Texte intégral
Q - En ce qui concerne l'affaire Sakineh, vous avez écrit à Catherine Ashton pour demander un engagement fort de l'Union européenne à l'égard des violations des droits de l'Homme en Iran. Qu'entendez-vous exactement par «engagement plus fort» ?
R - Nous sommes particulièrement préoccupés par le cas de cette femme condamnée à une peine barbare et nous nous sommes particulièrement engagés pour la soutenir. Le président de la République l'a fait savoir aux ambassadeurs français à l'occasion de leur conférence annuelle à la fin du mois d'août : la France considère qu'elle est responsable du sort de Sakineh Mohammadi Ashtiani. La lapidation est une peine d'un autre âge que rien ne saurait justifier. C'est une grave violation des droits de l'Homme qui soulève l'indignation, une indignation exprimée par des dizaines de milliers de femmes et d'hommes qui se mobilisent dans le monde entier pour soutenir Sakineh Mohammadi Ashtiani.
Notre mobilisation doit être collective et concrète. J'ai envoyé une lettre à Catherine Ashton et à mes homologues européens pour transmettre ce message. Aujourd'hui, j'espère que Sakineh Mohammadi Ashtiani sera épargnée et j'ai instamment demandé à plusieurs reprises aux autorités iraniennes de prendre une décision en ce sens. Le lundi 6 septembre, j'ai rencontré le premier avocat de Sakineh, M. Mostafaei. Nous resterons pleinement mobilisés jusqu'à ce que, comme nous l'espérons, une décision positive et définitive soit prise.
Q - Avant d'être ministre des Affaires étrangères, vous étiez- et vous êtes toujours- considéré comme un militant des droits de l'Homme. En tant que militant des droits de l'Homme, quelle serait votre position en ce qui concerne les violations des droits de l'Homme en Iran ?
R - Je vous remercie de rappeler l'engagement que j'ai eu et que j'aurai toute ma vie en faveur des droits de l'Homme. C'est l'un des principaux moteurs de mon action en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes. Nos priorités incluent le soutien à l'abolition de la peine de mort, la cause des femmes, la lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination et la liberté d'expression, pour n'en citer que quelques unes.
En ma qualité de ministre des Affaires étrangères, je prends constamment des mesures destinées à faire mieux respecter les principes universels des droits de l'Homme à l'ère de la mondialisation. Je voudrais vous donner un exemple directement lié à la situation en Iran, à savoir la question de la liberté d'expression et des nouvelles technologies, qui est aujourd'hui fondamentale. En Iran, les fantastiques nouveaux outils technologiques servant à diffuser l'information et les opinions se développent. Mais nous voyons bien que le régime censure ces outils, restreint l'accès à ceux-ci ou, pire encore, les utilise pour traquer les voix dissidentes.
C'est sur la base de ces observations que j'ai lancé une initiative sur cette question cruciale. Avec mon homologue néerlandais, nous avons organisé pour la première fois le 8 juillet 2010 une réunion d'ONG, de sociétés internet et d'Etats qui partagent notre détermination à combattre la répression et la censure sur Internet. Fin octobre, nous organiserons une conférence ministérielle à Paris pour aller encore plus loin. L'enjeu est de mieux défendre les cyberdissidents et de mieux contrôler les techniques de brouillage et de filtrage.
Q - Le cas de Sakineh n'est pas le premier et ne sera sans doute pas le dernier. Voyez-vous cette situation comme «le malheur des autres » ? Que faut-il faire ?
R - Il ne s'agit certainement pas de « malheur des autres». J'ai dit ce que je pensais à plusieurs reprises à propos des situations individuelles les plus graves en exhortant l'Iran à y mettre un terme. J'ai également encouragé et soutenu les déclarations de l'Union européenne qui s'est exprimée publiquement par la voix de lady Ashton.
