Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "LCI" le 8 septembre 2010, sur l'avenir du projet de loi sur les retraites après les manifestations du 7 septembre, sur l'arrangement entre la mairie de Paris et l'UMP sur les emplois fictifs, sur les tiraillements au sein de l'UMP.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Bonjour.

M. Aubry le réclame au lendemain des manifestations réussies contre la réforme des retraites, « il faut tout reprendre à zéro » ditelle. Elle demande à N. Sarkozy de recevoir les syndicats et de recevoir le Parti socialiste. Que lui répondez-vous ?

Sur ce sujet, je trouve que le Parti socialiste fait le sapeur Camember.

C'est-à-dire ?

Avec une double trahison. La première trahison, c'est que M. Aubry l'a annoncé hier, pour le Parti socialiste il n'y a pas à défendre le niveau des retraites. Elle est prête à dire « je fais la retraite à 60 ans mais je sacrifie les retraites, je fais des retraites de pauvres, je fais des retraite au rabais ». C'est une énorme trahison par rapport à ce qu'est l'esprit des retraites en France, donc plus un modèle version américaine. La deuxième chose, c'est que le Parti socialiste trahit la retraite par répartition. En fait, qu'est-ce qu'ils sont en train de faire ? Ils proposent pour financer les retraites 37 milliards d'imposition.

Sur les riches !

Pas que sur les riches, sur l'assurance-vie par exemple, qui est détenue par plus de un Français sur deux. On aboutit donc à un système dans lequel, pour M. Aubry et pour le Parti socialiste, ça n'est plus la solidarité entre les générations qui garantit le financement de nos régimes de retraite. Et le dernier point, c'est que le Parti socialiste a la palme de l'irresponsabilité gouvernementale en Europe. Prenez Schröder, prenez Prodi, prenez Aznar, prenez Gonzalez, tout le monde, tous les partis socialistes européens ont eu le courage de faire une réforme des retraites. Pas eux. C'est le sapeur Camember européen des retraites.

Aznar n'était pas tout à fait socialiste...

...Gonzalez.

... mais je sens que vous durcissez le ton parce que vous avez eu peur, hier, de voir cette manifestation, eh bien aboutir à une récidive, une récidive, peut-être une grève générale.

Non ! La manifestation elle est parfaitement normale. A réforme importante, c'est normal qu'il y ait un mouvement important. C'est une réforme importante, c'est un rendez-vous important pour les Français, c'est logique qu'il y ait des Français qui aient exprimé leur inquiétude dans la rue. Il y en a d'autres qui ne l'ont pas fait, il y en a qui l'on fait. Mais il y a quand même des points : c'est une manifestation qui était logique, pas exceptionnelle, moins qu'en 2003, moins qu'en 2009, mais une manifestation importante.

Et si l'intersyndicale à 14 heures décide la grève générale ? Est-ce qu'on peut mettre en péril le lent redémarrage de l'économie française pour cette réforme ?

On ne va pas s'amuser à faire ce genre de chantage. On dirait d'un côté "chantage à l'économique" et de l'autre côté on ne finance pas vos retraites ? Aujourd'hui, il faut bien dire les choses, notre régime de retraite n'est pas financé et si on veut payer nos retraites demain, si on veut assurer l'avenir de notre retraite par répartition, il faut cette réforme. Aujourd'hui, les retraites ne sont pas financées, il faut que tout le monde le sache.

Que va lâcher tout à l'heure le président de la République ?
On l'a toujours dit, on garde ce cap - assurer le financement de nos retraites - et en même temps la porte est ouverte sur des sujets. Et le président de la République s'exprimera vraisemblablement en Conseil des ministres sur les sujets où on a toujours dit qu'on était ouverts à des avancées : la pénibilité, les polypensionnés, les carrières longues.

Dix-sept ans, par exemple, si on commence à travailler à 17 ans on pourra partir à 60 ?

Ah ça, c'est un point très important à préciser. Dans le projet de loi tel qu'il est aujourd'hui, et tel qu'on peut encore l'améliorer, les personnes qui ont commencé à travailler tôt pourront partir à 60 ans. C'est un point important parce que j'ai été frappé de voir, hier, dans les manifestations des gens qui disaient, « mais, moi, j'ai commencé à 15 ans, je ne veux pas aller jusqu'à 62 ans ». Ils n'auront pas à aller jusqu'à 62 ans et c'est un dispositif qui a été fait par F. Fillon.

Alors, tôt, ça veut dire quoi, 17 ans, 18 ans, 19 ans ?

Le président de la République va en parler. La seule condition, et c'est toujours la même : ne pas mettre en péril le principe absolu, assurer le financement de nos retraites. Juste un point, vous avez envie que ce soit vos enfants qui paient plus pour financer vos retraites ? Je crois qu'on doit toujours avoir ce curseur en tête.

Pouvez-vous aller plus loin et ramener à 65 ans, peut-être à 66, l'âge de départ à taux plein au lieu de 67 ans ?

Alors, d'abord ça n'est pas l'âge de départ à taux plein.

C'est sans décote.

67 ans c'est sans décote, ça n'a rien à voir.

Sans décote.

