Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, à Canal Plus le 6 septembre 2010, sur les réactions face à la réforme des retraites.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

C. Roux.-   Le parti du Président tente de résister à l’offensive de J.-F. Copé et de ses amis bien décidés à prendre les clés de la boutique. Ce weekend, X. Bertrand a été la cible d’attaques qui n’ont jamais été aussi virulentes. Alors que la semaine s’annonce tendue dans la rue, c’est bel et bien de la majorité que viennent les premiers crocs-en-jambe. Bonjour, soyez la bienvenue !
 
Bonjour.
 
Alors, un ministre qui va porter le dossier des retraites affaibli, un mouvement de grève soutenu par les Français, un Président au plus bas dans les sondages, une majorité divisée... La question qu’on a envie de vous poser ce matin c’est : est-ce que le Gouvernement est en position de force pour entamer ce bras de fer social ?
 
C’est la rentrée. Cela fait trois ans depuis l’élection de N. Sarkozy qu’on nous annonce à chaque fois une rentrée chaude, sociale, et tout. Bon, là, c’est la rentrée, c’est la rentrée avec des très grosses réformes, des très gros enjeux, la réforme des retraites où...- c’est un ministre socialiste dans le temps qui disait qu’il y avait de quoi faire tomber vingt gouvernements. La France, aujourd’hui, en a besoin, c’est, je crois le courage de la faire, je crois que c’est à l’honneur de la majorité mais ce n’est pas facile.
 
Vous dites, en gros, que c’est une rentrée comme les autres, 2 millions de personnes attendues dans la rue demain...
 
Non, je ne dis pas que c’est une rentrée comme les autres. Je dis qu’avec une réforme aussi importante que celle des retraites, c’est normal que ça bouge, c’est normal qu’il y ait du débat et c’est même normal qu’il y ait de la polémique. Et en même temps, je pense que c’est à l’honneur de cette majorité que de porter cette réforme parce qu’aujourd’hui, une retraite sur dix est financée par l’emprunt. Donc, concrètement, cela veut dire que c’est nos enfants qui paient la retraite de certaines personnes qui sont déjà aujourd’hui à la retraite. Et si on ne fait rien, bientôt ce sera une sur six, c’est-à-dire qu’on va soit vers la faillite du système et à ce moment-là, c’est ceux qui n’ont pas de moyens, qui n’ont pas de capital de côté qui paieront ; soit vers une obligation de baisser les pensions. Et ça, on ne le veut pas. Soit faire une obligation d’augmenter les impôts et ça, on ne le veut pas. Passer de 60 à 62 ans l’âge de la retraite alors que l’espérance de vie a beaucoup augmenté, c’est assez normal, tout le monde le comprend bien.
 
Qu’est-ce que votre électorat attend selon vous ? Tenir quoi qu’il arrive ?
 
Ce n’est pas seulement notre électorat. Je crois que les Français ont le droit... et en fait dans le fond, ils attendent la vérité. Alors parfois, ils peuvent être troublés et ils se disent par exemple : « est-ce qu’on a vraiment besoin de faire ça, est-ce qu’on ne pourrait pas faire autrement ». Et donc notre responsabilité à nous, c’est peut-être d’être toujours plus pédagogues. Par exemple, ce week-end, il y avait le forum des associations dans les communes, les gens vont inscrire leurs enfants à l’école, bon, moi j’ai croisé beaucoup de gens dans ma commune, j’ai vu des gens qui se posaient des questions sur, comment la réforme allait s’appliquer à eux ? Ça, tout le monde a besoin de le comprendre...
 
Mais est-ce que vous vous dites "il faut tenir quoi qu’il arrive" ?
 
Il faut, quoi qu’il arrive, sortir de là avec le sauvetage du système par répartition. Et moi...
 
Donc la réforme passera quoi qu’il arrive, 2 millions, 3 millions de personnes dans la rue ?
 
Et je crois que ça passe de toute façon par le report de l’âge de départ de 60 à 62 ans. Après, est-ce qu’il peut y avoir des adaptations, des prises en compte de telle ou telle problématique qui... Le président de la République lui-même a ouvert la porte à des modifications sur la pénibilité, on sera le premier pays en Europe à prendre en compte la pénibilité ; sur les carrières longues, donc les gens qui ont commencé à travailler très tôt et sur les poly-pensionnés. Là, c’est un sujet de justice, les personnes qui ont eu plusieurs régimes de retraite souvent sont vraiment défavorisées par les régimes actuels.
 
J’en reviens à ma première question : est-ce que quand on est membre du Gouvernement, membre de la majorité, on se sent fort dans le rapport de force qui s’ouvre face à la rue, face aux syndicats ?
 
Oui, enfin moi, ce n’est pas mon tempérament de réagir en fonction de savoir qui est fort et faible dans un rapport de force.
 
Ce n’est pas ce qui se joue aujourd’hui ?
 
Ecoutez, je crois que là où on est forts, c’est qu’on a besoin de cette réforme, et je pense que profondément les Français sentent qu’on a besoin... J’ai vu un sondage - tenez, pour une fois, c’est moi qui vais dire les mauvais sondages...
 
J’en ai un autre après, je suis sûre que ce n’est pas le même...
 
Ben justement, c’est peut-être le même...
 
Allez-y !
 
Il y a 70 % des Français qui disent que... c’était le même, c’était le vôtre ?
 
Non... Alors on ne le lit pas de la même manière, mais allez-y.
 
