Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Il n'est pas si fréquent de recevoir un héros des droits de l'Homme, un avocat courageux qui a dû quitter son pays. C'est un homme qui a beaucoup à nous dire et à nous apprendre. Il s'agit de Maître Mostafaei qui est avec nous ce matin ; il arrive de Norvège et il est l'avocat d'une prisonnière devenue célèbre, que nous avons voulu particulièrement défendre les uns et les autres. J'ai bien sûr cité Sakineh qui a pris une place considérable ces dernières semaines.
Cette femme a été accusée d'adultère, d'avoir assassiné son mari et a été condamnée à la lapidation. C'est une peine et un acte insupportables, même à imaginer, c'est le comble de la barbarie et le retour au Moyen-âge. Cette condamnation, je dois la replacer dans le cadre de l'oppression, des arrestations, des condamnations, des exécutions qui ont suivi le processus électoral iranien ayant conclu à l'élection du président Ahmadinejad.
Après ces élections, le mouvement Vert de protestation a fait l'objet d'une répression particulièrement dure. Mais concentrons-nous, si vous le voulez bien, sur Sakineh.
Je sais, Maître, que vous défendez beaucoup d'accusés et que vous vouez votre vie à leur liberté et à la défense des droits de l'Homme. Sakineh a en France, grâce à Bernard-Henri Lévy et à ses amis, entraîné une protestation considérable de la société civile, puisque ce matin on en était à 100 000 signatures. De notre côté, tout le système politique français a été alerté. Les protestations ont été très nombreuses parmi lesquelles, en premier lieu, celles du président de la République, de Mme Sarkozy, ainsi que des politiques de tous bords.
Nous avons alerté l'ensemble de l'Europe, ainsi que de nombreux autres pays à travers le monde. Comme samedi dernier, les 27 pays de l'Union européenne parleront ce lundi de la conduite à tenir et de ce qui pourra être fait pour sauver Sakineh. Nous en faisons une cause nationale. Le président de la République a dit que la France se portait garante, qu'elle devait défendre Sakineh ; en ce qui me concerne j'en fais une cause personnelle et je suis prêt à tout pour tenter de la sauver. Et s'il faut aller à Téhéran, j'irai à Téhéran. Mais nous sommes ici pour écouter le plus qualifié d'entre nous sur cette question douloureuse, Maître Mostafaei, avocat de Sakineh, qui ici connait le mieux le système judiciaire iranien.
(...)
Vous êtes précis, vous êtes émouvant et vous êtes un homme de grand courage.
Q - Maître, deux questions. La première : on dit que vous êtes arrivés hier avec votre femme et votre fille. La France vous a-t-elle offert l'asile politique ? Deuxième question : quelles sont vos relations professionnelles, quel est votre lien avec maître Houtan Kian, qui défend Sakineh sur place à Téhéran ?
(...)
R - Je peux vous assurer qu'il n'y aura pas de problèmes de visas.
Q - La France a-t-elle offert l'asile politique à Monsieur ?
R - Mais Monsieur ne l'a pas demandé. S'il le demandait, il l'aurait. Mais Monsieur fait ce qu'il veut, si vous permettez.
(...)
Q - Monsieur Kouchner, êtes-vous prêts à faire la même chose que le président brésilien, c'est-à-dire donner l'asile politique symboliquement à Madame ?
R - J'ai répondu. Si la demande est faite...
Q - Pour Mme Ashtiani ? Vous-même ?
R - Bien sûr. Mais vous avez vu la réponse qui fut adressée au président brésilien.
Q - Vous êtes désespéré ?
R - Non, je ne suis pas désespéré. Si j'étais désespéré, je ne serais pas devant vous. Au contraire nous sommes remplis d'espoir parce que le mouvement est déclenché, je le répète, dans la société civile iranienne, avec ces milliers de signatures et par les hommes politiques. J'espère que cela n'est que le début, que ce mouvement sera peut-être entendu en Iran et que cette pression, qui doit augmenter, sera le début du chemin vers la libération de Sakineh.
(...)
Q - Une question à l'intention de Monsieur le Ministre. C'est un petit peu hors-propos, peut-être saugrenu, pardonnez-moi. Comme on parle de mobilisation d'intellectuels, du gouvernement, etc., je profite de votre présence pour savoir si vous avez éventuellement des nouvelles des otages français, cette fois-ci, qui se trouvent en Afghanistan ?
R - Si cela n'était pas important et assez proche, je ne vous répondrais pas parce qu'il ne faut pas mélanger les sujets. Mais nous vous avons dit - je l'ai dit il y a quelques jours, Claude Guéant l'a dit hier - que nous avons de bonnes nouvelles de leur santé. Ils vont bien ; on appelle cela des preuves de vie. Dans ce cas-là, les preuves de vie sont très précieuses.
Nous sommes, comment vous dire, résolument optimistes dans la mesure où nous faisons tout pour qu'ils sortent le plus vite possible. La période du Ramadan est une complication supplémentaire. Cela va se terminer dans 8 ou 10 jours et nous nous acharnons.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2010