Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Je suis très heureux d'avoir pu travailler avec vous, d'avoir bénéficié de plusieurs rencontres et d'avoir tant appris à votre contact. Je me réjouis également que ce débat ait eu lieu. Je vous épargnerai mon discours ; j'en suis désolé pour ceux qui l'ont écrit. Il sera bien sûr à votre disposition.
Je m'efforcerai très rapidement - trop rapidement ! - de répondre aux multiples remarques, souvent très positives, mais parfois critiques - c'est tout à fait normal -, qui m'ont été adressées.
Tout d'abord, Messieurs les Rapporteurs, j'ai beaucoup apprécié que vous ayez lu dans la nuit un document qui, officiellement, n'a été remis qu'hier, à vous comme à moi ! Il fallait évidemment obtenir l'imprimatur de Matignon, ce qui ne fut fait qu'au moment où nous étions réunis en commission.
Je commencerai en évoquant le document-cadre de coopération au développement.
A ce propos, j'ai bien noté votre remarque à propos d'une éventuelle loi d'orientation, Madame Lepage ; j'y reviendrai.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, c'est la première fois que nous nous trouvons devant une vision d'ensemble ; cependant, si celle-ci est assez précise, elle reste insuffisante dans ses développements.
Je reprendrai simplement l'exemple souligné par les rapporteurs. Tout le monde se demande pourquoi n'est pas mis en place un audit permanent, c'est-à-dire pourquoi n'est pas proposée une évaluation - elle serait sans doute critique - des résultats de notre aide au développement. Mais un tel travail est très difficile à mener ! Qui l'a déjà fait ? Personne !
Bien sûr, pour les ONG - je les salue toutes -, qui se concentrent sur des actions très précises au contact de la population, Madame Keller, un tel travail est plus facile à mettre en place et, d'ailleurs, d'autant plus méritoire.
En revanche, concernant la politique en général, les aides, nous n'avons pas toujours la possibilité de quantifier ; par exemple, nous ne pouvons pas évaluer le nombre de malades sous antirétroviraux, contrairement au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le plus souvent, compte tenu de la façon dont les politiques d'aide au développement sont appliquées, il est bien difficile d'en mesurer immédiatement les résultats au moyen de critères objectifs, avec un crible qui serait suffisamment précis pour être accepté par tous.
Nous allons nous atteler à cette tâche. Dans le document-cadre sont évoqués des audits externes et des rapports croisés. Comme l'ont justement noté MM. Cambon et Vantomme, il faudrait bien entendu pouvoir comparer, additionner les aides au développement portant sur plusieurs sujets et théoriquement regroupées dans différents bilans. Sont-elles complémentaires ou, au contraire, contradictoires ? De telles opérations sont très difficiles à réaliser.
Nous allons essayer de nous y employer pour les aides versées à compter de l'année 1998. Une telle évaluation est d'ailleurs beaucoup plus facile à faire concernant les aides versées dans le passé ; cela reste cependant très insuffisant, j'en suis pleinement conscient.
Un tel travail est cependant tout à fait indispensable. Il a été fait allusion à des sondages qui montrent que les Français, dans une période difficile, sont favorables à l'aide au développement. Quand on pose à nos compatriotes des questions précises, le résultat est néanmoins un peu différent : s'ils approuvent effectivement l'aide au développement, ils expriment également leur volonté de connaître les résultats obtenus en la matière, ce que je comprends tout à fait.
Le président de la Commission vient de le souligner, il est essentiel de communiquer sur un tel point ; mais cela n'a jamais été fait, sauf en matière de santé publique, où les indicateurs sont, parfois, sur des domaines très précis, relativement fiables.
Pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, je vous remercie, Madame Lepage, d'avoir évoqué l'éventualité d'une loi d'orientation.
Sur le principe, je n'y suis pas opposé. Mais comment faire face à l'évolution de la conjoncture économique si nous fixons des directions et des pourcentages précis ? Je me méfie donc quelque peu des lois d'orientation, d'autant qu'elles évoluent elles-mêmes en fonction des circonstances. Je ne suis pas certain que l'on puisse adopter une telle loi applicable sur dix ans. Néanmoins, cela nous donnerait l'occasion de débattre, comme nous le faisons en ce moment. Il faut y réfléchir.
Je suis d'accord avec vous, Monsieur Cambon, lorsque vous dites que notre démarche ne doit plus être seulement caritative. Pour autant, en cas de besoin, le caritatif, ce n'est pas si mal !
J'ai longtemps été très hostile, puis très favorable, puis plus nuancé, sur la question des aides ponctuelles. Lorsqu'il y a une urgence, il faut y répondre, et les ONG savent très bien le faire.
Vous dites également qu'il n'y a jamais assez d'argent pour les ONG. Mais où le prend-on ? Il vient bien de quelque part ! Nous devons participer au financement des ONG, tout en leur laissant la possibilité de formuler des critiques et d'être indépendantes.
Au Centre de crise du ministère des Affaires étrangères et européennes, nous ne travaillons qu'avec des ONG ! C'est tout à fait nécessaire lorsqu'il s'agit de répondre à des situations d'urgence et de mener des actions caritatives. D'ailleurs, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, je vous invite tous, comme je l'ai déjà fait en commission, à venir voir comment ce centre fonctionne, en liaison avec les ONG, comment l'aide est distribuée, comment des rapports humains se nouent et des contacts permanents s'établissent entre le Centre de crise, ces ONG et la population locale.
J'ai aussi bien noté cette observation selon laquelle mieux valait travailler avec les Africains eux-mêmes qu'avec leurs gouvernements. Il faut faire les deux ! Les chiffres nous indiquent que beaucoup d'argent s'évapore... Mais que doit-on faire ! Dites-le-moi, Monsieur Revet !
