Texte intégral
Ma visite répond à celle de M. Dzurinda reçu par M. Kouchner en septembre dernier à Paris.
J'ai rencontré plusieurs personnalités du gouvernement slovaque : le vice-Premier ministre et ministre des Transports, Postes et Télécommunications, M. Jan Figel, le ministre des Affaires étrangères, M. Dzurinda, mon homologue, M. Milan Jezovica ainsi que le vice-Premier ministre chargé des droits de l'Homme et des Minorités, M. Chmel, pour évoquer la question des Roms.
Très franchement, il y a beaucoup de complicité politique et intellectuelle entre nos deux pays sur la totalité des grands sujets européens et mondiaux. Nous travaillons bien ensemble sur le plan politique, et nous sommes un investisseur important : nous sommes en effet le deuxième investisseur dans ce pays.
Le seul regret que j'ai, c'est que la coopération ne soit pas aussi intense qu'elle devrait l'être. Nous avons un accord de coopération stratégique qui a été signé il y a deux ans par l'ancien gouvernement, mais il faudrait le nourrir davantage. C'est la raison pour laquelle nous sommes tombés d'accord avec M. Dzurinda pour mettre en place un groupe de travail qui va regarder où en est cette coopération franco-slovaque et, en fonction des priorités du nouveau gouvernement slovaque, sur quels sujets nous devons travailler davantage.
Dans un deuxième temps, nous allons réunir les chefs d'entreprise des deux pays pour préparer une nouvelle impulsion. Je pense que c'est dans l'intérêt des deux pays. Je pense que ce ne sera pas très difficile car, encore une fois, il y a beaucoup de complémentarité économique entre nos deux pays, comme le montrent les investissements réussis dans l'automobile, et beaucoup d'analyses communes sur les questions européennes.
Nous nous sommes, par ailleurs, livrés à un tour d'horizon des grandes questions européennes et internationales. Je suis revenu sur l'accord franco-allemand de Deauville, sur les mécanismes de consolidation de la zone euro qui ont fait l'objet d'un accord lors du dernier Conseil européen, sur l'accord très important que nous venons de signer avec les Britanniques sur la défense, et enfin sur les objectifs de la Présidence française du G20, qui commence dans 8 jours. Un tour d'horizon très large et très positif.
Nous avons parlé de la situation des Roms avec M. Chmel parce que c'est un problème majeur pour toute l'Europe et que la Slovaquie a une certaine expérience en la matière. La France travaille activement à la préparation d'une contribution pour une stratégie d'intégration sociale des citoyens européens d'origine rom. Il était important pour moi d'écouter l'expérience ici en Slovaquie.
Q - (Concernant la zone euro et le refus slovaque de prêter à la Grèce)
R - J'ai dit très clairement à M. Dzurinda qu'il était difficile pour moi d'expliquer à mon Parlement, qui a voté cette année presque plus de 130 milliards d'euros de soutien à la Grèce et à la zone euro, qu'un autre membre de la zone euro se tenait à l'écart de la solidarité commune. La moitié du paquet financier pour la Grèce et pour la zone euro est de l'argent français et allemand voté par les Parlements respectifs. Il est donc normal que tout le monde contribue.
Et parce que ce sont des sacrifices considérables demandés à des peuples eux-mêmes dans une situation de crise, nous sommes bien décidés à faire deux choses : d'abord, faire en sorte que cela ne se reproduise plus, d'où le renforcement des mécanismes préventifs mais aussi des sanctions, qui sont prévus aussi bien par le groupe Van Rompuy que par les conclusions du Sommet de Deauville. Et nous souhaitons éviter aussi le fait que les institutions financières qui ont gagné de l'argent en spéculant sur les dettes souveraines soient remboursées par le contribuable. Cette idée rejoint les préoccupations de M. Dzurinda.
Ce que nous avons proposé, c'est que, dans le mécanisme financier qui sera mis au point et pérennisé, les institutions financières participent à côté des Etats. C'est un débat très intéressant et très important. Même si tout le monde n'est pas encore d'accord aujourd'hui. J'ai donc bon espoir que la position slovaque évolue à l'approche du Conseil européen de décembre. Selon moi, ensemble, la bonne réponse, c'est la solidarité, plus le fait que ceux qui spéculent doivent aussi contribuer.
