Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur [du Niger, M. Mayaki Assane],
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire [de Marcoussis, Olivier Thomas],
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
"La tragédie de la mort est en ceci qu'elle transforme la vie en destin", ces mots de Malraux résonnent douloureusement à nos oreilles, alors que nous sommes réunis aujourd'hui pour rendre hommage à Michel Germaneau.
La mort est toujours inacceptable. Elle devient insupportable lorsqu'elle frappe pour entretenir la peur au nom d'une idéologie fanatique et meurtrière. Michel Germaneau a été assassiné. Un assassinat lâche et barbare.
La dernière image que nous avons de Michel Germaneau est cette terrible photo de sa captivité. Mais, au-delà de la brutalité dont elle est chargée, cette photo a quelque chose de frappant : elle nous renvoie l'image d'un homme profondément digne, dont le regard reste ferme, malgré les affres qu'il devait endurer. Un regarde qui ne cille pas. Ce regard en témoigne, Michel n'a pas laissé cette victoire à ses odieux assassins.
Tous ceux qui le connaissent le disent, Michel Germaneau n'était pas de ceux qui restent chez eux.
Michel était un globe trotter. Un homme avide de comprendre le monde, d'aller à sa rencontre. A vingt ans déjà, en 1952, il parcourt la Turquie en moto. Puis, ingénieur en électromécanique, à la Compagnie des machines BULL et à la Compagnie des Signaux et d'Entreprises Electriques, il ira porter son inventivité et son perfectionnisme aux quatre coins du monde : Brésil, Bangladesh, Polynésie française, Gabon.
L'appel des grands horizons, toujours, le conduit au Niger pour assister à une éclipse de soleil. Nous sommes en mars 2006. Michel Germaneau, alors retraité, partage son temps entre Noillans, son village natal, Marcoussis, et son chalet dans les Alpes. Il tombe amoureux des sables du Sahel. Ce solitaire, timide et secret, est conquis par la chaleur et la générosité du peuple touarègue. C'est aussi une rencontre : une amitié très forte se noue avec Abidine Ouaghi, son guide, qui deviendra au fil des ans presqu'un fil adoptif, pour lui qui n'avait pas d'enfant. Abidine lui ouvre son village, In-Ababgharet, aux confins de l'Algérie et du Mali. Il y est heureux.
Il y découvre aussi le dénuement et décide de créer, avec des amis proches, une association - Enmilal, "entraide" en langue touarègue - pour y créer une école et un dispensaire. Yvonne Montico, une amie, la dirigera depuis l'Isère, Abidine Ouaghi en deviendra président au Niger.
Chaque année, Michel Germaneau revient donc au Sahel pour suivre ces projets. Rien ne l'en dissuade, ni son coeur faible, ni son âge, ni la chaleur étouffante du désert. Encore moins les menaces d'Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). "Que veux-tu qu'il m'arrive ?", disait-il lorsque quelqu'un le mettait en garde.
Mais, le 20 avril 2010, Michel Germaneau croise la barbarie sur son chemin. Enlevé par AQMI, il périra aux mains de ses ravisseurs trois mois plus tard. Le drame a tourné à la tragédie, malgré tous les efforts déployés par la France.
Je le redis ici, nous nous sommes heurtés à des assassins déterminés et implacables, qui avaient déjà porté leur détermination meurtrière contre un otage, le Britannique, Edwen Dyers, exécuté il y a un an. Privant Michel de ses médicaments, refusant tout dialogue, ses geôliers l'avaient déjà condamné à mort...
Alors que nous célébrons la mémoire de Michel Germaneau, je veux aussi rendre hommage à tous ces Français bénévoles qui, comme lui, se dévouent pour venir en aide aux populations en détresse, parfois au péril de leur vie.
Mais je veux aussi les mettre en garde, solennellement : la générosité, le courage, le sens du partage, le respect, l'amitié, en un mot toutes ces valeurs qui fondent l'action humanitaire, sachez-le, ne vous protègent en aucune façon contre les terroristes d'AQMI.