Lorsque les gouvernements nous sollicitent pour financer certains projets, on peut penser, logiquement, que les ministères concernés vont faire un bon usage de l'aide que nous leur apportons.
On nous parle de surveillance. Je sais bien qu'il y a des problèmes d'évasion d'argent. Je rappelle, cependant, que tel n'est pas le fait des seuls pays africains ; dans d'autres Etats, c'est la moitié de l'aide qui s'évanouit dans la nature !
Bien entendu, nous devons apporter de l'aide, lorsque c'est nécessaire, en passant par les structures gouvernementales qui existent sur place. C'est le cas lorsqu'un plan d'action a été lancé. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, par exemple, ne pourrait pas fonctionner s'il ne travaillait pas, au niveau local, avec les différents ministères de la santé.
Vous l'avez noté à juste titre, Messieurs les Rapporteurs, lorsqu'aucune structure n'existe sur place, rien n'est possible ! Pour que l'argent distribué soit utile, il faut pouvoir trouver, localement, un minimum de structures administratives et techniques. Dans le domaine de la santé, c'est évident !
Nous ne pouvons pas faire autrement que de travailler avec les gouvernements, mais il nous appartient aussi d'agir, et le plus possible, avec les collectivités et les ONG locales, au plus près des populations. C'est ma conviction la plus profonde !
Il est certes difficile d'intervenir, à la fois, à tous ces niveaux. Il faut pour cela beaucoup d'expérience, y compris de l'échec. Nous connaissons aussi des succès. Il nous revient de mener une réflexion d'ensemble sur notre démarche caritative.
Vous avez dit, Monsieur Cambon, que la France ne serait plus jamais seule. En termes politiques, c'est-à-dire en considérant notre passé colonial, puis la décolonisation et l'indépendance qui ont suivi, c'est vrai ! Cependant, je le répète, il est très compliqué d'additionner et de juxtaposer des aides sans les faire entrer en concurrence.
J'ai pris hier, devant la Commission, l'exemple de la République démocratique du Congo, le plus grand pays francophone du monde. Avec 130 millions d'euros, les Britanniques lui donnent près de quatre fois plus que la France, dont le montant de l'aide s'élève à 35 millions d'euros.
Comment peut-on additionner ces deux aides ? Après tout, réjouissons-nous que les Britanniques aident la République démocratique du Congo, si leur argent, comme le nôtre, est bien utilisé. Mais comment savoir si c'est le cas, alors que nombre d'autres Etats aident ce pays majeur, central, à la fois vaste et doté de nombreuses richesses ? Je ne veux pas souligner uniquement les difficultés, mais force est de constater qu'elles ne manquent pas !
Je suis tout à fait convaincu qu'il faut faire le bilan des objectifs, celui des moyens et l'analyse critique des résultats. Nous avons prévu cet objectif dans le document-cadre, et nous nous efforcerons de le réaliser.
Monsieur Vantomme, vous avez évoqué des objectifs majeurs, que je ne détaillerai pas ici. Notre aide publique au développement est répartie de la façon suivante : 60 % pour l'Afrique, 20 % pour la Méditerranée, seulement 10 % pour les pays émergents, et 10 % pour les situations de crise. Une telle répartition est de nature à recueillir une approbation assez large, d'autant qu'il est toujours possible de l'ajuster ; c'est d'ailleurs le cas dans les situations de crise. En effet, même si une crise est prévisible, par définition, on ne connaît pas dans l'immédiat les besoins requis.
Je partage bien sûr votre sentiment sur la croissance par les échanges. Encore faudrait-il que nos produits soient compétitifs...
Monsieur Guerry, vous-même avez rappelé que les investissements de la Chine étaient sans comparaison avec les nôtres. Certes ! Mais nous savons tous que la compétition est grande entre les entreprises. Alors, que fait-on ?
Certaines entreprises chinoises ou turques sont beaucoup plus compétitives que les nôtres. C'est un constat ! Nous devons donc aider le plus possible les entreprises françaises, mais pas jusqu'au point de les imposer ou de compenser notre handicap par des prêts ou des dons.
Comment faire ? Nos entreprises sont tout à fait performantes sur le plan social, car elles développent des projets plus structurés à ce niveau, mais elles sont moins performantes que d'autres pays lorsqu'il s'agit de répondre aux appels d'offre.
Il est très difficile de développer les échanges avec nos partenaires tout en soutenant les industries locales. C'est au sein de ce difficile équilibre que notre politique d'aide au développement doit trouver sa place : en dehors du domaine caritatif et dans la réalité de la compétition économique.
Je ne suis pas responsable de l'insuffisance des perspectives financières et de la conjoncture économique ! Je rappelle que personne n'avait prévu la crise européenne et mondiale dont nous avons été victimes. Sans cette crise, sans doute aurait-il été plus facile d'atteindre le fameux objectif de 0,7 %. Cela ne veut pas dire que nous devons abandonner complètement une telle perspective pour 2015 !
Dois-je le rappeler, la France, en 2000, lorsque la croissance était forte, consacrait 0,30 % de son RNB à l'aide au développement, puis a porté son effort à 0,32 % en 2001. Dix ans plus tard, nous avons réussi à rattraper ce retard, avec un taux qui s'élève, selon les interprétations, à 0,47 % ou 0,49 %.
Pourquoi n'atteindrions-nous pas l'objectif de 0,7 % ? En tout cas, nous faisons tout pour y parvenir en 2015.
Je m'attarderai quelque peu sur les financements innovants, qu'a évoqués M. Collin. Ils ne sont pas destinés à se substituer à l'aide publique au développement ou à justifier sa diminution. Ils doivent servir, au contraire, à compléter ou à augmenter cette aide.
Nous avons été très surpris, lors de la préparation du sommet Afrique-France de Nice, qui comptait près de la moitié de pays anglophones, qu'un certain nombre de pays africains déclarent se méfier des financements innovants. Cette propagande hostile émanait de pays favorables à un libéralisme total, que l'idée même de taxe effraie, alors que nous n'employons jamais ce terme, lui préférant celui de « contribution «.
