Texte intégral
J.-J. Bourdin.- G. Tron, secrétaire d'Etat à la Fonction publique, est notre invité ce matin. Bonjour.
Bonjour.
Merci d'être avec nous. Est-ce que c'est la rue qui gouverne ?
Non, non, ce n'est pas la rue qui gouverne, c'est la rue qui s'exprime, qui exprime une inquiétude qu'il faut entendre. La réforme est une réforme très importante, donc il y a des manifestations qui ont été importantes, c'est parfaitement cohérent, parfaitement logique, et je dois dire parfaitement habituel.
Parfaitement habituel, vous avez entendu les manifestants ?
On les a entendus, mais je dirais qu'on entend également les organisations syndicales dans le cadre d'une concertation qu'E. Woerth et moi-même avons menée, et nous entendons actuellement les parlementaires qui s'expriment, de façon très légitime, dans l'Hémicycle.
Vous les avez entendus, ça veut dire quoi ? Cela veut dire que vous allez amender ce texte, ce projet de loi ?
Ça veut dire qu'on va faire exactement ce que l'on a indiqué qu'on ferait, et cela d'ailleurs, depuis le mois de juillet, à savoir que nous avons présenté un texte, qu'il y a des amendements qui doivent être maintenant déposés par le Gouvernement au Parlement, et que dans exactement une heure et demie, il appartiendra au président de la République, de nous indiquer...
Mais vous avez des infos, G. Tron ; sur la pénibilité, que peut-on faire ? Il faut prouver une invalidité de 20% pour pouvoir prétendre à une retraite à 60 ans, est-ce qu'on peut baisser ce seuil, ce chiffre de 20% ?
J.-J. Bourdin, on peut tout faire, on peut tout faire, on est d'accord, il y a une seule chose que l'on doit faire pour commencer, c'est de rappeler le bon sens, et le bon sens consiste à dire que la pénibilité, dans le système des retraites, la France est le seul pays au monde à l'introduire...
Eh bien, pourquoi pas ?
Une fois qu'on a dit ça, pourquoi pas, c'est ce qu'on fait d'ailleurs, voyez, je n'ai pas de scrupules à vous le dire, mais c'est le seul pays au monde...
Eh bien alors oui. Il faudrait aller jusqu'au bout...
Jusqu'au bout de quoi ?
Jusqu'au bout de la prise en compte de la pénibilité, de la bonne prise en compte de la pénibilité....
Eh bien, la bonne prise en compte de la pénibilité, c'est celle qui consiste à dire qu'on n'évacue pas le sujet, mais qu'on est dans une logique qui consiste à vouloir, d'une part, assurer le financement des retraites à horizon 2018, et en second lieu, à maintenir les pensions de chacun...
Alors, on va en parler...
A maintenir les pensions de chacun des retraités. Et vous me permettrez...
Alors ça, on va en parler...
Eh bien, je vais en parler même tout de suite avec votre autorisation...
Allez-y !
Le vrai sujet, c'est celui-là : quand on vous dit, ce n'est pas le Gouvernement qui le dit, quand le COR, le Conseil d'orientation des retraites, nous dit qu'il manque à horizon 2020 quarante milliards d'euros pour payer les retraites, ça veut dire que si on ne prend pas les mesures tout de suite, eh bien, les retraites s'effondreront. La seule façon pour garantir aux Français que leurs retraites seront payées, et payées au même montant minimum qu'aujourd'hui, c'est de prendre les mesures que nous prenons...
C'est quarante milliards d'euros donc à horizon 2020...
A horizon 2020, oui...
Vous, vous êtes à horizon 2014-2015...
Non, non, on est à horizon... la retraite monte en puissance, la réforme, pardon, en 2018.
Il faudra une nouvelle réforme en 2018. 2017-2018.
Mais par définition, la démographie, la démographie est un paramètre...
Oui, après le deuxième quinquennat de N. Sarkozy...
La démographie étant par définition le paramètre de la répartition, je puis vous dire très clairement que personne ne peut garantir, et nous ne le faisons pas, qu'il n'y aura pas d'autres réformes. Je me permets, cela dit, de souligner la chose suivante...
Bon, alors le montant des pensions...
Monsieur BOURDIN, une chose : la répartition, c'est le système que nous défendons, et le Gouvernement est le seul aujourd'hui à le rappeler. Dans la rue hier, au Parlement hier soir, de façon invraisemblable, on n'a pas entendu une seule fois que quelqu'un défendait, à part le Gouvernement, la retraite par répartition...
