Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat au développement durable, sur les grandes lignes du plan de lutte contre la précarité énergétique, à Saint-Flour (Cantal) le 27 octobre 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Signature du protocole d'aide à la rénovation thermique des logements privés avec la ville de Saint-Flour (Cantal), à Saint-Flour le 27 octobre 2010

Texte intégral

Monsieur le Sénateur-maire de Saint-Flour, Cher Pierre,
Monsieur le Président de l'ANAH, Cher Dominique,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
En juin dernier, nous avons eu l'occasion, Pierre Jarlier et moi-même, d'échanger un peu à bâtons rompus sur divers sujets et notamment la problématique du logement. C'est un sujet, permettez-moi de le rappeler amicalement, qui nous rassemble depuis longtemps, Monsieur le Sénateur-Maire, Monsieur le Président de l'ANAH et moi-même, puisque nous avons en commun de nombreux souvenirs de débats sénatoriaux, de l'article 55 de la loi SRU au projet de loi « engagement national pour le logement ». Nous avons, je le crois, toujours partagé la même préoccupation pour la situation des personnes les plus modestes et le souhait que nos politiques publiques puissent leur apporter une aide juste et efficace.
Aussi lorsque Pierre Jarlier m'a exposé les objectifs du contrat social qu'il a mis en place pour la ville de Saint-Flour - contrat qui vise à faciliter l'accès des saint-flouriens les plus démunis à l'emploi, au logement, aux services, aux biens de première nécessité et aux loisirs, ai-je tout de suite su que la démarche que j'avais engagée au niveau du ministère à travers le pacte de solidarité écologique, notamment son volet de lutte contre la précarité énergétique et la démarche de la ville de Saint-Flour au niveau local ne pouvaient que se rencontrer.
J'aimerais, avant d'entrer plus avant dans la présentation du protocole qui nous réunit aujourd'hui, rappeler en quelques mots le sens de l'action que j'ai engagée à la demande de Jean-Louis Borloo. En effet, afin de donner plus de visibilité et plus de contenu au pilier social du développement durable, il m'a demandé de mettre en route un pacte de solidarité écologique.
Ce pacte est un autre « Enfant du Grenelle de l'Environnement » ; il porte le souhait de construire un « vouloir vivre ensemble » dans une société que nous souhaitons à la fois au service de l'homme et sobre en ressources naturelles. Solidarité et écologie constituent donc bien les deux faces de ce projet commun d'une société plus durable. Dans cette mutation, Jean-Louis Borloo et moi-même avons le souci que personne ne reste au bord du chemin. Pour ce faire, il faut que chacun puisse en tirer bénéfice dans sa vie quotidienne, et ce quel que soit son niveau de revenu. Car la croissance verte, nous en sommes convaincus, est le meilleur moyen de susciter de nouvelles opportunités pour relancer notre économie et sortir définitivement de la crise. Ces opportunités, il est essentiel qu'elles puissent profiter à tous. Et c'est ainsi, par les emplois et le mieux-être ainsi générés qu'elles pourront nous permettre de relancer un cercle vertueux vers davantage de cohésion et de justice sociale.
Tel est l'objectif du pacte de solidarité écologique qui se décline à travers plusieurs volets :
- un volet emploi, c'est le plan de développement des métiers de la croissance verte,
- un volet solidarité écologique qui se décline sous de nombreuses formes : l'accès de tous aux gestes du développement durable, la mobilisation citoyenne et sociale, l'accès aux services essentiels...
- un volet enfin de lutte contre la précarité énergétique qui trouve aujourd'hui une traduction très concrète grâce à la signature de ce premier protocole avec la mairie de Saint-Flour
Le plan de lutte contre la précarité énergétique, que nous avons présenté au mois de janvier dernier avec Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu, repose sur un constat sans appel. Ce constat a été établi par le groupe de travail sur la précarité énergétique qui a travaillé sous l'impulsion du Président du comité stratégique du Plan Bâtiment du Grenelle de l'Environnement, Philippe Pelletier, dont je tiens à saluer ici l'implication sur cette question.
Grâce à ce travail, nous avons disposé, pour la première fois, d'un état des lieux précis et chiffré de la précarité énergétique dans l'habitat en France.