Il y a 70 % des Français qui disent qu’ils comprennent que les gens descendent dans la rue. Moi j’entends bien et c’est vrai que c’est une grosse réforme et en effet c’est normal quelque part qu’il y ait des manifestations. Il y a aussi 53 % des Français qui disent que c’est acceptable qu’on passe l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. C’est acceptable, ça ne veut pas dire que ça fait plaisir, mais ça veut dire qu’on comprend, qu’on en a besoin parce que ce n’est pas normal que ce soit des enfants, les enfants d’aujourd’hui et donc les adultes de demain, qui paient pour la retraite des personnes aujourd’hui. Ce n’est pas normal...
 
J’avais un autre chiffre : 60 % des Français ne veulent plus qu’E. Woerth mène la réforme des retraites. Et vous ?
 
Moi, je trouve qu’E. Woerth, d’abord a fait tout le travail jusqu’ici, donc c’est lui qui tient le dossier, c’est lui qui a la compétence, c’est lui qui a le talent pour le faire. Et j’ajoute qu’il faut faire la part des choses, on sait très bien qu’E. Woerth est attaqué dans le cadre de l’affaire Bettencourt parce qu’il porte la réforme des retraites. Si E. Woerth avait été sur un sujet moins sensible, ça aurait fait long feu. Tout l’été on a vu... toutes les semaines on essaie de sortir une nouvelle affaire, il y a eu la succession César, il y a eu l’affaire de son emprunt là sur la municipale de 2008, bon, tout ça c’est parce que c’est E. Woerth et parce qu’il porte la réforme des retraites. Donc ça n’aurait pas de sens de changer. On va continuer avec les successions, mais celles de l’UMP maintenant.
 
Oui. Il y a eu des déclarations au vitriol à l’encontre de X. Bertrand ce week-end, porté par un ancien secrétaire général de l’UMP, P. Devedjian, ministre de la Relance, et porté aussi par des chiraco-villepinistes emmenés par J.-F. Copé. Est-ce que vous souhaitez que X. Bertrand reste le patron de l’UMP ?
 
Oui, et je vais vous dire deux choses. D’abord, patron du parti c’est toujours difficile et on est toujours attaqué, P. Devedjian le sait bien, qui a été patron du parti, et à l’égard duquel certains n’avaient pas économisé leurs attaques à l’époque. Donc patron du parti, c’est toujours le job dans lequel vous faites la cible du jeu de fléchettes, c’est comme ça. Et puis il y a autre chose, c’est que les petites phrases en politique c’est assez saisonnier, et le mois de septembre, c’est toujours le mois des petites phrases avec la rentrée politique, les universités d’été. Pendant la moisson, les petites phrases s’éteignent et elles reviennent avec les vendanges, les vendanges c’est en septembre, c’est normal. Il n’y a pas de quoi en faire un drame.
 
Il faut attendre l’hiver, c’est juste ça ?
 
Mais je trouve que cette année, on fait un drame des petites phrases de la rentrée, il y a toujours eu des petites phrases à la rentrée, il n’y a rien de neuf et ça n’a aucun intérêt. D’ailleurs, les Français s’en moquent et ils ont raison, je vais vous dire, la question de savoir qui va diriger l’UMP, même parmi les militants de l’UMP, on ne m’en parle pas beaucoup. En revanche, la rentrée, les retraites oui, ça on en parle.
 
Donc vous dites que X. Bertrand est un bon patron de l’UMP. On continue avec X. Bertrand, vous ne voulez pas de J.-F. Copé à la tête de l’UMP ?
 
Je dis on continue, mais je dis aussi : on se met en ordre de bataille pour 2012. Et c’est ce qu’on est en train de faire avec, par exemple, la préparation des conventions, la préparation du projet 2012 et ça, c’est le boulot de l’année qui vient.
 
Qu’est-ce que vous allez en faire de ces critiques justement exprimées par une partie de votre famille politique, en disant qu’il faut une UMP redynamisée ? Qu’est-ce que vous en faites de ces critiques, vous les laissez donc dans les petites phrases de la rentrée ? On va les enterrer. Ou vous en faites quelque chose ?
 
Pas seulement, on va les intégrer le plus largement possible. Moi, je crois beaucoup à la construction d’un projet. Cela se fait en bouillonnant, ça intègre une part de polémiques, c’est normal, sinon c’est que c’est mou et un projet ça ne doit pas être mou. Celui de 2007, il était fort, on le tient au maximum, c’était la rupture, on a besoin de continuer à réformer la France, en même temps il faut trouver des mots différents pour le dire en 2012. Et puis, la crise est passée par là et ça, c’est quelque chose qu’on va construire en intégrant toutes les critiques et mêmes toutes les polémiques, ça ne pose aucun problème.
 
Les polémiques, il y en a aussi concernant le remaniement. A. Juppé a dit hier « il faut un grand changement », des critiques se sont exprimées aussi en demandant un gouvernement resserré. Est-ce que ça vous irait à vous, un gouvernement resserré ? A l’Economie numérique, est-ce que vous pensez rester dans le casting ?
 
Le président de la République dit lui-même qu’il envisage un grand changement et un gouvernement resserré. Donc là-dessus, il semble qu’il y ait un accord à travers la majorité. Et pour le reste, vous savez, c’est des choses dont nous ne décidons pas. Donc voilà, on ne dépense pas de l’énergie sur des sujets sur lesquels on ne décide pas. Ce n’est pas moi qui décide.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 7 septembre 2010