prospective qui nous réunit aujourd'hui à l'occasion de l'installation du groupe de réflexion « Territoires 2040 - Aménager le changement ».
Un des rôles fondamentaux de la DATAR est de construire des scénarios d'évolution des territoires en anticipant les facteurs de changement, d'imaginer les grandes mutations à venir qui auront un impact fort sur les territoires, mais aussi de prévoir les actions correctrices qui permettront de mieux maîtriser ces évolutions.
Je voudrais remercier P. DARTOUT de remettre la DATAR sur les rails de la prospective qu'elle n'aurait jamais dû quitter. C'est pour moi une priorité, c'est un des clefs de la crédibilité de l'action de la DATAR et par la même de sa reconnaissance par les autres acteurs publics et privés.
De nombreux paramètres sont à prendre en considération : le contexte économique et politique international, les changements institutionnels, les évolutions démographiques, les changements climatiques... Le facteur démographique est essentiel car nous travaillons d'abord pour les habitants d'aujourd'hui et de demain sur les territoires : la population française augmente alors que la population d'autres nations industrialisées va diminuer. Urbaine à 75%, son implantation évolue, tant en milieu urbain que rural. Quelle sera la population de 2040 ? Comment se répartira-t-elle sur le territoire ?
Mais la démographie n'est pas le seul paramètre, et les sept groupes de travail (ex le réseau des métropoles, les bassins industriels, les villes intermédiaires et les espaces ruraux...) que vous mettez en place doivent tendre vers l'excellence en termes d'analyse et leurs conclusion devra faire autorité : c'est vous dire à quel point j'ai de l'ambition pour vous.
Les hypothèses émises par ces différents groupes seront ensuite testées auprès des acteurs locaux sur le terrain : c'est une démarche de bon sens indispensable, mais cela va mieux en le disant. Les résultats finaux de ce grand travail de prospective seront présentés en janvier 2011.
2. l'action et la mise en cohérence, c'est la seconde mission de la DATAR
Le programme de prospective s'inscrit dans le cadre d'une stratégie d'aménagement du territoire, celle qu'a arrêté le Président de la République dans la lettre de mission qu'il m'a adressée. Le champ d'action est très vaste et croyez bien que je mesure tous les jours le défi que cela représente : des métropoles aux territoires ruraux, des services au publics au numérique, des pôles de compétitivité aux restructurations de défense, des mutations économiques au transfrontalier...
Sur tous ces thèmes, il vous revient d'agir à mes côtés. Je me suis battu et j'ai obtenu que le budget de l'aménagement du territoires soit augmenté : plus 40 Meuros par an pendant 4 ans. Ce n'est peut être pas assez, mais dans le contexte actuel des finances publiques, mais ce n'est pas rien ! Je continuerai de me battre pour que vous ayez les moyens en investissement et en fonctionnement.
C'est déterminant car si on n'a pas d'argent, on ne pèse pas, on ne compte pas. En aucun cas la mission de la DATAR ne peut se réduire à de la prospective et encore moins à de l'évaluation
Vous devez avoir les moyens d'agir et le Chef de l'Etat et le Premier ministre, ont accepté de renforcer la DATAR. J'attends maintenant des propositions de la part du délégué pour renforcer un certain nombre de secteur : il faut donner davantage de visibilité aux politiques urbaines, dans la perspective de la création des métropoles, aux questions relatives à l'espace rural, à l'animation du développement économique territorial, aux approches interrégionales, au transfrontalier, aux services publics...C'est aussi pour cela que je vous ai engagé à conduire une démarche de type projet de services.
Agir, c'est aussi mettre en cohérence, pour la DATAR c'est fondamental. La DATAR est avant tout interministérielle, elle doit l'être davantage. C'est un service du Premier ministre, qui de plus en plus, doit être le lieu de la synthèse des politiques publiques, en remplissant une mission d'ensemblier et de préparation des arbitrages du Gouvernement.
Dans ce travail quotidien difficile où il faut parfois se battre en interministériel pour s'imposer, et vous savez que je vous aiderai au maximum. Vous pouvez compter sur votre ministre comme je sais que je peux compter sur vous, mais c'est avant tout par la qualité de ses analyses globales, transversales et prospectives que la DATAR est et sera demain, davantage reconnue.
3. La nouvelle DATAR doit enfin répondre à une mission de convergence
Elle doit se définir comme un lieu de synthèse entre les différents acteurs publics, Etat, collectivités, je pense notamment aujourd'hui aux régions et aux métropoles de demain.
Le rôle de l'Etat a changé, le contexte institutionnel a évolué
La création de la DATAR, au début de la Vème République, et plus globalement la philosophie de l'aménagement du territoire répondait avant tout à un besoin résultant du célèbre constat : « Paris et le désert français ».
Mais il correspondait aussi à une certaine conception de l'Etat qui disposait alors du monopole de l'intervention, à travers de nombreux leviers nationaux et locaux.
Il s'agissait alors d'aménagement du territoire ; la décentralisation et les transformations profondes et continues de l'intervention publique locale depuis trente ans nous conduisent désormais à parler des territoires.
Ce pluriel illustre la pluralité des acteurs, des politiques d'intervention et la diversité de leurs modalités.
En un mot, la territorialisation des politiques publiques doit conduire l'Etat à repenser son rôle, ses modes d'intervention, ses relations avec les autres acteurs, publics et privés, locaux, nationaux et européens.
La construction européenne d'une part, et le processus désormais irréversible de décentralisation, d'autre part, impliquent un rôle nouveau pour l'Etat, rôle toujours essentiel mais différent.
Dans ce contexte, qui va encore évoluer avec la réforme des collectivités territoriales, la DATAR doit jouer pleinement son rôle d'innovation, de coordination et de chef de file.
Innovation : la DATAR a su inventer les politiques contractuelles entre l'Etat et les collectivités locales. A l'aune de la nouvelle répartition des pouvoirs locaux, il va falloir qu'elle fasse de nouvelles propositions pour aller vers davantage de convergence entre les politiques de l'Etat et celles des collectivités locales.
Dans un contexte où l'argent est de plus en plus cher et rare et où nos concitoyens attendent de l'efficacité et de la lisibilité, il vous revient d'être inventif et de faire de cette maison un lieu ou l'Etat et les collectivités sauront trouver de la cohérence, du service, et des analyses de qualités au services des territoires. C'est fondamental, n'oublions pas que 73% de l'investissement public est réalisé par les collectivités.
La diversification des acteurs implique que l'Etat, plus que jamais, soit stratège, en définissant les grandes priorités, en donnant les impulsions, en coordonnant les actions, dans un objectif de cohérence et d'équité.
Voilà les quelques points que je voulais évoquer aujourd'hui devant vous au moment où nous nous apprêtons à redonner ensemble à la DATAR une nouvelle impulsion. La DATAR est un outil prestigieux, réputé et largement reconnu, dont de nombreux pays se sont inspirés.
Renouveler la DATAR aujourd'hui, c'est définir une nouvelle stratégie d'action en prise directe avec les évolutions de la société et les nouvelles attentes des citoyens ; c'est promouvoir une nouvelle intelligence des territoires, qui tienne compte de leur diversité, de leurs difficultés et de leur potentiel de développement.
C'est à travers cette volonté de renouvellement que nous renouerons avec la belle tradition de la DATAR :
- celle d'une grande institution capable de donner un sens et des projets aux territoires,
- celle d'un lieu d'excellence et de rayonnement, une administration en avance sur son temps, qui s'impose par la qualité de ses analyses et la force de ses propositions.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.datar.gouv.fr, le 7 juillet 2010