Q - (A propos de la situation des droits de l'Homme en Iran et du sort de Sakineh Mohammadi Ashtiani après la rencontre avec le vice-Premier ministre slovaque chargé des droits de l'Homme et des minorités)
R - Nous n'avons pas discuté du cas de Mme Sakineh Mohammadi mais j'ai répondu cette semaine à une question sur cette affaire à l'Assemblée nationale. La position de la France est très simple. Mme Sakineh Mohammadi a été condamnée à mort par lapidation en 2006. Depuis 2006, nous nous battons et avons mobilisé l'ensemble de la communauté internationale - et bien sûr l'Union européenne - pour que cette sanction ne soit pas appliquée, qu'elle soit commuée, que cette femme soit libérée et que sa famille soit protégée.
Le président de la République lui-même est intervenu, mon collègue Bernard Kouchner a eu récemment M. Mottaki au téléphone. Nous travaillons donc ardemment sur cette question. La condamnation à mort par lapidation est quelque chose de profondément barbare, à l'opposé de tout ce que représentent l'Europe et nos valeurs communes. C'est le Moyen-âge et non une civilisation pour le droit des femmes! Nous avons, cependant, été informés par le ministre iranien des Affaires étrangères que la rumeur concernant une exécution rapide ne correspondait pas à la réalité. Nous espérons que cette femme sera rapidement libérée et que sa sanction soit commuée.
Q - (A propos du récent accord franco-britannique et du groupe de travail franco-tchèque sur le nucléaire dans le contexte du Sommet de l'OTAN)
R - Il n'y a rien à voir entre l'OTAN et la République tchèque. Le travail que nous sommes en train de faire avec les Tchèques concerne l'énergie nucléaire civile, cela n'a rien à voir avec l'armement nucléaire et la dissuasion. Nous sommes en train de mettre en place avec le gouvernement tchèque, un mécanisme de coopération industrielle sur les futures centrales nucléaires parce que l'industrie tchèque, tout comme ici aussi en Slovaquie, a une vraie compétence en matière nucléaire. Il faut essayer de réunir tous les pays de la région qui se préparent à construire des réacteurs nucléaires.
Q - (Concernant l'impact de cet accord franco-britannique pour les partenaires européens)
R - On doit considérer l'accord qui a été signé entre la France et le Royaume-Uni comme un Traité véritablement de dimension historique. Même s'il s'agit d'un accord bilatéral, le fait que cela concerne les deux puissances nucléaires d'Europe, toutes les deux membres permanents du Conseil de Sécurité et qui représentent à elles-deux environ la moitié des efforts budgétaires des Vingt-sept, et 80 % de l'effort de R&D militaire de l'Union européenne, fait que ce Traité a naturellement un impact sur l'ensemble de la sécurité en Europe. L'accord comporte de nombreux volets, il y en a au moins deux qui sont extrêmement importants. D'abord, la mise en place d'une force de combat et d'intervention commune très substantielle et capable d'agir dans des conflits de haute intensité ; l'autre aspect, qui lui est quasiment révolutionnaire, concerne la coopération dans le domaine nucléaire, puisque nous allons travailler ensemble à des essais simulés sur nos armes nucléaires dans des établissements communs. Il y a beaucoup d'autres aspects de coopération, y compris la mutualisation de nos porte-avions, et la possibilité pour des flottilles aériennes britanniques ou françaises d'opérer sur le porte-avion de l'autre.
Il y a de nombreuses autres choses dans cet accord en matière de coopération industrielle mais je ne vais pas rentrer dans le détail. C'est un moment particulièrement important parce que cela veut dire que, malgré ou à cause des pressions budgétaires sur la défense, le coeur de la capacité de défense européenne est préservé. C'est important parce que le monde dans lequel nous vivons est dangereux. Il serait totalement déraisonnable de sacrifier notre sécurité à des considérations budgétaires à court-terme. L'Europe ne peut pas se contenter d'être une ONG humanitaire chargée de distribuer des voeux pieux et de l'argent. Il ne serait pas mauvais qu'elle se fasse respecter et qu'elle puisse défendre ses intérêts vitaux aussi.