Soyons sérieux : si les pays africains refusaient les financements innovants, à quoi serviraient-ils ?
Nous avons convaincu les Etats concernés qu'il s'agissait d'une aide supplémentaire « aux investissements «, et non pas simplement d'une aide en plus. Le sujet a été abordé lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, en septembre dernier, et il figurera à l'ordre du jour du prochain G8, à Muskoka. C'est donc une idée qui fait son chemin.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, comme je l'ai dit en commission, nous vous ferons parvenir le dernier rapport du Groupe pilote sur les financements innovants, présidé par le Japon, et dont la France est secrétaire.
Tous les rapports de ce groupe vont dans le même sens : il est beaucoup moins difficile de financer ces projets que de lancer le Fonds global, comme l'a fait la France. Il existe trois hypothèses pour le financement. Selon nous, il devrait prendre la forme d'une contribution sur les transactions mobilières, c'est-à-dire sur tous les échanges financiers. Les limites du dispositif restent à définir, pour savoir qui sera concerné : les entreprises, la spéculation, les échanges personnels, etc.
La solution que nous avons retenue est une contribution de 0,005 %, ce qui représente, je ne cesserai de le répéter, 5 centimes d'euros prélevés sur mille euros échangés. C'est tout à fait inoffensif et inodore !
Quelques pays importants peuvent-ils lancer ce projet, ou faut-il un lancement collectif nécessitant l'accord des 192 pays siégeant à l'Assemblée générale des Nations unies ? C'est clairement la première solution qui doit prévaloir.
Si nous ne prenons pas l'initiative, cela ne marchera jamais ! C'est ainsi que les fonds éthiques ont démarré, lancés par quelques établissements bancaires et quelques pays. Finalement, cela fonctionne très bien !
Je pense, pour ma part, et nous verrons ce qu'il en sera du G8 et du G20, qu'un groupe de cinq ou six pays européens, mais non les moindres, favorables à cette idée, pourraient lancer ce projet.
Cette idée avance, Monsieur Collin, même si nous n'avons, pour le moment, aucun bénéfice matériel à en attendre. Il sera très facile, par l'intermédiaire des banques et des établissements financiers, de prélever une contribution de 0,005 % sur les échanges. Ce n'est tout de même pas énorme !
S'agissant du Fonds global, Monsieur le Président de Rohan, vous avez raison : si nous contribuons plus encore par l'intermédiaire de l'ONU, on nous reprochera de ne pas être assez présents. Ce fonds global doit-il passer par l'ONU ? C'était le cas au début, avant qu'il n'en soit détaché pour être plus autonome. Mais l'idée est née au sein des Nations unies.
Avec une contribution de 0,005 %, on parviendra à réunir une somme de 30 à 40 milliards d'euros par an, ce qui permettra, Madame Keller, d'assurer l'éducation de tous les enfants des pays pauvres. Ce n'est pas mal !
Faut-il créer un fonds pour cela ? Comment l'aide serait-elle distribuée ? Qui contrôlerait ce fonds et les résultats de l'aide ? Voilà des questions ardues ! Nous devons en discuter.
Nous avons, je le redis, l'expérience du Fonds global, dont la France a été à l'origine : au début, on ne savait pas comment le contrôler. Il doit représenter pour nous un modèle, dans la mesure où, depuis sa création, les ??vasions et les scandales ont été peu nombreux, même s'il arrive de temps en temps que l'on cesse d'aider un pays.
Monsieur Hue, vous avez évoqué le domaine réservé. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe depuis bien longtemps. Or je me souviens que, dans les années passées, certaines réserves vous étaient plus sympathiques ! La politique étrangère constitue le domaine réservé par excellence : c'est là une tradition de la Ve République.
Vous avez également pointé du doigt les profits réalisés par les entreprises. Oui, les entreprises font des profits, et c'est bien naturel ! Si elles n'en faisaient pas, cela se saurait ! Ce serait alors, le plus souvent, des entreprises nationales. S'il peut y avoir, ici ou là, des adaptations envisageables, les appels d'offre demeurent la règle. Les entreprises françaises doivent se montrer compétitives, ce qui n'est pas toujours le cas.
Les exemples fournis à propos du Soudan et du Niger le prouvent. Vous n'ignorez pas, monsieur Guerry, que c'est Total qui a refusé de s'installer au Niger, du fait d'une situation politique dangereuse. De même, le Soudan n'était pas facile d'accès, en particulier le sud de ce pays. Il y avait pourtant des opportunités historiques à saisir ! D'ailleurs, notre entreprise pétrolière s'implante de nouveau dans ces régions. Mais elle doit désormais faire face à la concurrence chinoise. Qui pourrait reprocher aux entreprises chinoises de s'être implantées sur ce marché ?
Madame Tasca, vous avez fait preuve d'un grand optimisme quant à l'évolution du continent africain. Je partage votre sentiment. La tendance générale, comme les chiffres que vous avez cités, semblent confirmer cette évolution positive, dont nous devons tenir compte. Vous avez souligné l'expertise de la France. Même si elle est quelque peu datée et qu'elle s'éloigne des réalités de l'Afrique, nous devons la mettre en avant, en proposant à nos amis chinois, turcs et britanniques de bâtir autant que possible des offres communes. C'est la seule façon d'agir. Il existe d'ailleurs, en matière de développement, un groupe franco-chinois qui se réunit très régulièrement.
J'ai apprécié les propos que vous avez tenus sur le thème du codéveloppement et de l'immigration. Malheureusement, la pauvreté, l'emprise de la tradition et les marchands d'esclaves n'attendent pas. Codéveloppement et maîtrise du flux migratoire ne sont pas toujours corrélés. Les migrants tentent leur chance, même lorsqu'on leur soutient qu'en développant leur pays ils n'auront pas à essayer, au péril de leur vie, de gagner les pays riches. Eh oui !
