Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "RMC" le 28 juillet 2010, sur les chiffres du chômage (emplois précaires en hausse, baisse des licenciements économiques, chômeurs seniors), et sur les propos de Nicolas Sarkozy à l'égard des Roms et des gens du voyage.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

G. Cahour.- L. Wauquiez nous rejoint. Bonjour !

Bonjour.

Bienvenu sur RMC, secrétaire d'Etat en charge de l'Emploi. L. Wauquiez, nous allons parler bien évidemment des chiffres du chômage, mais nous dirons un petit mot aussi de cette réunion sur les Roms et les gens du voyage à l'Elysée. D'abord, les chiffres du chômage, L. Wauquiez. Les chômeurs sans aucune activité sont moins nombreux au mois de juin, 8.600 personnes en moins. Est-ce qu'on peut y voir une bonne nouvelle après deux mauvais mois, oui, c'est une bonne nouvelle, mais est-ce que c'est une bonne nouvelle durable ?

Alors, d'abord, pour nous, c'est évidemment un bon résultat, parce que c'est le meilleur chiffre depuis mars 2008. Après, vous l'avez dit, c'est une première étape, qui est le fruit de mois de travail de toutes les équipes sur le terrain, et qui ouvre la voie à ce qui est notre défi pour la rentrée, c'est : un chômage en voie de stabilisation. Ça, c'est la première étape. Après, l'objectif c'est d'ici la fin de l'année, entre la fin de l'année et le début de l'année 2011, d'enrayer cette hausse et de repartir à la baisse, et ça, je crois qu'il faut bien qu'on garde la tête froide. Pour l'instant, l'objectif du président de la République et du Premier ministre, c'est ne rien lâcher sur le front du chômage. Et on aura encore des alternances avec des bons mois et des mauvais mois.

L. Wauquiez, il y a tout de même une nuance qu'il faut préciser, c'est que si on regarde les chômeurs qui ont une activité, une activité réduite, là, le chômage progresse, 15.600 personnes de plus, ça veut dire qu'il y a plus d'emplois précaires.

Alors, dans ce qu'on appelle une activité réduite, c'est des gens qui sont à mi-temps donc, notamment pour la catégorie C, donc c'est quand même déjà un taux d'emplois qui est... enfin...

Enfin, mi-temps, on ne vit pas d'un mi-temps...

On est bien d'accord, vous savez, je suis un élu de terrain, je connais assez bien la situation. Donc évidemment, c'est loin, on n'est pas sorti de la crise, on doit rester très vigilant. Pour autant, c'est que quand même pour tout le monde, ce mois est un vrai signal d'espoir. Et puis, il y a d'autres signaux qui sont intéressants : on assiste à une vraie baisse du nombre de licenciements économiques, ça c'est un signe intéressant de redémarrage. Sur l'emploi des saisonniers, j'ai fait encore en début de semaine un déplacement sur ce sujet en Basse-Normandie, pour voir sur le terrain : on a une saison qui est meilleure que l'année dernière, avec, sur les départements tests, une amélioration de l'emploi saisonnier de 5%. Et sur l'emploi des jeunes aussi, on a des résultats qui sont très intéressants, qui sont le fruit de notre travail...

Ce matin, on entendait le témoignage d'un économiste, l'analyse plutôt d'un économiste, qui nous disait que les jeunes sont parfois découragés par la situation économique actuelle, la situation de l'emploi, et que du coup, ils ne s'inscrivaient même plus au chômage. Ah ! Il faut quand même... attention, parce que quand les chiffres sont bons, on invente plein de raisons pour expliquer que, en réalité, ils sont mauvais. La réalité est qu'on a mené une très grosse bataille sur le chômage des jeunes. Et que depuis un an, le chômage des jeunes - enfin, depuis le début de l'année - le chômage des jeunes n'a pas augmenté.

Notamment aussi, grâce à l'alternance ?

Exactement...

L'alternance qui progresse. Est-ce que ça veut dire que, en période de crise, on cherche des formations plus concrètes, la petite porte par laquelle on passe pour entrer dans une entreprise, en espérant y rester ?

Je pense surtout que c'est une des leçons positives de la crise, c'est pour que nos jeunes trouvent un emploi, il faut miser sur des formations très professionnelles, concrètes. Et ça, c'est l'alternance. On a des résultats importants, sur le mois de juin, l'apprentissage est en hausse de 30%.

30% !

Oui, 30% de hausse...

Par rapport à l'an dernier... Exactement, et ça, c'est vraiment... enfin, c'est parce que sur le terrain, on est allé le chercher, les contrats de professionnalisation sont en augmentation de 11% ; sur le second trimestre, ils sont en hausse à peu près de 10%. Donc ça a vraiment été notre engagement avec C. Lagarde.

Pour avoir un contrat en alternance, c'est de la débrouille ou alors, on s'appuie sur l'école, ou est-ce qu'on peut s'appuyer aussi sur des organismes publics ?

Jusque-là, c'était beaucoup de la débrouille, et ce qu'on fait maintenant depuis plusieurs mois, c'est qu'on prépare, avec toute une série de réunions avec tous les acteurs de l'alternance, on prépare la rentrée, la rentrée de 2010, qui va être le vrai rendez-vous pour l'alternance...

Donc vous proposez des contrats ?

Oui, en fait...

Où ça, à Pôle Emploi ?

Ce qu'on essaie de faire, c'est, département par département, on mobilise tous les acteurs. Les Chambres de métiers...

Où ça, mais à Pôle Emploi ? Aujourd'hui, je cherche un contrat en alternance, je vais où, je vais à Pôle Emploi pour essayer d'en trouver un ?