Q - (A propos des Roms et de la polémique estivale sur l'expulsion du territoire français des Roms en provenance d'autres pays de l'Union Européenne, en particulier d'Europe centrale et orientale)
R - Pour nous, le problème posé par les Roms est un problème que nous avons découvert avec l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie au 1er janvier 2007. La France avant ne connaissait pas de «problème Rom ». La notion de minorité en France n'existe pas. C'est avec l'élargissement et donc la liberté de circulation que les Européens se rendent compte que c'est un problème absolument considérable. Un véritable quart-monde de plus de dix millions de personnes, dont neuf sont des citoyens européens. Neuf millions de personnes : avec des enfants qui ne vont pas à l'école, des familles où personne ne travaille, condamnées le plus souvent à être exploitées par des réseaux criminels. On voit la prostitution des jeunes enfants, des vols, enfin, cela ne correspond en rien aux valeurs de l'Europe. Qui donc est responsable ? La question de neuf millions de Roms se résume-t-elle à une affaire de libre circulation ? Le coupable est-il celui qui est obligé de faire respecter la loi dans son pays, pays d'accueil ? Est-ce que c'est celui-là que l'on doit dénoncer à Mme Reding, qui a utilisé des comparaisons historiques inadmissibles ? Ou bien est-ce que la source du problème n'est pas dans les pays d'origine qui ne se sont pas occupés d'eux, expliquant par là que les gens partent, puisqu'ils n'ont rien à manger ?
Le véritable scandale dans cette affaire, c'est que pendant toute la période qui a précédé l'élargissement, les services de la Commission qui ont travaillé sur l'élargissement ont vu les camps des Roms et les ont décrits dans les rapports. Mais à aucun moment il n'y a eu une action. L'argent a été versé aux Etats. Nous, les Français, nous versons 5 à 6 milliards d'euros par an à l'Union européenne. La Roumanie reçoit 3 milliards d'euros au moins par an. Mais l'argent n'est jamais utilisé pour les Roms. On fait des colloques, des «décennies pour les Roms», des procès idéologiques et faussement juridiques à la France... Mais pendant ce temps-là, qui construit les écoles, les logements, les hôpitaux pour ces gens qui en ont besoin ?
Au Conseil de l'Europe, il y a 15 jours, les 47 pays membres ont voté une déclaration pour la première fois sur les Roms dans laquelle il est dit que les pays d'origine ont une responsabilité première, et que les autres et les institutions européennes doivent se mobiliser. Assez curieusement, le gouvernement roumain a fait une déclaration interprétative expliquant qu'il voulait bien être responsable pour ses Roms mais seulement pour ceux qui ne vivaient pas de façon légale dans le reste de l'Europe. Or, comme la directive de 2004 sur la libre circulation prévoit que chaque citoyen européen peut résider trois mois plus un mois dans un autre pays, cela signifie que concrètement les Roumains s'estiment responsables de leurs Roms huit mois par an et qu'ils considèrent le reste de l'année que c'est la responsabilité des autres. Ce genre de déclarations est très inquiétant. Nous ne pouvons réussir l'intégration des Roms que si chacun fait son travail : les pays d'origine, les pays d'accueil qui doivent aider, la Commission européenne qui doit réunir tous les moyens financiers et humains nécessaires pour aider. Nous sommes en train de consulter nos amis slovaques parce qu'il y a ici près d'un demi-million de Roms. Nous consultons également les associations et notamment la fondation Soros, qui dépense d'ailleurs plus d'argent que la Commission. C'est un sujet délicat parce que tout commence par l'éducation et que cela prendra du temps. Mais il faut la volonté politique d'intégrer ces personnes. J'espère donc que de la controverse très désagréable de l'été dernier où la France a été montrée du doigt de façon extrêmement abusive, sortira une chose positive : à savoir, la prise de conscience par l'ensemble des Etats et des institutions européennes que nous devons régler ce problème parce qu'il est trop important.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010
J'ai rencontré plusieurs personnalités du gouvernement slovaque : le vice-Premier ministre et ministre des Transports, Postes et Télécommunications, M. Jan Figel, le ministre des Affaires étrangères, M. Dzurinda, mon homologue, M. Milan Jezovica ainsi que le vice-Premier ministre chargé des droits de l'Homme et des Minorités, M. Chmel, pour évoquer la question des Roms.