Je suis évidemment favorable à équilibrer le plus possible codéveloppement et immigration. Mais, en réalité, il y a tous les jours des gens qui frappent à la porte des pays riches, qui franchissent la mer Méditerranée au péril de leur vie, et qui meurent. Les migrants n'empruntent pas nécessairement le détroit de Gibraltar. Bien souvent, ils viennent de beaucoup plus loin. Demandez à nos amis grecs combien ils en accueillent chaque jour ? Il en résulte un « trafic « effrayant, qu'il convient d'endiguer.
Je reprends vos exemples, Monsieur Guerry. Vous vous dites partisan d'un dialogue entre le Tchad et le Soudan. C'est évident ! Je suis d'ailleurs plutôt satisfait des avancées dans ce domaine. Les accords de Doha seront-ils acceptés par tous ? Je ne sais pas. Mais il est clair qu'un certain nombre de pays ne respectent pas les règles et continuent de fournir des armes aux pays en développement. Vous l'avez d'ailleurs souligné.
Pour ce qui est du Niger, l'uranium suffira-t-il ? Je l'ignore. La situation que nous affrontons autour des mines d'uranium n'est pas simple. Nous sommes particulièrement attentifs à tout ce qui serait susceptible de protéger nos populations. Nos ressortissants ont d'ailleurs été évacués, comme vous le savez, d'une « zone rouge «, définie comme très dangereuse. Nous y reviendrons.
Lors de la réunion du CICID qui s'est tenue en 2009, il a été exigé une révision de nos indicateurs bilatéraux. Nous avons d'ailleurs confié à l'inspection générale des finances le soin d'évaluer nos contributions bilatérales et multilatérales. Les conclusions de cette mission devraient nous parvenir dans les semaines qui viennent.
Madame Lepage, nous nous efforçons de répondre à l'objectif de 0,7 % du RNB en 2015. J'ignore si nous y parviendrons, même si je le souhaite ardemment. Notre aide au développement équivaut aujourd'hui à 0,49 % du RNB, et nous devrions atteindre 0,51 % l'année prochaine.
Vous avez évoqué, Madame, les moyens de développer la formation. Je voudrais vous faire part d'un chiffre souvent méconnu : il y a, en France, près de 22 000 étudiants chinois, dont la formation, intégrée à la politique de développement, coûte chaque année 100 millions d'euros. C'est là un effort considérable, qui ne concerne que les étudiants chinois. Mais on accueille bien sûr des étudiants étrangers d'autres nationalités, notamment africaines, dans nos universités et nos écoles !
Vous avez fait allusion à ces sondages qui font état de la volonté des Français de renforcer l'aide au développement, ce dont je me réjouis. Ce sont tout de même eux qui la financent ! Mais il faudra leur rappeler cette intention initiale dans les années à venir.
Madame Keller, vous avez souligné l'évolution, très positive, de l'aide au développement. Je vous en remercie.
Dans les pays africains, qui représentent 60 % de nos efforts, nous menons des entreprises beaucoup plus proches des populations. Je l'ai dit, la tendance générale est en effet à se dégager, autant que possible, des gouvernements. Sans les mépriser, en les acceptant tels qu'ils sont, nous essayons de nous approcher au plus près des collectivités, des hommes et des femmes.
Certes, ce n'est pas toujours possible. En effet, il n'y a pas toujours d'ONG locale susceptible de relayer notre aide. Dans ce cas, nous travaillons avec des ONG françaises ou internationales, même si ces dernières sont généralement plus proches des gouvernements centraux et des ministères. Vous connaissez les chiffres : près de 40 % de l'aide s'évapore ! Ce chiffre est évidemment une moyenne, et cette évaporation ne sévit pas dans tous les pays.
Je voudrais maintenant insister sur la formation professionnelle. Vous avez évoqué le cas, en Afrique, de personnes qualifiées, notamment des médecins, qui gagnent les pays riches pour y exercer leur profession. C'est un fait ! Mais nous venons de mettre en place, aujourd'hui avec le Sénégal et demain avec le Maroc, une formation professionnelle, d'une durée de trois ans, qui s'appuie sur les fédérations professionnelles et le réseau de coopération. Elle semble bien fonctionner jusqu'à présent.
Au lieu d'accorder des bourses pour des cursus universitaires n'offrant pas de débouché particulier en Afrique - cela demeure bien entendu possible -, nous prenons en compte les besoins professionnels exprimés par les entreprises locales. Ces trois ans de formation accompagnée par les fédérations professionnelles fonctionne bien au Sénégal, premier pays concerné par ce dispositif. Nous entendons l'étendre.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, je ne reviendrai pas sur la question des transactions financières. Je vous suis très reconnaissant de ce débat. Grâce au président de Rohan et à la Commission des affaires étrangères, nous avons pu, les uns et les autres, et surtout moi, tirer profit de ces critiques, extrêmement positives.
Certes, 9 milliards d'euros, ce n'est pas suffisant, mais c'est tout de même considérable ! Nous n'avons pas à rougir de la position française en matière d'aide au développement, même s'il faut aller toujours plus loin dans ce domaine.
En effet, la France est, cette année, le deuxième contributeur mondial d'aide au développement. Certes, ce ne sera plus le cas l'an prochain, mais nous n'avons pas à rougir de notre rang au sein des pays européens, même s'il faut saluer l'effort de la Grande-Bretagne qui, en dépit d'une situation économique toujours difficile et d'une réduction de 25 % du budget du Foreign Office, a maintenu son aide. Je préférerais bien évidemment que nous puissions augmenter notre aide. Mais ce débat a montré que, dans ce domaine, nous n'étions pas les moins efficaces !Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010
Monsieur le Président de la Commission,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Je suis très heureux d'avoir pu travailler avec vous, d'avoir bénéficié de plusieurs rencontres et d'avoir tant appris à votre contact. Je me réjouis également que ce débat ait eu lieu. Je vous épargnerai mon discours ; j'en suis désolé pour ceux qui l'ont écrit. Il sera bien sûr à votre disposition.
