Texte intégral
M. Biraben et C. Roux.- M. Biraben : G. Tron, le secrétaire d'Etat à la Fonction publique, est notre invité. C'est sa partie avec les fonctionnaires qui paie un lourd tribut dans le cadre de la réduction des déficits publics : 31.638 postes supprimés cette année. Mais c'est la question des retraites qu'il défend aux côtés d'E. Woerth qui le préoccupe, avec toujours ce rendez-vous de mobilisation qui aura lieu demain. G. Tron, bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : Soyez le bienvenu.
Merci.
C. Roux : Bonjour. Alors, les opposants à la réforme en appellent à la jeunesse pour la mobilisation de demain. La question qui se pose ce matin c'est : est-ce que vous pensez que l'opposition, les opposants à la réforme peuvent rééditer le coup de force du CPE ?
Non et je dirais d'ailleurs que les phrases de F. Chérèque, hier, que j'ai trouvé très nuancé au regard de la mobilisation des jeunes, vont plutôt dans le sens de ce non. Je crois d'autant moins à cela qu'en réalité les jeunes réfléchissent et quand ils réfléchissent, ils s'aperçoivent que si on ne fait pas ça, ce que nous faisons, on ajoute de la dette et donc des impôts pour eux à payer dans les prochaines années. Il ne faut pas oublier que tous les déficits du moment on les engouffre dans la CADES et la CADES ce sont leurs impôts de demain.
C. Roux : Les jeunes n'ont pas de raison de manifester ?
Ils ont des raisons de manifester...
C. Roux : ...c'est ça, ce que vous dites ce matin ?
Ah, je vais plus loin, je pense qu'ils ont franchement des raisons de se féliciter de cette réforme, parce que, je le répète, s'il n'y avait pas cette réforme il y aurait tous les ans 30 à 40 milliards d'euros en endettement supplémentaire qu'il faudra rembourser.
C. Roux : Alors, E. Woerth avait parlé de « décélération » du mouvement au lendemain de la mobilisation du 23. Qu'est-ce que vous attendez de la mobilisation de demain ? Est-ce que vous pensez que le mouvement sera important ?
Vraisemblablement ! Un samedi, on est en début de discussions au Sénat, les syndicats jouent leur jeu. Je pense que la manifestation est susceptible d'être importante, mais...
C. Roux : Et qu'est-ce que ça changera ?
Ben, ça ne changera que, en réalité, des points précis que nous avons déjà identifiés, c'est-à-dire que on nous a demandé de réfléchir à ce qui pouvait être amélioré dans le texte. On l'a identifié sur trois ou quatre points.
C. Roux : Et qu'est-ce que vous attendez pour le faire ?
Ah mais, c'est actuellement en cours de discussion. Je voudrais vous donner trois exemples, rapides. Au Sénat, il y a de cela deux jours, avec E. Woerth, nous avons amélioré le texte sur par exemple pour les victimes de l'amiante, nous l'avons amélioré pour faire en sorte que les chômeurs en fin de droit puissent avoir des droits supplémentaires en matière de retraite, nous l'avons fait pour les personnes handicapées. Actuellement, les travailleurs handicapés, je crois qu'il y a dans le dispositif adossé à la retraite 1.000 d'entre eux qui partent. Demain, il y en aura à peu près un million. Je ne sais pas si vous voyez la nature de ces avancées. Et puis, il y a deux questions qui restent pendantes : une question sur le régime de retraite des militaires, j'y travaille actuellement ; et puis pour les femmes aussi.
C. Roux : Le problème c'est que vous ne parlez pas des mesures qui posent problème, à savoir des bornes d'âge. D. de Villepin sur ce plateau, ici même, a dit que le passage de 65 à 67 ans posait un problème, et il a fait son mea culpa sur le CPE. Sur cette disposition très précise des bornes d'âge, quel que soit le nombre de personnes qu'il y aura dans la rue, le Gouvernement ne bougera pas.
La mesure des bornes d'âge suppose d'abord de bien identifier quels sont ceux qui partent à l'âge d'annulation de la décote, qui n'est pas l'âge du taux plein, c'est-à-dire en fait à 65 ans. On s'aperçoit qu'en réalité le profil de ces personnes ne correspond pas à celui qui est décrit. C'est facile de décrire, si vous voulez, en gros, une catégorie qui serait une catégorie plus précarisée que les autres, en réalité ce n'est pas le cas. Il y a des personnes qui ont des revenus depuis longtemps et qui attendent pendant vingt ans sans toucher leur pension, qui attendent pendant vingt ans pour avoir l'âge de 65 ans et partir avec leurs droits. Donc, on peut ajuster telle ou telle mesure mais ne pas prendre de mesure d'ordre général pour modifier cette borne d'âge.
C. Roux : Donc, D. de Villepin, vous avez été très proche de D. de Villepin...
... je demeure très proche de lui.
C. Roux : ... se trompe ?
Je pense qu'il a une image qui est celle de la France et des personnes qui arrivent donc à la retraite aujourd'hui, qui est décalée par rapport à la réalité. et d'ailleurs on a l'occasion de l'expliquer avec E. Woerth à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
C. Roux : Vous discutez toujours avec les syndicats ?
Oui, bien sûr !
C. Roux : Vous discutez toujours avec F. Chérèque ?
F. Chérèque est en contact téléphonique avec E. Woerth. Il l'était il y a encore quelques jours, c'était je crois une huitaine de jours, oui.