Qu'avons nous constaté ? Que c'était la combinaison de 3 facteurs - faiblesse des revenus, mauvaise qualité thermique des logements et coût de l'énergie - qui entraînaient certaines personnes dans la spirale de la précarité énergétique.
Et contrairement aux idées reçues, il ne s'agissait pas seulement de personnes très défavorisés. En effet, sous l'effet du coût de l'énergie, la part de ces dépenses dans le logement est passée de 10% à 15% pour les ménages les plus modestes. Selon l'INSEE, 3 millions 400 000 ménages, soit 13% des ménages de notre pays consacrent plus de 10% de leurs ressources à payer leurs factures de chauffage, ce qui constitue le seuil déclencheur des situations de précarité énergétique.
Or, 87% de ces personnes sont logées dans le parc privé ; une majorité d'entre elles (62%) est propriétaire de son logement. Plus de la moitié sont des personnes âgées de plus de 60 ans. Et plus d'un million d'entre elles résident dans une maison individuelle, souvent ancienne, et dont le bâti est en général de qualité médiocre et mal isolée.
Consacrant une part très conséquente de leurs revenus à essayer de se chauffer, menacés par l'engrenage des impayés d'énergie, acculés parfois à la privation de chauffage pour les éviter, ces foyers vivent donc en permanence dans la crainte d'une coupure, dans un inconfort qui conduit progressivement à la survenue de problèmes de santé, au repli sur soi et à l'isolement social.
Voilà ce à quoi le plan de lutte contre la précarité énergétique a pour mission de remédier.
Nous avons décidé de le faire de plusieurs manières :
Tout d'abord, et pour la première fois, nous avons inscrit dans la loi, la reconnaissance de la précarité énergétique : c'est l'article 11 du Grenelle 2 qui en donne la première définition : « « Est en situation de précarité énergétique au titre de la présente loi une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d'énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'habitat. »
Ensuite, pour la déclinaison concrète du plan, nous avons choisi de concentrer nos efforts sur les 300 000 logements occupés par les propriétaires modestes les plus affectés par cette précarité, correspondant aux 10% de personnes disposant des revenus les plus faibles. Pourquoi ce choix ? parce que nous savons que ce sont celles qui sont le moins à même de pouvoir mobiliser une capacité de financement pour engager par elles-mêmes des travaux de rénovation thermique. Une personne âgée isolée qui vit avec le minimum vieillesse dans une maison qui nécessiterait d'engager des travaux conséquents pour diminuer sa facture d'énergie ne le fera jamais si l'on ne lui propose pas du stade du diagnostic à la réalisation des travaux un accompagnement sur mesure et un financement adapté.
Le Gouvernement a donc choisi de consacrer 1,25 milliard d'euros sur la période 2010-2017 au programme national d'aide à la rénovation thermique de ces 300 000 logements privés, en deux tranches successives : 135 000 logements d'ici 2013 et 165 000 entre 2014 et 2017. L'Etat va apporter 500 millions d'euros dans le cadre des crédits pour les investissements d'avenir du Grand Emprunt. L'agence nationale de l'habitat, va mobiliser quant à elle 750 millions d'euros. Ces crédits remplissent un double objectif :
d'abord apporter une aide à l'ingénierie sociale, technique et financière,
et surtout compléter les aides privées et publiques déjà existantes par une aide de solidarité écologique. Cette aide forfaitaire, d'un montant de 1100 euros, qui pourra être majorée à due concurrence des aides accordées par les collectivités locales, dans la limite d'un plafond de 1600 euros, va permettre de donner aux personnes les plus modestes le « coup de pouce » qui leur permettra de financer ces travaux.
Ce que nous recherchons à travers ce programme, c'est à installer un processus d'accompagnement de ces petits propriétaires qui aille du repérage de ces ménages, à une offre intégrée du diagnostic initial et de l'analyse de leur capacité sociale et financière à la réalisation et au financement des travaux les plus pertinents pour améliorer sensiblement la performance énergétique de leur logement.