Je m'efforcerai très rapidement - trop rapidement ! - de répondre aux multiples remarques, souvent très positives, mais parfois critiques - c'est tout à fait normal -, qui m'ont été adressées.
Tout d'abord, Messieurs les Rapporteurs, j'ai beaucoup apprécié que vous ayez lu dans la nuit un document qui, officiellement, n'a été remis qu'hier, à vous comme à moi ! Il fallait évidemment obtenir l'imprimatur de Matignon, ce qui ne fut fait qu'au moment où nous étions réunis en commission.
Je commencerai en évoquant le document-cadre de coopération au développement.
A ce propos, j'ai bien noté votre remarque à propos d'une éventuelle loi d'orientation, Madame Lepage ; j'y reviendrai.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, c'est la première fois que nous nous trouvons devant une vision d'ensemble ; cependant, si celle-ci est assez précise, elle reste insuffisante dans ses développements.
Je reprendrai simplement l'exemple souligné par les rapporteurs. Tout le monde se demande pourquoi n'est pas mis en place un audit permanent, c'est-à-dire pourquoi n'est pas proposée une évaluation - elle serait sans doute critique - des résultats de notre aide au développement. Mais un tel travail est très difficile à mener ! Qui l'a déjà fait ? Personne !
Bien sûr, pour les ONG - je les salue toutes -, qui se concentrent sur des actions très précises au contact de la population, Madame Keller, un tel travail est plus facile à mettre en place et, d'ailleurs, d'autant plus méritoire.
En revanche, concernant la politique en général, les aides, nous n'avons pas toujours la possibilité de quantifier ; par exemple, nous ne pouvons pas évaluer le nombre de malades sous antirétroviraux, contrairement au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le plus souvent, compte tenu de la façon dont les politiques d'aide au développement sont appliquées, il est bien difficile d'en mesurer immédiatement les résultats au moyen de critères objectifs, avec un crible qui serait suffisamment précis pour être accepté par tous.
Nous allons nous atteler à cette tâche. Dans le document-cadre sont évoqués des audits externes et des rapports croisés. Comme l'ont justement noté MM. Cambon et Vantomme, il faudrait bien entendu pouvoir comparer, additionner les aides au développement portant sur plusieurs sujets et théoriquement regroupées dans différents bilans. Sont-elles complémentaires ou, au contraire, contradictoires ? De telles opérations sont très difficiles à réaliser.
Nous allons essayer de nous y employer pour les aides versées à compter de l'année 1998. Une telle évaluation est d'ailleurs beaucoup plus facile à faire concernant les aides versées dans le passé ; cela reste cependant très insuffisant, j'en suis pleinement conscient.
Un tel travail est cependant tout à fait indispensable. Il a été fait allusion à des sondages qui montrent que les Français, dans une période difficile, sont favorables à l'aide au développement. Quand on pose à nos compatriotes des questions précises, le résultat est néanmoins un peu différent : s'ils approuvent effectivement l'aide au développement, ils expriment également leur volonté de connaître les résultats obtenus en la matière, ce que je comprends tout à fait.
Le président de la Commission vient de le souligner, il est essentiel de communiquer sur un tel point ; mais cela n'a jamais été fait, sauf en matière de santé publique, où les indicateurs sont, parfois, sur des domaines très précis, relativement fiables.
Pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, je vous remercie, Madame Lepage, d'avoir évoqué l'éventualité d'une loi d'orientation.
Sur le principe, je n'y suis pas opposé. Mais comment faire face à l'évolution de la conjoncture économique si nous fixons des directions et des pourcentages précis ? Je me méfie donc quelque peu des lois d'orientation, d'autant qu'elles évoluent elles-mêmes en fonction des circonstances. Je ne suis pas certain que l'on puisse adopter une telle loi applicable sur dix ans. Néanmoins, cela nous donnerait l'occasion de débattre, comme nous le faisons en ce moment. Il faut y réfléchir.
Je suis d'accord avec vous, Monsieur Cambon, lorsque vous dites que notre démarche ne doit plus être seulement caritative. Pour autant, en cas de besoin, le caritatif, ce n'est pas si mal !
J'ai longtemps été très hostile, puis très favorable, puis plus nuancé, sur la question des aides ponctuelles. Lorsqu'il y a une urgence, il faut y répondre, et les ONG savent très bien le faire.
Vous dites également qu'il n'y a jamais assez d'argent pour les ONG. Mais où le prend-on ? Il vient bien de quelque part ! Nous devons participer au financement des ONG, tout en leur laissant la possibilité de formuler des critiques et d'être indépendantes.
Au Centre de crise du ministère des Affaires étrangères et européennes, nous ne travaillons qu'avec des ONG ! C'est tout à fait nécessaire lorsqu'il s'agit de répondre à des situations d'urgence et de mener des actions caritatives. D'ailleurs, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, je vous invite tous, comme je l'ai déjà fait en commission, à venir voir comment ce centre fonctionne, en liaison avec les ONG, comment l'aide est distribuée, comment des rapports humains se nouent et des contacts permanents s'établissent entre le Centre de crise, ces ONG et la population locale.
J'ai aussi bien noté cette observation selon laquelle mieux valait travailler avec les Africains eux-mêmes qu'avec leurs gouvernements. Il faut faire les deux ! Les chiffres nous indiquent que beaucoup d'argent s'évapore... Mais que doit-on faire ! Dites-le-moi, Monsieur Revet !