C. Roux : Alors, il vous a fait une proposition : reporter à 2015 le vote sur le recul de l'âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans, considérant que ça ne remettait pas en cause l'équilibre financier, puisque c'est un des arguments du Gouvernement, puisque cette mesure doit rentrer en vigueur en 2016. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
Ben, je réponds qu'en réalité l'équilibre financier - je retourne l'argument - l'équilibre financier du texte actuellement il est composé de toutes les mesures que nous voulons adopter. Si nous reculons l'une de ces mesures, il faut bien savoir qu'on ne pourra pas payer les retraites au niveau qu'est aujourd'hui celui auquel elles sont versées. Par définition, tout recul des mesures de cette nature aboutira à ce qu'il manque 5 milliards d'euros, 6 milliards d'euros dans le dispositif. Il faut bien comprendre qu'on est tenus par un équilibre financier et que si on ne le respecte pas, ce sont les pensions qui sont versées aux Français qui seront diminuées. C'est ça le texte. On ne fait pas un texte par plaisir. Ce n'est pas très agréable, vous savez, d'avoir des mesures à prendre de cette nature. C'est pour ça que la majorité les prend à la demande du président de la République et que l'opposition se contente de dire qu'elle reviendrait dessus - ce qu'elle ne ferait d'ailleurs jamais si elle était d'aventure appelée au pouvoir en 2012.
C. Roux : La réponse est non, donc !
Ah, la réponse est clairement non, oui, ça j'ai été clair.
M. Biraben : On passe au climat politique.
C. Roux : Oui, on a vu que N. Sarkozy est aujourd'hui au plus bas dans les enquêtes d'opinion. C'est vraiment un score très très bas pour un Président en exercice pour un premier mandat. N. Sarkozy a voulu mettre l'accent sur les questions de sécurité, on l'a dit, sans doute pour récupérer une partie de son électorat. Ca ne fonctionne pas. Le ressort est-il cassé sur les questions de sécurité et d'immigration ?
Il y a une autre façon de voir les choses, évidemment, elle est un peu différente. Les mesures que nous prenons sont des mesures qui sont des mesures demandées par les Français et qui ont réalité sont indispensables. Je voudrais vous donner un chiffre que personne ne cite jamais : l'année dernière, il y a treize policiers qui ont été tués dans l'exercice de leur fonction, et 13.500 gendarmes et policiers qui ont été blessés. Est-ce que vous pensez très sincèrement que les Français ne sont pas en attente de mesures qui consistent à ajuster la législation à une délinquance qui devient de plus en plus violente et avec des gens qui se comportent de moins en moins bien - je ne sais pas comment dire les choses autrement ?
C. Roux : Alors, pourquoi un tel désamour ?
Mais je crois que quand on prend des mesures difficiles, comme on le fait sur la retraite, il y a un moment qui est difficile à passer. Et la responsabilité du président de la République, et il l'assume d'ailleurs je trouve avec courage, c'est de savoir faire en sorte malgré tout de maintenir le cap de la réforme. Eh bien, la réforme sur les retraites, on ira au bout de ce processus qu'on a lancé, même si on l'ajustera ; et en matière de sécurité, je pense qu'il faut aller également au bout d'une logique, la logique c'est : on protège les Français en protégeant celles et ceux qui les défendent. C'est assez cohérent quand même !
C. Roux : C'est cohérent mais pas pour tout le monde ! Vous savez quoi ? Ce matin, J.-P. Raffarin dans Libération s'oppose aux discours d'exclusion sur les Roms et il est d'accord pour dire qu'il s'agit d'une politique d'affichage, quand on lui pose la question. J.-P. Raffarin est un ténor de la majorité. Lui aussi il est à côté de la plaque ? Il ne comprend pas ce que veut faire le président de la République ?
Oui ! Je pense très franchement que la voix de J.-P. Raffarin n'a pas besoin de s'ajouter à celle de madame Reding à laquelle nous donnons tous les éléments de réponse sur ce sujet. Lorsque l'on est confronté, comme dans ma commune de Draveil, ou dans le département de l'Essonne, à des camps qui s'installent de façon bien entendu illégale, sur des propriétés qui sont souvent privées, et que cette installation est condamnée par un tribunal, je suis désolé de dire que ce n'est pas faire un effet d'affichage que de demander l'expulsion du camp en question. Il y a eu une maladresse pendant l'été par un haut fonctionnaire qui a été tout de suite corrigée et courageusement par B. Hortefeux. Je répète les choses : il n'y a aucune forme de stigmatisation à l'égard de qui que ce soit, le simple respect des règles républicaines.
C. Roux : Alors, comment est-ce que vous expliquez qu'une partie de la majorité, une partie des villepinistes dont vous avez été avant d'entrer au Gouvernement, dont vous êtes toujours peut-être encore ?
Oui, je le suis toujours encore, mais il y a une partie des villepinistes qui dit quelque chose, d'autres villepinistes comme B. Le Maire il y a deux jours, comme moi, ou comme d'ailleurs beaucoup d'autres, pensent l'inverse. C'est le propre d'un débat qui est un débat ouvert, voilà.
C. Roux : Mais comment vous expliquez ces états d'âme et qu'est-ce que vous pouvez leur dire pour les rassurer ?
Eh bien, je leur dis que ceux qui sont élus, ce que je suis, doivent bien avoir à l'esprit que les Français nous demandent de faire appliquer la loi de la République, et c'est exactement ce que l'on fait en l'occurrence. (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 octobre 2010