Nous continuerons à proclamer que nous avons de sérieuses inquiétudes en ce qui concerne certains cas individuels. Le cas de Sakineh est peut-être emblématique, mais, malheureusement, comme vous l'avez fait remarquer, ce n'est pas un cas isolé. Un jeune homme de dix-huit ans, Ebrahim Hamidi, a été condamné à mort en Iran parce qu'il est homosexuel. La France a exprimé son indignation devant cette décision. Nous devons nous engager pour obtenir que ce jeune homme soit épargné et pour que l'homosexualité cesse d'être punissable de la peine de mort en Iran et dans les autres pays concernés. Notre engagement n'a pas été vain : le cinéaste Jafar Panahi a été libéré de prison le 25 mai 2010 à la suite de l'appel que j'ai lancé avec Frédéric Mitterrand, le ministre français de la Culture.
Q - En entendant l'expression «Mouvement vert», quelle est la première image qui vous vient à l'esprit ? Avez-vous une vision claire de la direction de ce mouvement et de sa position politique ? Du point de vue occidental, ses revendications sont-elles assez claires pour être identifiées ?
R - Je pense aux nombreux Iraniens qui contestaient les résultats des élections de juin 2009 et qui maintenant sont privés de leurs droits civiques. Sans faire d'ingérence dans les affaires nationales iraniennes, il est impossible de se taire face à des violations massives des droits de l'Homme. En accord avec sa tradition de solidarité, la France soutient tous ceux qui luttent avec courage, dignité et détermination pour leurs droits fondamentaux.
Q - Différents scénarios ont été avancés en ce qui concerne l'Iran. Compte tenu des circonstances, quel scénario considérez-vous comme le plus probable et quelles en sont les caractéristiques ?
R - Tous les pays du monde sont vraiment attentifs à ce qui se passe en Iran qui demeure la principale menace pesant sur la sécurité internationale dans le domaine clé de la prolifération. Les scénarios futurs dépendent à présent de la position des autorités iraniennes. Notre objectif est clair : faire comprendre à l'Iran que ses choix sont de plus en plus coûteux et que la seule alternative est d'engager des négociations sérieuses. Nous verrons si l'Iran est prêt à le faire. Le Conseil de sécurité, les Etats-Unis, l'Union européenne et d'autres ont pris des mesures. Nous allons à présent mettre en oeuvre ces sanctions et rester fidèles à la stratégie de la «double voie» adoptée et soutenue par la communauté internationale.
Q - M. Sarkozy a prévenu que «Si l'Iran ne peut pas parvenir à un accord crédible, son isolation va s'accentuer, tout comme les menaces et les éventuels dangers. Nous nous préparons et nous organisons pour défendre des pays qui peuvent être en danger». Qui, ou quoi doit s'organiser et se mobiliser ?
R - Nous sommes déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter d'être confrontés au pire des choix : soit la mise au point d'une bombe nucléaire iranienne, qui pourrait signer l'arrêt de mort de notre régime de non-prolifération, soit le bombardement de l'Iran, qui aurait des conséquences catastrophiques et à portée considérable.
Le seul moyen d'éviter cette situation est de parvenir à un accord négocié ; nous sommes convaincus que cela est possible et tous nos efforts se concentrent sur cet objectif. Nous intensifions les sanctions contre l'Iran dans le seul but de lui démontrer le coût élevé et croissant de ses décisions et de l'encourager à coopérer.
Q - Si la République islamique s'accorde avec les pays occidentaux sur la question nucléaire, les relations vont-elles se normaliser ?
R - Je voudrais tout d'abord rappeler que les sanctions imposées par la communauté internationale ne sont en aucune façon dirigées contre le peuple iranien, mais visent plutôt les décisions prises par le régime. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir - et j'y ai veillé personnellement - pour éviter, dans toute la mesure du possible, que la population iranienne ne souffre des conséquences de la mise en oeuvre de ces sanctions.
La résolution de la question nucléaire iranienne améliorerait naturellement la position de l'Iran au sein de la communauté internationale. L'isolement du pays est du en grande partie à sa décision de mener des activités d'enrichissement extrêmement sensibles en violation de ses engagements internationaux, en donnant à penser que l'intégralité ou une partie de son programme nucléaire est à usage militaire.