C'est-à-dire que vous pouvez partir à 60 ans, à 62 ans, avec votre retraite à taux plein.

Mais pour ceux qui n'ont pas eu leurs années, 67 ans c'est la barrière. Vous pouvez peut-être rabaisser.

Si on passe de 67 ans à 65 ans, ça coûte 7 milliards d'euros par an. Sept milliards d'euros c'est une somme considérable, ça remet en péril tout l'équilibre financier de nos retraites par répartition.

Demandez-vous un effort supplémentaire aux plus riches ou aux revenus du capital ?

C'est prévu dans le projet de loi, mais il ne faut pas oublier une chose, et tous les pays européens l'ont fait comme ça : c'est une réforme qui fait face à un problème démographique, la réponse doit être démographique. Pourquoi ? Si on demande des efforts supplémentaires, par exemple aux entreprises, l'impact va être sur les délocalisations et sur l'emploi. Vous l'avez dit, hors de question de fragiliser la reprise et l'emploi. Si on demande des efforts aux Français, vu les sommes considérables qui sont en cause, il y aura largement les classes moyennes qui devraient contribuer à ce type d'effort. On le voit sur le projet socialiste, c'est le pouvoir d'achat qui pâtirait.

N'êtes-vous pas choqué que l'UMP, donc les contribuables à Paris paient à la place de J. Chirac le prix des emplois fictifs ?

Je vais vous dire, je trouve que c'est une décision qui est digne et logique eu égard aux services et au poste qu'a occupé J. Chirac. Pas d'acharnement !

On lui évite un procès aux frais de la princesse, voilà !

Non ! On fait un accord qui évite que le contribuable parisien ait à payer. C'est une proposition qui a été faite par Delanoë, l'UMP l'a acceptée. Je trouve que c'est bien.

D'autres tensions existent à l'UMP. Est-ce que X. Bertrand est selon vous dépassé par sa tâche ? Est-ce qu'il est un gentil organisateur, comme dit P. Devedjian ?

J'ai été très agacé par les critiques contre X. Bertrand. D'abord, la première chose, il ne faut pas oublier qu'il a sacrifié un poste ministériel, les ors de la République, pour aller faire une vie de premier militant. Il n'y a pas beaucoup d'hommes politiques qui sont capables de faire ce choix. La deuxième chose c'est que depuis plus d'un an et demi, il anime sur le terrain la vie militante du parti, et il le fait avec beaucoup de talent et d'énergie. Et puis, la troisième, c'est qu'il a fait le choix de la loyauté. Il a fait le choix de jouer collectif et de ne pas faire du parti une espèce de poste de snipper. On ne va quand même pas reprocher à un homme politique de faire le choix de la fidélité à sa famille politique.

Et vous reprochez à J.-F. Copé d'être dans la déloyauté ?

Non, pas du tout ! J.-F. Copé est quelqu'un qui est talentueux, il fait avancer les choses. Il faut juste ne pas confondre les enjeux. Aujourd'hui, on est sur une rentrée avec beaucoup de dossiers, les Français ne comprendraient pas que certains hommes politiques se fixent comme calendrier électoral dès maintenant 2012 ou 2017. Et puis...

Quand vous lisez la tribune de J.-F. Copé, Baroin, Le Maire, Jacob, vous trouvez qu'ils visent 2017 ?

Non, je trouve que c'est bien, c'est une contribution, on en a besoin.

Vous auriez pu la signer, comme A. Juppé ?

Le seul bémol, mais qui est pour tout le monde, c'est que ce qui doit primer c'est la logique de rassemblement et pas la logique de clan, c'est tout.

Est-il vrai que J.-F. Copé a demandé à ce que vous soyez déchargé de la constitution du projet pour 2012 au sein de l'UMP ?

J'ai lu cet écho dans la presse avec beaucoup de distance parce que comme je connais bien J.-F. Copé, je sais qu'il n'est pas du genre à distribuer les bons et les mauvais points dans sa famille politique.

Vous lui parlez ?

Bien sûr !

S'il prend la tête de l'UMP dans un prochain remaniement où Bertrand reviendrait au Gouvernement, vous pouvez continuer à travailler avec Copé au sein de l'UMP sans problème ?

Evidemment, il fait partie des grandes figures de notre famille politique, et hier même dans l'hémicycle il nous a posé une question sur la politique de l'emploi.

Souhaitez-vous, puisqu'on parle remaniement, que F. Fillon soit confirmé dans son poste ou pensez-vous, pour la phase 2010-2012, il faut un nouvel élan, un nouveau Premier ministre ?

Je suis ministre, je ne suis ni Premier ministre, ni président de la République. Modeste secrétaire d'Etat dans ce gouvernement, ce n'est pas à moi de me prononcer sur ce genre de sujets.

Vous pouvez donner votre avis au Président, quand même.

Non, parce que je considère que ce n'est pas ma fonction. Ma fonction de c'est de faire mon travail en matière d'emploi, d'expliquer ce qu'on a à faire sur l'emploi des seniors, faire la pédagogie sur la réforme des retraites, je n'ai pas d'autre tâche.

L. Wauquiez, merci et bonne journée. Merci.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre 2010