Nous visons une économie moyenne de l'ordre de 25% sur leur facture énergétique, qui aura un double impact : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et une économie sensible sur les factures d'énergie de ces ménages. Ce processus, comme vous le savez, est doublement vertueux : il contribue à la lutte contre le réchauffement climatique. Il rend du pouvoir d'achat aux personnes qui en ont le plus besoin à travers la mise en place de solutions « sur mesure » pour chacun.
Le repérage doit également avoir un autre effet positif. Ces visites permettront de faire un point sur l'accès aux tarifs aidés à l'énergie ; c'est nécessaire quand on sait qu'un ménage sur deux qui y a droit n'en demande pas le bénéfice.
Comme on le voit, le repérage va jouer un rôle décisif dans le processus. Et pour l'effectuer de manière efficace, il nécessite un partenariat étroit avec les acteurs locaux.
Nous en sommes pleinement convaincus et c'est la raison pour laquelle les financements prévus par le fonds d'aide à la rénovation thermique (FART) seront ouverts par la voie de contrats locaux d'engagement signés avec les départements ou bien de protocoles territoriaux conclus avec une intercommunalité ou une collectivité.
Mon collègue, Benoist Apparu, a ouvert le ban en signant hier avec le département du Bas-Rhin le premier contrat local d'engagement avec un département.
Je suis particulièrement heureuse que nous puissions aujourd'hui, dans la foulée, signer le premier protocole avec une collectivité, en l'occurrence la ville de Saint-Flour.
Et si Saint-Flour est ainsi la première ville à entrer dans ce dispositif, c'est bien parce que ta ville, Cher Pierre, avait engagé une démarche tout à fait innovante à travers son contrat social, en particulier son axe 3 visant à « favoriser la mixité sociale résidentielle » et qu'elle a donc pu, avant toute autre, se mobiliser sur une action dont elle avait déjà largement, au niveau local, anticipé le besoin.
En effet le contrat social de Saint-Flour a déjà établi un premier diagnostic sur l'état des logements occupés par des personnes très modestes, faisant état notamment de 353 logements de propriétaires occupants éligibles aux aides de l'ANAH, soit près de 30% des résidences principales dont près de la moitié (177) sont des propriétaires occupants dits très sociaux, et cela sur un total de 454 logements inconfortables recensés sur l'ensemble de la ville.
On le constate : pauvreté et inconfort sont souvent les deux faces d'une même réalité. Et c'est cette réalité que le Gouvernement entend transformer, en lien avec les collectivités et l'ANAH.
Dans le cas de Saint-Flour, la ville, par la signature de ce protocole, va s'engager à mobiliser ses services sociaux pour entreprendre l'information et le repérage, par des visites à domicile, des situations de précarité énergétique auprès de 200 propriétaires occupants de la ville et à participer à la rénovation thermique de 60 logements. Cet engagement court sur une période de deux ans, à compter du 1er janvier 2011. Il s'agit là d'un effort tout à fait conséquent et qui pourra, dans un second temps, être élargi au périmètre de la communauté de communes du Pays de Saint Flour.
Ce premier engagement revêt, bien entendu, une valeur très symbolique et montre bien que la lutte contre la précarité énergétique ne pourra fonctionner efficacement sans l'implication résolue des élus de terrain.
En cela, la démarche de Saint-Flour est exemplaire et c'est pour cette raison que j'ai souhaité, en lien avec Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu, lui donner une dimension solennelle en vous accueillant ce matin à l'Hôtel de Roquelaure pour cette signature.
Permettez-moi enfin de remercier Dominique Braye qui, par sa présence, témoigne de l'importance que l'Agence nationale de l'Habitat accorde au déploiement de ce programme « habiter mieux ».
Enfin, en conclusion, je voudrais avoir une pensée pour toutes ces personnes âgées, ces mamans avec de jeunes enfants, ces personnes à la santé fragile qui, à l'entrée de l'hiver, s'inquiètent déjà de savoir comment elles vont pouvoir passer cette période sans trop d'inconfort et de factures impayées. C'est en ayant à l'esprit la vie de ces personnes que nous devons mettre en oeuvre des dispositifs simples et lisibles qui leur apportent mieux-être et durabilité.
Telle est notre mission que nous devons ensemble remplir au mieux dans l'intérêt de nos concitoyens.
Je vous remercie.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 28 octobre 2010