Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être à Limoges pour ce qui ne sera pas un bilan du Grenelle de l'Environnement : un bilan se tire à la fin d'un processus ; le Grenelle n'en est que le début.
Le début d'une dynamique vers une société nouvelle.
1. Une nouvelle démocratie écologique
La démarche du Grenelle n'est pas le fruit d'un hasard. Elle remonte à mars 2007 lorsque, pour répondre aux défis écologiques, les associations nous demandaient 4 moratoires.
Le candidat Sarkozy leur avait alors répondu que chaque moratoire posait un problème de société : comment arrêter les incinérateurs, sans réduire à la source les déchets et donc nos modèles de consommation.
D'où l'idée de mettre autour de la table tous les acteurs de la société civile. Et ce n'est pas l'Etat qui décide - c'était aux acteurs de trouver des compromis. Et tous les sujets ont été mis sur la table, sans tabous - Dans le respect - Et des compromis ont été trouvés.
De cette démarche participative, sont nés deux textes de loi. Le Grenelle I constitue notre feuille de route en fixant les grands objectifs. Le Grenelle II en est la boîte à outil. C'est un véritable monument législatif qui n'a pas de précédent sous la Vème république. 250 articles. Tous les domaines couverts : urbanisme, logement, transport, énergie, agriculture, biodiversité, eau, déchets...
Alors certains disaient que les reculs sont insoutenables. Je leur réponds simplement deux choses :
- Il n'y a pas une voie unique pour l'écologie. Ce n'est pas une dictature. Il est normal que sur un texte de cette ampleur nous ne soyons pas d'accord sur tout.
- Deuxièmement, le bilan global par rapport à la situation préexistante est considérable. Entre les extrêmes : le Grenelle est parfait et le Grenelle est un recul, il y a la raison : le Grenelle est un grand progrès.
2- Juste un rappel des enjeux.
Le premier défi que nous allons devoir relever et qui est au coeur du Grenelle : c'est la biodiversité.
La biodiversité, c'est quoi ?
C'est la diversité des espèces que l'on cultive, des insectes qui pollinisent. Son rôle est extraordinaire : elle est source d'alimentation, de la qualité de l'eau, de l'air et des sols... Elle est la vie.
Bref, la biodiversité assure des fonctions indispensables à toutes formes de vie. Or, elle connaît une hémorragie sans précédent : les espèces disparaissent à un rythme 1000 fois supérieur que leur disparition naturelle. C'est l'assurance de vie de la planète qui est en jeu.
Prenons un exemple : les abeilles. Nous connaissons tous la surmortalité qui les frappe -au point même d'en menacer l'existence. Or, 75% de la pollinisation naturelle se fait par les abeilles. En d'autres termes, et si nous voulions être juste mercantiles, la disparition des abeilles nous obligerait à trouver 2 milliards d'euros par an pour polliniser artificiellement !
Voilà pourquoi nous faisons un gros effort - Trois parcs nationaux supplémentaires, 10 aires marines protégées, le déploiement de la Trame Verte et Bleue qui irriguera tout le pays, une fondation de recherche pour la biodiversité. Et mon gros défi est que 2010 soit une année populaire pour la biodiversité. Une année pour mieux connaître, pour sensibiliser et pour protéger.
Je souhaite que le Limousin et chaque commune s'y inscrivent pleinement.
Vous devrez élaborer un schéma régional de cohérence écologique entre la Région et l'Etat. A vous de définir les contours de la trame verte et bleue.
Le deuxième d'entre eux est la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Aujourd'hui, nous sommes devant le pire des scénarios : tout indique une augmentation globale des températures de 5°, si rien n'est fait.
Cela vous semble peu sur une échelle de valeurs... Sauf qu'en sens inverse, une baisse globale de 5° plongerait la terre dans une période glacière.
Quelles seront les conséquences ? Accélérer les autres crises. Et d'ailleurs ce seront encore les plus pauvres, les pays les plus pauvres comme les populations les plus pauvres, qui paieront la facture.
Voilà pourquoi, la France a décidé de diviser par quatre ses gaz à effet de serre, d'ici à 2050. D'ores et déjà, la mutation est à l'oeuvre :
- 120 00 prêts à taux zéro ont déjà été contractés par les Français pour financer des travaux de rénovation thermique de leurs logements.
- 365 km de lignes de transports collectifs vont être créés et 660 kilomètres de lignes à grande vitesse seront construites dans toute la France, dès 2011.
- C'est la promotion de toutes les énergies renouvelables : le solaire photovoltaïque a progressé de 600% en 2 ans et l'éolien de 90%. L'énergie issue de la biomasse et notamment du bois bénéficie d'efforts de recherche et développement considérables avec un fonds doté d'un milliard d'euros. Vous avez un énorme potentiel pour la valorisation de la biomasse et l'hydraulique. J'ajoute que votre région est l'une des meilleures en terme de stockage de carbone.
Il vous appartiendra d'ici 2012 d'élaborer un schéma régional air-énergie-climat notamment pour fixer vos propres objectifs et actions d'économie d'énergie et de développement des EnR.
Troisième enjeu renouvelé par le Grenelle : la santé environnementale et la consommation.
« Mieux vaut prévenir que guérir »... un principe élémentaire qui a été un peu oublié. Avec Roselyne Bachelot, nous avons lancé l'année dernière un nouveau Plan National Santé Environnement. Un plan de 380 millions d'euros sur 5 ans auxquels s'ajoutent 110 millions d'euros du Grenelle pour la recherche sur la santé environnementale.
Ce plan se structure autour de deux axes : la lutte contre les inégalités environnementales et la réduction des pollutions qui ont le plus d'impact sur la santé. 58 mesures ont été arrêtées, suivant ces deux axes.
Pour exemple, nous allons mesurer la qualité de l'air dans tous les établissements scolaires. D'ici deux ans, 300 sites pilotes feront l'objet d'un test de surveillance.
Le Limousin prend activement part à cette expérimentation : 10 de vos écoles et de vos crèches feront l'objet d'une surveillance de l'air intérieur au cours de l'année scolaire 2010-2011. Cette phase d'expérimentation nous conduira, en 2012, à généraliser le dispositif qui sera obligatoire dans tous les établissements.
Nous devons aussi changer nos modes de consommation. Votre Région a des surfaces en agriculture biologique qui sont en dessous de la moyenne nationale (aux derniers chiffres de l'Agence Bio 2.2% de la SAU contre 2.5% au niveau national). Si je sais que le Bio n'est pas LA réponse unique de l'agriculture aux enjeux environnementaux de demain, je suis convaincue que l'agriculture biologique apporte un certain nombre de réponses et d'outils, utilisables dans l'agriculture conventionnelle, et répond à une vraie demande des consommateurs.
Là encore, PRSE, agriculture biologique, à vous de fixer vos objectifs et vos plans d'action.
3. Un nouveau mode de croissance durable et pérenne
Nous sommes devant une équation sans inconnue : il y aura de plus en plus d'Hommes et de moins en moins de ressources sur terre. Pour la résoudre, nous n'avons pas d'autres choix que d'innover.
L'Ecologie n'est pas la décroissance. Le Grenelle permettra de générer, Ldans les dix prochaines années, un niveau d'activité de 450 milliards d'euros et de créer 600.000 emplois supplémentaires - quel que soit le niveau de qualification.
En consolidant le modèle économique du Grenelle et les dépenses vertes du plan de relance, la France consacre plus de 19 milliards d'euros de crédits publics pour la seule période 2009-2011. Le Grand Emprunt, pour sa part, conforte notre action par le biais d'environ 10 milliards d'euros consacrés aux investissements structurels en matière de transport, d'énergies renouvelables ou d'économies d'énergie - par le biais des smart grids en particulier - soit autant de piliers de la croissance verte.
4. La territorialisation du Grenelle
Cette croissance, elle n'existera que si chaque Région, chaque collectivité, chaque acteur local la fait sienne. Nous avons créé la boîte à outils mais je ne veux pas d'une écologie prétentieuse imposée par l'Etat. L'écologie doit être un choix de société, un compromis au sein de chaque Région.
Des instances de concertation et de pilotage spécifiques sont nécessaires. C'est ce que vous avez fait, ici, dans le Limousin en mettant en place une gouvernance « grenelienne » territoriale. Votre démarche est à la fois pionnière et exemplaire. En plus du Comité régional de concertation du Grenelle (CRCG), vous êtes en train de mettre en oeuvre deux comités opérationnels du Grenelle (COG). Le premier réunit les maîtres d'ouvrage, le deuxième les usagers et partenaires. Je vous félicite pour ces initiatives originales et pertinentes.
Certes, l'après Grenelle II est la phase d'action, sur le terrain. Mais il ne faut pas pour autant renoncer à faire avancer la réflexion sur notre société. Cette réflexion doit être continue, car c'est ainsi que nous l'avons conçu avec Jean-Louis Borloo. L'idée d'un Grenelle 3 n'est pas un nouveau processus législatif. Mais, nous avons des chantiers de fond à creuser, des principes à affiner.
Notre réflexion sur les indicateurs économiques doit être relancée car le PIB n'intègre pas les enjeux environnementaux. Autre sujet fondamental, comment l'écologie peut-elle contribuer à réduire les inégalités sociales ? Il faut systématiser un principe pour que chaque action écologique soit déclinée prioritairement sur les plus fragiles. Enfin, dernier chantier : les enjeux démocratiques. Comment organiser la participation du public aux décisions ? Comment intégrer le long terme dans notre modèle politique ? Autant de chantiers qui n'ont pas encore été travaillés et qui méritent un gros travail de fond.
Ce serait une utopie que de vouloir une société durable sans ses citoyens. Voilà pourquoi, nous faisons ce tour de France du Grenelle. Le Grenelle II, avec ses 250 articles de loi, peut paraître bien abstrait, bien technique. En réalité, il est extrêmement concret et va impacter directement le quotidien des gens. Voilà pourquoi, je viens à votre rencontre et à votre écoute. L'enjeu est de vous expliquer ce qui a été décidé et de recueillir vos idées.
Parce que sans vous, le Grenelle serait cette utopie.
Source http://www.haute-vienne.pref.gouv.fr, le 19 juillet 2010