Néanmoins, la relation bilatérale franco-iranienne doit être envisagée comme un tout et ne se limite pas à la question nucléaire, même si cette question est pour nous un grand motif d'inquiétude. Nous sommes également profondément préoccupés par la situation des droits de l'Homme en Iran et demeurerons vigilants à ce sujet.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2010
R - Nous sommes particulièrement préoccupés par le cas de cette femme condamnée à une peine barbare et nous nous sommes particulièrement engagés pour la soutenir. Le président de la République l'a fait savoir aux ambassadeurs français à l'occasion de leur conférence annuelle à la fin du mois d'août : la France considère qu'elle est responsable du sort de Sakineh Mohammadi Ashtiani. La lapidation est une peine d'un autre âge que rien ne saurait justifier. C'est une grave violation des droits de l'Homme qui soulève l'indignation, une indignation exprimée par des dizaines de milliers de femmes et d'hommes qui se mobilisent dans le monde entier pour soutenir Sakineh Mohammadi Ashtiani.
Notre mobilisation doit être collective et concrète. J'ai envoyé une lettre à Catherine Ashton et à mes homologues européens pour transmettre ce message. Aujourd'hui, j'espère que Sakineh Mohammadi Ashtiani sera épargnée et j'ai instamment demandé à plusieurs reprises aux autorités iraniennes de prendre une décision en ce sens. Le lundi 6 septembre, j'ai rencontré le premier avocat de Sakineh, M. Mostafaei. Nous resterons pleinement mobilisés jusqu'à ce que, comme nous l'espérons, une décision positive et définitive soit prise.
Q - Avant d'être ministre des Affaires étrangères, vous étiez- et vous êtes toujours- considéré comme un militant des droits de l'Homme. En tant que militant des droits de l'Homme, quelle serait votre position en ce qui concerne les violations des droits de l'Homme en Iran ?
R - Je vous remercie de rappeler l'engagement que j'ai eu et que j'aurai toute ma vie en faveur des droits de l'Homme. C'est l'un des principaux moteurs de mon action en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes. Nos priorités incluent le soutien à l'abolition de la peine de mort, la cause des femmes, la lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination et la liberté d'expression, pour n'en citer que quelques unes.
En ma qualité de ministre des Affaires étrangères, je prends constamment des mesures destinées à faire mieux respecter les principes universels des droits de l'Homme à l'ère de la mondialisation. Je voudrais vous donner un exemple directement lié à la situation en Iran, à savoir la question de la liberté d'expression et des nouvelles technologies, qui est aujourd'hui fondamentale. En Iran, les fantastiques nouveaux outils technologiques servant à diffuser l'information et les opinions se développent. Mais nous voyons bien que le régime censure ces outils, restreint l'accès à ceux-ci ou, pire encore, les utilise pour traquer les voix dissidentes.
C'est sur la base de ces observations que j'ai lancé une initiative sur cette question cruciale. Avec mon homologue néerlandais, nous avons organisé pour la première fois le 8 juillet 2010 une réunion d'ONG, de sociétés internet et d'Etats qui partagent notre détermination à combattre la répression et la censure sur Internet. Fin octobre, nous organiserons une conférence ministérielle à Paris pour aller encore plus loin. L'enjeu est de mieux défendre les cyberdissidents et de mieux contrôler les techniques de brouillage et de filtrage.
Q - Le cas de Sakineh n'est pas le premier et ne sera sans doute pas le dernier. Voyez-vous cette situation comme «le malheur des autres » ? Que faut-il faire ?
R - Il ne s'agit certainement pas de « malheur des autres». J'ai dit ce que je pensais à plusieurs reprises à propos des situations individuelles les plus graves en exhortant l'Iran à y mettre un terme. J'ai également encouragé et soutenu les déclarations de l'Union européenne qui s'est exprimée publiquement par la voix de lady Ashton.
Nous continuerons à proclamer que nous avons de sérieuses inquiétudes en ce qui concerne certains cas individuels. Le cas de Sakineh est peut-être emblématique, mais, malheureusement, comme vous l'avez fait remarquer, ce n'est pas un cas isolé. Un jeune homme de dix-huit ans, Ebrahim Hamidi, a été condamné à mort en Iran parce qu'il est homosexuel. La France a exprimé son indignation devant cette décision. Nous devons nous engager pour obtenir que ce jeune homme soit épargné et pour que l'homosexualité cesse d'être punissable de la peine de mort en Iran et dans les autres pays concernés. Notre engagement n'a pas été vain : le cinéaste Jafar Panahi a été libéré de prison le 25 mai 2010 à la suite de l'appel que j'ai lancé avec Frédéric Mitterrand, le ministre français de la Culture.