Non, il y a plusieurs hypothèses. D'abord, la première, c'est que vous avez intérêt à passer par votre CFA, le centre où vous avez votre centre d'apprentissage. Ensuite, vous pouvez évidemment vous adresser aussi aux réseaux d'employeurs qui sont les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers. Et puis, vous pouvez aussi passer par Pôle Emploi et votre Mission Locale. Donc ce qu'on a essayé de faire : simple, terrain, et surtout mobiliser tout le monde pour la rentrée prochaine. C'est notre dossier absolu...

L. Wauquiez, on apprend ce matin dans Les Echos que, avec le report de l'âge auquel on pourra bénéficier de la retraite à taux plein, avec la réforme des retraites, donc ça va passer de 65 à 67 ans, que, finalement, ça va coûter beaucoup plus cher à l'assurance chômage, ça va coûter 200 millions par an, 200 millions d'euros, parce qu'il va falloir financer les chômeurs qui sont les chômeurs seniors.

Alors, c'est une étude qui est une étude totalement statique, ça, c'est si jamais on ne se bat pas pour l'emploi des seniors.

Oui, enfin, bon, justement les chiffres de l'emploi des seniors ne sont pas folichons, pour les dernières semaines.

Il y a un point qu'il ne faut pas oublier : est-ce que vous connaissez le taux de chômage en France des plus de 55 ans ?

De tête, non. Honnêtement, non.

Il est de 6,6%. Donc il est bien inférieur à la moyenne. Et on a réussi quand même dans cette période à éviter que ce soit les seniors qui soient les premières victimes de la crise.

Donc vous, vous partez du principe que le chômage des seniors va baisser, et que du coup, ça ne coûtera pas aussi cher à l'assurance chômage, la réforme des retraites.

Non, c'est plus compliqué que ça. Je crois que surtout, on doit revenir sur trente ans de mentalité qui ont consisté à sacrifier l'emploi des plus de 50 ans. Ça fait trois ans qu'on se bat dessus. En trois ans, on a réussi à avoir 300.000 seniors de plus qui ont la possibilité de travailler par rapport à il y a trois ans en arrière. C'est un chiffre considérable. C'est vraiment une vraie bascule dans notre fonctionnement.

Le taux de chômage, 6,6% aujourd'hui pour les seniors, il était de combien il y a trois ans ?

Ah, alors, là, là, c'est vous qui me posez une colle...

Ah, vous voyez, je peux vous coller moi aussi.

Je pense qu'on devait être à peu près aux alentours de 6,2%, 6%.

Donc il a quand même progressé sur fond de crise...

... Mais beaucoup moins qu'au niveau national...

L. Wauquiez, aujourd'hui, réunion à l'Elysée sur les problèmes de comportement que posent certains chez les Roms et les gens du voyage. « Les problèmes de comportement », c'est le terme de N. Sarkozy. Il y a des problèmes de comportement chez les Roms et les gens du voyage ?

En tout cas, il y a des problèmes, et des problèmes qui jettent le discrédit sur toute une communauté. Et en France, on a parfois un peu le sentiment que quand un sujet gêne, il ne faudrait pas en parler, il faudrait le cacher sous le tapis, jeter un voile pudique, parce que dès qu'on l'aborde, on dit : oh, là, là, attention, vous allez stigmatiser. Je trouve que d'ailleurs, sur ce sujet, on a un peu... - sur ce sujet comme sur le sujet de l'insécurité - on a le retour d'un Parti socialiste version « Oui-Oui », avec un mélange à la fois d'angélisme et de déni de réalité. Il y a un problème, on y fait face.

Mais quand N. Sarkozy dit : on va expulser, on va casser les camps qui sont des camps illégaux, et je vais demander aux préfets de s'en occuper, il pourrait aussi demander aux préfets de s'occuper des communes qui ne respectent pas la loi et qui n'ont pas de camp d'accueil, d'aire d'accueil pour les gens du voyage ; c'est plus de 50% des communes qui ne respectent pas la loi. Et les préfets ont la possibilité, eux, de passer outre la volonté des communes.

Alors, juste, sur ce sujet, deux points. D'abord, attention à ne pas assimiler gens du voyage et Roms, première remarque. La deuxième remarque, oui, c'est important que les communes se dotent de terrains qui permettent d'accueillir dans des endroits précis, en évitant des dérives, les gens du voyage. Je suis maire...

Mais il faut que les préfets fassent respecter la loi aussi alors...

Je suis maire, ça fait partie des premiers dossiers que j'ai ouverts quand je suis arrivé.

Donc vous avez une aire d'accueil au Puy-en-Velay ?

Je suis en train de l'avoir, je l'aurai l'année prochaine. Donc vous voyez, pour l'instant, on travaille dessus. Mais le point qui me semble important sur cette question, c'est que, que l'on soit Rom, que l'on soit gens du voyage, que l'on habite dans un lieu fixe ou non, il y a des règles dans la République. Ces règles, elles doivent être respectées. Vous avez raison : les communes doivent se doter d'aires d'accueil ; il faut en même temps aussi qu'on ait du respect. Et ce n'est pas parce qu'on est sur un terrain que ça donne le droit de prendre d'assaut une gendarmerie. Je crois que c'est ces règles-là, simples, qui sont les règles de la République, qui sont les règles du vivre ensemble, elles doivent être rappelées, et ce n'est pas stigmatiser une communauté, c'est lutter contre des comportements qui jettent le discrédit sur une communauté.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 juillet 2010