Très franchement, il y a beaucoup de complicité politique et intellectuelle entre nos deux pays sur la totalité des grands sujets européens et mondiaux. Nous travaillons bien ensemble sur le plan politique, et nous sommes un investisseur important : nous sommes en effet le deuxième investisseur dans ce pays.
Le seul regret que j'ai, c'est que la coopération ne soit pas aussi intense qu'elle devrait l'être. Nous avons un accord de coopération stratégique qui a été signé il y a deux ans par l'ancien gouvernement, mais il faudrait le nourrir davantage. C'est la raison pour laquelle nous sommes tombés d'accord avec M. Dzurinda pour mettre en place un groupe de travail qui va regarder où en est cette coopération franco-slovaque et, en fonction des priorités du nouveau gouvernement slovaque, sur quels sujets nous devons travailler davantage.
Dans un deuxième temps, nous allons réunir les chefs d'entreprise des deux pays pour préparer une nouvelle impulsion. Je pense que c'est dans l'intérêt des deux pays. Je pense que ce ne sera pas très difficile car, encore une fois, il y a beaucoup de complémentarité économique entre nos deux pays, comme le montrent les investissements réussis dans l'automobile, et beaucoup d'analyses communes sur les questions européennes.
Nous nous sommes, par ailleurs, livrés à un tour d'horizon des grandes questions européennes et internationales. Je suis revenu sur l'accord franco-allemand de Deauville, sur les mécanismes de consolidation de la zone euro qui ont fait l'objet d'un accord lors du dernier Conseil européen, sur l'accord très important que nous venons de signer avec les Britanniques sur la défense, et enfin sur les objectifs de la Présidence française du G20, qui commence dans 8 jours. Un tour d'horizon très large et très positif.
Nous avons parlé de la situation des Roms avec M. Chmel parce que c'est un problème majeur pour toute l'Europe et que la Slovaquie a une certaine expérience en la matière. La France travaille activement à la préparation d'une contribution pour une stratégie d'intégration sociale des citoyens européens d'origine rom. Il était important pour moi d'écouter l'expérience ici en Slovaquie.
Q - (Concernant la zone euro et le refus slovaque de prêter à la Grèce)
R - J'ai dit très clairement à M. Dzurinda qu'il était difficile pour moi d'expliquer à mon Parlement, qui a voté cette année presque plus de 130 milliards d'euros de soutien à la Grèce et à la zone euro, qu'un autre membre de la zone euro se tenait à l'écart de la solidarité commune. La moitié du paquet financier pour la Grèce et pour la zone euro est de l'argent français et allemand voté par les Parlements respectifs. Il est donc normal que tout le monde contribue.
Et parce que ce sont des sacrifices considérables demandés à des peuples eux-mêmes dans une situation de crise, nous sommes bien décidés à faire deux choses : d'abord, faire en sorte que cela ne se reproduise plus, d'où le renforcement des mécanismes préventifs mais aussi des sanctions, qui sont prévus aussi bien par le groupe Van Rompuy que par les conclusions du Sommet de Deauville. Et nous souhaitons éviter aussi le fait que les institutions financières qui ont gagné de l'argent en spéculant sur les dettes souveraines soient remboursées par le contribuable. Cette idée rejoint les préoccupations de M. Dzurinda.
Ce que nous avons proposé, c'est que, dans le mécanisme financier qui sera mis au point et pérennisé, les institutions financières participent à côté des Etats. C'est un débat très intéressant et très important. Même si tout le monde n'est pas encore d'accord aujourd'hui. J'ai donc bon espoir que la position slovaque évolue à l'approche du Conseil européen de décembre. Selon moi, ensemble, la bonne réponse, c'est la solidarité, plus le fait que ceux qui spéculent doivent aussi contribuer.
