Interview de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, dans "France Soir" le 1er juin 2001 sur le traitement des malades du Sida en Afrique.

Prononcé le 1er juin 2001

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Média : France soir

Texte intégral

Q - Peut-on désormais envisager de traiter les malades du sida en Afrique ?
R - Oui, désormais les choses ont changé. Je me souviens encore de l'accueil parfois goguenard, souvent hostile, que nous recevions il y a trois ans. Lorsque, bien peu nombreux, nous plaidions en faveur des traitements et qu'on nous répondait presque invariablement que c'était impossible.
Q - Quelles sont les conditions à remplir pour permettre une réelle offre de soins dans les pays du Sud ?
R - Il faut agir simultanément à trois niveaux. La première condition passe par la réduction très significative du prix des médicaments. Les évolutions récentes dans ce domaine sont encourageantes. Désormais, une trithérapie coûte entre 300 et 400 dollars par personne en Afrique. Le deuxième axe concerne la mise en place de solidarités financières. La France va consacrer, en plus de la centaine de millions de francs qu'elle engage déjà chaque année, 150 millions d'euros, soit plus d'un milliard de francs, à un fonds mondial de lutte contre le sida. Cent millions d'euros par an (10 % des montants de réaménagement de la dette) seront également engagés dans cette lutte. Et le troisième axe, c'est d'assurer la qualité de la prise en charge des malades.
Q - Comment s'y prendre ?
R - Il faut à tout prix éviter de distribuer des médicaments dans la jungle, mais plutôt s'appuyer sur les trois ou quatre établissements suffisamment importants existants dans chaque pays. La France, l'Espagne le Portugal, l'Italie et le Luxembourg vont engager leurs hôpitaux dans une coopération avec les équipes médicales africaines. Les spécialistes européens, de l'infectiologue au pharmacien, iront sur place pour former les personnels soignants. En France, une cinquantaine de structures se sont portées volontaires mais seules une quinzaine seront retenues. Le 5 juin prochain, ces cinq pays vont proposer aux autres membres de la Communauté européenne de les suivre pour démarrer ce projet dès septembre.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 05 juin 2001)