Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux trnsports, à La Chaîne info LCI le 14 octobre 2010, sur les répercussions des journées de protestation contre la réforme des retraites sur les transports ferroviaires et la distribution du carburant.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- D. Bussereau, bonjour.
 
Bonjour à vous !
 
La grève continue, notamment à la SNCF et à la RATP, les perturbations diminuent néanmoins. Est-ce que vous jouez l’usure du mouvement ?
 
Non, on joue la démocratie des votes. Par exemple, aujourd’hui, ce matin, à la RATP, en région parisienne, il y a quasi-totalité des métros, un sur deux sur le RER B, quasi normal ailleurs ; et à la SNCF, aujourd’hui, entre le TGV, les TER, les Franciliens, les décisions des uns et des autres et le service minimum, fait qu’il y aura un train sur deux. Voilà. Donc, ce n’est pas le pourrissement, mais j’aimerais bien que ça s’arrête, parce que ça gêne quand même encore beaucoup de gens qui doivent prendre le train pour travailler, pour des tas de raisons personnelles ou familiales.
 
On voit bien qu’ils veulent aller jusqu’à la manif de samedi. Des grèves la semaine prochaine, ce serait vraiment très dommageable ?
 
Vous savez, on voit les trains qui ne circulent pas et qui empêchent les gens de se déplacer, ce que l’on ne voit pas non plus, c’est les trains de fret qui ne circulent pas, donc l’atteinte que ça porte à notre système économique. Donc, moins longtemps ça durera, mieux la France s’en portera.
 
Vous demandez à la SNCF, à la RATP, de dédommager les usagers ?
 
Eh bien, la RATP à ses systèmes, dans certains cas elle prolonge, alors, sur instruction de la région Ile-de-France, via le STIF, ses titres de transport, on verra ce qu’elle fait ; à la SNCF, c’est à la SNCF de voir. Quand le service minimum existe, le dédommagement est moins évident, parce qu’on peut, à condition de ne pas toujours choisir l’horaire de son choix, on peut toujours voyager.
 
On vote à bulletin secret, dans beaucoup de ces assemblées locales...
 
Je l’espère, je l’espère.
 
Vous y voyez un signe de la part des dirigeants syndicaux, de sortir de la crise ?
 
Eh bien, les assemblées générales où si on ne lève pas le doigt, on est regardé comme un traître ou comme un jaune, ne sont pas des assemblées générales. Donc ça veut dire que les grands syndicats ont une certaine maîtrise républicaine de la manière dont ils gèrent les choses.
 
Alors, la grève, en revanche, est toujours dure dans les raffineries. A quand la pénurie d’essence à la pompe ? Ce week-end, lundi, mardi ?
 
Non, il n’y aura pas de pénurie d’essence à la pompe, on...
 
Ce n’est pas ce que disent les industriels, ils commencent à dire : attention !
 
Oui, mais on a fait le point avec J.-L. Borloo, avec le Premier ministre et les collaborateurs du président de la République. Nous avons ce qu’il faut pour au moins un mois, sans problème majeur. Voilà, ce qu’il faut simplement, c’est que celles et ceux qui nous écoutent, n’aillent pas, après nous avoir écoutés, tout de suite à la pompe, remplir. On a augmenté de 50 % la consommation d’essence cette semaine, uniquement par des achats de précaution. Donc, s’il n’y a plus d’achats de précaution, on a tout ce qu’il faut pour tenir.
 
On a ce qu’il faut, c’est-à-dire que vous vous préparez à débloquer ce que l’on appelle « les stocks stratégiques ».
 
On a notre organisation sur laquelle je ne reviendrai pas, entre les raffineries, les dépôts et tous les stocks qui sont chez les uns, chez les autres. Je donne ce chiffre de 30 jours, parce qu’il est la vérité, dans un premier temps, on peut même faire mieux...
 
C’est un moyen de dire aux grévistes : ce n’est pas la peine de vous acharner, vous ne nous aurez pas.
 