Q - (A propos de la situation des droits de l'Homme en Iran et du sort de Sakineh Mohammadi Ashtiani après la rencontre avec le vice-Premier ministre slovaque chargé des droits de l'Homme et des minorités)
R - Nous n'avons pas discuté du cas de Mme Sakineh Mohammadi mais j'ai répondu cette semaine à une question sur cette affaire à l'Assemblée nationale. La position de la France est très simple. Mme Sakineh Mohammadi a été condamnée à mort par lapidation en 2006. Depuis 2006, nous nous battons et avons mobilisé l'ensemble de la communauté internationale - et bien sûr l'Union européenne - pour que cette sanction ne soit pas appliquée, qu'elle soit commuée, que cette femme soit libérée et que sa famille soit protégée.
Le président de la République lui-même est intervenu, mon collègue Bernard Kouchner a eu récemment M. Mottaki au téléphone. Nous travaillons donc ardemment sur cette question. La condamnation à mort par lapidation est quelque chose de profondément barbare, à l'opposé de tout ce que représentent l'Europe et nos valeurs communes. C'est le Moyen-âge et non une civilisation pour le droit des femmes! Nous avons, cependant, été informés par le ministre iranien des Affaires étrangères que la rumeur concernant une exécution rapide ne correspondait pas à la réalité. Nous espérons que cette femme sera rapidement libérée et que sa sanction soit commuée.
Q - (A propos du récent accord franco-britannique et du groupe de travail franco-tchèque sur le nucléaire dans le contexte du Sommet de l'OTAN)
R - Il n'y a rien à voir entre l'OTAN et la République tchèque. Le travail que nous sommes en train de faire avec les Tchèques concerne l'énergie nucléaire civile, cela n'a rien à voir avec l'armement nucléaire et la dissuasion. Nous sommes en train de mettre en place avec le gouvernement tchèque, un mécanisme de coopération industrielle sur les futures centrales nucléaires parce que l'industrie tchèque, tout comme ici aussi en Slovaquie, a une vraie compétence en matière nucléaire. Il faut essayer de réunir tous les pays de la région qui se préparent à construire des réacteurs nucléaires.
Q - (Concernant l'impact de cet accord franco-britannique pour les partenaires européens)
R - On doit considérer l'accord qui a été signé entre la France et le Royaume-Uni comme un Traité véritablement de dimension historique. Même s'il s'agit d'un accord bilatéral, le fait que cela concerne les deux puissances nucléaires d'Europe, toutes les deux membres permanents du Conseil de Sécurité et qui représentent à elles-deux environ la moitié des efforts budgétaires des Vingt-sept, et 80 % de l'effort de R&D militaire de l'Union européenne, fait que ce Traité a naturellement un impact sur l'ensemble de la sécurité en Europe. L'accord comporte de nombreux volets, il y en a au moins deux qui sont extrêmement importants. D'abord, la mise en place d'une force de combat et d'intervention commune très substantielle et capable d'agir dans des conflits de haute intensité ; l'autre aspect, qui lui est quasiment révolutionnaire, concerne la coopération dans le domaine nucléaire, puisque nous allons travailler ensemble à des essais simulés sur nos armes nucléaires dans des établissements communs. Il y a beaucoup d'autres aspects de coopération, y compris la mutualisation de nos porte-avions, et la possibilité pour des flottilles aériennes britanniques ou françaises d'opérer sur le porte-avion de l'autre.
Il y a de nombreuses autres choses dans cet accord en matière de coopération industrielle mais je ne vais pas rentrer dans le détail. C'est un moment particulièrement important parce que cela veut dire que, malgré ou à cause des pressions budgétaires sur la défense, le coeur de la capacité de défense européenne est préservé. C'est important parce que le monde dans lequel nous vivons est dangereux. Il serait totalement déraisonnable de sacrifier notre sécurité à des considérations budgétaires à court-terme. L'Europe ne peut pas se contenter d'être une ONG humanitaire chargée de distribuer des voeux pieux et de l'argent. Il ne serait pas mauvais qu'elle se fasse respecter et qu'elle puisse défendre ses intérêts vitaux aussi.