Q - En entendant l'expression «Mouvement vert», quelle est la première image qui vous vient à l'esprit ? Avez-vous une vision claire de la direction de ce mouvement et de sa position politique ? Du point de vue occidental, ses revendications sont-elles assez claires pour être identifiées ?
R - Je pense aux nombreux Iraniens qui contestaient les résultats des élections de juin 2009 et qui maintenant sont privés de leurs droits civiques. Sans faire d'ingérence dans les affaires nationales iraniennes, il est impossible de se taire face à des violations massives des droits de l'Homme. En accord avec sa tradition de solidarité, la France soutient tous ceux qui luttent avec courage, dignité et détermination pour leurs droits fondamentaux.
Q - Différents scénarios ont été avancés en ce qui concerne l'Iran. Compte tenu des circonstances, quel scénario considérez-vous comme le plus probable et quelles en sont les caractéristiques ?
R - Tous les pays du monde sont vraiment attentifs à ce qui se passe en Iran qui demeure la principale menace pesant sur la sécurité internationale dans le domaine clé de la prolifération. Les scénarios futurs dépendent à présent de la position des autorités iraniennes. Notre objectif est clair : faire comprendre à l'Iran que ses choix sont de plus en plus coûteux et que la seule alternative est d'engager des négociations sérieuses. Nous verrons si l'Iran est prêt à le faire. Le Conseil de sécurité, les Etats-Unis, l'Union européenne et d'autres ont pris des mesures. Nous allons à présent mettre en oeuvre ces sanctions et rester fidèles à la stratégie de la «double voie» adoptée et soutenue par la communauté internationale.
Q - M. Sarkozy a prévenu que «Si l'Iran ne peut pas parvenir à un accord crédible, son isolation va s'accentuer, tout comme les menaces et les éventuels dangers. Nous nous préparons et nous organisons pour défendre des pays qui peuvent être en danger». Qui, ou quoi doit s'organiser et se mobiliser ?
R - Nous sommes déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter d'être confrontés au pire des choix : soit la mise au point d'une bombe nucléaire iranienne, qui pourrait signer l'arrêt de mort de notre régime de non-prolifération, soit le bombardement de l'Iran, qui aurait des conséquences catastrophiques et à portée considérable.
Le seul moyen d'éviter cette situation est de parvenir à un accord négocié ; nous sommes convaincus que cela est possible et tous nos efforts se concentrent sur cet objectif. Nous intensifions les sanctions contre l'Iran dans le seul but de lui démontrer le coût élevé et croissant de ses décisions et de l'encourager à coopérer.
Q - Si la République islamique s'accorde avec les pays occidentaux sur la question nucléaire, les relations vont-elles se normaliser ?
R - Je voudrais tout d'abord rappeler que les sanctions imposées par la communauté internationale ne sont en aucune façon dirigées contre le peuple iranien, mais visent plutôt les décisions prises par le régime. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir - et j'y ai veillé personnellement - pour éviter, dans toute la mesure du possible, que la population iranienne ne souffre des conséquences de la mise en oeuvre de ces sanctions.
La résolution de la question nucléaire iranienne améliorerait naturellement la position de l'Iran au sein de la communauté internationale. L'isolement du pays est du en grande partie à sa décision de mener des activités d'enrichissement extrêmement sensibles en violation de ses engagements internationaux, en donnant à penser que l'intégralité ou une partie de son programme nucléaire est à usage militaire.
Néanmoins, la relation bilatérale franco-iranienne doit être envisagée comme un tout et ne se limite pas à la question nucléaire, même si cette question est pour nous un grand motif d'inquiétude. Nous sommes également profondément préoccupés par la situation des droits de l'Homme en Iran et demeurerons vigilants à ce sujet.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2010