Aujourd'hui : nul n'est à l'abri. Pas même les grandes entreprises, qui bénéficient de la protection de l'armée - on vient d'en avoir la terrible confirmation. Vous le savez, la terreur a encore frappé. Sept personnes travaillant pour l'entreprise Areva, dont cinq de nos compatriotes, ont été enlevées, hier au Niger. Je pense à eux. A leurs proches. Et veux leur dire que la France entière est derrière eux. Que nous sommes pleinement mobilisés, à tous les niveaux de l'Etat, et mettrons tout en oeuvre pour obtenir leur libération.
La lutte contre le terrorisme et l'insécurité au Sahel est désormais une priorité pour la France. Il en va de notre sécurité nationale, de celle de nos compatriotes. Il en va également de celle de nos partenaires européens, qui, eux aussi, sont directement visés par AQMI. L'Europe entière doit se mobiliser pour aider les Etats de la région à restaurer leur souveraineté dans ces grands espaces incontrôlés du Sahel, là où les trafiquants et les terroristes d'AQMI veulent faire la loi. C'est ce à quoi s'emploie notre diplomatie. Nous venons d'ailleurs, avec huit de nos partenaires européens, d'adresser une lettre à Mme Ashton pour appeler son attention sur la nécessité, pour l'Union européenne, de se saisir de cet enjeu majeur.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Faire vivre la mémoire de Michel Germaneau, c'est poursuivre son combat contre l'injustice et la misère. C'est aller au bout de cette belle entreprise qui lui a coûté la vie. C'est pourquoi nous avons décidé de financer la construction du dispensaire, en projet à Al Abangharit.
Il nous revient aussi de faire en sorte que notre mémoire collective conserve l'empreinte du passage de Michel Germaneau, aujourd'hui privé de tombeau. Je vais donc remettre aux membres de l'association EnMillal la plaque commémorative destinée au dispensaire.
C'est à un autre amoureux du désert, Tahar Ben Jelloun, que je voudrais laisser les derniers mots : "L'homme qui, du désert connaît le secret, ne peut vieillir. La mort viendra, tournera autour de la dune, puis repartira."
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2010
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire [de Marcoussis, Olivier Thomas],
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
"La tragédie de la mort est en ceci qu'elle transforme la vie en destin", ces mots de Malraux résonnent douloureusement à nos oreilles, alors que nous sommes réunis aujourd'hui pour rendre hommage à Michel Germaneau.
La mort est toujours inacceptable. Elle devient insupportable lorsqu'elle frappe pour entretenir la peur au nom d'une idéologie fanatique et meurtrière. Michel Germaneau a été assassiné. Un assassinat lâche et barbare.
La dernière image que nous avons de Michel Germaneau est cette terrible photo de sa captivité. Mais, au-delà de la brutalité dont elle est chargée, cette photo a quelque chose de frappant : elle nous renvoie l'image d'un homme profondément digne, dont le regard reste ferme, malgré les affres qu'il devait endurer. Un regarde qui ne cille pas. Ce regard en témoigne, Michel n'a pas laissé cette victoire à ses odieux assassins.
Tous ceux qui le connaissent le disent, Michel Germaneau n'était pas de ceux qui restent chez eux.
Michel était un globe trotter. Un homme avide de comprendre le monde, d'aller à sa rencontre. A vingt ans déjà, en 1952, il parcourt la Turquie en moto. Puis, ingénieur en électromécanique, à la Compagnie des machines BULL et à la Compagnie des Signaux et d'Entreprises Electriques, il ira porter son inventivité et son perfectionnisme aux quatre coins du monde : Brésil, Bangladesh, Polynésie française, Gabon.
L'appel des grands horizons, toujours, le conduit au Niger pour assister à une éclipse de soleil. Nous sommes en mars 2006. Michel Germaneau, alors retraité, partage son temps entre Noillans, son village natal, Marcoussis, et son chalet dans les Alpes. Il tombe amoureux des sables du Sahel. Ce solitaire, timide et secret, est conquis par la chaleur et la générosité du peuple touarègue. C'est aussi une rencontre : une amitié très forte se noue avec Abidine Ouaghi, son guide, qui deviendra au fil des ans presqu'un fil adoptif, pour lui qui n'avait pas d'enfant. Abidine lui ouvre son village, In-Ababgharet, aux confins de l'Algérie et du Mali. Il y est heureux.