Je dis surtout aux grévistes, bon, qu’ils prennent leurs responsabilités. Je dis surtout aux automobilistes, parce que ceux-là vont m’écouter : « N’allez pas remplir votre réservoir ou remplir des stocks d’essence si vous n’en avez pas besoin ».
 
Haro sur S. Royal, à droite, où on lui reproche d’avoir appelé les jeunes à manifester, mais elle a bien dit, « manifester de façon pacifique ». Il y a un peu de mauvaise foi, on a le droit de dire aux jeunes : « Allez-y, protestez ! ».
 
Vous savez, je regardais l’antenne de LCI hier, c’était très drôle, on voyait S. Royal dans le journal de 20h00 de TF1, dire ce qu’elle a dit, et en même temps, en dessous, le bandeau rouge, disant l’inverse. Moi, je dis une seule chose : si des parents ont des enfants qui entrent dans des violences et qui en ont des conséquences négatives, je dis à ces parents : « Si vous êtes devant la justice, mettez en cause madame Royal ».
 
Mais, attendez, la vous envoyez quand même sur madame Royal, les conséquences d’une liberté démocratique, celle de manifester.
 
Quand on a été ministre délégué à l’Enseignement, ce qui est son cas, monsieur Allègre s’en souvient d’ailleurs avec plutôt de mauvais souvenirs, on ne dit pas à des enfants de sécher les cours et d’aller dans la rue. Ce n’est pas républicain. Et en plus, quand on a été candidat à la présidence de la République, on a quand même une certaine tenue. Madame Royal n’a pas cette tenue.
 
Est-ce que le gouvernement n’est pas tétanisé par le souvenir du CPE en 2006. Les syndicats + les jeunes, finalement, on vote la loi et elle n’est jamais appliquée, c’est ce qui pourrait arriver à cette réforme.
 
Vous savez, on a comme première préoccupation, le président de la République le dit en permanence, d’être attentif à nos jeunes. Moi, j’ai été lycéen en 68, je sais ce que c’est que, lorsqu’on a 16 ans et qu’on part dans la rue. Le devoir d’un gouvernement d’adultes, le devoir d’un gouvernement républicain, c’est d’être attentif à ces enfants et à ces jeunes, comme le sont les parents, et tout le monde doit être raisonnable.
 
La droite lâche le bouclier fiscal, la ficelle est un peu grosse : on veut calmer la rue, alors on donne en pâture cette mesure symbolique, symbolique d’injustice comme disait Baroin.
 
Il y a débat sur le bouclier fiscal, il y a débat sur l’ISF, je trouve que c’est un débat légitime, c’est le rôle du Parlement, de la majorité au Parlement, d’en débattre, on verra bien ce qui ressort de ce débat. Tout le monde a compris que les choses vont évoluer.
 
Oui, pas question d’augmenter les impôts, disait N. Sarkozy avant l’été, et là, ça a évolué, on va augmenter les impôts.
 
Ce n’est pas sûr.
 
C’est-à-dire ?
 
C’est-à-dire qu’il y a différents moyens de jouer sur l’organisation du budget. Je vais vous donner un exemple : le budget qui est le mien, comme tous les budgets sont en diminution, quand l’État diminue ses frais de fonctionnement, on fait moins appel à l’impôt.
 
Ryanair, quitte Marseille...
 
Dommage !
 
La faute aux syndicats irresponsables, dit J.-C. Gaudin. c’est votre sentiment aussi ?
 
Eh bien ce qui m’ennuie, c’est Marseille. Marseille est en train de souffrir parce que son port est pris en otage, on est en train de faire - pardonnez-moi l’expression - crever le port de Marseille, par des mouvements de grève qui perdurent, alors que dans les autres ports français, les choses sont à peu près normales. Et on rajoute en plus cet inconvénient de Ryanair, je trouve que le patron de Ryanair aurait pu prendre une autre décision. D’abord se mettre en adéquation avec la loi, ça ne fait de mal à personne, c’est ce que font les compagnies françaises. Deuxièmement, je trouve que c’est beaucoup pour Marseille et ça m’attriste.
 
