Texte intégral
A. Pulvar.- Bonjour B. Hortefeux.
Bonjour !
Merci d'avoir répondu à notre invitation. « La menace existe en France et en Europe, il ne faut ni la surestimer, ni la sous-estimer », c'est ce que vous avez déclaré hier, on parle évidemment de la menace terroriste, mais comment en parler ? C'est la question. Concomitamment, fin septembre, on vous voyait au pied de la Tour Eiffel annoncer, justement, même alerter les Français sur cette menace. Et puis il y avait des déclarations de F. Péchenard, qui est le directeur général de la Police Nationale, qui en a un peu estomaqué plus d'un en déclarant qu'il y avait un risque d'attentat important, bientôt, incessamment, peut-être, dans un stade, dans une gare. Vous voulez faire aux Français ?
D'abord, une remarque : cet entretien a failli très mal commencé parce que j'ai écouté avec beaucoup d'attention T. Legrand et il a évoqué différentes personnalités ayant « une crinière indomptable ». Donc j'ai senti immédiatement que, faute de matière première, je n'étais pas concerné par son propos. Plus sérieusement, il y a effectivement une réalité : plusieurs faisceaux d'informations, d'informations concordantes, nous ont laissé entendre - et il y a maintenant plusieurs jours - qu'il existait une menace, que cette menace était réelle et que donc, naturellement, notre vigilance devait être permanente. Quel est le rôle des pouvoirs publics ? Le rôle des pouvoirs publics c'est d'informer sans alarmer, et d'ailleurs regardez, si nous ne l'avions pas fait, regardez dans quelle situation nous serions aujourd'hui, voilà les autorités américaines...
Mais entre alarmer les Français et leur dire : « Il y a aura un attentat bientôt dans un stade ou dans une gare, il y a quand même un cran.
Il ne faut pas surestimer la menace mais il ne faut pas la sous-estimer. Notre devoir c'est de ne pas être dans le déni de réalité. Regardez la situation dans laquelle nous serions ce matin, par exemple, si j'étais votre invité et qu'il y a une quinzaine de jours, je n'avais rien dit et que les Français auraient appris ébahis, de la part des autorités américaines notamment, qu'il y avait une menace sur le territoire européen, pas simplement sur le territoire français, mais sur le territoire européen. Donc le Gouvernement a agi comme il devait le faire, c'est-à-dire dire la vérité, sans en accentuer la gravité, mais sans nier en même temps la réalité de cette menace.
La lutte contre le terrorisme c'est tous les jours, douze personnes ont été interpellées hier dans deux enquêtes sur la menace terroriste, en tout cas sur la mouvance islamique, est-ce que leur garde à vue se poursuit ?
En réalité il y a eu deux opérations, c'est précisément ce que je dis, nous ne nous contentons pas d'avancer avec des mots ; il y a une vigilance très active des services de police, des services de sécurité qui ont conduit effectivement hier matin à deux opérations importantes, qui ont conduit notamment à l'interpellation de trois individus et, sur ces trois individus - et je peux vous en donner d'ailleurs quelques précisions - il s'agit d'étrangers qui sont en situation irrégulière sur le territoire français et qui étaient clairement en relation avec le jihadiste français de retour d'Afghanistan, Riad Emeni... (phon.)
Riad Emeni !
...et qui avait quitté la France en 2009 et qui a été interpellé à Naples, non pas il y a quelques jours comme ça été annoncé par erreur par la presse...
Il y a un mois ! Mais qui a été interpellé en réalité le 3 septembre. Donc nous avons demandé son extradition, cette procédure d'extradition sera examinée et j'espère que cette extradition pourra donc avoir lieu le 21 octobre.
Ca veut dire que pour ces trois personnes gardées à vue vous avez des éléments permettant leur déferrement ?
Oui ! Incontestablement ils appartiennent à une filière de trafic de faux documents, d'immigration clandestine. La question c'est de savoir c'est s'ils participent réellement au soutien logistique d'opérations terroristes. Et puis il y a une deuxième opération...
Neuf autres personnes donc !
Neuf autres personnes ! Et, là, leurs objectifs sont un peu plus ambigus puisque une partie très clairement est liée au grand banditisme et d'autres s'inscrivent dans la mouvance islamiste radicale. Alors est-ce que c'est du grand banditisme ? Est-ce qu'ils préparaient des attentats - l'un d'ailleurs n'étant pas incompatible avec l'autre - l'enquête devra permettre d'y voir beaucoup plus clair. Mais en tout cas, tout ceci démontre que les services de sécurité sont extrêmement vigilants, actifs et réactifs.
Est-ce qu'ils le sont au niveau européen ? Vous allez participer aujourd'hui même, je crois, à une réunion au niveau européen sur la menace terroriste ?