Q - (A propos des Roms et de la polémique estivale sur l'expulsion du territoire français des Roms en provenance d'autres pays de l'Union Européenne, en particulier d'Europe centrale et orientale)
R - Pour nous, le problème posé par les Roms est un problème que nous avons découvert avec l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie au 1er janvier 2007. La France avant ne connaissait pas de «problème Rom ». La notion de minorité en France n'existe pas. C'est avec l'élargissement et donc la liberté de circulation que les Européens se rendent compte que c'est un problème absolument considérable. Un véritable quart-monde de plus de dix millions de personnes, dont neuf sont des citoyens européens. Neuf millions de personnes : avec des enfants qui ne vont pas à l'école, des familles où personne ne travaille, condamnées le plus souvent à être exploitées par des réseaux criminels. On voit la prostitution des jeunes enfants, des vols, enfin, cela ne correspond en rien aux valeurs de l'Europe. Qui donc est responsable ? La question de neuf millions de Roms se résume-t-elle à une affaire de libre circulation ? Le coupable est-il celui qui est obligé de faire respecter la loi dans son pays, pays d'accueil ? Est-ce que c'est celui-là que l'on doit dénoncer à Mme Reding, qui a utilisé des comparaisons historiques inadmissibles ? Ou bien est-ce que la source du problème n'est pas dans les pays d'origine qui ne se sont pas occupés d'eux, expliquant par là que les gens partent, puisqu'ils n'ont rien à manger ?
Le véritable scandale dans cette affaire, c'est que pendant toute la période qui a précédé l'élargissement, les services de la Commission qui ont travaillé sur l'élargissement ont vu les camps des Roms et les ont décrits dans les rapports. Mais à aucun moment il n'y a eu une action. L'argent a été versé aux Etats. Nous, les Français, nous versons 5 à 6 milliards d'euros par an à l'Union européenne. La Roumanie reçoit 3 milliards d'euros au moins par an. Mais l'argent n'est jamais utilisé pour les Roms. On fait des colloques, des «décennies pour les Roms», des procès idéologiques et faussement juridiques à la France... Mais pendant ce temps-là, qui construit les écoles, les logements, les hôpitaux pour ces gens qui en ont besoin ?
Au Conseil de l'Europe, il y a 15 jours, les 47 pays membres ont voté une déclaration pour la première fois sur les Roms dans laquelle il est dit que les pays d'origine ont une responsabilité première, et que les autres et les institutions européennes doivent se mobiliser. Assez curieusement, le gouvernement roumain a fait une déclaration interprétative expliquant qu'il voulait bien être responsable pour ses Roms mais seulement pour ceux qui ne vivaient pas de façon légale dans le reste de l'Europe. Or, comme la directive de 2004 sur la libre circulation prévoit que chaque citoyen européen peut résider trois mois plus un mois dans un autre pays, cela signifie que concrètement les Roumains s'estiment responsables de leurs Roms huit mois par an et qu'ils considèrent le reste de l'année que c'est la responsabilité des autres. Ce genre de déclarations est très inquiétant. Nous ne pouvons réussir l'intégration des Roms que si chacun fait son travail : les pays d'origine, les pays d'accueil qui doivent aider, la Commission européenne qui doit réunir tous les moyens financiers et humains nécessaires pour aider. Nous sommes en train de consulter nos amis slovaques parce qu'il y a ici près d'un demi-million de Roms. Nous consultons également les associations et notamment la fondation Soros, qui dépense d'ailleurs plus d'argent que la Commission. C'est un sujet délicat parce que tout commence par l'éducation et que cela prendra du temps. Mais il faut la volonté politique d'intégrer ces personnes. J'espère donc que de la controverse très désagréable de l'été dernier où la France a été montrée du doigt de façon extrêmement abusive, sortira une chose positive : à savoir, la prise de conscience par l'ensemble des Etats et des institutions européennes que nous devons régler ce problème parce qu'il est trop important.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010