Texte intégral
C. Barbier.- G. Tron, bonjour.
Bonjour.
Durcissement des syndicats, avec préavis de grève illimité à la RATP pour mardi prochain, blocage pétrolier de Marseille et la SNCF sous pression des durs de la CGT, ils voteront demain. Etes-vous prêts, au Gouvernement, à un bras de fer, à un blocage du pays ?
On est prêt au Gouvernement, comme on le fait depuis le début, à continuer la discussion avec les organisations syndicales, à voir en quelles mesures on peut continuer à améliorer le texte, et à le faire avec une réflexion qui, pardon de le dire, dépasse les manifestations. On avait fait déposer les amendements à l'Assemblée nationale avant les manifestations, on en a repris d'autres après, et on fait pareil cette fois-ci. On est dans une logique qui consiste à sauver les retraites et non pas à s'opposer, pour le principe, à qui que ce soit.
Discuter avec les syndicats, ce n'est pas ce que l'on entend dans la bouche de F. Fillon : « Les manifestants se trompent », « Un non ferme et tranquille » ; il semble beaucoup plus obtus, beaucoup plus fermé.
On n'est pas obtus, on n'est pas fermé, mais on ne cède pas non plus à une pression qui est, pardon de le dire, décalée par rapport à l'enjeu. C'est la raison pour laquelle, je vous le redis, on a amélioré le texte à l'Assemblée nationale, on l'a amélioré en Commission des Affaires sociales, et si on peut, on l'améliorera au Sénat, à une condition, C. Barbier, à une condition : c'est qu'il n'y ait pas remise en cause de l'équilibre financier. Ce n'est pas une question de principe, si l'équilibre financier du texte est remis en cause, ce sont les retraites qui ne seront plus payées au même niveau.
Alors, dans ces conditions-là, quels amendements déposera le Gouvernement, quelles améliorations apporterez-vous ?
On connaît les sujets ; ensuite, c'est de la discussion que jaillira, si vous me passez l'expression, la lumière des amendements. En discussion en Commission des Affaires sociales, on a amélioré très substantiellement, par exemple, le sort en termes de retraite des travailleurs handicapés. On a mis en place un dispositif tout à fait intelligent et d'origine parlementaire, concernant les chômeurs en fin de droits, et puis, on a modifié le régime pour les victimes de l'amiante. Là, maintenant, je pense que l'on aura une discussion sur les femmes, tout en redisant que la caricature qui est faite sur la situation des femmes, au regard de la retraite, ne correspond pas du tout à la réalité.
Vous avez expliqué, dans un texte publié dans la presse, que justement les carrières des femmes et les carrières des hommes, finiraient par se ressembler totalement.
Mais oui.
Néanmoins, il y aura adoucissement pour les mères de trois enfants, elles pourront partir à 65 ans sans aucune décote.
Ce n'est pas comme ça que la question se pose. Si je devais la simplifier, la présentation des choses, je vous dirais : « Voilà, la situation est la suivante : les femmes qui sont nées dans la génération 1945, ont un retard de trimestres par rapport aux hommes. Les femmes qui sont nées la génération 55, ont à peu près le même nombre de trimestres que les hommes. Les femmes qui sont nées dans génération 65 auront plus de trimestres que les hommes ». Ça veut donc dire deux choses : la première chose, on n'est plus, compte tenu de cette évolution, dans un problème de nombre de trimestres, on est en revanche dans un problème de la valeur de salaire que chaque trimestre rapporte, et donc il faut s'attaquer - et c'est ce que fait le texte - à la différence de rémunération entre les hommes et les femmes ; l'article 31 du texte est à cet égard extrêmement précis, pour la première fois, C. Barbier, on met en place un véritable système de sanction pour les entreprises qui ne jouent pas l'égalité salariale hommes/femmes.
Ça va mettre des années avant de payer !
Pas le moins du monde ! Si la sanction tombe rapidement, ça ne mettra pas des années, mais simplement des mois.
Pourquoi ne pas accepter de renvoyer à 2015 l'examen de ce fameux report de 65 à 67 ans pour partir sans décote ? C'est à ce moment-là que le problème financier se posera. Attendons.
Le problème financier se pose aujourd'hui. Les 40 milliards - les 32 milliards - qui manquent, ils sont en 2010 ; ils seront 33 en 2011 et ainsi de suite. À force de vouloir retarder le moment où on met les comptes en équilibre, on finit par créer des dettes que les générations qui nous succèdent vont devoir assumer. Et en plus, on met en cause le paiement des retraites au montant qui et celui d'aujourd'hui. C'est une mesure de facilité, pour ma part, je n'y suis pas favorable.
Alors, la gauche aussi dépose des amendements, est-ce que vous êtes favorable à un passage en force du Sénat ? Est-ce que vous souhaitez que le président Larcher accélère le plus possible les débats, comme ça a été le cas à l'Assemblée ?