Oui ! D'abord nous avons des entretiens et des contacts quasi quotidiens, notamment avec les autorités américaines, B. Squarcini, le directeur central du Renseignement Intérieur, est en contact naturellement avec la CIA et moi-même j'ai eu un entretien, un long entretien, avec la ministre américaine Madame Napoletano chargée de la Sécurité Intérieure précisément pour faire le point sur la réalité de la menace. C'est une menace, encore une fois, comme l'ont indiqué les Etats-Unis, qui concerne l'Europe et je serai donc à Luxembourg demain pour une réunion avec l'ensemble de mes collègues ministres de l'Intérieur pour échanger et faire le point.
Et l'Europe parle d'une seule voix sur ce sujet ?
Et l'Europe naturellement, sur ce sujet, parle d'une seule voix. C'est une menace qui naturellement touche le monde occidental, qui touche naturellement les pays européens, mais je dirais bien au-delà, il y a une solidarité bien au-delà de l'Europe qui s'exprime.
Vous avez annoncé hier, B. Hortefeux, la fin des « tâches indues » pour les forces de l'ordre, vous savez ce sont ces charges qui ne correspondent pas vraiment à leur métier. Cela va vous permettre de récupérer mille postes de policiers et de gendarmes. Ce n'est pas un peu contradictoire avec le fait en même de supprimer entre huit et dix mille postes d'ici 2011 ?
Non ! Non, attendez. Sur les effectifs, pardon - et soyons précis - sur les effectifs de police il y a naturellement un effort qui est demandé mais c'est un effort extrêmement modeste qui est demandé aux forces de sécurité puisqu'en 2011, par rapport à 2010, il y aura très exactement 99,5% des effectifs. Donc l'effort existe, mais notez qu'il est quand même contenu...
Mais sur plusieurs années l'objectif était d'arriver à dix mille suppressions.
Non ! Mais ce qui est une réalité, c'est qu'il y avait une situation qui perdurait pour laquelle chacun a fait un pas, c'est-à-dire de mettre fin à ce qu'on appelle les « tâches indues ». Les tâches indues c'est essentiellement les transfèrements de détenus, c'est la police des audiences et c'est la garde des détenus hospitalisés, ça mobilise beaucoup de monde et nous avons, avec M. Alliot-Marie discuté, approfondi et obtenu que l'on mette fin à ces charges indues. C'est une très bonne nouvelle, ça me permet de réaffecter des policiers sur le terrain, c'est donc un signal très positif, et d'ailleurs les syndicats tous syndicats confondus, ont souligné qu'il s'agissait là d'une grande avancée - et je cite leurs termes - c'est donc bon aussi pour le climat social au sein des forces de sécurité.
Est-ce que parmi les tâches indues des policiers il y a le fait de chercher à identifier les sources des journalistes ?
Non ! Mais ça c'est un autre sujet, sur lequel naturellement je peux donner des explications très précises...
Qui mobilise aussi des policiers ?
La réalité, c'est très simple : c'est qu'il y a des informations qui étaient parvenues à la Direction Centrale du Renseignement Intérieur. Ces informations indiquaient qu'un haut fonctionnaire, magistrat et de surcroît membre du cabinet d'un ministre important, ne respectait pas l'obligation de secret, de discrétion professionnelle qui s'applique à tout fonctionnaire. Donc, là...
Donc, sans ce signalement, il n'y aurait pas eu d'enquête de déclenchée ?
Donc la Direction Centrale du Renseignement Intérieur a fait très exactement son travail, elle a été vérifier cette information, cette information a été confirmée, et, dès lors...
En respectant toutes les procédures ?
Et dès lors qu'elle a été confirmée, elle la transmise à la justice, il appartiendra à la justice naturellement...
En ayant respecté toutes les procédures ?
...Tranquillement, sereinement de se prononcer.
En ayant respecté toutes les procédures ?
En ayant respecté les procédures en vigueur, c'est-à-dire la loi de 91.
Dans le projet de loi sur l'immigration, les députés ont adopté hier la pénalisation des mariages gris qui seront punis de sept ans de prison et trente mille euros d'amende si le projet de loi est finalement adopté, qu'est-ce que c'est qu'un mariage gris ?
C'est ce qui a été décide par le Parlement ! C'est une mesure qui est très importante, afin tout simplement de clarifier ce qui était opaque, on sait très bien qu'il y a dans un certain nombre de cas des mariages dans lesquels, soit les deux parties, soit une des deux parties, ce qui est le cas des mariages gris, ne se marient pas, non pas pour le plus beau des sentiments qui est l'amour, mais pour des raisons...
Mais comment on le détermine ça, parce que...
Mais pour des raisons qui sont des raisons pratiques, qui peuvent être mercantiles, qui peuvent être...
On parle d'escroquerie amoureuse ? Comment on détermine qu'il y a eu escroquerie amoureuse ?
Eh bien précisément ce sont deux mots qui, théoriquement, devraient être incompatibles. Voilà !
Mais comment vous déterminez que, dans un mariage, il y a eu escroquerie amoureuse ?
Eh bien quand on arrive à démontrer que dans l'une des deux parties l'objectif n'était pas une vie en commun, n'était pas guidé par l'amour, mais par des intérêts bien compris et détournés.
Ca va encore mobiliser des policiers. Merci ! B. Hortefeux.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 octobre 2010