Mauvaise nouvelle aussi pour Alstom qui n’a pas vu ses trains retenus par Eurostar. Est-il vrai que vous saviez depuis le printemps, que Siemens allait remporter ce marché et que votre stupéfaction récente était un peu feinte ?
 
Non, on dit depuis le début aux dirigeants D’eurotunnel, qui gèrent le tunnel et d’Eurostar, qui l’exploite, enfin, qui fait circuler les trains entre Paris et Londres, Bruxelles et Londres, que les matériels autres que les matériels Alstom actuels, ne peuvent pas passer. Donc, la décision qu’a prise Eurostar est nulle et non avenue.
 
Donc vous allez faire revenir Eurostar sur cette décision, ça sera des trains Alstom.
 
Ce n’est pas une question de trains Alstom ou autres trains, il y a des règles de sécurité, des règles de longueur des rames, des règles de sécabilité des rames, des règles d’évacuation, des règles de motorisation. Le choix qui a été fait par Eurostar ne respecte pas ces règles, donc il n’est pas bon.
 
Il y a eu bataille entre le Gouvernement et le Parlement sur le permis à points et les délais de récupération des points perdus. Alors, vous allez quitter votre poste, mais, est-ce que les automobilistes peuvent avoir l’espoir quand même qu’il sera plus rapide de récupérer des points ?
 
Vous savez, 16 000 morts il y a 30 ans. Le Président Chirac décide au début de son premier septennat, d’en faire une cause nationale, on passe de 8 000 à 4 000 et là on va, c’est la volonté du président de la République, vers 3 000. Donc ça veut dire : ne pas baisser la garde. Simplement, le Gouvernement proposera ou acceptera un amendement, disant que ceux qui ont perdu des points, peuvent en regagner un automatiquement chaque année, s’ils ne commettent pas d’infraction. Ça sera la possible amélioration...
 
Pas plus.
 
Mais... Il est hors de question. Regardez, on a encore baissé de 7 % le nombre d’accidents mortels au mois de septembre. Ça veut donc dire que l’on est en train de gagner la bataille de la Sécurité routière et qu’il ne faut absolument pas baisser la garde et rester... il faut que nous restions sérieux dans cette affaire.
 
Alors, vous allez quitter le gouvernement, de votre plein gré. Vous n’avez plus rien à perdre. Qui a votre préférence pour Matignon, qui faut-il pour la France ? Borloo, Alliot-Marie, Baroin, Le Maire, Chatel ?
 
Écoutez, je trouve tous ces gens-là formidables. Fillon est un Premier ministre qui a parfaitement réussi, qui honore la fonction de Premier ministre. Moi, je travaille avec Borloo, donc j’ai une grande affection pour lui. Voilà, ils sont tous excellents. Vous savez, en réalité, ce que les Français vont regarder, c’est le comportement du président de la République d’ici 2012. Est-ce qu’il sera ou non candidat ? Pour ma part, je le souhaite. Je ne pense pas que le choix du Premier ministre jouera un rôle essentiel dans la préparation de l’élection présidentielle de 2012. C’est N. Sarkozy, s’il le décide, qui sera devant les Français. D. de Villepin, lui, sera candidat, il l’a dit hier sur LCI, à mots à peine couverts. Pas d’alternative, il se présentera, il dit même : « J’ai plus de soutiens aujourd’hui que N. Sarkozy ». C’est vrai ? J’ai été son ministre, donc je ne dirai aucun mal de D. de Villepin, j’ai été son ministre pendant deux ans et demi. Je ne trouve pas toujours que ses propos, voilà, font...
 
Vous l’appelez à se ranger derrière Sarkozy, un seul candidat à droite ?
 
Non, mais je trouve que quand on est dans la majorité, ce qui est le cas de D. de Villepin - il a encore sa carte à l’UMP - il y a des propos qu’il faut mieux ne pas tenir. Mais je le respecte, c’est un homme d’État, et je le respecte.
 
D. Bussereau, merci, bonne journée !
 
Merci à vous !
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 18 octobre 2010