Lorsque les gouvernements nous sollicitent pour financer certains projets, on peut penser, logiquement, que les ministères concernés vont faire un bon usage de l'aide que nous leur apportons.
On nous parle de surveillance. Je sais bien qu'il y a des problèmes d'évasion d'argent. Je rappelle, cependant, que tel n'est pas le fait des seuls pays africains ; dans d'autres Etats, c'est la moitié de l'aide qui s'évanouit dans la nature !
Bien entendu, nous devons apporter de l'aide, lorsque c'est nécessaire, en passant par les structures gouvernementales qui existent sur place. C'est le cas lorsqu'un plan d'action a été lancé. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, par exemple, ne pourrait pas fonctionner s'il ne travaillait pas, au niveau local, avec les différents ministères de la santé.
Vous l'avez noté à juste titre, Messieurs les Rapporteurs, lorsqu'aucune structure n'existe sur place, rien n'est possible ! Pour que l'argent distribué soit utile, il faut pouvoir trouver, localement, un minimum de structures administratives et techniques. Dans le domaine de la santé, c'est évident !
Nous ne pouvons pas faire autrement que de travailler avec les gouvernements, mais il nous appartient aussi d'agir, et le plus possible, avec les collectivités et les ONG locales, au plus près des populations. C'est ma conviction la plus profonde !
Il est certes difficile d'intervenir, à la fois, à tous ces niveaux. Il faut pour cela beaucoup d'expérience, y compris de l'échec. Nous connaissons aussi des succès. Il nous revient de mener une réflexion d'ensemble sur notre démarche caritative.
Vous avez dit, Monsieur Cambon, que la France ne serait plus jamais seule. En termes politiques, c'est-à-dire en considérant notre passé colonial, puis la décolonisation et l'indépendance qui ont suivi, c'est vrai ! Cependant, je le répète, il est très compliqué d'additionner et de juxtaposer des aides sans les faire entrer en concurrence.
J'ai pris hier, devant la Commission, l'exemple de la République démocratique du Congo, le plus grand pays francophone du monde. Avec 130 millions d'euros, les Britanniques lui donnent près de quatre fois plus que la France, dont le montant de l'aide s'élève à 35 millions d'euros.
Comment peut-on additionner ces deux aides ? Après tout, réjouissons-nous que les Britanniques aident la République démocratique du Congo, si leur argent, comme le nôtre, est bien utilisé. Mais comment savoir si c'est le cas, alors que nombre d'autres Etats aident ce pays majeur, central, à la fois vaste et doté de nombreuses richesses ? Je ne veux pas souligner uniquement les difficultés, mais force est de constater qu'elles ne manquent pas !
Je suis tout à fait convaincu qu'il faut faire le bilan des objectifs, celui des moyens et l'analyse critique des résultats. Nous avons prévu cet objectif dans le document-cadre, et nous nous efforcerons de le réaliser.
Monsieur Vantomme, vous avez évoqué des objectifs majeurs, que je ne détaillerai pas ici. Notre aide publique au développement est répartie de la façon suivante : 60 % pour l'Afrique, 20 % pour la Méditerranée, seulement 10 % pour les pays émergents, et 10 % pour les situations de crise. Une telle répartition est de nature à recueillir une approbation assez large, d'autant qu'il est toujours possible de l'ajuster ; c'est d'ailleurs le cas dans les situations de crise. En effet, même si une crise est prévisible, par définition, on ne connaît pas dans l'immédiat les besoins requis.
Je partage bien sûr votre sentiment sur la croissance par les échanges. Encore faudrait-il que nos produits soient compétitifs...
Monsieur Guerry, vous-même avez rappelé que les investissements de la Chine étaient sans comparaison avec les nôtres. Certes ! Mais nous savons tous que la compétition est grande entre les entreprises. Alors, que fait-on ?
Certaines entreprises chinoises ou turques sont beaucoup plus compétitives que les nôtres. C'est un constat ! Nous devons donc aider le plus possible les entreprises françaises, mais pas jusqu'au point de les imposer ou de compenser notre handicap par des prêts ou des dons.
Comment faire ? Nos entreprises sont tout à fait performantes sur le plan social, car elles développent des projets plus structurés à ce niveau, mais elles sont moins performantes que d'autres pays lorsqu'il s'agit de répondre aux appels d'offre.
Il est très difficile de développer les échanges avec nos partenaires tout en soutenant les industries locales. C'est au sein de ce difficile équilibre que notre politique d'aide au développement doit trouver sa place : en dehors du domaine caritatif et dans la réalité de la compétition économique.
Je ne suis pas responsable de l'insuffisance des perspectives financières et de la conjoncture économique ! Je rappelle que personne n'avait prévu la crise européenne et mondiale dont nous avons été victimes. Sans cette crise, sans doute aurait-il été plus facile d'atteindre le fameux objectif de 0,7 %. Cela ne veut pas dire que nous devons abandonner complètement une telle perspective pour 2015 !
Dois-je le rappeler, la France, en 2000, lorsque la croissance était forte, consacrait 0,30 % de son RNB à l'aide au développement, puis a porté son effort à 0,32 % en 2001. Dix ans plus tard, nous avons réussi à rattraper ce retard, avec un taux qui s'élève, selon les interprétations, à 0,47 % ou 0,49 %.
Pourquoi n'atteindrions-nous pas l'objectif de 0,7 % ? En tout cas, nous faisons tout pour y parvenir en 2015.
Je m'attarderai quelque peu sur les financements innovants, qu'a évoqués M. Collin. Ils ne sont pas destinés à se substituer à l'aide publique au développement ou à justifier sa diminution. Ils doivent servir, au contraire, à compléter ou à augmenter cette aide.
Nous avons été très surpris, lors de la préparation du sommet Afrique-France de Nice, qui comptait près de la moitié de pays anglophones, qu'un certain nombre de pays africains déclarent se méfier des financements innovants. Cette propagande hostile émanait de pays favorables à un libéralisme total, que l'idée même de taxe effraie, alors que nous n'employons jamais ce terme, lui préférant celui de « contribution «.