Vous voulez dire que la gauche veut enterrer la retraite par répartition ?
La répartition, c'est le financement des retraites du moment par les cotisations des actifs du moment. Ça veut dire que quand on nous propose une espèce de manne qu'on irait prélever par impôts quelque part, on nous dit tout simplement qu'on abandonne la répartition. Eh bien, la répartition, c'est la garantie des pensions versées au même montant ; le Gouvernement défend la répartition.
Alors, pourquoi ne pas inscrire dans la loi justement une garantie du montant des pensions, une garantie minimum du montant des pensions...
Oui, eh bien, la garantie existe déjà sous diverses formes. Par exemple, pour prendre un exemple très concret, le minimum garanti, le minimum garanti et le minimum...
... Le minimum vieillesse ?
Non, non, il y a le minimum vieillesse, le minimum garanti et le minimum contributif. Quand vous êtes salarié du privé, vous avez un montant de retraite minimum quand vous avez cotisé qui est servi, il est fixé à 85% du Smic, c'est le minimum, qui est le minimum donc contributif...
Uniquement pour le Smic...
Oui est le minimum contributif, 85% du Smic, je vous l'assure, quelle que soit la durée que vous ayez eue de cotisations, si vous avez l'âge du taux plein. Dans la Fonction publique, le minimum garanti, c'est la même chose que dans le privé, à un détail près, nous pourrions aligner ce minimum garanti sur le montant du minimum contributif, il est 200 euros plus élevé, 1.065 euros, nous refusons de le faire parce que nous ne voulons pas baisser les pensions. Dans ce texte, nous avons décidé que nous ne baisserions en aucun cas les pensions, que nous les garantissions, par définition, il faut agir...
Aucune garantie pour les salariés du privé, hormis ceux qui sont au Smic, aucune garantie du montant des pensions, du maintien du montant de la pension...
Pardon de le dire, vous voyez bien qu'il y a déjà un système de garantie qui existe, et nous vous disons très clairement, je vous le dis ici, que si nous finançons sur la base du projet du Gouvernement les retraites à horizon 2018, comme le projet le prévoit, il n'y aura pas de baisse de pensions, il n'y aura pas de baisse de pensions. Elle est inéluctable...
Nous prenons rendez-vous alors, G. Tron.
Eh bien, prenons rendez-vous, je vous reverrai volontiers dans dix ans, vous serez toujours aussi jeune. Le vrai sujet, c'est celui-là...
Ça, c'est gentil, ça...
Comment faisons-nous en sorte d'éviter ce gap de trente-deux milliards d'euros aujourd'hui, de quarante milliards à horizon 2020, c'est par la réforme que nous proposons.
Bien. Eh bien, nous verrons si le montant des pensions est garanti. Et les auditeurs, eux, jugeront évidemment. G. Tron, je voudrais revenir donc sur la pénibilité, on peut - l'invalidité de 20%, pour pouvoir prétendre à une retraite à 60 ans - on peut aller vers 15% ou 10% même, c'est une possibilité envisagée par le Gouvernement ?
Eh bien, je le répète, tout est envisageable, à partir du moment...
Oui, évidemment, alors, ça, c'est évident...
Non, mais tout est envisageable, à partir du moment où on décide simplement de placer le curseur, il faut savoir que cela a un coût. Si on veut, je le répète...
Mais les manifestations ont servi à quoi hier ? A rien ?
...Que les retraites soient financées, il faut savoir rester raisonnable tout en entendant ce qui a été dit. Le système de pénibilité...
Donc on ne cède pas, quoi ? On ne cède pas ?
Le système de pénibilité, tel qu'il a été présenté dans le texte...
Est bon ?
Est inédit, est inédit, il permet d'avoir la reconnaissance...
Oui, mais il est juste ? Est-il juste ?
Je crois fondamentalement qu'il est juste...
Donc on n'y touche pas ?
Mais je n'ai pas dit qu'on n'y toucherait pas pour autant...
Ben, si vous me dites : il est juste, alors, il faudrait savoir, il est juste ou il n'est pas juste !
Eh bien, si les manifestations...
S'il est juste, on n'y touche pas, s'il n'est pas juste, on y touche...
Si les manifestations laissent à penser que ce système peut être ajusté ou amélioré, on peut peut-être voir par amendement comment on va procéder. Je dis qu'aujourd'hui nous sommes le seul pays au monde à l'avoir introduit, et qu'en ayant une reconnaissance de la pénibilité à hauteur de ce que nous faisons, nous montrons que nous l'introduisons dans le système des retraites. On peut encore avoir un ajustement qui se fait par amendement...