Il y découvre aussi le dénuement et décide de créer, avec des amis proches, une association - Enmilal, "entraide" en langue touarègue - pour y créer une école et un dispensaire. Yvonne Montico, une amie, la dirigera depuis l'Isère, Abidine Ouaghi en deviendra président au Niger.
Chaque année, Michel Germaneau revient donc au Sahel pour suivre ces projets. Rien ne l'en dissuade, ni son coeur faible, ni son âge, ni la chaleur étouffante du désert. Encore moins les menaces d'Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). "Que veux-tu qu'il m'arrive ?", disait-il lorsque quelqu'un le mettait en garde.
Mais, le 20 avril 2010, Michel Germaneau croise la barbarie sur son chemin. Enlevé par AQMI, il périra aux mains de ses ravisseurs trois mois plus tard. Le drame a tourné à la tragédie, malgré tous les efforts déployés par la France.
Je le redis ici, nous nous sommes heurtés à des assassins déterminés et implacables, qui avaient déjà porté leur détermination meurtrière contre un otage, le Britannique, Edwen Dyers, exécuté il y a un an. Privant Michel de ses médicaments, refusant tout dialogue, ses geôliers l'avaient déjà condamné à mort...
Alors que nous célébrons la mémoire de Michel Germaneau, je veux aussi rendre hommage à tous ces Français bénévoles qui, comme lui, se dévouent pour venir en aide aux populations en détresse, parfois au péril de leur vie.
Mais je veux aussi les mettre en garde, solennellement : la générosité, le courage, le sens du partage, le respect, l'amitié, en un mot toutes ces valeurs qui fondent l'action humanitaire, sachez-le, ne vous protègent en aucune façon contre les terroristes d'AQMI.
Aujourd'hui : nul n'est à l'abri. Pas même les grandes entreprises, qui bénéficient de la protection de l'armée - on vient d'en avoir la terrible confirmation. Vous le savez, la terreur a encore frappé. Sept personnes travaillant pour l'entreprise Areva, dont cinq de nos compatriotes, ont été enlevées, hier au Niger. Je pense à eux. A leurs proches. Et veux leur dire que la France entière est derrière eux. Que nous sommes pleinement mobilisés, à tous les niveaux de l'Etat, et mettrons tout en oeuvre pour obtenir leur libération.
La lutte contre le terrorisme et l'insécurité au Sahel est désormais une priorité pour la France. Il en va de notre sécurité nationale, de celle de nos compatriotes. Il en va également de celle de nos partenaires européens, qui, eux aussi, sont directement visés par AQMI. L'Europe entière doit se mobiliser pour aider les Etats de la région à restaurer leur souveraineté dans ces grands espaces incontrôlés du Sahel, là où les trafiquants et les terroristes d'AQMI veulent faire la loi. C'est ce à quoi s'emploie notre diplomatie. Nous venons d'ailleurs, avec huit de nos partenaires européens, d'adresser une lettre à Mme Ashton pour appeler son attention sur la nécessité, pour l'Union européenne, de se saisir de cet enjeu majeur.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Faire vivre la mémoire de Michel Germaneau, c'est poursuivre son combat contre l'injustice et la misère. C'est aller au bout de cette belle entreprise qui lui a coûté la vie. C'est pourquoi nous avons décidé de financer la construction du dispensaire, en projet à Al Abangharit.
Il nous revient aussi de faire en sorte que notre mémoire collective conserve l'empreinte du passage de Michel Germaneau, aujourd'hui privé de tombeau. Je vais donc remettre aux membres de l'association EnMillal la plaque commémorative destinée au dispensaire.
C'est à un autre amoureux du désert, Tahar Ben Jelloun, que je voudrais laisser les derniers mots : "L'homme qui, du désert connaît le secret, ne peut vieillir. La mort viendra, tournera autour de la dune, puis repartira."
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2010