A l'Assemblée nationale, comme vous le savez, le débat a été limité en temps, ce n'est pas le cas au Sénat. Moi, en tout cas, après avoir fait, à côté d'E. Woerth, toute la discussion à l'Assemblée nationale, en juillet comme en septembre, de l'avoir commencée au Sénat, je suis prêt à ce qu'elle dure...
Jusqu'à quand ?
Eh bien le temps que les sénateurs apprécieront. A mon sens, une discussion, peut, sur un texte de cette nature, se boucler en deux semaines. Je pense que c'est un délai raisonnable. Maintenant, il ne m'appartient pas de présider la séance, je dis simplement qu'il ne serait pas, me semble-t-il, utile, qu'il y ait des procédures qui soient des procédures dilatoires et qui fassent durer les débats de façon inconsidérée.
D. de Villepin continue à critiquer la réforme, 8 députés villepinistes se sont d'ailleurs abstenus à l'Assemblée. Quel message envoyez-vous à votre « mentor », pour prendre un mot à la mode ?
Eh bien, avec toute l'amitié que je lui porte, je lui dis simplement la chose suivante : il a mille fois raison de se préoccuper de questions, par exemple, comme le sort réservé aux femmes en matière de retraite, mais il ne faut pas qu'il se trompe de débat. Le vrai débat, ce n'est pas celui de voir comment est-ce qu'on fait pour aménager - c'est un peu sa position - les dispositifs tenant au nombre de trimestres, le vrai sujet c'est de voir de quelle façon on réussit à mettre de l'égalité entre les hommes et les femmes dans leurs carrières.
Lui, il veut mettre de l'égalité entre les pauvres et les riches, il dit : 65 ans, taux plein, sans décote pour tout le monde, et on fait une taxe sur les plus riches pour financer le manque à gagner.
Oui, c'est à peu près ce que dit le Parti socialiste. Ça revient en fait à sortir du système par répartition, à faire en sorte que les retraites soient financées par l'impôt, ce sont d'ailleurs ceux qui nous le proposent en général, qui oublient de nous rappeler qu'il y a de cela quelques mois, quand on était en pleine crise, lorsque les recettes fiscales s'effondraient, ils étaient bien conscients du côté aléatoire de ces recettes. Donc je dis très clairement que dans un système par répartition, que le Gouvernement est le seul à défendre aujourd'hui, dans un système par répartition, ce sont les cotisations prises sur les salariés qui paient les retraites du moment. Si on veut changer de système, et pourquoi pas après tout, il faut simplement le dire.
Le débat montre à droite sur la suppression du bouclier fiscal et de l'ISF, avant 2012, une sorte de grand soir fiscal avant la présidentielle. Vous êtes favorable à cette accélération ?
Je suis favorable à ce que les choses soient remises à leur juste place. Je vous donne trois chiffres, simplement, je n'ai pas la manie des chiffres, mais ils parlent. Il y a 150 milliards d'euros, pas tout à fait, mais pas loin, qui manquent pour boucler le budget de la France ; 30 milliards pour les retraites, on s'en occupe en ce moment, et une quinzaine ou une vingtaine pour la branche maladie. Ça veut dire que grosso modo on a un déficit de recettes de l'ordre de 200 milliards. ISF + bouclier fiscal, ça doit représenter 3 milliards, 3,5 milliards. Question...
Oui, mais politiquement...
Oui, mais justement, à force de faire de la politique, la France s'effondre économiquement. Le vrai sujet c'est de savoir si on est capable d'avoir une réflexion menée sereinement sur la totalité des recettes et des dépenses, pour faire en sorte de les ajuster, parce qu'à force d'avoir des débats politiques et symboliques, on finit par oublier l'essentiel, et l'essentiel, c'est d'équilibrer les comptes.
J.-F. Copé propose de supprimer les 35 heures, et aussi les allègements de charges qui vont avec, de créer une TVA sociale, anti délocalisations. Vous êtes sur cette ligne ?
Je suis convaincu que l'on aura un grand débat fiscal, qui sera absolument inévitable, mais que ce débat devra être mené dans la durée, dans la sérénité, et avec un objectif, c'est d'ajuster les dépenses et les recettes, parce que toutes les mesures prises, comme ça, si j'ose dire, de façon désordonnée, ou non coordonnée, n'aboutissent pas à faire une politique économique, ni fiscale d'ailleurs.
Quel est votre favori pour Matignon, votre préféré après Fillon ? C'est Borloo, c'est...
Je n'ai absolument aucun favori, je travaille à côté de F. Fillon, très bien, je suis très...
Vous êtes indifférent.
... très en sérénité. Je ne suis pas indifférent, je n'ai pas d'opinion à exprimer par rapport à un choix qui ne relève que du président de la République.
Il n'y aura pas de groupe villepiniste à l'Assemblée nationale, vous vous en réjouissez ou vous êtes triste ?
Je m'en réjouis, j'ai d'ailleurs toujours pensé qu'il était utile de faire un groupe, si on l'estime opportun, en début de mandature, c'est en fin de mandature que l'on crée un groupe.
G. Tron, merci, bonne journée. Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 octobre 2010