Je commence à travailler à 18 ans, je dois travailler 44 ans pour toucher une retraite à 62 ans ?
Vous commencez à travailler à 18 ans, vous devez savoir que ceux qui ont commencé à travailler à 17, 16, 15, 14 ont été, par la volonté de F. Fillon, en 2003, introduits dans le dispositif « carrières longues », ce dispositif...
Non, non, mais l'âge...
Mais c'est ce dont je vous parle, et vous aussi...
Oui, mais alors à 18 ans...
Ce dispositif « carrières longues » est un dispositif qui a été introduit, que nous élargissons à l'âge de 17 ans, dans le texte de loi, et donc par définition, nous avons fait en sorte de montrer que nous n'avons aucune volonté de laisser au travail des gens qui ont commencé à travailler très tôt.
Mais, je vous repose la question : je commence, j'ai 18 ans, je commence à travailler, je vais travailler 44 ans... Eh bien, vous avez 18 ans... Je vais travailler 44 ans avant de pouvoir...
Oui, pas forcément d'ailleurs, parce que vous serez dans une situation, par exemple, pour les femmes, qui vous permettra d'avoir des validations de périodes non travaillées, je me permets de vous signaler par exemple que le dispositif actuel nous autorise à donner deux ans...
Pour les femmes qui sont...
Et pour les hommes aussi pour la seconde année, pour le régime privé, parce que, comme vous le savez, la Commission européenne oblige aujourd'hui à avoir des dispositifs équivalents pour les hommes et pour les femmes. Donc la durée...
Oui, pour les femmes, qui sont les premières victimes d'ailleurs du système de retraite par répartition actuel et du projet de réforme...
C'était vrai... pas du tout du projet de réforme, du système actuel, c'est de moins en moins vrai...
En quoi ce projet améliore la situation des femmes ?
Eh bien, je vous le dis très clairement, le système actuel maintient les avantages qui sont accordés aux femmes en en rajoutant d'autres, comme par exemple la validation des indemnités qui sont touchées pendant la période de maternité, qui n'étaient pas incluses dans le calcul de la retraite jusqu'à présent. Donc aujourd'hui, qu'est-ce que l'on constate, ce n'est pas nous qui le disons, ce serait trop facile de nous contester, c'est le COR, le Conseil d'orientation des retraites ; on voit bien qu'aujourd'hui, les dispositifs aboutissent à ce que les durées de validation des trimestres des femmes deviennent équivalentes à celles des hommes. La vraie différence, J.-J. Bourdin, c'est que les salaires des femmes qui calculent la retraite plus tard ne sont pas encore équivalents, et je puis vous dire qu'à la demande du Président d'ailleurs, dans la Fonction publique par exemple, nous allons corriger le tir.
G. Tron, les fonctionnaires, mères de trois enfants, ne pourront plus partir en retraite après quinze ans de service.
Si, ce n'est pas ça le vrai sujet, c'est d'abord le fait que les fonctionnaires - vous avez dit « mères », mais c'est « mères et pères », en réalité - sont dans une situation...
Mères et pères, oui...
Mais c'est tout à fait important, parce que le système actuel, c'est un système jugé par la Commission de non équivalent. A partir du 1er janvier 2012, le dispositif ne sera plus ouvert qu'à celles et ceux qui auront réuni les deux conditions : trois enfants et quinze ans de service. Et comme nous voulons éviter un effet de seuil, il est vraisemblable - c'est le Président qui tranchera - que nous présentions un amendement pour lisser cette sortie du dispositif...
C'est-à-dire ?
Eh bien, c'est-à-dire qu'on verra, sous une forme ou sous une autre, comment éviter que d'un seul coup, la mesure s'applique brutalement...
Mais que peut-on faire ?
On peut faire plein de choses...
C'est-à-dire, allez-y, quel est votre choix, votre préférence ?
Ah, mon choix, ce n'est pas moi qui déciderai, je n'ai pas de préférence...
Pas de préférence...
J'exposerai au président de la République diverses solutions, l'une d'entre elles peut consister par exemple à lisser le dispositif dans le temps, en faisant en sorte que les règles de la génération à laquelle vous appartenez soient amendées de telle façon que ça ne s'applique pas trop brutalement.
Merci G. Tron d'être venu nous voir ce matin.
Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre