Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, à RMC le 15 avril 2010, sur le développement d'Internet.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- N. Kosciusko-Morizet est notre invitée, ce matin. Secrétaire d'Etat à la Prospective et au Développement de l'Economie numérique. Bonjour.
 
Bonjour.
 
Merci d'être avec nous. Vous êtes aussi maire de Longjumeau, dans l'Essonne. Ce matin, il y a quelques minutes sur RMC, les conducteurs de bus du département de Seine-Saint-Denis, annonçaient qu'ils allaient laisser leur bus au dépôt et ne plus circuler. Il y a eu un nouveau caillassage à Tremblay, dans la nuit, hier soir. A Longjumeau, comment faites-vous pour régler ces problèmes de caillassage ? Quelle solution avez-vous trouvé ?
 
D'abord on a besoin de beaucoup de fermeté, donc la dernière fois que ça nous est arrivé, il y a eu une enquête et on a retrouvé les personnes. Et puis par ailleurs, on a développé un partenariat avec la RATP qui fonctionne bien, dans lequel on essaie de créer le dialogue, parce que le fait d'avoir recruté par exemple, dans le quartier, le fait de connaître les chauffeurs, de connaître les personnes, ça crée de la confiance pour les chauffeurs et en fait, ça désamorce aussi une part de l'agressivité.
 
Donc la réponse n'est pas seulement policière ?
 
La réponse n'est jamais seulement policière. Il faut une réponse policière, parce qu'il faut que tout crime, tout délit, soit puni et puis il faut aussi recréer les conditions de la vie ensemble.
 
N. Kosciusko-Morizet, parlons du Net. Ce Net qui est attaqué ici ou là...
 
Oh ! Toujours !
 
Oui, toujours, vous...
 
Parfois par vous, J.-J. Bourdin.
 
Non, non, non, pas par moi, mais par N. Morano par exemple. Vous connaissez bien N. Morano. Vous l'aimez bien. Elle dit, d'abord, elle veut créer une police internationale de l'Internet, c'est une bonne idée ça ?
 
C'est un peu compliqué. Moi, je crois que la première police internationale de l'Internet, c'est les internautes eux-mêmes. C'est ceux qui par exemple, sont en train de se mobiliser sur Facebook parce que Facebook a voulu changer les règles de gestion des données personnelles et ils font plier Facebook, en disant « non mais attendez, on n'en veut pas. Nous sommes finalement les premiers propriétaires, parce que nous sommes les usagers. Ils sont un peu, c'est un philosophe, je crois, Bakounine, qui disait, comme ça : c'est l'usage qui fait la propriété. Les internautes, ils sont un peu comme ça : l'usage fait la propriété.
 
Alors N. Kosciusko-Morizet, je répète, encore, ce que dit N. Morano : « Internet, je déteste, c'est le temple des rumeurs et de la caricature ». C'est le temple des rumeurs et de la caricature, cet Internet ?
 
Internet n'a pas de finalité morale, c'est un outil. Internet c'est ni bien, ni mal. Ça dépend de ce qu'on en fait. On peut en faire le pire, on peut en faire le meilleur, j'ai aussi des exemples de ce qu'on peut en faire de meilleur.
 
Oui, le pire c'est la pédophilie, avec des exemples tout à fait récents. Est-ce qu'on doit censurer Internet ?
 
Tous les crimes...
 
Non, vous dites aucun pouvoir public ne doit censurer Internet ?
 
Tous les crimes, tous les délits qui se développent dans la vraie vie, peuvent se développer et parfois avec un peu plus de facilité sur Internet. Cela ne veut pas dire qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain.
 
C'est un outil qui permet le crime et le délit alors ?
 
Pas du tout, pas du tout. Ca veut dire que, encore une fois, ça n'a pas de finalité morale. Donc on peut en faire des pratiques illégales, on peut en faire des choses formidables. A nous, de nous organiser pour que Internet soit le lieu où il se passe des choses formidables. Internet, c'est aussi aujourd'hui, 7 % du PIB mondial, bientôt 20 %. Parce que c'est quelque chose qui est en train d'exploser, c'est aussi, des capacités de communication entre les personnes de mise en contact des personnes...
 
Donc Internet n'a pas de morale ?
 
Mais Internet, il n'y a pas de finalité morale, ce n'est pas bien ou mal. Ca dépend de ce que vous en faites. Je suis sûre que vous en faites, vous, J.-J. Bourdin, des choses formidables !
 
Donc c'est la réponse que vous apportez à N. Morano. Il y a des esprits parfois étroits, est-ce que ce sont des esprits étroits qui disent cela ?
 
Mais je ne m'arrête pas là, je ne dis pas seulement Internet pas bien ou mal, je dis : organisons-nous pour en faire le meilleur, voilà, c'est 7 % du PIB aujourd'hui, faisons en sorte, par exemple, qu'en France, ce soit de la création d'emploi. Moi, j'essaie d'utiliser les fonds du Grand emprunt, 15 % du Grand emprunt est consacré au numérique, pour ça. Développons nos accès à Internet, mais développons aussi, tous les emplois, toutes les activités qui tournent autour de l'Internet. C'est de la haute valeur ajoutée en plus. C'est très innovant.
 
Bien alors la neutralité, il y a techniquement, moi, je ne suis pas un grand spécialiste d'Internet, mais je sais qu'il y a saturation des réseaux. Risque de saturation des réseaux...
 
Oh ! Tous les usagers le savent.
 
Tous les usagers le savent, alors comment garantir un accès égal, équitable, à tous les sites ?
 
C'est le sujet aujourd'hui, sur Internet. Il y a plusieurs sujets, mais celui-là est vraiment majeur. Internet s'est développé parce que c'était un réseau ouvert, sur lequel par exemple, les petits et les gros étaient égaux.
 
A égalité.
 
Vous êtes un gros, vous montez un business sur Internet, vous avez accès, mais vous êtes un petit, vous n'avez quasiment aucun capital, vous avez juste une idée géniale, vous avez le même accès. Et donc vous pouvez, vous aussi, réussir, sur Internet. C'est pour ça qu'Internet c'est un milieu extrêmement innovant, il faut absolument préserver cette ouverture du Net. Or aujourd'hui, comme les réseaux sont engorgés, il y a des tentations de vouloir les réguler, ça il faut le faire pour partie, mais aussi...
 
C'est-à-dire réservé à certains utilisateurs, certaines heures ?
 
Ça peut être ça, ça peut être aussi une tentation d'intégration verticale, avoir un opérateur par exemple, qui dit : tiens je vais vous donner sur mon réseau, un accès privilégié à mes contenus. Le problème, c'est que ça veut dire, qu'il y a un moment où vous êtes dans un système fermé, vous n'avez plus le même accès à tout. On vous oriente, de préférence vers tel ou tel contenu.
 
Je vous interromps. Vous parliez de de la RATP, imaginons que la RATP qui réserve ses métros entre 17 heures 30 et 19 heures, aux seuls travailleurs. C'est un peu ça ?
 
Voilà ! Alors en même temps, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas du tout réguler, par exemple sur l'Internet mobile, c'est vrai qu'on peut considérer qu'il y a des usages qui sont extrêmement urgents, extrêmement sensibles et qui doivent voir leur bande passante garantie. Mais ce qui importe, c'est que s'il y a besoin, de gérer le réseau à un moment ou à un autre, il faut que ce soit provisoire, il faut que ce soit très transparent, et au bout du bout, il faut que l'essentiel de l'infrastructure, que l'infrastructure reste neutre. Il faut que tout le monde ait accès, il faut que vous puissiez continuer à avoir accès...
 
Alors est-ce que pour garantir l'équité, vous allez passer par la loi ?
 
Je pense qu'il faudra passer par la loi. Ce que je fais aujourd'hui, là, c'est que je fais une consultation parce que c'est un sujet qui apparaît très technique, mais qui en fait, est intensément politique.
 
Donc la loi garantira l'équité ?
 
Après ; je rends un rapport au Parlement, au mois de juin et je serai amenée, je pense à faire des propositions législatives, ce sera aux parlementaires des les reprendre, mais on a besoin par exemple de savoir qui est en charge de contrôler l'égalité d'accès au réseau, aujourd'hui, ce n'est pas clair.
 
C'est pour garantir l'équité, que vous passerez par la loi ?
 
La neutralité même.
 
La neutralité.
 
Oui.
 
Bien ! N. Kosciusko-Morizet, notre invitée, ce matin, 8heures 42, vous êtes sur BFM TV et RMC. On va parler retraites dans un instant. (.../...)
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 juillet 2010