Soyons sérieux : si les pays africains refusaient les financements innovants, à quoi serviraient-ils ?
Nous avons convaincu les Etats concernés qu'il s'agissait d'une aide supplémentaire « aux investissements «, et non pas simplement d'une aide en plus. Le sujet a été abordé lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, en septembre dernier, et il figurera à l'ordre du jour du prochain G8, à Muskoka. C'est donc une idée qui fait son chemin.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, comme je l'ai dit en commission, nous vous ferons parvenir le dernier rapport du Groupe pilote sur les financements innovants, présidé par le Japon, et dont la France est secrétaire.
Tous les rapports de ce groupe vont dans le même sens : il est beaucoup moins difficile de financer ces projets que de lancer le Fonds global, comme l'a fait la France. Il existe trois hypothèses pour le financement. Selon nous, il devrait prendre la forme d'une contribution sur les transactions mobilières, c'est-à-dire sur tous les échanges financiers. Les limites du dispositif restent à définir, pour savoir qui sera concerné : les entreprises, la spéculation, les échanges personnels, etc.
La solution que nous avons retenue est une contribution de 0,005 %, ce qui représente, je ne cesserai de le répéter, 5 centimes d'euros prélevés sur mille euros échangés. C'est tout à fait inoffensif et inodore !
Quelques pays importants peuvent-ils lancer ce projet, ou faut-il un lancement collectif nécessitant l'accord des 192 pays siégeant à l'Assemblée générale des Nations unies ? C'est clairement la première solution qui doit prévaloir.
Si nous ne prenons pas l'initiative, cela ne marchera jamais ! C'est ainsi que les fonds éthiques ont démarré, lancés par quelques établissements bancaires et quelques pays. Finalement, cela fonctionne très bien !
Je pense, pour ma part, et nous verrons ce qu'il en sera du G8 et du G20, qu'un groupe de cinq ou six pays européens, mais non les moindres, favorables à cette idée, pourraient lancer ce projet.
Cette idée avance, Monsieur Collin, même si nous n'avons, pour le moment, aucun bénéfice matériel à en attendre. Il sera très facile, par l'intermédiaire des banques et des établissements financiers, de prélever une contribution de 0,005 % sur les échanges. Ce n'est tout de même pas énorme !
S'agissant du Fonds global, Monsieur le Président de Rohan, vous avez raison : si nous contribuons plus encore par l'intermédiaire de l'ONU, on nous reprochera de ne pas être assez présents. Ce fonds global doit-il passer par l'ONU ? C'était le cas au début, avant qu'il n'en soit détaché pour être plus autonome. Mais l'idée est née au sein des Nations unies.
Avec une contribution de 0,005 %, on parviendra à réunir une somme de 30 à 40 milliards d'euros par an, ce qui permettra, Madame Keller, d'assurer l'éducation de tous les enfants des pays pauvres. Ce n'est pas mal !
Faut-il créer un fonds pour cela ? Comment l'aide serait-elle distribuée ? Qui contrôlerait ce fonds et les résultats de l'aide ? Voilà des questions ardues ! Nous devons en discuter.
Nous avons, je le redis, l'expérience du Fonds global, dont la France a été à l'origine : au début, on ne savait pas comment le contrôler. Il doit représenter pour nous un modèle, dans la mesure où, depuis sa création, les ??vasions et les scandales ont été peu nombreux, même s'il arrive de temps en temps que l'on cesse d'aider un pays.
Monsieur Hue, vous avez évoqué le domaine réservé. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe depuis bien longtemps. Or je me souviens que, dans les années passées, certaines réserves vous étaient plus sympathiques ! La politique étrangère constitue le domaine réservé par excellence : c'est là une tradition de la Ve République.
Vous avez également pointé du doigt les profits réalisés par les entreprises. Oui, les entreprises font des profits, et c'est bien naturel ! Si elles n'en faisaient pas, cela se saurait ! Ce serait alors, le plus souvent, des entreprises nationales. S'il peut y avoir, ici ou là, des adaptations envisageables, les appels d'offre demeurent la règle. Les entreprises françaises doivent se montrer compétitives, ce qui n'est pas toujours le cas.
Les exemples fournis à propos du Soudan et du Niger le prouvent. Vous n'ignorez pas, monsieur Guerry, que c'est Total qui a refusé de s'installer au Niger, du fait d'une situation politique dangereuse. De même, le Soudan n'était pas facile d'accès, en particulier le sud de ce pays. Il y avait pourtant des opportunités historiques à saisir ! D'ailleurs, notre entreprise pétrolière s'implante de nouveau dans ces régions. Mais elle doit désormais faire face à la concurrence chinoise. Qui pourrait reprocher aux entreprises chinoises de s'être implantées sur ce marché ?
Madame Tasca, vous avez fait preuve d'un grand optimisme quant à l'évolution du continent africain. Je partage votre sentiment. La tendance générale, comme les chiffres que vous avez cités, semblent confirmer cette évolution positive, dont nous devons tenir compte. Vous avez souligné l'expertise de la France. Même si elle est quelque peu datée et qu'elle s'éloigne des réalités de l'Afrique, nous devons la mettre en avant, en proposant à nos amis chinois, turcs et britanniques de bâtir autant que possible des offres communes. C'est la seule façon d'agir. Il existe d'ailleurs, en matière de développement, un groupe franco-chinois qui se réunit très régulièrement.
J'ai apprécié les propos que vous avez tenus sur le thème du codéveloppement et de l'immigration. Malheureusement, la pauvreté, l'emprise de la tradition et les marchands d'esclaves n'attendent pas. Codéveloppement et maîtrise du flux migratoire ne sont pas toujours corrélés. Les migrants tentent leur chance, même lorsqu'on leur soutient qu'en développant leur pays ils n'auront pas à essayer, au péril de leur vie, de gagner les pays riches. Eh oui !
Je suis évidemment favorable à équilibrer le plus possible codéveloppement et immigration. Mais, en réalité, il y a tous les jours des gens qui frappent à la porte des pays riches, qui franchissent la mer Méditerranée au péril de leur vie, et qui meurent. Les migrants n'empruntent pas nécessairement le détroit de Gibraltar. Bien souvent, ils viennent de beaucoup plus loin. Demandez à nos amis grecs combien ils en accueillent chaque jour ? Il en résulte un « trafic « effrayant, qu'il convient d'endiguer.
Je reprends vos exemples, Monsieur Guerry. Vous vous dites partisan d'un dialogue entre le Tchad et le Soudan. C'est évident ! Je suis d'ailleurs plutôt satisfait des avancées dans ce domaine. Les accords de Doha seront-ils acceptés par tous ? Je ne sais pas. Mais il est clair qu'un certain nombre de pays ne respectent pas les règles et continuent de fournir des armes aux pays en développement. Vous l'avez d'ailleurs souligné.
Pour ce qui est du Niger, l'uranium suffira-t-il ? Je l'ignore. La situation que nous affrontons autour des mines d'uranium n'est pas simple. Nous sommes particulièrement attentifs à tout ce qui serait susceptible de protéger nos populations. Nos ressortissants ont d'ailleurs été évacués, comme vous le savez, d'une « zone rouge «, définie comme très dangereuse. Nous y reviendrons.
Lors de la réunion du CICID qui s'est tenue en 2009, il a été exigé une révision de nos indicateurs bilatéraux. Nous avons d'ailleurs confié à l'inspection générale des finances le soin d'évaluer nos contributions bilatérales et multilatérales. Les conclusions de cette mission devraient nous parvenir dans les semaines qui viennent.
Madame Lepage, nous nous efforçons de répondre à l'objectif de 0,7 % du RNB en 2015. J'ignore si nous y parviendrons, même si je le souhaite ardemment. Notre aide au développement équivaut aujourd'hui à 0,49 % du RNB, et nous devrions atteindre 0,51 % l'année prochaine.
Vous avez évoqué, Madame, les moyens de développer la formation. Je voudrais vous faire part d'un chiffre souvent méconnu : il y a, en France, près de 22 000 étudiants chinois, dont la formation, intégrée à la politique de développement, coûte chaque année 100 millions d'euros. C'est là un effort considérable, qui ne concerne que les étudiants chinois. Mais on accueille bien sûr des étudiants étrangers d'autres nationalités, notamment africaines, dans nos universités et nos écoles !
Vous avez fait allusion à ces sondages qui font état de la volonté des Français de renforcer l'aide au développement, ce dont je me réjouis. Ce sont tout de même eux qui la financent ! Mais il faudra leur rappeler cette intention initiale dans les années à venir.
Madame Keller, vous avez souligné l'évolution, très positive, de l'aide au développement. Je vous en remercie.
Dans les pays africains, qui représentent 60 % de nos efforts, nous menons des entreprises beaucoup plus proches des populations. Je l'ai dit, la tendance générale est en effet à se dégager, autant que possible, des gouvernements. Sans les mépriser, en les acceptant tels qu'ils sont, nous essayons de nous approcher au plus près des collectivités, des hommes et des femmes.
Certes, ce n'est pas toujours possible. En effet, il n'y a pas toujours d'ONG locale susceptible de relayer notre aide. Dans ce cas, nous travaillons avec des ONG françaises ou internationales, même si ces dernières sont généralement plus proches des gouvernements centraux et des ministères. Vous connaissez les chiffres : près de 40 % de l'aide s'évapore ! Ce chiffre est évidemment une moyenne, et cette évaporation ne sévit pas dans tous les pays.
Je voudrais maintenant insister sur la formation professionnelle. Vous avez évoqué le cas, en Afrique, de personnes qualifiées, notamment des médecins, qui gagnent les pays riches pour y exercer leur profession. C'est un fait ! Mais nous venons de mettre en place, aujourd'hui avec le Sénégal et demain avec le Maroc, une formation professionnelle, d'une durée de trois ans, qui s'appuie sur les fédérations professionnelles et le réseau de coopération. Elle semble bien fonctionner jusqu'à présent.
Au lieu d'accorder des bourses pour des cursus universitaires n'offrant pas de débouché particulier en Afrique - cela demeure bien entendu possible -, nous prenons en compte les besoins professionnels exprimés par les entreprises locales. Ces trois ans de formation accompagnée par les fédérations professionnelles fonctionne bien au Sénégal, premier pays concerné par ce dispositif. Nous entendons l'étendre.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, je ne reviendrai pas sur la question des transactions financières. Je vous suis très reconnaissant de ce débat. Grâce au président de Rohan et à la Commission des affaires étrangères, nous avons pu, les uns et les autres, et surtout moi, tirer profit de ces critiques, extrêmement positives.
Certes, 9 milliards d'euros, ce n'est pas suffisant, mais c'est tout de même considérable ! Nous n'avons pas à rougir de la position française en matière d'aide au développement, même s'il faut aller toujours plus loin dans ce domaine.
En effet, la France est, cette année, le deuxième contributeur mondial d'aide au développement. Certes, ce ne sera plus le cas l'an prochain, mais nous n'avons pas à rougir de notre rang au sein des pays européens, même s'il faut saluer l'effort de la Grande-Bretagne qui, en dépit d'une situation économique toujours difficile et d'une réduction de 25 % du budget du Foreign Office, a maintenu son aide. Je préférerais bien évidemment que nous puissions augmenter notre aide. Mais ce débat a montré que, dans ce domaine, nous n'étions pas les moins efficaces !Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010